Texte intégral
Toutes les familles venues ici se rencontrer le savent bien : dans un quotidien marqué par les difficultés et les doutes, il est important de trouver des moments déchange tels que celui-ci.
Car comme tout parent, vous vivez avec vos enfants des instants de joie. Mais comme tout parent, vous connaissez aussi des difficultés, que le handicap accentue.
Grâce aux initiatives de lUNAPEI, vous pouvez partager vos expériences. Vous qui soutenez, vous pouvez vous sentir, à votre tour, soutenus. Et vous qui donnez déjà tant à votre enfant, vous trouvez encore le temps et lénergie daider dautres familles.
Comme vous le rappelez, chère Christel Prado, ce congrès consacré à « la vie quotidienne avec son enfant handicapé mental » offre ainsi loccasion de rompre un isolement parfois ressenti, mais aussi et surtout de trouver des réponses aux questions que lon se pose.
Cest donc pour saluer à sa juste valeur ce moment précieux de partage et dentraide que jai tenu à venir à votre rencontre, ici, à Besançon.
Mais cest aussi, plus largement, pour vous rendre hommage, chère Christel Prado, à vous ainsi quà tous les représentants de lUNAPEI, pour votre action quotidienne auprès des personnes handicapées mentales et de leurs familles.
Dans les 3 000 établissements et services médico-sociaux que vous gérez, cest avec beaucoup de compétences et dhumanité que vous apportez une aide de qualité aux personnes prises en charge.
Du reste, jen suis convaincue : cest en grande partie grâce à la mobilisation du mouvement parental, dassociations telles que la vôtre, que notre pays dispose aujourdhui de structures de qualité si nombreuses.
Or, le rôle et la place de lUNAPEI dans le tissu associatif, je les mesure évidemment !
Je connais votre détermination sans faille et votre engagement constructif.
Je partage votre volonté de rappeler que nous sommes tous, au-delà de nos particularités, des citoyens à part entière.
Et japprécie votre contribution, riche et dynamique, au débat public sur la politique du handicap.
Pour préparer la 2e conférence nationale du handicap, nous nous sommes dailleurs notamment appuyés sur les travaux du CNCPH, au sein duquel vos représentants sont particulièrement impliqués.
Comme vous le savez, une grande partie des propositions de lUNAPEI, formulées en vue de la CNH, ont été retenues. Cest dire lintérêt que nous portons à toutes les réflexions que vous menez.
Le plan pour lemploi des personnes handicapées avec la création de 3000 places en entreprises adaptées, les propositions sur la scolarisation, le chantier de modernisation des ESAT, les mesures pour laccès à la culture dans les établissements médico-sociaux, pour la sensibilisation au handicap : autant de mesures qui vous doivent beaucoup.
Elles ont été annoncées par le Président de la République le 8 juin dernier, et vous pouvez être certains que je veillerai scrupuleusement à ce quun suivi de qualité puisse être assuré sur leur mise en oeuvre, ainsi que celle de toutes les autres mesures annoncées.
Jai été sensible, chère Christel Prado, au témoignage de confiance que vous venez de me rendre.
Oui, jai voulu permettre aux jeunes accueillis dans les Instituts médico-professionnels dapprendre leur futur métier sur des machines-outils. Et je mattaquerai avec la même détermination au chantier de la taxe transport et à bien dautres sujets encore.
Si je connais votre engagement, vous connaissez le mien.
Vous avez axé votre rapport dorientation sur le mot « construire ». Voilà précisément ce que je veux faire avec vous : construire une société pour tous, pour faire écho à votre festival « Ensemble, cest tous ! »
Et cest grâce au partenariat entre lEtat et les associations que la politique du handicap peut avancer. Aussi suis-je très heureuse de pouvoir mappuyer sur vous et sur lensemble des membres du réseau de lUNAPEI.
Toutes les mesures annoncées lors de la CNH vont ainsi dans le même sens : permettre aux personnes en situation de handicap de se sentir pleinement intégrées à notre société et leur donner les mêmes droits et les mêmes chances quaux autres.
