Déclaration de Mme Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, sur la politique en faveur des handicapés et la scolarisation des enfants handicapés, Besançon le 18 juin 2011.

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Circonstance : Clôture du 51ème congrès de l'UNAPEI à Besançon le 18 juin 2011

Texte intégral


Toutes les familles venues ici se rencontrer le savent bien : dans un quotidien marqué par les difficultés et les doutes, il est important de trouver des moments d’échange tels que celui-ci.
Car comme tout parent, vous vivez avec vos enfants des instants de joie. Mais comme tout parent, vous connaissez aussi des difficultés, que le handicap accentue.
Grâce aux initiatives de l’UNAPEI, vous pouvez partager vos expériences. Vous qui soutenez, vous pouvez vous sentir, à votre tour, soutenus. Et vous qui donnez déjà tant à votre enfant, vous trouvez encore le temps et l’énergie d’aider d’autres familles.
Comme vous le rappelez, chère Christel Prado, ce congrès consacré à « la vie quotidienne avec son enfant handicapé mental » offre ainsi l’occasion de rompre un isolement parfois ressenti, mais aussi et surtout de trouver des réponses aux questions que l’on se pose.
C’est donc pour saluer à sa juste valeur ce moment précieux de partage et d’entraide que j’ai tenu à venir à votre rencontre, ici, à Besançon.
Mais c’est aussi, plus largement, pour vous rendre hommage, chère Christel Prado, à vous ainsi qu’à tous les représentants de l’UNAPEI, pour votre action quotidienne auprès des personnes handicapées mentales et de leurs familles.
Dans les 3 000 établissements et services médico-sociaux que vous gérez, c’est avec beaucoup de compétences et d’humanité que vous apportez une aide de qualité aux personnes prises en charge.
Du reste, j’en suis convaincue : c’est en grande partie grâce à la mobilisation du mouvement parental, d’associations telles que la vôtre, que notre pays dispose aujourd’hui de structures de qualité si nombreuses.
Or, le rôle et la place de l’UNAPEI dans le tissu associatif, je les mesure évidemment !
Je connais votre détermination sans faille et votre engagement constructif.
Je partage votre volonté de rappeler que nous sommes tous, au-delà de nos particularités, des citoyens à part entière.
Et j’apprécie votre contribution, riche et dynamique, au débat public sur la politique du handicap.
Pour préparer la 2e conférence nationale du handicap, nous nous sommes d’ailleurs notamment appuyés sur les travaux du CNCPH, au sein duquel vos représentants sont particulièrement impliqués.
Comme vous le savez, une grande partie des propositions de l’UNAPEI, formulées en vue de la CNH, ont été retenues. C’est dire l’intérêt que nous portons à toutes les réflexions que vous menez.
Le plan pour l’emploi des personnes handicapées avec la création de 3000 places en entreprises adaptées, les propositions sur la scolarisation, le chantier de modernisation des ESAT, les mesures pour l’accès à la culture dans les établissements médico-sociaux, pour la sensibilisation au handicap… : autant de mesures qui vous doivent beaucoup.
Elles ont été annoncées par le Président de la République le 8 juin dernier, et vous pouvez être certains que je veillerai scrupuleusement à ce qu’un suivi de qualité puisse être assuré sur leur mise en oeuvre, ainsi que celle de toutes les autres mesures annoncées.
J’ai été sensible, chère Christel Prado, au témoignage de confiance que vous venez de me rendre.
Oui, j’ai voulu permettre aux jeunes accueillis dans les Instituts médico-professionnels d’apprendre leur futur métier sur des machines-outils. Et je m’attaquerai avec la même détermination au chantier de la taxe transport et à bien d’autres sujets encore.
Si je connais votre engagement, vous connaissez le mien.
Vous avez axé votre rapport d’orientation sur le mot « construire ». Voilà précisément ce que je veux faire avec vous : construire une société pour tous, pour faire écho à votre festival « Ensemble, c’est tous ! »
Et c’est grâce au partenariat entre l’Etat et les associations que la politique du handicap peut avancer. Aussi suis-je très heureuse de pouvoir m’appuyer sur vous et sur l’ensemble des membres du réseau de l’UNAPEI.
