Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la politique du handicap, l'accessibilité des personnes handicapées et la scolarisation des enfants handicapés, Paris le 8 juin 2011.

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Certains rendez-vous sont, plus que d'autres, attendus. Suscitant des élans et fédérant des énergies, ils marquent notre volonté commune d'avancer ensemble sur des sujets majeurs pour notre société.
Assurément, cette 2e conférence nationale du handicap est de ceux-là.
En rassemblant pouvoirs publics et société civile autour de la politique du handicap, elle témoigne de notre mobilisation collective et de notre conviction : le handicap n'est pas l'affaire des seules personnes handicapées, il n'est pas seulement l'affaire de l'Etat ; il est l'affaire de tous.
Le lieu qui nous accueille aujourd'hui l'illustre d'ailleurs parfaitement : l'accessibilité, cet objectif incontournable, devient une réalité dès lors qu'il répond à une volonté forte. Je vous félicite, cher Alain Seban, pour l'implication de votre centre et je vous remercie de nous en ouvrir les portes pour cet événement exceptionnel.
C'est avec beaucoup de joie et de fierté que j'ouvre ce matin cette journée d'échanges. Depuis de longues semaines déjà, le Gouvernement s'y prépare assidûment. Je m'y prépare résolument.
Pour ce faire, nous avons eu la chance de nous appuyer sur les travaux de 3 instances consultatives, le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), l'Observatoire national sur la formation, la recherche et l'innovation sur le handicap (ONFRIH) et l'Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (OBIACU). Dès à présent, je voudrais donc les remercier.
Car j'ai pu, au fil des mois, apprécier la mobilisation exemplaire de leurs participants, sous l'égide de leurs présidents respectifs, Patrick Gohet, Jean-Louis Faure et Sylvie Desmarescaux.
Après avoir réuni associations, experts, entreprises et partenaires sociaux, vous nous avez livré des rapports de haute qualité, dont nous avons examiné les 480 propositions avec une grande attention.
Trouvez ici l'expression de notre reconnaissance.
A ce rendez-vous, le Gouvernement n'est évidemment pas le seul à s'être préparé.
Je sais combien vous tous, associations représentatives des personnes handicapées, représentants des organismes gestionnaires des établissements et services, représentants des départements et des organismes de sécurité sociale, organisations syndicales et patronales et organismes qualifiés, mais aussi entreprises, gestionnaires d'équipements publics ou privés, responsables de la politique des transports ou du logement, élus locaux ou parlementaires, êtes depuis longtemps mobilisés.
Cet engagement est, bien sûr, l'une des conditions de réussite de cette conférence, dont l'objectif est bien de mettre en marche la société tout entière, pour favoriser la participation pleine et entière des personnes handicapées.
Quel but poursuivons-nous, en effet, avec cette conférence ?
Prévue par la loi du 11 février 2005, la tenue, tous les 3 ans, d'une conférence nationale du handicap vise à entretenir l'impulsion donnée par la loi à la politique en faveur des personnes en situation de handicap.
Ce rendez-vous régulier est primordial. Il nous offre l'occasion de dresser un bilan de notre action et de proposer, ensemble, de nouvelles orientations pour la politique du handicap.
Je suis donc parfaitement consciente de la responsabilité qui nous incombe à tous. Je dis bien « à tous », car le respect des grands principes de la loi de 2005 repose sur la société dans son ensemble : associations, professionnels, entreprises, représentants de l'Etat.
Le Rapport mondial sur le handicap, publication conjointe de l'Organisation mondiale de la santé et de la Banque mondiale qui doit paraître demain, souligne bien que les obstacles à la participation à la vie de la Cité des personnes handicapées sont créés par la société elle-même. C'est donc bien une problématique globale qui concerne l'ensemble de la société.
Vous pouvez être certains, à cet égard, que je suis pleinement à votre écoute, aujourd'hui comme toujours, car c'est grâce au partenariat et à la concertation que naîtront des avancées concrètes pour les personnes en situation de handicap.
A l'issue des travaux de la conférence, le Gouvernement remettra aux assemblées parlementaires un rapport qui aura fait préalablement l'objet d'un avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Ce sera là un nouveau signe de la mobilisation de l'ensemble de la société autour des 3 ambitions de la loi du 11 février 2005 : l'égalité des droits et des chances, la citoyenneté des personnes handicapées et leur participation à notre société.
