Texte intégral
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Voici maintenant 35 années que nos comptes publics sont en déficit. Et ce fait est si bien connu quil a même cessé de nous étonner, comme sil était devenu naturel que lEtat dépense toujours plus quil ne gagne. Tant et si bien que nous avons pris lhabitude de vivre à crédit, en oubliant au passage quun jour ou lautre, nos enfants ou nos petits-enfants devront bien rembourser cette dette que nous avons creusée à force de déficits.
Et pourtant, nous savions tous quune telle habitude était irresponsable. Car pour justifier leur énième budget en déséquilibre, tous les Gouvernements successifs, de droite comme de gauche, se sentaient tenus dinvoquer le « poids des circonstances », qui exigeaient quune fois encore, nous vivions au dessus de nos moyens. Chacun reconnaîtra que la France na pas connu 35 ans de circonstances exceptionnelles.
Et pourtant, de circonstances exceptionnelles en circonstances exceptionnelles, nous ne sommes jamais parvenus à redresser la barre et à rompre durablement avec la facilité budgétaire.
Tirer les leçons de cet échec collectif et garantir aux Français que le retour à léquilibre ne sera plus un voeu pieux : tel est lobjet, Mesdames et Messieurs les sénateurs, du projet de loi constitutionnelle que jai lhonneur de vous présenter aujourdhui au nom du Gouvernement.
Car si lexpérience nous a appris la faiblesse de la volonté politique en matière de réduction des déficits, elle nous a aussi montré que nous pouvions surmonter cette faiblesse, en nous donnant des règles contraignantes pour lavenir, des règles qui nous obligent à tenir nos engagements et à respecter la parole donnée aux Français.
Car si au plus fort de la crise, nous sommes parvenus à contenir laugmentation des déficits puis à amorcer le retour à léquilibre, cest grâce aux règles que ce Gouvernement sest donné en accord avec vous, Mesdames et Messieurs les sénateurs et à la détermination quil met à les respecter.
Je pense à la règle daffectation systématique des surplus de recettes à la réduction du déficit. Je pense à la norme de dépense, qui nous a permis depuis plusieurs années de contenir les charges de lEtat et, depuis cette année, de stabiliser en valeur ses dépenses hors charges de la dette et pensions. Je pense au non-remplacement dun départ à la retraite sur deux, qui conduira en 2012, et cest une première, à une baisse des dépenses de personnel de lEtat. Je pense enfin à lobjectif national de dépenses dassurance-maladie, qui navait pas été respecté depuis près de 15 ans et a enfin été tenu en 2010.
Et les progrès que nous avons accomplis en quatre années à peine le montrent : ce qui a affaibli durablement la France, cest bien labsence de règles pour protéger les Français des moments de faiblesse que connaissent parfois leurs responsables politiques.
Car en matière budgétaire, nous ne souffrons pas davoir trop de normes, nous souffrons de ne pas en avoir assez. Maintes et maintes fois, au cours de ces 35 dernières années, des hommes et des femmes politiques responsables, à droite comme à gauche, ont tenté de redresser avec courage nos finances publiques. Et si leurs efforts ont été infructueux, cest parce quaucune norme ne venait empêcher leurs successeurs, quils soient ou non de la même couleur politique, de laisser à nouveau filer les déficits.
La force de la règle, cest quelle nous préserve des circonstances ; cest quelle rend la vertu budgétaire indépendante des soubresauts de la vie politique ; cest quelle nous contraint tous à dire la vérité aux Français sur la situation financière du pays.
Aussi nest-ce pas un hasard si nombre de nations dans le monde ont déjà choisi de se donner des règles budgétaires extrêmement précises pour lutter contre les déficits : car cest tout simplement la meilleure manière, et peut-être même la seule, de protéger les générations futures de lirresponsabilité budgétaire.
Tout récemment, lAllemagne a ainsi choisi de compléter sa loi fondamentale, qui comportait déjà une règle déquilibre, pour y inscrire linterdiction de voter un budget avec un déficit structurel supérieur à 0,35% du PIB à compter de 2016. Elle saccompagne dun mécanisme de contrôle très strict, qui rend des mesures de redressement obligatoires lorsque les écarts à lobjectif initial atteignent 1% du PIB. Et cest un Ministre des finances social-démocrate, Peer STEINBRÜCK, qui a défendu cette réforme devant le Parlement.
