Texte intégral
Je voudrais vous dire le très grand honneur que je ressens à être à vos côtés dans une période qui marque la fin dévénements qui ont été tragiques pour la Côte-dIvoire et que vous avez traversés avec un courage, une dignité et une détermination qui ont fait ladmiration de tous les Français, mais aussi jen suis sûr, ladmiration dans le monde entier.
Cest une grande joie dêtre à Abidjan pour ce qui est la première visite dun chef de gouvernement français depuis un quart de siècle, puisque la dernière visite remontait à 1986. Et je crois quon peut dire quen 1986, cétait une autre Côte-dIvoire et cétait une autre France.
Aujourdhui, nos deux pays engagent une relation décomplexée, mais une relation qui sappuie sur une amitié très ancienne et qui sappuie sur des preuves damitié que nous nous sommes données les uns et les autres, en particulier ces derniers mois.
La crise ivoirienne avait beaucoup mobilisé lattention des Français, parce que dabord il y avait cette histoire très ancienne entre la France et la Côte-dIvoire. Vous rappeliez vous-même que beaucoup dIvoiriens ont de la famille en France et beaucoup de Français ont des liens étroits avec la Côte-dIvoire.
Mais aussi parce que la Côte-dIvoire, cétait pendant de nombreuses années le symbole du développement, de la croissance en Afrique, cétait ce quon appelait le miracle ivoirien. Et le déclin de ce miracle, à partir du début des années 2000, avait au fond provoqué beaucoup de déception chez les Français qui voyaient là un signe des difficultés de lAfrique toute entière à sengager sur la voie de la croissance et du développement.
Et puis enfin, il y avait le combat pour la démocratie, pour le respect des droits de lhomme que vous incarnez. Il y a eu en Côte-dIvoire une élection présidentielle, qui avait dailleurs tardé. Cette élection présidentielle, vous laviez gagnée. Il ny avait aucune raison que le président Ouattara, élu par les Ivoiriens, ne prenne pas en charge le destin de la Côte-dIvoire et nous avons vu les malheurs qua provoqués lentêtement dun clan qui ne voulait pas respecter le droit, qui ne voulait pas respecter la démocratie.
Et cest tout cela au fond que la France observait avec le sentiment que se jouait en Côte-dIvoire, non seulement lavenir de la Côte-dIvoire, mais aussi dune certaine façon lavenir de lAfrique parce que la démonstration que la démocratie, que les droits de lhomme, que lEtat de droit ne sont pas réservés à quelques-uns, elle trouvait ici un point dapplication particulier en Côte-dIvoire. Et donc nous avons fait tous nos efforts, avec lorganisation des Nations unies, dans le respect strict du droit international, pour faire en sorte que la démocratie, le respect du droit triomphent en Côte-dIvoire. Et cest ce que le président de la République française est venu dire le 21 mai à loccasion de sa visite.
Mais maintenant il faut enclencher entre nous le renforcement des relations économiques, des relations politiques, des relations diplomatiques pour faire en sorte que la Côte-dIvoire réussisse et que les engagements que nous avons pris, soient tenus. Cest ce que jai essayé de dire tout au long de lentretien que nous avons eu ensemble, Monsieur le Président.
Dabord sur le plan de la défense, nous tiendrons les engagements que le Président de la République française a indiqués devant vous. Nous allons négocier ensemble un accord de défense. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, est venu il y a quelques jours pour le préparer. Ce sera un accord de défense qui prendra en compte lensemble des considérations qui sont les vôtre et ceux de la politique française en matière de sécurité en Afrique. La France restera solide en matière de sécurité aux côtés de la Côte-dIvoire.
Ensuite il y a les engagements les plus importants, ceux qui vont permettre à la Côte-dIvoire de renouer avec la croissance. Je vous ai indiqué que lengagement que nous avions pris de 400 millions deuros dappui budgétaire, serait tenu ; 350 ont déjà été affectés. Nous avons discuté ensemble des 50 restants. Nous allons régler cette question dans le sens que vous souhaitez dans les meilleurs délais. De la même façon nous allons nous engager dans un effort très important, sans précédent dailleurs finalement, de désendettement et de développement avec le contrat de désendettement et de développement.