Toutes les mesures annoncées lors de la CNH vont ainsi dans le même sens : permettre aux personnes en situation de handicap de se sentir pleinement intégrées à notre société et leur donner les mêmes droits et les mêmes chances qu’aux autres.
Dans le domaine de la scolarisation, qui est aussi l’une de vos priorités, de très nombreuses mesures visent à enfin passer de la quantité à la qualité.
Nous avons ainsi décidé :
• d’introduire la question du handicap dans les programmes scolaires ;
• de rendre accessibles et d’adapter les contenus pédagogiques ;
• de former les enseignants à l’accueil des enfants handicapés ;
• en outre, l’accompagnement des élèves handicapés par les auxiliaires de vie scolaire (AVS) sera pérennisé et professionnalisé. Lors de la CNH, le Président de la République a annoncé la suppression progressive des contrats aidés et leur remplacement par des professionnels mieux formés, plus qualifiés ;
• nous favoriserons, également, un décloisonnement entre l’éducation ordinaire et l’éducation adaptée, avec la signature, pour tous les établissements scolaires, d’une convention de collaboration avec les établissements et services adaptés ;
• notre objectif est bien que tous les enfants trouvent des solutions adaptées à leurs besoins ;
• enfin, une journée de sensibilisation sur le handicap sera organisée, chaque 3 décembre, dans les établissements scolaires (et vraisemblablement le 2 décembre cette année, puisque le 3 est un samedi). Avec le lancement d’un festival du « film handicap », c’est là une bonne façon de faire évoluer l’image du handicap dans notre société.
Pour ce qui est de l’accessibilité, je partage entièrement votre point de vue : il s’agit d’améliorations qui bénéficient à tous, et pas seulement aux personnes en situation de handicap.
Et elles ne concernent d’ailleurs pas seulement le handicap moteur, mais tous les types de handicap.
Le Président de la République l’a réaffirmé sans ambiguïté : l’objectif de 2015 n’est pas négociable. Il devra donc être tenu.
Pour atteindre cet objectif, l’Etat doit se montrer exemplaire. 150 millions d’euros seront ainsi mobilisés.
Comme je m’y étais engagée auprès de Christel Prado, je veillerai à ce qu’un compte-rendu facile à lire et à comprendre de la conférence nationale du handicap puisse être élaboré. Et je compte sur l’UNAPEI pour nous aider dans cette démarche !
Puisque nous avons su établir cette relation de confiance, fondée sur une démarche partenariale, je souhaite que nous puissions parler avec franchise de nos désaccords.
En ce qui concerne, d’abord, la nouvelle façon de concevoir la politique médico-sociale, depuis la mise en place de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », vous comprendrez aisément que je ne rejoins pas votre analyse !
La loi HPST, c’est la fongibilité asymétrique, qui permet au directeur général de l’agence régionale de santé, qui dispose enfin d’une vision globale des deux secteurs, de convertir une partie de l’activité du secteur sanitaire pour développer les établissements et services médico-sociaux et mieux répondre aux besoins des personnes. C’est la place réservée à l’innovation, avec un cahier des charges allégé dans les appels à projet, la fin des listes d’attente et des outils pour une plus grande équité. C’est le financement immédiat des projets sélectionnés, grâce à une adéquation garantie entre moyens financiers disponibles et projets sélectionnés.
Voilà de quoi libérer, et non « enfermer » le médico-social !
Vous m’interpellez, ensuite, sur la campagne budgétaire. Je comprends parfaitement les difficultés auxquelles certains gestionnaires sont confrontés sur le terrain.
Ne perdons pas de vue, tout de même, que les moyens alloués au secteur des personnes handicapées vont enregistrer une croissance [+ 3,3 %] nettement plus élevée que celle de l’ONDAM cette année.
Mais il est vrai que, pour cette campagne 2011, nous avons dû ajuster la programmation pour tenir compte des mesures adoptées dans les lois financières de fin d’année. Je pense, par exemple, à la création d’un fonds d’urgence pour les départements en difficulté ou à la mise en place d’un plan d’aide à l’investissement pérenne pour les secteurs social et médico-social.
Nous avons dû également tirer les conséquences d’une surconsommation dans le secteur des personnes handicapées de plus de 200 millions d’euros par rapport aux enveloppes allouées.
