Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la réforme de la dépendance et les propositions en faveur des personnes âgées dépendantes, Paris le 15 juin 2011.

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Circonstance : Examen des travaux sur la dépendance par le Conseil économique, social et environnemental le 15 juin 2011

Texte intégral


Mes premiers mots seront pour vous remercier, cher Jean-Paul Delevoye, de m’accueillir une nouvelle fois au Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour me présenter le fruit de vos réflexions et de vos travaux.
Le 8 février dernier, le Président de la République lançait ici le grand débat national sur la réforme de la dépendance.
Dans cette perspective, le Premier ministre vous confiait une mission dont vous avez su vous emparer, collectivement, avec la rigueur et le sens des responsabilités qui vous caractérisent.
Ainsi, votre assemblée a fait la preuve, si besoin en était, qu’elle constitue un véritable organe de délibération dont les prérogatives ont d’ailleurs été renforcées.
Je tiens à vous adresser l’expression de toute ma gratitude pour la qualité du travail accompli, qui atteste, si besoin en était, la hauteur de vue du CESE sur une question qui nous concerne tous.
Naturellement, je veux remercier tout particulièrement le président de la commission temporaire dépendance, David Gordon-Krief, qui a su – et avec quel talent ! – faire vivre le débat.
N’est-ce pas précisément le rôle du CESE, qui représente la société civile dans toute sa diversité ?
Ce rôle, vous l’avez rempli avec énergie, grâce à votre connaissance acérée des réalités quotidiennes vécues par nos concitoyens.
260 amendements déposés en commission : ce chiffre à lui seul dit bien à quel point le sujet vous a passionnés et je m’en réjouis.
Je salue également, comme il le mérite, l’engagement de vos deux rapporteurs, Monique Weber et Yves Vérollet, qui ont produit une précieuse contribution.
Comme l’ensemble des débats et des consultations que j’ai menés, vos travaux nourriront à n’en pas douter la synthèse générale que je remettrai au Président de la République au début du mois de juillet prochain.
Une contribution féconde donc, et cela d’abord parce qu’elle formule un certain nombre de propositions intéressantes, sur lesquelles je veux revenir à présent.
Vous avez d’abord examiné le financement de la prise en charge de la dépendance ou de la perte d’autonomie, comme vous préférez le dire, sans doute à juste titre (I).
Sur ce point, le Premier ministre l’a réaffirmé hier, nous conserverons notre socle de solidarité nationale, à partir duquel il nous faudra progresser.
Il ne s’agit en aucun cas de privatiser la prise en charge de la dépendance. L’assurance restera donc complémentaire et facultative : c’est un engagement fort du Gouvernement.
En ce sens, vous proposez de conforter la prise en charge publique de la dépendance par de nouveaux prélèvements, pour réduire la participation financière des personnes âgées et de leurs familles, et notamment celles qui disposent de revenus d’un niveau intermédiaire.
Ainsi, vous proposez que le taux de la CSG des retraités (6,6%) soit aligné sur celui appliqué aux actifs (7,5%), à partir d’un certain seuil de revenu. Vous proposez aussi d’instaurer une taxe de 1% sur les successions et donations.
Ce sont des idées que j’entends et que nous examinerons, le moment venu.
Car, le Premier ministre l’a dit hier, l’« heure des choix » approche.
Pour autant, à ce stade, toutes les pistes de financement évoquées restent pour l’instant sur la table, sans idéologie ni parti pris.
Pour autant, vous le savez, le Président de la République a écarté deux pistes : celle d’un accroissement de la dette pour les générations futures, qui serait une attitude irresponsable, et celle d’un alourdissement du coup du travail, qui pénaliserait notre économie au moment où elle repart.
Je note d’ailleurs que vos propositions ne sont pas en opposition avec ces principes.
Hier, le Premier ministre a quant à lui exclu l’idée d’une augmentation générale de la CSG. Cela constituerait en réalité une solution de facilité qui aurait de lourdes conséquences sur l’emploi et l’activité.
Mais – et vous l’avez bien perçu –, la réforme de la dépendance ne saurait se réduire à ses seuls aspect financiers.
Le débat doit d’abord porter sur les fins, dont nous avons collectivement à débattre, avant d’aborder la question des moyens.
Car ne nous y trompons pas : ce débat national sur la dépendance, c’est d’abord un débat de société, un « défi sociétal », pour reprendre votre formule (II).
Quelle place pour les personnes âgées dans notre société ?
Quel regard porter sur les personnes dépendantes ?
Quelles politiques publiques inventer pour favoriser la construction de parcours de vie adaptés aux besoins des individus ?