Comment avancer ensemble pour être au rendez-vous de 2015 et des échéances futures ? Voilà la question que nous devons nous poser au moment de lancer cette conférence.
Les différentes tables rondes, ainsi que l'allocution, tout à l'heure, du Président de la République, nous permettront d'y répondre. La présence du chef de l'Etat et de 10 ministres ou secrétaires d'Etat dit assez l'ampleur de la mobilisation du Gouvernement.
Pour ma part, je voudrais profiter de ce discours d'ouverture pour dresser un bref bilan des actions engagées, car avant d'indiquer où nous voulons aller, il me semble important de reconnaître ensemble le chemin accompli.
Depuis la dernière conférence du handicap, il y a 3 ans, le Gouvernement a continué de mener une politique active en faveur des personnes en situation de handicap.
Dans des domaines aussi variés que la scolarisation, 'emploi ou le fonctionnement des MDPH, la situation des personnes handicapées s'est améliorée.
Les moyens consacrés à la politique du handicap ont augmenté de 32,4 % sur la période 2005-2010 inclus, passant de 28,1 milliards d'euros à 37,2 milliards d'euros.
Pour améliorer le niveau de ressources des personnes en situation de handicap, le Président de la République a pris l'engagement d'augmenter l'allocation aux adultes handicapés (AAH) de 25 % sur la durée du quinquennat. Ainsi, le montant de l'AAH atteindra 776 euros en 2012.
Le nombre de places en établissements et services pour personnes handicapées a été renforcé. En 2005, il existait 278 850 places en établissements et services. En 2009, sur le même champ, on en comptait 313 340, soit 34 490 nouvelles places.
Au 31 décembre 2010, les 3/4 des crédits du plan pluriannuel de création de 51 400 places en établissements et services avaient déjà été notifiés aux agences régionales de santé et, à mi-parcours, 50 % des nouvelles places étaient déjà autorisées.
En ce qui concerne la scolarisation, force est de constater les avancées réalisées.
A la rentrée 2010, plus de 200 000 enfants handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire, soit 33 % de plus qu'en 2005. Pour ce faire, des moyens considérables ont été déployés.
L'accompagnement individuel à l'école ordinaire a notamment progressé de manière considérable : le nombre d'enfants bénéficiant d'un auxiliaire de vie scolaire a été multiplié par 3 depuis 2005 et par un 1,7 depuis 2008.
Parallèlement, les dispositifs de scolarisation collective dans des classes adaptées se sont développés.
L'objectif de 2 000 unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) pour la rentrée 2010 a ainsi été atteint et même dépassé. La création des pôles d'accompagnement pour la scolarisation des élèves sourds (PASS) a permis la scolarisation en milieu ordinaire des élèves sourds et malentendants, quel que soit le mode de communication choisi par la famille. La liberté de choix est ainsi offerte aux familles.
Pour autant, je ne le nie pas, des difficultés demeurent. Je connais vos attentes sur la qualité de l'accompagnement des élèves, sur l'amélioration de la coopération entre éducation ordinaire et éducation adaptée, sur l'accessibilité de l'école et la formation des enseignants.
A travers cette CNH, ce sont des engagements forts qui devront être pris dans ce sens.
Dans le domaine de l'emploi, nous pouvons nous accorder sur les améliorations observées ces dernières années.
Près de la moitié des entreprises dépassent déjà le taux de 6 % de travailleurs handicapés et le nombre des entreprises « à quota zéro » a diminué de 93 % entre 2008 et 2010. Sur cette même période, le nombre de demandeurs d'emploi handicapés a augmenté moins vite que l'ensemble des demandeurs d'emploi (+ 20 % contre + 25 %).
'Car ce rapide bilan ne doit pas nous faire oublier l'essentiel : notre action est loin d'être terminée.
Aussi, avant de vous laisser la parole, je voudrais vous livrer les grands objectifs qui sont les miens en matière de politique du handicap et qui, selon moi, doivent nous guider, pour aujourd'hui et pour demain.
Ainsi, je souhaite que nous avancions sur l'accessibilité, la scolarisation, l'emploi et l'amélioration du service rendu aux usagers.
Qu'il s'agisse des conditions de participation à la Cité et de l'accès au droit commun ou des services spécifiques offerts aux personnes handicapées, notre vigilance, en effet, doit être maintenue et même renforcée.
