Texte intégral
Mes premiers mots seront pour vous remercier, cher Jean-Paul Delevoye, de maccueillir une nouvelle fois au Conseil économique, social et environnemental (CESE) pour me présenter le fruit de vos réflexions et de vos travaux.
Le 8 février dernier, le Président de la République lançait ici le grand débat national sur la réforme de la dépendance.
Dans cette perspective, le Premier ministre vous confiait une mission dont vous avez su vous emparer, collectivement, avec la rigueur et le sens des responsabilités qui vous caractérisent.
Ainsi, votre assemblée a fait la preuve, si besoin en était, quelle constitue un véritable organe de délibération dont les prérogatives ont dailleurs été renforcées.
Je tiens à vous adresser lexpression de toute ma gratitude pour la qualité du travail accompli, qui atteste, si besoin en était, la hauteur de vue du CESE sur une question qui nous concerne tous.
Naturellement, je veux remercier tout particulièrement le président de la commission temporaire dépendance, David Gordon-Krief, qui a su et avec quel talent ! faire vivre le débat.
Nest-ce pas précisément le rôle du CESE, qui représente la société civile dans toute sa diversité ?
Ce rôle, vous lavez rempli avec énergie, grâce à votre connaissance acérée des réalités quotidiennes vécues par nos concitoyens.
260 amendements déposés en commission : ce chiffre à lui seul dit bien à quel point le sujet vous a passionnés et je men réjouis.
Je salue également, comme il le mérite, lengagement de vos deux rapporteurs, Monique Weber et Yves Vérollet, qui ont produit une précieuse contribution.
Comme lensemble des débats et des consultations que jai menés, vos travaux nourriront à nen pas douter la synthèse générale que je remettrai au Président de la République au début du mois de juillet prochain.
Une contribution féconde donc, et cela dabord parce quelle formule un certain nombre de propositions intéressantes, sur lesquelles je veux revenir à présent.
Vous avez dabord examiné le financement de la prise en charge de la dépendance ou de la perte dautonomie, comme vous préférez le dire, sans doute à juste titre (I).
Sur ce point, le Premier ministre la réaffirmé hier, nous conserverons notre socle de solidarité nationale, à partir duquel il nous faudra progresser.
Il ne sagit en aucun cas de privatiser la prise en charge de la dépendance. Lassurance restera donc complémentaire et facultative : cest un engagement fort du Gouvernement.
En ce sens, vous proposez de conforter la prise en charge publique de la dépendance par de nouveaux prélèvements, pour réduire la participation financière des personnes âgées et de leurs familles, et notamment celles qui disposent de revenus dun niveau intermédiaire.
Ainsi, vous proposez que le taux de la CSG des retraités (6,6%) soit aligné sur celui appliqué aux actifs (7,5%), à partir dun certain seuil de revenu. Vous proposez aussi dinstaurer une taxe de 1% sur les successions et donations.
Ce sont des idées que jentends et que nous examinerons, le moment venu.
Car, le Premier ministre la dit hier, l« heure des choix » approche.
Pour autant, à ce stade, toutes les pistes de financement évoquées restent pour linstant sur la table, sans idéologie ni parti pris.
Pour autant, vous le savez, le Président de la République a écarté deux pistes : celle dun accroissement de la dette pour les générations futures, qui serait une attitude irresponsable, et celle dun alourdissement du coup du travail, qui pénaliserait notre économie au moment où elle repart.
Je note dailleurs que vos propositions ne sont pas en opposition avec ces principes.
Hier, le Premier ministre a quant à lui exclu lidée dune augmentation générale de la CSG. Cela constituerait en réalité une solution de facilité qui aurait de lourdes conséquences sur lemploi et lactivité.
Mais et vous lavez bien perçu , la réforme de la dépendance ne saurait se réduire à ses seuls aspect financiers.
Le débat doit dabord porter sur les fins, dont nous avons collectivement à débattre, avant daborder la question des moyens.
Car ne nous y trompons pas : ce débat national sur la dépendance, cest dabord un débat de société, un « défi sociétal », pour reprendre votre formule (II).
Quelle place pour les personnes âgées dans notre société ?
Quel regard porter sur les personnes dépendantes ?
Quelles politiques publiques inventer pour favoriser la construction de parcours de vie adaptés aux besoins des individus ?
En un mot, quel projet bâtir ensemble pour offrir à nos aînés la place à laquelle ils aspirent et à laquelle ils ont droit ?