Une décision modificative s’imposait donc naturellement.
Mais je veux rappeler que ces ajustements ne remettent pas en question les objectifs de création de places. Toutes ne sont pas ouvertes, ce qui est normal. Au 31 décembre 2010, les 3/4 des crédits du plan pluriannuel de création de 51 400 places en établissements et services avaient déjà été notifiés aux agences régionales de santé et, à mi-parcours, 50 % des nouvelles places étaient déjà autorisées.
Le contexte que vous évoquez nous invite à lancer, enfin, le chantier de la réforme de la tarification des établissements et services médico-sociaux, afin que la dotation tienne compte des besoins spécifiques de chaque handicap. C’est une des mesures de la CNH.
Vous dénoncez un autre « vide abyssal », pour reprendre vos termes : la place des associations dans la gouvernance de la politique de santé. Je tiens à vous rassurer : je suis particulièrement attachée à la gouvernance originale des MDPH comme de la CNSA. La question de la gouvernance de la CNSA est évidemment un des enjeux de la réforme de la dépendance. Je souhaite que la place des associations soit conservée.
Je veux également rappeler la place que tiennent, sur le terrain et auprès des ARS, les associations dans les Conférences Régionales de Santé et de l’autonomie et dans toutes les instances de démocratie sanitaire instituées par la loi HPST.
Une nouvelle fois, je rappellerai cette maxime de Nelson Mandela que j’ai fait mienne : ce qui est fait pour vous, mais sans vous, est fait contre vous.
Je souhaite également répondre à une autre de vos inquiétudes : elle concerne les établissements et services d’aide par le travail (ESAT). J’aimerais vous rappeler que nous avons lancé un chantier de modernisation du secteur adapté et protégé.
Nous allons ainsi aider les ESAT à s’adapter à l’évolution du public qu’ils accueillent (vieillissement des travailleurs handicapés, augmentation de la part du handicap psychique au sein du public accueilli…).
Il s’agit également d’améliorer l’insertion des ESAT et des entreprises adaptées dans le monde économique : pour cela, nous les accompagnerons vers la création d’un centre national d’appui et de ressources (CNAR), afin de mutualiser les bonnes pratiques et de mieux répondre à la commande publique et privée.
Par ailleurs, vous alertez à nouveau mon attention sur le sort des personnes handicapées vieillissantes. Je connais vos inquiétudes à ce sujet. Soyez-en convaincus : nous ne laisserons pas ce sujet en friche.
Comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, des réponses concrètes y seront apportées dans le cadre du débat sur la dépendance, puisque ce sujet très spécifique y est abordé : une réunion a d’ailleurs eu lieu à ce sujet au mois de mai.
La réforme de la dépendance offrira également des réponses aux difficultés d’ordre pratique, psychologique ou financier rencontrées par les aidants.
Vous tous pouvez en témoigner : il est essentiel de pouvoir disposer de temps de répit pour souffler un peu, d’avoir la possibilité de se former et de concilier, le cas échéant, vie professionnelle et vie privée.
A ces aspirations légitimes, je veux répondre, tout comme je veux préserver la santé des aidants, qui, trop souvent, est négligée.
Tout comme les débats en région ont été pour moi l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui aident une personne âgée dépendante, je suis heureuse de pouvoir, aujourd’hui, saluer l’accompagnement remarquable des proches d’une personne en situation de handicap.
Vous le savez, la France a ratifié l’an dernier la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées.
J’ai le plaisir de vous annoncer que la mise en oeuvre de cette convention en France sera suivie et garantie par le tout nouveau Défenseur des droits, en lien avec le CNCPH. Je connais la capacité du CNCPH à alerter les pouvoirs publics sur ce sujet. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’il soit étroitement associé à ce processus de suivi.
Notre combat commun n’est donc, heureusement ou malheureusement, pas prêt de s’arrêter.
Car c’est un combat juste et légitime, contre les préjugés, l’indifférence et le rejet. Un combat pour le respect de la dignité humaine et de l’existence singulière de chacun.
Je suis heureuse et fière de le partager avec vous.
Source http://www.unapei.org, le 24 juin 2011