Je l'ai maintes fois rappelé : l'accessibilité est l'un des piliers de la politique du handicap.
Elle ne concerne d'ailleurs pas seulement le handicap moteur, mais tous les types de handicap.
Plus largement, il s'agit d'un enjeu de société, et en aucun cas d'un enjeu catégoriel. L'accessibilité, en effet, est un moyen d'améliorer la qualité de vie et le confort de tous, et pas seulement d'une partie de la population. L'échéance de 2015 n'est donc pas négociable.
En la matière, mes objectifs sont clairs : j'entends faire partager le sens et les objectifs de la politique de mise en accessibilité par toute la société ; améliorer la formation et développer les connaissances sur l'accessibilité et la conception universelle ; et enfin améliorer l'accès aux biens et aux services, dans une logique d'accès aux droits.
Parmi les mesures que nous prendrons en faveur de l'accessibilité, je ne citerai qu'un seul exemple : le lancement de l'expérimentation d'un centre d'appels pour les déficients auditifs, comme nous nous y étions engagé en 2008. Ce centre permettra de rendre accessibles les communications téléphoniques, en temps réel, entre une personne sourde et son interlocuteur entendant, en tenant compte des différents modes de communication utilisés : langue des signes française, transcription écrite simultanée ou langage parlé complété.
Pour ce qui est de la scolarisation et de l'accès aux savoirs en général, il me semble capital de faire de l'école un vecteur d'inclusion pour les enfants handicapés ; de trouver une solution de scolarisation adaptée aux besoins de chacun ; et de développer la qualification des jeunes grâce à l'enseignement supérieur.
J'en suis convaincue : l'école est une condition nécessaire à la participation des personnes en situation de handicap à la vie de la Cité. C'est grâce à l'école que l'on commence sa vie sociale, que l'on peut accéder à une formation et donc, plus tard, à l'emploi. Pour tous les enfants, l'école est aussi le lieu de l'apprentissage de la différence, ce bien si précieux.
En matière d'emploi, je souhaite que notre action soit guidée par quelques exigences :
* faciliter l'entrée sur le marché du travail des jeunes handicapés ;
* accompagner l'évolution professionnelle des travailleurs handicapés et prévenir la désinsertion professionnelle ;
* améliorer l'accès à l'emploi des plus en difficulté ;
* moderniser le travail en milieu adapté et en milieu protégé ;
* soutenir l'effort des entreprises ;
* rénover le pilotage de la politique de l'emploi.
Enfin, l'amélioration de la qualité du service rendu aux personnes handicapées est une priorité.
De ce point de vue, les dispositions de la PPL Blanc - examinée au Sénat le 28 juin -  contribueront à mettre fin à l'instabilité des personnels ou à certaines lourdeurs dans la gestion des demandes et apporteront plus de visibilité aux MDPH sur leurs moyens, afin d'améliorer le service rendu aux usagers.
La dette résiduelle de l'Etat envers les MDPH sera réglée en totalité en 2011.
Pour apporter des réponses aux plus fragiles, nous voulons, enfin, assurer la pérennité des fonds départementaux de compensation, qui permettent une couverture personnalisée des besoins de compensation les plus coûteux. Un abondement pluriannuel de ces fonds par l'Etat sera ainsi garanti, avec un abondement dès cette année de 11 millions d'euros.
Vous pouvez le constater, mes objectifs sont clairs et j'aurai le plaisir d'y revenir cet après-midi. En attendant, je souhaite vous écouter.
Sur chacun des thèmes abordés lors des tables rondes - accessibilité du cadre bâti, transports, culture et sports, enseignement supérieur et recherche, scolarisation, emploi et formation -, les intervenants, que je tiens à remercier pour leur présence, auront à cœur, je n'en doute pas, de mener un dialogue constructif.
Car les efforts à fournir sont encore importants, et notre détermination, intacte.
Du reste, d'autres échéances nous attendent, et notamment le débat national sur la dépendance qui aborde bien sûr aussi la question de l'accessibilité et la situation des personnes handicapées vieillissantes.
Pour aujourd'hui, je ne peux que nous souhaiter à tous d'excellents travaux, placés sous le signe de l'exigence et du respect de la différence, comme nous y invite la belle exposition des artistes du pôle artistique de l'ESAT Ménilmontant..

Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 9 juin 2011