Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la politique en faveur des handicapés, notamment l'inclusion sociale et l'accessibilité, Paris le 8 juin 2011.

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Circonstance : Conférence nationale du handicap à Paris le 8 juin 2011

Texte intégral


Je voudrais d'abord vous remercier et vous féliciter pour ces tables rondes dynamiques et constructives. Je veux ainsi m'adresser à chacune et chacun d'entre vous, mes chers collègues, chers amis représentants d'associations et professionnels, qui vous êtes mobilisés pour cette journée. C'’est le signe de l'engagement du Gouvernement et de la société dans son ensemble pour faire avancer la politique du handicap.
La diversité des points de vue qui se sont exprimés sans tabou prouve une nouvelle fois notre volonté collective de nous approprier un sujet qui nous concerne tous.
Car parler du handicap, de tous les handicaps, c'est évoquer la façon dont notre société fait une place à chacun et à tous. Ministre de la Cohésion sociale, je suis particulièrement sensible à ce principe qui doit être au cœur de notre projet commun : le principe d'inclusion. Le thème choisi pour cette conférence nationale du handicap ? « pour une société inclusive à tous les âges de la vie » ? doit ainsi, plus largement, guider l'ensemble de notre action.
De ce point de vue, je veux le dire clairement : non, la politique que nous conduisons n'est pas une politique de charité !
Cela, les personnes en situation de handicap seraient les premières à le refuser ! Car elles ne veulent certainement pas être assistées.
Ce qu'elles veulent, c'est se sentir pleinement intégrées à notre société et avoir les mêmes droits et les mêmes chances que tous les autres.
Toutes les orientations qui détermineront notre politique du handicap pour les prochaines années ne suivront pas d'autre but.
Je reprendrai ici les propos que Thierry Mariani tenait ce matin : la question de la mobilité, par exemple, est bien un enjeu en termes de participation et d'égalité des chances.
Si l'on devait résumer notre action pour les prochaines années, le maître-mot serait celui de « cohérence ».
Cohérence avec ce qui a déjà été fait dans le domaine du handicap.
Et cohérence des mesures entre elles, qui, toutes, représentent un pas de plus vers la pleine participation des personnes en situation de handicap à la vie de la Cité.
Je ne prétends pas proposer ici une synthèse exhaustive de cette journée fort dense. Je voudrais plutôt souligner les grands principes qui ressortent de nos échanges et qui sont en fait les principes directeurs de notre action. J'en ai retenu 6 :
1) faire évoluer l'image du handicap ;
2) garantir l'accès de tous à tout ;
3) garantir l'égalité de traitement ;
4) mieux prendre en compte le handicap dans les politiques publiques et dans les pratiques professionnelles ;
5) proposer une réponse personnalisée aux besoins de chacun, y compris des plus fragiles ;
6) promouvoir le dialogue, la co-construction, grâce à la gouvernance de la politique du handicap introduite par la loi de 2005.
1) Faire évoluer l'image du handicap, d'abord.
La place que nous réservons aux personnes en situation de handicap dans notre société dépend du regard que nous portons sur elles.
Il est essentiel, à cet égard, de déconstruire les stéréotypes et de faire évoluer les mentalités.
Pour répondre à cet impératif, plusieurs mesures importantes seront mises en place.
Avec Luc Chatel, nous allons mettre en œuvre chaque année, à l'occasion de la journée mondiale des personnes handicapées le 3 décembre, des actions de sensibilisation sur le handicap dans les établissements scolaires.
Pour promouvoir la représentation des personnes en situation de handicap dans les médias, une convention d'objectifs sera signée avec France Télévisions. Autre moyen de faire évoluer l'image du handicap dans la société : le lancement d'un festival du « film handicap ».
2) Deuxième principe directeur : garantir l'accès de tous à tout.
Je le disais ce matin : l'accessibilité est une priorité majeure. Comme vous l'avez justement souligné, cher Jean Canneva, l'accessibilité n'est pas un problème d'architecte, mais une question politique.
Aussi, je vous le répète, cher Jean-Marie Barbier, cet objectif n'est pas négociable.
Un centre de ressources doté d'un site Internet (www.accessibilite.gouv.fr) viendra en appui des professionnels.
Il est important, en outre, de rendre l'école toujours plus accessible, grâce au développement de la formation des enseignants à la prise en compte du handicap et à l'adaptation des manuels scolaires. Cela a bien été dit lors des tables rondes : l'engagement de l'Etat en matière de scolarisation ne se limite pas aux auxiliaires de vie scolaire.
Pour soutenir l'effort d'accessibilité de l'enseignement supérieur aux étudiants handicapés, la charte « Université et handicap » sera renouvelée, grâce à l'implication de ma collègue Valérie Pécresse.
L'accès de tous à tout, c'est aussi l'accès à la culture et au patrimoine touristique. Avec Frédéric Mitterrand, il nous faut généraliser, en ce sens, la transposition de la convention culture-santé au secteur médico-social, actuellement expérimentée dans 5 régions.
Pour valoriser les destinations touristiques accessibles, nous assurerons le déploiement du label « Destination pour tous ».
Enfin, avec vous, cher Philippe Chazal, je ne veux pas l'oublier : l'accessibilité est aussi un enjeu de sécurité.
3) Troisième principe : garantir l'égalité de traitement.
Il s'agit, par exemple, d'améliorer les pratiques d'évaluation des MDPH en matière d'orientation et d'accompagnement scolaires, pour une meilleure équité de traitement et une meilleure adéquation aux besoins de l'enfant. Cela passera par la diffusion d'outils d'évaluation et par la généralisation des évaluations dans la classe et non plus a priori.