De même, lorsquen 1991, la Suède fut confrontée à une crise de financement sans précédent de son modèle social, elle parvint à le sauver en sappuyant sur deux règles budgétaires extrêmement strictes : la première prévoyant un encadrement des dépenses sur trois ans ; la seconde affectait par avance tous les surplus de recettes au remboursement de la dette et à la réduction des déficits. Ce modèle nordique dont il est tant question dans notre débat public, il repose en vérité sur le principe même du retour à léquilibre budgétaire.
Cest que cette règle du « zéro déficit » tend à simposer désormais comme un standard international. Le Fonds monétaire international dénombre ainsi 90 Etats dotés de règles budgétaires contraignantes, alors quils nétaient que 7 en 1990. Cest dire que, partout dans le monde, les responsables politiques affirment leur détermination présente et future à redresser leurs finances publiques et à conforter ainsi la crédibilité budgétaire de la nation.
Et cest pourquoi le Gouvernement, qui est animé par cette même détermination, vous propose aujourdhui de protéger les Français contre toute tentation démagogique future en gravant dans notre Constitution lobligation, pour tout Gouvernement, de dire quand et comment il prévoit de revenir à léquilibre.
Cest tout lobjet des lois-cadres déquilibre des finances publiques que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité créer, dans la droite ligne des recommandations rendues publiques en juin 2010 par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus, dont le président de votre commission des finances et votre rapporteur général étaient membres.
A travers ces lois-cadres, qui couvriront au moins trois années, il reviendra à chaque Gouvernement de préciser le rythme du retour à léquilibre, en sengageant sur une date, ainsi que la nature et lampleur des efforts quil entend demander à la collectivité nationale, chaque année, pour y parvenir. Quelles que soient les majorités futures, elles pourront ainsi construire leur propre stratégie économique et budgétaire. Mais à lhorizon de celle-ci, il y aura un objectif intangible, le retour à léquilibre, dont la valeur constitutionnelle sera pleinement assurée et simposera au pouvoir exécutif comme au législateur.
Car il sera désormais interdit au Gouvernement de dépenser dans le présent sans sengager aussi pour lavenir. En effet, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale annuelles ne pourront être adoptées en labsence de loi cadre. Lengagement sur le retour à léquilibre et sur les moyens dy parvenir devra désormais précéder, impérativement, lautorisation annuelle de dépenser.
Et cest ce qui distingue les lois-cadres déquilibre des lois de programmation pluriannuelles que nous avons créées en 2008. Car vous le savez, en modernisant nos institutions, nous avons fait une première avancée en invitant le Gouvernement à présenter un cadrage pluriannuel qui devait, et je cite larticle 34 de notre Constitution, « sinscrire dans lobjectif déquilibre des comptes des administrations publiques ».
La vertu budgétaire faisait ainsi son entrée dans notre charte fondamentale. Mais elle restait encore soumise au bon vouloir du Gouvernement, puisque les lois de programmation pluriannuelles nétaient ni obligatoires, ni réellement contraignantes, du moins en droit.
Pour notre part, sous limpulsion du Président de la République, nous nous sommes fait un devoir de respecter nos engagements ; les résultats obtenus en 2010 lattestent : nous avons tenu tous nos objectifs et nous continuerons de le faire.
Mais comme le constatait le rapport de Michel Camdessus que jévoquais à linstant, cette première avancée devait encore être consolidée : car rien ne garantissait que les Gouvernements futurs fassent preuve du même esprit de responsabilité que le nôtre. Et, au vu de notre histoire récente, il est même probable quun jour ou lautre, une majorité ne tarde pas de saffranchir du respect de la parole donnée.
Entre lobjectif constitutionnel de retour à léquilibre à terme et les lois de finances annuelles, il y avait bel et bien un chaînon manquant. Et cest bien cette absence de règle garantissant que les engagements pris seront tenus que nous vous proposons aujourdhui de combler.
Les futures lois-cadres déquilibre simposeront en effet aux projets de loi de finances annuelles ainsi quaux projets de loi de financement de la sécurité sociale : le Gouvernement sera donc bel et bien tenu de respecter ses engagements. Aussi les lois-cadres ne pourront-elles être prises à la légère : les majorités futures auront le devoir de dire la vérité aux Français sur létat des finances publiques, sur le coût des engagements quelles ont pris, sur les impôts quelles comptent créer, les économies quelles comptent réaliser et, enfin, sur la date du retour à léquilibre : cet horizon, plus ou moins lointain, sera le témoin de la détermination plus ou moins forte du Gouvernement à rompre, effectivement, avec la facilité de la dépense publique et la spirale de lendettement. En matière de finances publiques, la sincérité et la transparence deviendront des obligations absolues.
