Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'évolution des émissions de gaz à effet de serre dans l'industrie et l'énergie et les orientations prises pour protéger l'environnement, Paris, 20 juin 2001.

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Circonstance : Conférence annuelle du programme national de lutte contre le changement climatique, à Paris le 20 juin 2001

Texte intégral

Déclaration de M. Christian Pierret
Secrétaire d'Etat à l'Industrie
Conférence annuelle du programme national de lutte
contre le changement climatique
en clôture de la matinée industrie énergie - bâtiment
20/06/2001

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Le phénomène de l'effet de serre constitue indéniablement l'un des problèmes les plus sérieux auxquels l'humanité est aujourd'hui confrontée. Nous devons en assurer la responsabilité avec sérieux, pour nous-mêmes, pour nos enfants. Le Gouvernement, vous le savez, en a pleinement conscience. Il entend que la France se montre exemplaire. Car nous nous devons, de plus, d'apporter notre contribution à l'effort collectif planétaire pour limiter les risques de changements climatiques. L'air est un bien public universel. Aussi l'objectif de limitation de nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2010 qui nous est assigné par le Protocole de Kyoto doit être et sera effectivement respecté.
Ma présence parmi vous aujourd'hui atteste, s'il en était encore besoin, que le Ministre en charge de l'industrie et de l'énergie se sent très directement concerné par l'impératif de lutte contre le changement climatique.
Faut-il rappeler que plus des trois quarts de nos émissions de gaz à effet de serre au sens du protocole de Kyoto résultent de l'usage des énergies fossiles ? Dès lors, les mesures prises en faveur de l'utilisation rationnelle de l'énergie, ou pour accélérer le développement des énergies renouvelables qui constituent l'une des priorités de notre politique énergétique concourent très directement à la lutte contre le changement climatique.
Par ailleurs, l'existence d'un secteur industriel puissant, à même de créer les emplois et les richesses que nos concitoyens sont en droit d'attendre est subordonnée, nous le savons tous aujourd'hui, à la prise en compte des préoccupations environnementales dans la stratégie des entreprises, et notamment de la lutte contre l'effet de serre. Chacun est conscient dans notre pays que, désormais, le développement industriel sera respectueux de l'homme et de l'environnement ou ne sera pas.
1. Le bilan
Aujourd'hui, à mi-parcours de l'échéance de 2010, et un an après l'adoption par le Gouvernement du programme national de lutte contre le changement climatique, où en sommes nous de l'évolution des émissions des secteurs de l'industrie et de l'énergie ?
Selon l'Observatoire de l'Energie, nos émissions de CO2 résultant de l'utilisation de l'énergie n'ont augmenté au cours de la période 1990-2000 que de 3,3 %, soit à un rythme trois fois inférieur à celui constaté par l'Agence Internationale de l'Energie pour l'ensemble des pays de l'OCDE qui s'élève à 1 % par an sur la même période.
La France peut s'honorer d'être l'un des rares pays à tenir l'engagement qu'elle avait contracté au sommet de la terre à RIO en 1992 de limiter en 2000 à moins de 2 T de carbone par habitant et par an ses émissions de gaz carbonique.
Compte tenu des autres gaz à effet de serre retenus par le Protocole de Kyoto, nos émissions sont sur une trajectoire qui laisse espérer que la France pourra, si elle ne relâche pas ses efforts, satisfaire l'objectif de stabilisation à l'horizon 2010 qui lui a été assigné.
S'agissant du secteur de l'industrie, au cours de la période 90-2000, ses émissions de CO2 d'origine énergétique ont diminué de 2 % alors que, dans la même période, notre produit intérieur brut a augmenté de 19 %. En outre, les émissions d'oxyde nitreux (N2O), essentiellement d'origine industrielle, sont en décroissance de près de 20 %.
Les émissions de CO2 imputable au secteur de l'industrie ne représentent plus que 20 % de nos émissions totales, c'est à dire deux fois moins que celles du secteur transport.
Le secteur de la production de l'énergie (centrales électriques et raffinage) a réduit de manière encore plus importante ses émissions de CO2 : - 10 % au cours des 10 dernières années. Le contenu carbone du kWh produit en France grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables est l'un des plus faible d'Europe : 7 fois moins que celui produit en Allemagne ou au Royaume-Uni, 5 fois moins que la moyenne européenne.
2. Perspectives d'avenir
Ces résultats, flatteurs, ne sauraient bien évidemment constituer un motif pour réduire nos efforts. Nous devons allons plus loin dans la lutte contre les risques de changement climatique.
