Texte intégral
Vous avez répondu nombreux à mon invitation pour échanger aujourdhui autour de la nouvelle loi, et je vous en remercie.
Cette loi suscite des inquiétudes, sachez que je les ai entendues.
La loi de 1990 est très structurante dans vos fonctionnements, et, en même temps, nombre dentre vous en demandent lévolution, depuis une quinzaine dannées. Le Conseil constitutionnel lui-même nous y a invités dans deux décisions récentes, avec comme date butoir le 1er août.
Cest ensemble que nous allons relever ce qui sapparente à un véritable défi.
Quy a-t-il dans cette loi ?
Tout dabord, les fondements de la loi de 1990 ne sont pas bouleversés, jai même tenu à les confirmer. Jai veillé en effet à ce que les soins psychiatriques libres demeurent la règle, et que les hospitalisations sous contrainte ne soient quune exception, lorsque létat du patient lexige.
Jai aussi souligné au cours des débats au Parlement à quel point lalliance thérapeutique demeurera toujours une composante essentielle de la relation entre un médecin et son malade.
La novation apportée par la loi, cest avant tout la possibilité de prendre en charge pour les patients sous contrainte au moyen de soins ambulatoires et non plus seulement au moyen dhospitalisations complètes.
Le médecin pourra proposer au patient un programme de soins à lextérieur de lhôpital, qui sera une forme de prise en charge pleine et entière. Le psychiatre est la personne centrale dans ce dispositif, cest le psychiatre qui propose de lever lhospitalisation, cest le psychiatre qui propose le programme de soins et qui le définit, cest le psychiatre qui demande le cas échéant la réhospitalisation ou la fin des soins.
La loi, en offrant ces soins dans la communauté, met la psychiatrie au même que la chirurgie ou la médecine avec la possibilité dune prise en charge ambulatoire pour tous les patients. Elle permet ainsi, à tous, des formes de soin psychiatrique moderne, dans tous les lieux de la cité, des soins qui permettent aux patients de rester au maximum insérer dans leur lieu de vie. La psychiatrie française peut leur offrir cette qualité des soins : elle a été lune des premières à souvrir vers lextérieur avec la politique de secteur. A cet égard, la loi sinscrit dans lévolution que vous avez vous-mêmes donné à vos pratiques.
A travers cette loi, jai aussi tenu à apporter une réponse aux situations très délicates auxquelles vous êtes confrontés au quotidien. Je pense à ces moments où vous accueillez une personne qui a besoin de soins immédiats, alors que vous ne trouvez aucun tiers pour formuler une demande. Je sais que vous et vos équipes passez des heures à chercher ces tiers, et que parfois vous êtes contraints de laisser partir la personne malade au détriment de sa santé. Désormais, vous pourrez prendre en charge cette personne, en parfait accord avec la déontologie.
Jai aussi souhaité apporter un soin particulier à la situation des patients hospitalisés pour irresponsabilité pénale ou en Unité pour Malades Difficiles. La loi prévoit dasseoir la demande de sortie sur un avis collégial et pluriprofessionnel.
Enfin, nous avons répondu aux questions prioritaires de constitutionnalité.
Il sagit dune part de soumettre au contrôle systématique du Juge des Libertés et de la Détention le bien-fondé des hospitalisations complètes sous contrainte, dès lors que leur durée excède 15 jours, puis 6 mois. Cette saisine automatique sajoute à la saisine facultative, exercée à tout moment par la personne soignée.
Il sagit également de sassurer que lhospitalisation doffice est réservée aux cas dans lesquels elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à létat du malade et de soumettre donc la prolongation dune mesure dhospitalisation doffice à la demande conforme de deux psychiatres.
Nous avons aussi introduit de nouvelles dispositions en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet. En effet, lorsque le psychiatre propose la fin de la mesure sous forme dhospitalisation complète (ce que lon a appelé une « sortie sèche »), et que le préfet ne suit pas cet avis, le juge des libertés et de la détention sera désormais saisi par le directeur de façon systématique.