Et cest pourquoi ce texte, Mesdames et Messieurs les sénateurs, mérite pleinement son surnom de « règle dor » : il va en effet transformer en profondeur laction politique et le débat public, en nous obligeant, collectivement, à ne prendre devant les Français que des engagements réalistes et soutenables.
Cen sera fini des décisions à courte vue, prises sans souci du lendemain. La responsabilité deviendra la règle et plus aucun Gouvernement ne pourra sacrifier lavenir au présent. Cette loi, cest donc bien une loi de protection des Français et notre jeunesse sera la première à en bénéficier, une jeunesse qui regarde aujourdhui avec inquiétude les dettes saccumuler et qui sait, elle, quelle devra un jour ou lautre les rembourser.
Ces objectifs, Mesdames et Messieurs les sénateurs, ont tout pour faire consensus. Et vos débats en première lecture ont montré quils étaient partagés à lAssemblée nationale et au Sénat, du moins sur les bancs de la majorité.
Le travail parlementaire a dores et déjà permis denrichir sensiblement le texte qui vous était proposé par le Gouvernement. Et je tiens en particulier à saluer la grande qualité des modifications apportées par les commissions des lois des deux assemblées à la définition constitutionnelle des lois-cadres déquilibre.
Le projet de loi initial renvoyait en effet la définition de ces textes à une loi organique, prise pour lapplication du nouvel article 34 de la Constitution. Vous avez estimé, à raison me semble-t-il, quen procédant ainsi, nous aurions affaibli la règle dor : le contenu des lois-cadres et la nature des obligations quelles font peser sur le législateur aurait en effet été de niveau simplement organique et non constitutionnel.
Vous avez donc souhaité préciser dans notre loi fondamentale, Monsieur le Président Jean-Jacques HYEST, en accord avec la commission des lois de lAssemblée nationale et son Président, Jean-Luc WARSMANN, que les lois-cadres définiront non seulement des plafonds des dépenses, mais également un minimum de recettes nouvelles.
Je ne peux quêtre sensible à la pertinence de votre démarche, qui confortera lobligation de retour à léquilibre en contraignant les Gouvernements futurs à sengager sur une trajectoire de recettes supplémentaires. Grâce aux travaux parlementaires, la règle dun effort structurel minimal se trouvera inscrite dans notre charte fondamentale.
De même, vous avez posé, dans la Constitution, le principe dune obligation globale de respect des efforts prévus en dépenses et en recettes. Là encore, il sagit à mes yeux dune précision utile, qui conforte la règle dor en définissant la nature de la contrainte qui pèse sur le Gouvernement : les engagements pris par ce dernier devront naturellement pouvoir être ajustés dans le détail, mais ils simposent bien à lui dans leur globalité.
Je tiens également à saluer votre souci de garantir le respect des lois-cadres par les lois de finances annuelles et les lois de financement de la sécurité sociale : en prévoyant que le Conseil constitutionnel sera saisi doffice des lois-cadres, mais aussi des textes financiers annuels, vous avez non seulement prévenu le risque dune violation par consensus de la loi-cadre, mais vous avez également considérablement affermi le lien entre les lois-cadres et les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Cette saisine systématique témoigne du rôle déterminant que jouent les textes financiers dans la vie du pays, un rôle qui mérite un examen systématique de constitutionnalité. La sécurité juridique de tous sen trouvera renforcée, car ce contrôle permettra notamment de garantir, avant même leur entrée en vigueur, la conformité à la Constitution de lessentiel des normes fiscales. Et avec lessor des questions prioritaires de constitutionnalité, cela représente une véritable garantie de stabilité.
A lévidence, la règle dor sort donc confortée de vos travaux. Et je me réjouis que le coeur de ce projet de loi constitutionnelle fasse dores et déjà consensus entre les deux assemblées.
Jajoute que vous avez également souhaité renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement en matière budgétaire. Et cette volonté sinscrit pleinement dans lesprit de ce texte, dont le principe même est le respect des engagements pris, devant la nation, bien sûr, mais aussi devant ses représentants.
Vous aurez bientôt, Mesdames et Messieurs les sénateurs, à examiner des projets de lois-cadres soumis par le Gouvernement. Votre rôle dans la conception de notre stratégie budgétaire deviendra ainsi plus déterminant encore. Aussi était-il naturel que le Parlement examine systématiquement les programmes de stabilité que la France transmet chaque année à la Commission européenne, comme nous lavons fait pour la première fois cette année : cest en effet un gage de cohérence, mais aussi de transparence.