Pour répondre à toutes ces questions, vous avez formulé des propositions, dont je note avec plaisir quelles recoupent souvent les enseignements que jai moi-même tirés des nombreux débats que jai menés à travers toutes les régions de France, avec Marie-Anne Montchamp.
Dabord, la nécessité daméliorer la coordination des intervenants autour de la personne âgée dépendante.
Pour garantir une prise en charge de qualité, la mise en place dun parcours cohérent, coordonné et adapté paraît primordiale.
Pour cela, vous préconisez la création dun nouveau métier de coordonnateur sanitaire et social et dun guichet unique dinformation et dorientation.
Ainsi, vous préconisez notamment de développer la prévention et les nouvelles technologies.
Je pense aussi au renforcement des regroupements de professionnels, et en particulier des réseaux gérontologiques.
Organiser une meilleure coordination autour de la personne âgée dépendante, cest donc améliorer la qualité de la prise en charge, mais cest aussi soulager les familles.
Le rôle des familles, et plus généralement des aidants, est justement un autre enseignement fort que je retiens de ce débat, comme de toutes les contributions à ce stade. Je me réjouis quil ait aussi été au cur de vos échanges.
Une grande partie de nos concitoyens insistent sur la nécessité de mieux soutenir, de mieux reconnaître et de mieux valoriser les aidants : en un mot, daider les aidants, qui, je le souligne, sont dailleurs souvent des aidantes.
Pour cela, nous devons améliorer laccès à linformation et à la formation, développer les dispositifs de répit ainsi que les actions de prévention de la santé des aidants.
Mieux coordonner ; mieux accompagner les familles : la qualité de laccompagnement passe aussi, bien évidemment, par la variété de loffre de services. Cette offre, en effet, doit être la mieux adaptée aux différentes situations de dépendance et à des états par nature évolutifs.
Aujourdhui, la très grande majorité de nos concitoyens souhaitent vivre le plus longtemps possible à leur domicile.
Cest donc toute notre organisation sociale quil faut repenser pour donner une véritable place aux personnes âgées et favoriser leur participation réelle à la vie sociale.
Pour intégrer pleinement nos aînés à notre société, nous devons adapter notre urbanisme, nos logements, nos espaces publics, notre mobilier urbain, notre réseau de transports, nos services de soins, nos services sociaux et nos commerces de proximité.
Nous devons également veiller à ce quils puissent accéder aux nouvelles technologies et aux bénéfices du progrès scientifique et médical.
Une personne âgée qui vit chez elle doit pouvoir aller faire ses courses, se faire soigner, acheter ses médicaments, se promener dans son quartier ou son village, participer aux activités sociales, culturelles et physiques à proximité de son domicile.
Parce quelle est plus vulnérable, elle doit être mieux protégée lorsquelle prend une décision qui lengage financièrement.
Car ne perdons jamais cela de vue : vivre à domicile, ce nest pas le confinement à domicile, synonyme disolement et de mal-être.
Vivre à domicile, cest pouvoir rester mobile et accéder facilement aux services dont on a besoin, parce que la société, plus accueillante, fait en sorte de les mettre à sa portée.
Vivre à domicile, cest pouvoir vivre avec les autres, au cur de la cité, et participer pleinement au vivre ensemble.
Et vous ne dites pas autre chose lorsque vous appelez à une meilleure valorisation du secteur de laide à domicile, qui permettrait dailleurs de soulager les aidants.
Quand le maintien à domicile nest plus possible, il faut réfléchir aux conditions dhébergement dans des établissements spécialisés.
Aujourdhui, ceux-ci sont de plus en plus médicalisés. Dans les zones rurales, il faut ajouter que ces établissements sont plus éloignés des toutes petites communes.
Or, ny aurait-il pas un intérêt à développer des structures intermédiaires, pour les personnes âgées fragiles ou faiblement dépendantes ?
Cest précisément dans cette perspective que vous réfléchissez à des formules innovantes comme les résidences intergénérationnelles ou les petites unités de vie.
Vous laurez compris, in fine, cest la conception que nous nous faisons de la solidarité quil nous faut interroger.
Le futur nest pas un endroit où lon se rend : cest un avenir que lon construit, et que lon doit construire ensemble.
Cest ensemble que nous forgerons les « mesures énergiques » que vous appelez de vos vux et que nous bâtirons les projets les plus pertinents, les projets qui font sens et apportent des réponses concrètes à nos concitoyens.
Lorsque la solidarité et la dignité humaine sont en jeu, ce devoir est dautant plus impérieux.
Source http://www.dependance.gouv.fr, le 17 juin 2011