Dans le domaine de la scolarisation, qui est aussi lune de vos priorités, de très nombreuses mesures visent à enfin passer de la quantité à la qualité.
Nous avons ainsi décidé :
dintroduire la question du handicap dans les programmes scolaires ;
de rendre accessibles et dadapter les contenus pédagogiques ;
de former les enseignants à laccueil des enfants handicapés ;
en outre, laccompagnement des élèves handicapés par les auxiliaires de vie scolaire (AVS) sera pérennisé et professionnalisé. Lors de la CNH, le Président de la République a annoncé la suppression progressive des contrats aidés et leur remplacement par des professionnels mieux formés, plus qualifiés ;
nous favoriserons, également, un décloisonnement entre léducation ordinaire et léducation adaptée, avec la signature, pour tous les établissements scolaires, dune convention de collaboration avec les établissements et services adaptés ;
notre objectif est bien que tous les enfants trouvent des solutions adaptées à leurs besoins ;
enfin, une journée de sensibilisation sur le handicap sera organisée, chaque 3 décembre, dans les établissements scolaires (et vraisemblablement le 2 décembre cette année, puisque le 3 est un samedi). Avec le lancement dun festival du « film handicap », cest là une bonne façon de faire évoluer limage du handicap dans notre société.
Pour ce qui est de laccessibilité, je partage entièrement votre point de vue : il sagit daméliorations qui bénéficient à tous, et pas seulement aux personnes en situation de handicap.
Et elles ne concernent dailleurs pas seulement le handicap moteur, mais tous les types de handicap.
Le Président de la République la réaffirmé sans ambiguïté : lobjectif de 2015 nest pas négociable. Il devra donc être tenu.
Pour atteindre cet objectif, lEtat doit se montrer exemplaire. 150 millions deuros seront ainsi mobilisés.
Comme je my étais engagée auprès de Christel Prado, je veillerai à ce quun compte-rendu facile à lire et à comprendre de la conférence nationale du handicap puisse être élaboré. Et je compte sur lUNAPEI pour nous aider dans cette démarche !
Puisque nous avons su établir cette relation de confiance, fondée sur une démarche partenariale, je souhaite que nous puissions parler avec franchise de nos désaccords.
En ce qui concerne, dabord, la nouvelle façon de concevoir la politique médico-sociale, depuis la mise en place de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », vous comprendrez aisément que je ne rejoins pas votre analyse !
La loi HPST, cest la fongibilité asymétrique, qui permet au directeur général de lagence régionale de santé, qui dispose enfin dune vision globale des deux secteurs, de convertir une partie de lactivité du secteur sanitaire pour développer les établissements et services médico-sociaux et mieux répondre aux besoins des personnes. Cest la place réservée à linnovation, avec un cahier des charges allégé dans les appels à projet, la fin des listes dattente et des outils pour une plus grande équité. Cest le financement immédiat des projets sélectionnés, grâce à une adéquation garantie entre moyens financiers disponibles et projets sélectionnés.
Voilà de quoi libérer, et non « enfermer » le médico-social !
Vous minterpellez, ensuite, sur la campagne budgétaire. Je comprends parfaitement les difficultés auxquelles certains gestionnaires sont confrontés sur le terrain.
Ne perdons pas de vue, tout de même, que les moyens alloués au secteur des personnes handicapées vont enregistrer une croissance [+ 3,3 %] nettement plus élevée que celle de lONDAM cette année.
Mais il est vrai que, pour cette campagne 2011, nous avons dû ajuster la programmation pour tenir compte des mesures adoptées dans les lois financières de fin dannée. Je pense, par exemple, à la création dun fonds durgence pour les départements en difficulté ou à la mise en place dun plan daide à linvestissement pérenne pour les secteurs social et médico-social.
Nous avons dû également tirer les conséquences dune surconsommation dans le secteur des personnes handicapées de plus de 200 millions deuros par rapport aux enveloppes allouées.
Une décision modificative simposait donc naturellement.