Je tiens en effet à le souligner : en prévoyant que ce projet de programme pourra faire lobjet dun débat et dun vote à la demande du Gouvernement ou dun groupe, vous avez renforcé linitiative parlementaire et donné un nouveau droit à lopposition, prolongeant ainsi lesprit de la réforme constitutionnelle de 2008.
Vous avez enfin tenu à avancer de deux semaines les délais de dépôt, sur le bureau de lAssemblée nationale, du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de disposer de plus de temps pour pouvoir les examiner. Je sais que lensemble des commissions sont particulièrement attachées à cette modification du calendrier ; vous savez, de votre côté, la contrainte particulièrement forte que ce calendrier fera peser sur lexécutif.
Jen viens maintenant à lunique point sur lequel les positions de lAssemblée nationale et du Sénat semblent encore nettement diverger : je pense bien sûr à limpossibilité pour une disposition portant sur les prélèvements obligatoires dêtre adoptée hors dun projet de loi de finances ou dun projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je veux vous dire lesprit dans lequel le Gouvernement aborde cette question. Notre priorité, cest de mettre un terme à la multiplication des niches fiscales et sociales, dont le nombre et le coût sont aujourdhui excessifs. Prises isolément, nombre de ces niches peuvent paraître indolores. Pour en mesurer le nombre, lévolution et le coût réel, il faut les appréhender globalement, ce qui est naturellement impossible lorsquelles sont dispersées dans les différents projets de loi examinés tout au long de lannée.
Cest pourquoi le Gouvernement sest fixé une nouvelle règle depuis juin 2010, en sinterdisant de présenter des dispositions affectant les ressources fiscales et sociales en dehors des textes financiers. Cela lui permet et vous permet, Mesdames et Messieurs les sénateurs, davoir une vue densemble sur les niches qui, avec votre accord, seront créées ou supprimées à linitiative de lexécutif. Cela permet, surtout, de les mettre en regard de léquilibre budgétaire global défini dans les textes financiers.
Et cest lextension de cette règle aux propositions de loi, comme aux amendements dinitiative parlementaire qui fait lobjet dun débat nourri entre vos deux assemblées.
Je veux le dire devant vous aujourdhui, quelle quen soit lissue, le Gouvernement continuera à respecter la règle que le Premier ministre lui a fixée, comme il continuera à réduire avec détermination le nombre et le coût des niches.
Après un effort, encore jamais réalisé, de réduction des niches de 11 milliards deuros en 2011, lengagement de diminution de 3 milliards deuros supplémentaires chaque année pendant trois ans, en 2012, 2013 et 2014 sera tenu. Afin que le Parlement soit pleinement informé et sassocie à cet objectif, je transmettrai aux deux assemblées, comme je my étais engagée, le rapport de lInspection générale des finances qui évalue le coût et lefficacité de chacune des niches.
Je constate également que le coeur de la réforme constitutionnelle portée par ce texte fait consensus entre les deux assemblées. Nous sommes donc tous daccord sur lessentiel. Je souhaite dès lors quun dialogue constructif puisse sengager sur ce dernier point de divergence et je serai naturellement très attentive à toutes les propositions que pourra faire votre Haute assemblée, notamment par la voix du Président de la commission des lois, Jean Jacques Hyest, sur ce point.
Car je crois que nous en sommes tous convaincus : linscription de la règle dor dans la Constitution est une réforme majeure, une réforme dintérêt public que nous souhaitons tous voir adoptée très rapidement.
Comme vous, je sais que les Français sont troublés par le contexte international et quils attendent, de la part de leurs responsables politiques, des signes très forts de leur détermination à redresser nos finances publiques.
Et permettez-moi de le souligner, cest bien nous tous quils interpellent aujourdhui : car cest nous tous qui, depuis 35 ans, avons commis une faute collective en accumulant les déficits ; et aujourdhui, Mesdames et Messieurs les sénateurs, nous avons une occasion historique deffacer définitivement cette faute et de protéger ainsi notre génération et celles à venir de tout risque de faiblesse future. Cest une démarche responsable, que le Gouvernement a entamée depuis quatre ans déjà et qui a reçu le soutien sans faille de la représentation nationale, du moins sur les bancs de la majorité ; elle devrait aujourdhui pouvoir tous nous réunir.