4) Quatrième principe : mieux prendre en compte le handicap dans les politiques publiques et les pratiques professionnelles.
Il nous faut tendre à une véritable prise de conscience : la prise en compte du handicap fait évoluer les pratiques, au bénéfice de tous.
Intégrer des personnes handicapées dans une entreprise, c'est repenser collectivement nos organisations de travail, renforcer la cohésion entre collaborateurs et améliorer le bien-être de tous. Prendre en compte la différence et favoriser la conception universelle, c'est permettre à tous ceux qui le souhaitent de profiter d'un bien ou d'un service.
C'est pourquoi le handicap doit inspirer l'ensemble de nos politiques publiques. La présence de mes collègues aujourd'hui en témoigne : le handicap n'est pas seulement l'affaire de la ministre des affaires sociales que je suis.
Par exemple, Valérie Pécresse va actualiser la stratégie nationale de la recherche et prendra en compte à cette occasion le handicap, en associant les représentants d'associations de personnes handicapées. Il est important également de s'assurer que nos différents plans de santé publique s'adressent aussi aux personnes en situation de handicap, notamment pour garantir que les différentes campagnes soient accessibles à tous, y compris à ceux qui vivent en établissement et en foyer.
Pour faire évoluer les pratiques professionnelles, l'accent doit être mis sur la formation : celle des enseignants scolarisant un élève handicapé dans leur classe, afin de les mettre en condition d'accueillir, dès le premier jour, cet élève dans des conditions satisfaisantes ; celle des professionnels, avec la création d'une chaire consacrée à l'accessibilité au conservatoire national des arts et métiers (CNAM) ou avec un plan national de formation des membres des commissions départementales de sécurité et d'accessibilité.
Bien sûr, l??Etat se doit d'être irréprochable, et mon collègue François Baroin veillera à ce que la formation à la prise en compte du handicap des agents en charge des ressources humaines dans la fonction publique soit développée.
Dernier exemple de mesure destinée à aller plus loin pour faire émerger de nouveaux métiers et mieux répondre aux besoins des personnes : le lancement d'un plan des métiers du handicap, orienté notamment vers le développement des métiers de l'accessibilité et de la conception universelle.
5) Cinquième principe : proposer une réponse personnalisée aux besoins de chacun, y compris des plus fragiles.
Ne l'oublions pas : nos politiques n'auront de sens et d'efficacité que si elles offrent une réponse réellement adaptée.
A tous les âges de la vie, dans toutes les situations dans lesquelles ils se trouvent, nos concitoyens doivent pouvoir trouver des solutions personnalisées en fonction de leurs besoins.
Vous l'avez rappelé, chère Nadine Morano, les jeunes en situation de handicap seront inscrits comme public prioritaire des contrats d'objectifs et de moyens relatifs à l'apprentissage entre l'Etat et les conseils régionaux.
Les parents lourdement handicapés qui ont de jeunes enfants se verront proposer une aide spécifique pour la garde de leurs enfants à domicile.
Une enveloppe de contrats aidés pour les travailleurs handicapés les plus éloignés de l'emploi sera définie chaque année par le préfet au niveau régional et la prescription des contrats aidés sera ouverte au réseau des Cap emploi.
Pour lutter contre la désinsertion professionnelle, plusieurs mesures accélèreront et favoriseront le processus de reclassement professionnel pour les salariés déclarés inaptes.
Autre besoin spécifique sur lequel il est important d'intervenir : l'accès au logement. Nous lancerons un chantier sur l'accompagnement à l'accès au logement, en expérimentant des formules innovantes appuyées par des services sociaux et/ou médico-sociaux.
En outre, Benoist Apparu en a parlé : un label, d'application volontaire, sera élaboré pour qualifier l'accessibilité et la qualité d'usage des bâtiments d'habitation dans leur environnement.
6) Sixième et dernier principe identifié : promouvoir le dialogue, la co-construction, grâce à la gouvernance de la politique du handicap introduite par la loi de 2005, tout en permettant à l'Etat de jouer son rôle.
J'ai déjà insisté ce matin sur la nécessité d'un partenariat renforcé. La co-construction, c'est associer les représentants d'associations à l'ensemble des décisions que nous prenons, comme nous l'avons fait pour l'organisation de cette conférence.
La question du pilotage de nos politiques est évidemment centrale.
Je pense en particulier, avec Xavier Bertrand, au pilotage rénové de la politique de l'emploi, avec la création d'un comité d'évaluation, présidé par une personnalité indépendante, chargé d'évaluer en continu l'ensemble des actions mises en œuvre. Cette mesure sera étendue à l'ensemble des partenaires dans le cadre de la future convention nationale d'objectifs et de moyens.
Nous nous y étions engagés : cette conférence nationale du handicap devait être l'occasion de prendre des mesures fortes. Le Président de la République en annoncera encore bien d'autres dans un instant.
Cependant, si cette journée est particulièrement importante, c'est vers toutes les autres que je veux me tourner : celles que nous construirons ensemble, pour que le handicap ne soit plus un « combat », selon les termes de Jean-Louis Garcia.
Car la réussite de cette CNH se mesurera à l'aune de tous les changements concrets qui seront apportés à la vie quotidienne des personnes en situation de handicap.
Cela, je ne saurais l'oublier.

Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 9 juin 2011