Ce contrat qui va porter sur deux milliards deuros, nous allons le négocier ensemble et nous allons à cette occasion remettre en place la commission mixte franco-ivoirienne. Et e vous ai indiqué que nous avions décidé dajouter sans condition à ce contra, à ces mesures, un milliard deuros de suppression de dettes de la part de la France. De la même façon, la France va travailler aux côtés des autres créanciers de la Côte-dIvoire pour quils prennent des décisions similaires.
Enfin je suis venu avec une délégation très importante de chefs dentreprises, pour permettre aux entreprises françaises de renouer avec la coopération en Côte-dIvoire, pour permettre aux entreprises françaises dinvestir en Côte-dIvoire. Il y a des besoins immenses en matière dinfrastructures, il y a des entreprises françaises qui ont un savoir-faire. Il faut naturellement quelles soient les meilleures dans une compétition qui est une compétition ouverte.
Jai eu loccasion de dire deux fois déjà depuis que je suis en Côte-Divoire que la France ne souhaite pas être le partenaire exclusif de la Côte-dIvoire - ça, cétait une autre époque. Nous souhaitons être le partenaire de référence de la Côte-dIvoire et nous allons faire en sorte que nos entreprises soient les plus performantes dans la compétition internationale. Je suis dailleurs venu avec Henri de Raincourt, Pierre Lellouche et David Douillet pour mettre en uvre ensemble tous ces partenariats.
Je voudrais terminer, Monsieur le président de la République, en vous disant que nous avons beaucoup dadmiration pour la manière dont vous avez traversé cette crise et dont vous avez traversé ces événements. Vous avez dû affronter une crise sans précédent et vous lavez fait avec sérénité, avec courage mais surtout en ne vous départissant pas des principes et des valeurs qui sont les vôtres.
Et cest fondamental. Lavenir de lAfrique comme lavenir du monde reposent sur le respect du droit, sur le respect de la démocratie, sur le respect des droits de lhomme. Je sais que cest des valeurs auxquelles vous êtes attaché et je suis admiratif de la façon dont vous avez su les respecter pendant toute la durée de cette crise.
Tout ceci me permet de dire quau-delà de ladmiration personnelle que je vous porte, au-delà de lamitié que vous porte le président de la République française, nous avons une grande confiance dans lavenir de la Côte-dIvoire et nous avons une grande confiance dans lavenir des relations entre la France et la Côte-dIvoire.
QUESTIONS-REPONSES
JOURNALISTE
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, merci de nous donner la parole. Monsieur Fillon, vous avez choisi le jour de la Fête nationale française pour cette visite à Abidjan qui est destinée à marquer le nouveau départ des relations, notamment économiques, entre la France et la Côte-dIvoire. Or ce matin, certains journaux ivoiriens ont protesté contre ce quils ont appelé "le retour du colon". Que répondez-vous aux Ivoiriens qui considèrent les Français de cette façon ? Et dautre part, certaines informations font état dun certain agacement de diplomates américains à légard des prétentions françaises, des revendications qua la France sur la reconstruction de ce pays. Est-il exact, Monsieur le Président, que vous ayez ajourné certaines commandes déquipement de sécurité à la France pour apaiser ces inquiétudes ? Merci.
FRANÇOIS FILLON
Dabord je voudrais vous dire que le choix du 14 juillet avait une seule explication : il me permettait tout en répondant à linvitation du président Ouattara et du gouvernement ivoirien et à la demande que mavait faite le président de la République française de venir ici pour consolider les relations économiques entre la France et la Côte-dIvoire. La date du 14 juillet me permettait aussi de venir fêter la Fête nationale avec la communauté française en Côte-dIvoire qui est très importante et qui a subi elle aussi les conséquences de la crise grave que la Côte-dIvoire vient de traverser. Pour le reste, ces accusations et ces critiques correspondent à des logiciels qui sont des logiciels dépassés.