Alors, cette occasion historique, nous devons la saisir. Et le Gouvernement sait quil peut compter sur la sagesse du Sénat pour y parvenir.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 27 juillet 2011
Voici maintenant 35 années que nos comptes publics sont en déficit. Et ce fait est si bien connu quil a même cessé de nous étonner, comme sil était devenu naturel que lEtat dépense toujours plus quil ne gagne. Tant et si bien que nous avons pris lhabitude de vivre à crédit, en oubliant au passage quun jour ou lautre, nos enfants ou nos petits-enfants devront bien rembourser cette dette que nous avons creusée à force de déficits.
Et pourtant, nous savions tous quune telle habitude était irresponsable. Car pour justifier leur énième budget en déséquilibre, tous les Gouvernements successifs, de droite comme de gauche, se sentaient tenus dinvoquer le « poids des circonstances », qui exigeaient quune fois encore, nous vivions au dessus de nos moyens. Chacun reconnaîtra que la France na pas connu 35 ans de circonstances exceptionnelles.
Et pourtant, de circonstances exceptionnelles en circonstances exceptionnelles, nous ne sommes jamais parvenus à redresser la barre et à rompre durablement avec la facilité budgétaire.
Tirer les leçons de cet échec collectif et garantir aux Français que le retour à léquilibre ne sera plus un voeu pieux : tel est lobjet, Mesdames et Messieurs les sénateurs, du projet de loi constitutionnelle que jai lhonneur de vous présenter aujourdhui au nom du Gouvernement.
Car si lexpérience nous a appris la faiblesse de la volonté politique en matière de réduction des déficits, elle nous a aussi montré que nous pouvions surmonter cette faiblesse, en nous donnant des règles contraignantes pour lavenir, des règles qui nous obligent à tenir nos engagements et à respecter la parole donnée aux Français.
Car si au plus fort de la crise, nous sommes parvenus à contenir laugmentation des déficits puis à amorcer le retour à léquilibre, cest grâce aux règles que ce Gouvernement sest donné en accord avec vous, Mesdames et Messieurs les sénateurs et à la détermination quil met à les respecter.
Je pense à la règle daffectation systématique des surplus de recettes à la réduction du déficit. Je pense à la norme de dépense, qui nous a permis depuis plusieurs années de contenir les charges de lEtat et, depuis cette année, de stabiliser en valeur ses dépenses hors charges de la dette et pensions. Je pense au non-remplacement dun départ à la retraite sur deux, qui conduira en 2012, et cest une première, à une baisse des dépenses de personnel de lEtat. Je pense enfin à lobjectif national de dépenses dassurance-maladie, qui navait pas été respecté depuis près de 15 ans et a enfin été tenu en 2010.
Et les progrès que nous avons accomplis en quatre années à peine le montrent : ce qui a affaibli durablement la France, cest bien labsence de règles pour protéger les Français des moments de faiblesse que connaissent parfois leurs responsables politiques.
Car en matière budgétaire, nous ne souffrons pas davoir trop de normes, nous souffrons de ne pas en avoir assez. Maintes et maintes fois, au cours de ces 35 dernières années, des hommes et des femmes politiques responsables, à droite comme à gauche, ont tenté de redresser avec courage nos finances publiques. Et si leurs efforts ont été infructueux, cest parce quaucune norme ne venait empêcher leurs successeurs, quils soient ou non de la même couleur politique, de laisser à nouveau filer les déficits.
La force de la règle, cest quelle nous préserve des circonstances ; cest quelle rend la vertu budgétaire indépendante des soubresauts de la vie politique ; cest quelle nous contraint tous à dire la vérité aux Français sur la situation financière du pays.
Aussi nest-ce pas un hasard si nombre de nations dans le monde ont déjà choisi de se donner des règles budgétaires extrêmement précises pour lutter contre les déficits : car cest tout simplement la meilleure manière, et peut-être même la seule, de protéger les générations futures de lirresponsabilité budgétaire.
Tout récemment, lAllemagne a ainsi choisi de compléter sa loi fondamentale, qui comportait déjà une règle déquilibre, pour y inscrire linterdiction de voter un budget avec un déficit structurel supérieur à 0,35% du PIB à compter de 2016. Elle saccompagne dun mécanisme de contrôle très strict, qui rend des mesures de redressement obligatoires lorsque les écarts à lobjectif initial atteignent 1% du PIB. Et cest un Ministre des finances social-démocrate, Peer STEINBRÜCK, qui a défendu cette réforme devant le Parlement.