En un mot, quel projet bâtir ensemble pour offrir à nos aînés la place à laquelle ils aspirent et à laquelle ils ont droit ?
Pour répondre à toutes ces questions, vous avez formulé des propositions, dont je note avec plaisir qu’elles recoupent souvent les enseignements que j’ai moi-même tirés des nombreux débats que j’ai menés à travers toutes les régions de France, avec Marie-Anne Montchamp.
D’abord, la nécessité d’améliorer la coordination des intervenants autour de la personne âgée dépendante.
Pour garantir une prise en charge de qualité, la mise en place d’un parcours cohérent, coordonné et adapté paraît primordiale.
Pour cela, vous préconisez la création d’un nouveau métier de coordonnateur sanitaire et social et d’un guichet unique d’information et d’orientation.
Ainsi, vous préconisez notamment de développer la prévention et les nouvelles technologies.
Je pense aussi au renforcement des regroupements de professionnels, et en particulier des réseaux gérontologiques.
Organiser une meilleure coordination autour de la personne âgée dépendante, c’est donc améliorer la qualité de la prise en charge, mais c’est aussi soulager les familles.
Le rôle des familles, et plus généralement des aidants, est justement un autre enseignement fort que je retiens de ce débat, comme de toutes les contributions à ce stade. Je me réjouis qu’il ait aussi été au cœur de vos échanges.
Une grande partie de nos concitoyens insistent sur la nécessité de mieux soutenir, de mieux reconnaître et de mieux valoriser les aidants : en un mot, d’aider les aidants, qui, je le souligne, sont d’ailleurs souvent des aidantes.
Pour cela, nous devons améliorer l’accès à l’information et à la formation, développer les dispositifs de répit ainsi que les actions de prévention de la santé des aidants.
Mieux coordonner ; mieux accompagner les familles… : la qualité de l’accompagnement passe aussi, bien évidemment, par la variété de l’offre de services. Cette offre, en effet, doit être la mieux adaptée aux différentes situations de dépendance et à des états par nature évolutifs.
Aujourd’hui, la très grande majorité de nos concitoyens souhaitent vivre le plus longtemps possible à leur domicile.
C’est donc toute notre organisation sociale qu’il faut repenser pour donner une véritable place aux personnes âgées et favoriser leur participation réelle à la vie sociale.
Pour intégrer pleinement nos aînés à notre société, nous devons adapter notre urbanisme, nos logements, nos espaces publics, notre mobilier urbain, notre réseau de transports, nos services de soins, nos services sociaux et nos commerces de proximité.
Nous devons également veiller à ce qu’ils puissent accéder aux nouvelles technologies et aux bénéfices du progrès scientifique et médical.
Une personne âgée qui vit chez elle doit pouvoir aller faire ses courses, se faire soigner, acheter ses médicaments, se promener dans son quartier ou son village, participer aux activités sociales, culturelles et physiques à proximité de son domicile.
Parce qu’elle est plus vulnérable, elle doit être mieux protégée lorsqu’elle prend une décision qui l’engage financièrement.
Car ne perdons jamais cela de vue : vivre à domicile, ce n’est pas le confinement à domicile, synonyme d’isolement et de mal-être.
Vivre à domicile, c’est pouvoir rester mobile et accéder facilement aux services dont on a besoin, parce que la société, plus accueillante, fait en sorte de les mettre à sa portée.
Vivre à domicile, c’est pouvoir vivre avec les autres, au cœur de la cité, et participer pleinement au vivre ensemble.
Et vous ne dites pas autre chose lorsque vous appelez à une meilleure valorisation du secteur de l’aide à domicile, qui permettrait d’ailleurs de soulager les aidants.
Quand le maintien à domicile n’est plus possible, il faut réfléchir aux conditions d’hébergement dans des établissements spécialisés.
Aujourd’hui, ceux-ci sont de plus en plus médicalisés. Dans les zones rurales, il faut ajouter que ces établissements sont plus éloignés des toutes petites communes.
Or, n’y aurait-il pas un intérêt à développer des structures intermédiaires, pour les personnes âgées fragiles ou faiblement dépendantes ?
C’est précisément dans cette perspective que vous réfléchissez à des formules innovantes comme les résidences intergénérationnelles ou les petites unités de vie.
Vous l’aurez compris, in fine, c’est la conception que nous nous faisons de la solidarité qu’il nous faut interroger.
Le futur n’est pas un endroit où l’on se rend : c’est un avenir que l’on construit, et que l’on doit construire ensemble.
C’est ensemble que nous forgerons les « mesures énergiques » que vous appelez de vos vœux et que nous bâtirons les projets les plus pertinents, les projets qui font sens et apportent des réponses concrètes à nos concitoyens.
Lorsque la solidarité et la dignité humaine sont en jeu, ce devoir est d’autant plus impérieux.
Source http://www.dependance.gouv.fr, le 17 juin 2011