C'est possible, car il subsiste dans le secteur de l'industrie des gisements d'efficacité énergétique dans lesquels il est possible de puiser dans des conditions économiques acceptables. Il suffit pour s'en convaincre de constater que les résultats que j'évoquais à l'instant tiennent pour 80 % à des décisions de changement de combustible, plus de gaz et d'électricité à contenu carbone faible ou nul et moins de fioul et de charbon, et seulement pour 20 % à des actions de maîtrise de l'énergie.
Mais, ce sera difficile. L'objectif de stabilisation de nos émissions à l'horizon 2010 est ambitieux. Il serait vain d'espérer l'atteindre sans effort.
En effet, nos marges de manuvre se réduisent. Notre électricité est aujourd'hui produite à plus de 90 % par des sources non émettrices de CO2. On ne peut guère espérer aller beaucoup plus loin. L'usage du fioul et charbon à fort contenu carbone est en constante régression dans l'industrie au profit du gaz avec les risques que cette évolution comporte au regard de notre sécurité d'approvisionnement.
Par ailleurs, l'industrie manufacturière, et désormais également le secteur énergétique, sont plongés dans un environnement concurrentiel européen et souvent mondial exacerbé. Leur contribution à la lutte contre le changement climatique doit rester compatible avec le maintien de leur compétitivité sur le territoire français, afin d'éviter des conséquences économiques, mais aussi et surtout sociales inacceptables, d'autant plus inacceptables que l'impact de transferts de production sur le phénomène mondial que constitue l'effet de serre serait très limité.
3. Des orientations
Vous vous êtes interrogés au cours de cette matinée sur les mesures à mettre en uvre pour réduire plus encore les émissions des entreprises industrielles et énergétiques dans les meilleures conditions de coût et d'efficacité. Vous avez pesé les avantages respectifs de l'approche réglementaire et des instruments économiques. Je n'ai malheureusement pas pu assister à vos débats, mais j'imagine qu'ils ont été passionnés tant le sujet est complexe et les enjeux importants ; je me limiterai à tenter de vous faire partager deux convictions.
En premier lieu, je suis convaincu que dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il est toujours préférable, d'expliquer et de convaincre plutôt que d'astreindre, d'inciter plutôt que de réglementer. Notre industrie a su avant beaucoup d'autres intégrer dans sa stratégie les préoccupations environnementales. Elle doit à mon sens persister dans cette voie, en mettant en évidence sa capacité à apporter une contribution significative à la lutte contre le changement climatique.
En second lieu, les entreprises industrielles sont très sensibles au signal prix, beaucoup plus que les autres acteurs économiques. C'est la raison pour laquelle il faut agir en ce domaine avec circonspection et éviter les mesures qui pourraient avoir des conséquences graves.
J'observe dans cette perspective que nos principaux partenaires européens, allemands, danois, hollandais, mais aussi britanniques, ont donné aux mécanismes d'engagements négociés une place importante pour infléchir les émissions de gaz à effet de serre de leurs entreprises industrielles intensives en énergie à côté de la fiscalité, compte tenu de modalités de plafonnement, ou d'atténuation et d'exemptions dans le cas britannique, extrêmement importantes.
Sans doute, trouverons-nous avantage à nous inspirer de ces formules " combinées ". Le Gouvernement reste en tout état de cause déterminé à mettre en uvre un dispositif volontariste, en examinant des modalités telles que l'aménagement de la taxe prévue fin 2000, compte tenu des objections du Conseil constitutionnel, les engagements volontaires, les mesures internes et les échanges de crédit d'émission - même si ceux-ci nécessitent sans doute encore un important travail d'expertise et de pédagogie. Comme vous l'a indiqué hier matin Mme Dominique VOYNET, la priorité est que soit mis en place dès 2002 un dispositif pleinement effectif dans son impact environnemental.
Mesdames et Messieurs,
Je suis conscient de ne pas avoir épuisé le débat. Le chemin pour satisfaire l'objectif de Kyoto sera long et difficile. Il est clair que dans la lutte contre l'effet de serre, comme dans d'autres domaines, l'impératif industriel et l'impératif environnemental ne doivent pas s'opposer, mais au contraire se renforcer mutuellement et contribuer à bâtir un avenir économique, social et environnemental meilleur pour les générations futures. C'est mon objectif, en tant que Ministre en charge de l'industrie et de l'énergie, que d'y travailler avec volontarisme et pragmatisme.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 21 juin 2001)