De même, lorsquen 1991, la Suède fut confrontée à une crise de financement sans précédent de son modèle social, elle parvint à le sauver en sappuyant sur deux règles budgétaires extrêmement strictes : la première prévoyant un encadrement des dépenses sur trois ans ; la seconde affectait par avance tous les surplus de recettes au remboursement de la dette et à la réduction des déficits. Ce modèle nordique dont il est tant question dans notre débat public, il repose en vérité sur le principe même du retour à léquilibre budgétaire.
Cest que cette règle du « zéro déficit » tend à simposer désormais comme un standard international. Le Fonds monétaire international dénombre ainsi 90 Etats dotés de règles budgétaires contraignantes, alors quils nétaient que 7 en 1990. Cest dire que, partout dans le monde, les responsables politiques affirment leur détermination présente et future à redresser leurs finances publiques et à conforter ainsi la crédibilité budgétaire de la nation.
Et cest pourquoi le Gouvernement, qui est animé par cette même détermination, vous propose aujourdhui de protéger les Français contre toute tentation démagogique future en gravant dans notre Constitution lobligation, pour tout Gouvernement, de dire quand et comment il prévoit de revenir à léquilibre.
Cest tout lobjet des lois-cadres déquilibre des finances publiques que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité créer, dans la droite ligne des recommandations rendues publiques en juin 2010 par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus, dont le président de votre commission des finances et votre rapporteur général étaient membres.
A travers ces lois-cadres, qui couvriront au moins trois années, il reviendra à chaque Gouvernement de préciser le rythme du retour à léquilibre, en sengageant sur une date, ainsi que la nature et lampleur des efforts quil entend demander à la collectivité nationale, chaque année, pour y parvenir. Quelles que soient les majorités futures, elles pourront ainsi construire leur propre stratégie économique et budgétaire. Mais à lhorizon de celle-ci, il y aura un objectif intangible, le retour à léquilibre, dont la valeur constitutionnelle sera pleinement assurée et simposera au pouvoir exécutif comme au législateur.
Car il sera désormais interdit au Gouvernement de dépenser dans le présent sans sengager aussi pour lavenir. En effet, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale annuelles ne pourront être adoptées en labsence de loi cadre. Lengagement sur le retour à léquilibre et sur les moyens dy parvenir devra désormais précéder, impérativement, lautorisation annuelle de dépenser.
Et cest ce qui distingue les lois-cadres déquilibre des lois de programmation pluriannuelles que nous avons créées en 2008. Car vous le savez, en modernisant nos institutions, nous avons fait une première avancée en invitant le Gouvernement à présenter un cadrage pluriannuel qui devait, et je cite larticle 34 de notre Constitution, « sinscrire dans lobjectif déquilibre des comptes des administrations publiques ».
La vertu budgétaire faisait ainsi son entrée dans notre charte fondamentale. Mais elle restait encore soumise au bon vouloir du Gouvernement, puisque les lois de programmation pluriannuelles nétaient ni obligatoires, ni réellement contraignantes, du moins en droit.
Pour notre part, sous limpulsion du Président de la République, nous nous sommes fait un devoir de respecter nos engagements ; les résultats obtenus en 2010 lattestent : nous avons tenu tous nos objectifs et nous continuerons de le faire.
Mais comme le constatait le rapport de Michel Camdessus que jévoquais à linstant, cette première avancée devait encore être consolidée : car rien ne garantissait que les Gouvernements futurs fassent preuve du même esprit de responsabilité que le nôtre. Et, au vu de notre histoire récente, il est même probable quun jour ou lautre, une majorité ne tarde pas de saffranchir du respect de la parole donnée.
Entre lobjectif constitutionnel de retour à léquilibre à terme et les lois de finances annuelles, il y avait bel et bien un chaînon manquant. Et cest bien cette absence de règle garantissant que les engagements pris seront tenus que nous vous proposons aujourdhui de combler.
Les futures lois-cadres déquilibre simposeront en effet aux projets de loi de finances annuelles ainsi quaux projets de loi de financement de la sécurité sociale : le Gouvernement sera donc bel et bien tenu de respecter ses engagements. Aussi les lois-cadres ne pourront-elles être prises à la légère : les majorités futures auront le devoir de dire la vérité aux Français sur létat des finances publiques, sur le coût des engagements quelles ont pris, sur les impôts quelles comptent créer, les économies quelles comptent réaliser et, enfin, sur la date du retour à léquilibre : cet horizon, plus ou moins lointain, sera le témoin de la détermination plus ou moins forte du Gouvernement à rompre, effectivement, avec la facilité de la dépense publique et la spirale de lendettement. En matière de finances publiques, la sincérité et la transparence deviendront des obligations absolues.