Mais je veux rappeler que ces ajustements ne remettent pas en question les objectifs de création de places. Toutes ne sont pas ouvertes, ce qui est normal. Au 31 décembre 2010, les 3/4 des crédits du plan pluriannuel de création de 51 400 places en établissements et services avaient déjà été notifiés aux agences régionales de santé et, à mi-parcours, 50 % des nouvelles places étaient déjà autorisées.
Le contexte que vous évoquez nous invite à lancer, enfin, le chantier de la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux, afin que la dotation tienne compte des besoins spécifiques de chaque handicap. Cest une des mesures de la CNH.
Vous dénoncez un autre « vide abyssal », pour reprendre vos termes : la place des associations dans la gouvernance de la politique de santé. Je tiens à vous rassurer : je suis particulièrement attachée à la gouvernance originale des MDPH comme de la CNSA. La question de la gouvernance de la CNSA est évidemment un des enjeux de la réforme de la dépendance. Je souhaite que la place des associations soit conservée.
Je veux également rappeler la place que tiennent, sur le terrain et auprès des ARS, les associations dans les Conférences Régionales de Santé et de lautonomie et dans toutes les instances de démocratie sanitaire instituées par la loi HPST.
Une nouvelle fois, je rappellerai cette maxime de Nelson Mandela que jai fait mienne : ce qui est fait pour vous, mais sans vous, est fait contre vous.
Je souhaite également répondre à une autre de vos inquiétudes : elle concerne les établissements et services daide par le travail (ESAT). Jaimerais vous rappeler que nous avons lancé un chantier de modernisation du secteur adapté et protégé.
Nous allons ainsi aider les ESAT à sadapter à lévolution du public quils accueillent (vieillissement des travailleurs handicapés, augmentation de la part du handicap psychique au sein du public accueilli ).
Il sagit également daméliorer linsertion des ESAT et des entreprises adaptées dans le monde économique : pour cela, nous les accompagnerons vers la création dun centre national dappui et de ressources (CNAR), afin de mutualiser les bonnes pratiques et de mieux répondre à la commande publique et privée.
Par ailleurs, vous alertez à nouveau mon attention sur le sort des personnes handicapées vieillissantes. Je connais vos inquiétudes à ce sujet. Soyez-en convaincus : nous ne laisserons pas ce sujet en friche.
Comme je lai rappelé à plusieurs reprises, des réponses concrètes y seront apportées dans le cadre du débat sur la dépendance, puisque ce sujet très spécifique y est abordé : une réunion a dailleurs eu lieu à ce sujet au mois de mai.
La réforme de la dépendance offrira également des réponses aux difficultés dordre pratique, psychologique ou financier rencontrées par les aidants.
Vous tous pouvez en témoigner : il est essentiel de pouvoir disposer de temps de répit pour souffler un peu, davoir la possibilité de se former et de concilier, le cas échéant, vie professionnelle et vie privée.
A ces aspirations légitimes, je veux répondre, tout comme je veux préserver la santé des aidants, qui, trop souvent, est négligée.
Tout comme les débats en région ont été pour moi loccasion de rendre hommage à tous ceux qui aident une personne âgée dépendante, je suis heureuse de pouvoir, aujourdhui, saluer laccompagnement remarquable des proches dune personne en situation de handicap.
Vous le savez, la France a ratifié lan dernier la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.
Jai le plaisir de vous annoncer que la mise en oeuvre de cette convention en France sera suivie et garantie par le tout nouveau Défenseur des droits, en lien avec le CNCPH. Je connais la capacité du CNCPH à alerter les pouvoirs publics sur ce sujet. Cest pourquoi nous avons souhaité quil soit étroitement associé à ce processus de suivi.
Notre combat commun nest donc, heureusement ou malheureusement, pas prêt de sarrêter.
Car cest un combat juste et légitime, contre les préjugés, lindifférence et le rejet. Un combat pour le respect de la dignité humaine et de lexistence singulière de chacun.
Je suis heureuse et fière de le partager avec vous.
Source http://www.unapei.org, le 24 juin 2011