Il sagit là de dispositions essentielles qui améliorent les droits des patients, et vous permettront de mieux travailler.
Il en est de même pour ce qui concerne lunification du contentieux. A compter du 1er janvier 2013, le juge des libertés et de la détention sera compétent pour statuer sur les irrégularités des décisions administratives de placement, de prolongation et de renouvellement. Ce nouveau bloc de compétences au profit du juge judiciaire est une demande réitérée des directeurs détablissement et des usagers, et jy ai été très sensible, car cela va faciliter laccès de tous au droit.
Nous allons tous ensemble mettre en uvre ce nouveau dispositif et jy apporterai une attention toute particulière.
Je sais quau delà des principes qui structurent cette loi, cest bien la mise en uvre concrète de cette réforme qui est essentielle. Jai conscience que cette mise en uvre nest pas évidente, et nous allons tout faire pour vous y aider. Vous avez déjà transmis de nombreuses questions, elles sont très pertinentes et nous allons y répondre, aujourdhui et au cours des prochaines semaines. Le ministère de la santé vous accompagnera pour traduire précisément la loi à la diversité des situations individuelles que vous rencontrerez.
Je souhaite que tout au long de lété, dans chaque département, une cellule opérationnelle soit mise en place rassemblant les délégués territoriaux des ARS, les procureurs, les préfets et les directeurs concernés. Au niveau national, nous serons à lécoute de ces cellules pour apporter en temps réel les réponses à leurs questions. Je remercie donc dores et déjà les établissements de bien vouloir se tourner en première intention vers leurs ARS pour toutes les questions qui se poseront au cours des prochaines semaines.
Par ailleurs, et comme je lai dit à plusieurs reprises, la psychiatrie na pas seulement besoin de mesures législatives et réglementaires. La psychiatrie a besoin de sens, et de grandes orientations pour son devenir, pour quensuite les acteurs de terrain pensent les dispositifs les mieux adaptés aux spécificités locales.
Notre pays doit rediscuter des grands objectifs de la psychiatrie, et des axes nationaux damélioration prioritaires.
Pour ma part, et comme je lai souligné plusieurs fois, je veux que les personnes qui entrent dans la maladie soient aidées et soignées plus rapidement quaujourdhui.
Je veux que les ruptures de prise en charge diminuent et que les aidants soient mieux accompagnés,
Je veux que les situations durgence psychiatrique trouvent, en tout endroit du territoire national, une réponse adaptée,
Je veux aussi que, quel que soit le lieu où ils habitent, y compris lorsquils sont suivis par le secteur médico-social, nos concitoyens bénéficient dune qualité des soins dun niveau équivalent.
Je veux, quà partir dun diagnostic partagé, de telles orientations soient débattues et élaborées, avec vous, les représentants des professionnels, des employeurs, mais aussi les usagers et les sociétés savantes.
Cest sur ces sujets majeurs que je vais travailler avec vous dans le cadre du plan psychiatrie santé mentale, dont jai installé lundi dernier le comité dorientation pour mener cette construction collective.
CONCLUSION
Mesdames et Messieurs,
Cette demi-journée a été conçue pour vous, et jespère quelle répondra à vos attentes.
Jai demandé à Pascal Maurel, journaliste, dêtre présent parmi nous, pour garantir la meilleure interactivité, car je veux que cette session soit véritablement utile à chacun dentre vous. Tout au long de lété, le ministère de la santé complètera le site internet dédié, par les réponses aux questions que les ARS nous poseront.
La réforme de la loi de 1990 nest pas une réforme anodine. Elle touche aux subtils équilibres de notre système de santé, entre le consentement, laccès aux soins, la contrainte, les droits, lintimité.
La loi apporte des garanties supplémentaires, pour lensemble des acteurs concernés, en mettant au cur du dispositif le psychiatre et léquipe soignante, lesquels visent un seul but : laccès aux soins, la continuité de ces soins, lalliance thérapeutique, la protection des personnes et le respect des libertés et des droits.
Je compte vraiment sur vous.
Je vous remercie.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 7 juillet 2011