Et cest pourquoi ce texte, Mesdames et Messieurs les sénateurs, mérite pleinement son surnom de « règle dor » : il va en effet transformer en profondeur laction politique et le débat public, en nous obligeant, collectivement, à ne prendre devant les Français que des engagements réalistes et soutenables.
Cen sera fini des décisions à courte vue, prises sans souci du lendemain. La responsabilité deviendra la règle et plus aucun Gouvernement ne pourra sacrifier lavenir au présent. Cette loi, cest donc bien une loi de protection des Français et notre jeunesse sera la première à en bénéficier, une jeunesse qui regarde aujourdhui avec inquiétude les dettes saccumuler et qui sait, elle, quelle devra un jour ou lautre les rembourser.
Ces objectifs, Mesdames et Messieurs les sénateurs, ont tout pour faire consensus. Et vos débats en première lecture ont montré quils étaient partagés à lAssemblée nationale et au Sénat, du moins sur les bancs de la majorité.
Le travail parlementaire a dores et déjà permis denrichir sensiblement le texte qui vous était proposé par le Gouvernement. Et je tiens en particulier à saluer la grande qualité des modifications apportées par les commissions des lois des deux assemblées à la définition constitutionnelle des lois-cadres déquilibre.
Le projet de loi initial renvoyait en effet la définition de ces textes à une loi organique, prise pour lapplication du nouvel article 34 de la Constitution. Vous avez estimé, à raison me semble-t-il, quen procédant ainsi, nous aurions affaibli la règle dor : le contenu des lois-cadres et la nature des obligations quelles font peser sur le législateur aurait en effet été de niveau simplement organique et non constitutionnel.
Vous avez donc souhaité préciser dans notre loi fondamentale, Monsieur le Président Jean-Jacques HYEST, en accord avec la commission des lois de lAssemblée nationale et son Président, Jean-Luc WARSMANN, que les lois-cadres définiront non seulement des plafonds des dépenses, mais également un minimum de recettes nouvelles.
Je ne peux quêtre sensible à la pertinence de votre démarche, qui confortera lobligation de retour à léquilibre en contraignant les Gouvernements futurs à sengager sur une trajectoire de recettes supplémentaires. Grâce aux travaux parlementaires, la règle dun effort structurel minimal se trouvera inscrite dans notre charte fondamentale.
De même, vous avez posé, dans la Constitution, le principe dune obligation globale de respect des efforts prévus en dépenses et en recettes. Là encore, il sagit à mes yeux dune précision utile, qui conforte la règle dor en définissant la nature de la contrainte qui pèse sur le Gouvernement : les engagements pris par ce dernier devront naturellement pouvoir être ajustés dans le détail, mais ils simposent bien à lui dans leur globalité.
Je tiens également à saluer votre souci de garantir le respect des lois-cadres par les lois de finances annuelles et les lois de financement de la sécurité sociale : en prévoyant que le Conseil constitutionnel sera saisi doffice des lois-cadres, mais aussi des textes financiers annuels, vous avez non seulement prévenu le risque dune violation par consensus de la loi-cadre, mais vous avez également considérablement affermi le lien entre les lois-cadres et les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Cette saisine systématique témoigne du rôle déterminant que jouent les textes financiers dans la vie du pays, un rôle qui mérite un examen systématique de constitutionnalité. La sécurité juridique de tous sen trouvera renforcée, car ce contrôle permettra notamment de garantir, avant même leur entrée en vigueur, la conformité à la Constitution de lessentiel des normes fiscales. Et avec lessor des questions prioritaires de constitutionnalité, cela représente une véritable garantie de stabilité.
A lévidence, la règle dor sort donc confortée de vos travaux. Et je me réjouis que le coeur de ce projet de loi constitutionnelle fasse dores et déjà consensus entre les deux assemblées.
Jajoute que vous avez également souhaité renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement en matière budgétaire. Et cette volonté sinscrit pleinement dans lesprit de ce texte, dont le principe même est le respect des engagements pris, devant la nation, bien sûr, mais aussi devant ses représentants.
Vous aurez bientôt, Mesdames et Messieurs les sénateurs, à examiner des projets de lois-cadres soumis par le Gouvernement. Votre rôle dans la conception de notre stratégie budgétaire deviendra ainsi plus déterminant encore. Aussi était-il naturel que le Parlement examine systématiquement les programmes de stabilité que la France transmet chaque année à la Commission européenne, comme nous lavons fait pour la première fois cette année : cest en effet un gage de cohérence, mais aussi de transparence.
Je tiens en effet à le souligner : en prévoyant que ce projet de programme pourra faire lobjet dun débat et dun vote à la demande du Gouvernement ou dun groupe, vous avez renforcé linitiative parlementaire et donné un nouveau droit à lopposition, prolongeant ainsi lesprit de la réforme constitutionnelle de 2008.
Vous avez enfin tenu à avancer de deux semaines les délais de dépôt, sur le bureau de lAssemblée nationale, du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de disposer de plus de temps pour pouvoir les examiner. Je sais que lensemble des commissions sont particulièrement attachées à cette modification du calendrier ; vous savez, de votre côté, la contrainte particulièrement forte que ce calendrier fera peser sur lexécutif.
Jen viens maintenant à lunique point sur lequel les positions de lAssemblée nationale et du Sénat semblent encore nettement diverger : je pense bien sûr à limpossibilité pour une disposition portant sur les prélèvements obligatoires dêtre adoptée hors dun projet de loi de finances ou dun projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je veux vous dire lesprit dans lequel le Gouvernement aborde cette question. Notre priorité, cest de mettre un terme à la multiplication des niches fiscales et sociales, dont le nombre et le coût sont aujourdhui excessifs. Prises isolément, nombre de ces niches peuvent paraître indolores. Pour en mesurer le nombre, lévolution et le coût réel, il faut les appréhender globalement, ce qui est naturellement impossible lorsquelles sont dispersées dans les différents projets de loi examinés tout au long de lannée.
Cest pourquoi le Gouvernement sest fixé une nouvelle règle depuis juin 2010, en sinterdisant de présenter des dispositions affectant les ressources fiscales et sociales en dehors des textes financiers. Cela lui permet et vous permet, Mesdames et Messieurs les sénateurs, davoir une vue densemble sur les niches qui, avec votre accord, seront créées ou supprimées à linitiative de lexécutif. Cela permet, surtout, de les mettre en regard de léquilibre budgétaire global défini dans les textes financiers.
Et cest lextension de cette règle aux propositions de loi, comme aux amendements dinitiative parlementaire qui fait lobjet dun débat nourri entre vos deux assemblées.
Je veux le dire devant vous aujourdhui, quelle quen soit lissue, le Gouvernement continuera à respecter la règle que le Premier ministre lui a fixée, comme il continuera à réduire avec détermination le nombre et le coût des niches.
Après un effort, encore jamais réalisé, de réduction des niches de 11 milliards deuros en 2011, lengagement de diminution de 3 milliards deuros supplémentaires chaque année pendant trois ans, en 2012, 2013 et 2014 sera tenu. Afin que le Parlement soit pleinement informé et sassocie à cet objectif, je transmettrai aux deux assemblées, comme je my étais engagée, le rapport de lInspection générale des finances qui évalue le coût et lefficacité de chacune des niches.
Je constate également que le coeur de la réforme constitutionnelle portée par ce texte fait consensus entre les deux assemblées. Nous sommes donc tous daccord sur lessentiel. Je souhaite dès lors quun dialogue constructif puisse sengager sur ce dernier point de divergence et je serai naturellement très attentive à toutes les propositions que pourra faire votre Haute assemblée, notamment par la voix du Président de la commission des lois, Jean Jacques Hyest, sur ce point.
Car je crois que nous en sommes tous convaincus : linscription de la règle dor dans la Constitution est une réforme majeure, une réforme dintérêt public que nous souhaitons tous voir adoptée très rapidement.
Comme vous, je sais que les Français sont troublés par le contexte international et quils attendent, de la part de leurs responsables politiques, des signes très forts de leur détermination à redresser nos finances publiques.
Et permettez-moi de le souligner, cest bien nous tous quils interpellent aujourdhui : car cest nous tous qui, depuis 35 ans, avons commis une faute collective en accumulant les déficits ; et aujourdhui, Mesdames et Messieurs les sénateurs, nous avons une occasion historique deffacer définitivement cette faute et de protéger ainsi notre génération et celles à venir de tout risque de faiblesse future. Cest une démarche responsable, que le Gouvernement a entamée depuis quatre ans déjà et qui a reçu le soutien sans faille de la représentation nationale, du moins sur les bancs de la majorité ; elle devrait aujourdhui pouvoir tous nous réunir.
Alors, cette occasion historique, nous devons la saisir. Et le Gouvernement sait quil peut compter sur la sagesse du Sénat pour y parvenir.
Je vous remercie.
Source http://www.budget.gouv.fr, le 27 juillet 2011