Et jappelle tous ceux qui continuent à vouloir évoquer les relations entre la France et lAfrique, en parlant de "Françafrique", à changer de vocabulaire et à changer de logiciel. Tout cela na plus rien à voir avec la réalité des relations quil y a entre nos deux pays. Ce que nous voulons, nous, cest aider la Côte-dIvoire à assumer la plénitude de sa souveraineté.
Ce que nous voulons, nous, dans le cadre du droit international, cest faire en sorte que la démocratie et les droits de lhomme soient de mieux en mieux respectés sur le continent africain. Et je rappelle que nous navons agi ici en Côte-dIvoire que dans le cadre du mandat qui nous a été confié par les Nations unies, comme nous nagissons dailleurs aujourdhui en Libye que dans le cadre du mandat qui nous a été confié par les Nations unies.
Et pour le reste, je pense quil y a suffisamment de liens damitié entre la France et la Côte-dIvoire pour que ces liens damitié permettent de développer les partenariats économiques au-delà de tous ces discours idéologiques, de tous ces discours convenus qui nont plus aucune réalité dans le monde daujourdhui. On nous a accusés dans le passé de ne pas avoir compris suffisamment tôt les changements du monde, de ne pas avoir compris suffisamment tôt que la chute du rideau de fer hier, les révolutions arabes aujourdhui étaient en train de dessiner un 21e siècle qui allait être complètement différent du 20e siècle.
Cest vrai que nous avons parfois un peu tardé à le comprendre, mais aujourdhui nous assumons lensemble de nos responsabilités dans le cadre de ce nouveau monde qui est en train de se construire. Par contre, les observateurs et les commentateurs qui continuent à parler de relations coloniales entre la France et lAfrique, eux nont pas encore compris la nature des changements qui ont affecté le monde. Donc je leur demande de faire cet effort de remise à jour de leur logiciel et de compréhension du monde et je pense que tout le monde sen portera mieux.
JOURNALISTE
Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre. Vous avez évoqué au cours de vos échanges la prochaine redéfinition des accords de défense entre la Côte-dIvoire et la France. Peut-on avoir une idée des grandes lignes de ce changement à venir ?
FRANÇOIS FILLON
Je peux simplement ajouter du point de vue de la France et ce sera une nouvelle réponse à la question précédente nous navons pas vocation à assurer nous-mêmes la sécurité de la Côte-dIvoire comme de nimporte quel autre pays dans le monde. Nous nen avons ni la vocation dailleurs ni les moyens. En revanche, nous voulons assumer toutes nos responsabilités internationales, nous voulons aider nos amis ; nous voulons les aider notamment à assurer leur sécurité face aux menaces terroristes, face à toutes les sortes de trafics qui, nous le savons, prennent de limportance dans le monde et qui menacent lEtat de droit.
Nous maintiendrons si le gouvernement ivoirien le souhaite une présidence militaire en Côte-dIvoire. Le président de la République française a dailleurs évoqué le volume de cette puissance militaire. Nous souhaitons, dans le cadre de cet accord de défense, apporter aux forces ivoiriennes tout notre concours en termes de formation, en termes de soutien mais la place des forces françaises et la doctrine demploi des forces françaises nous conduira à réduire notre présence militaire en Côte-dIvoire, comme dailleurs dans le reste du monde en privilégiant le soutien, la formation et puis les capacités de déploiement dont nous nous sommes dotés lorsque dans le cadre du droit international elles sont sollicitées.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, hier à loccasion du 14 juillet, vous avez rendu hommage aux soldats français tués en Afghanistan ainsi quaux soldats présents sur tous les théâtres dopérations extérieures et vous avez évidemment ici à Abidjan rendu hommage à la Force Licorne. En France, le défilé militaire fait lobjet dun débat : la candidate écologiste Eva Joly, candidate à la présidentielle, propose de le supprimer pour le remplacer par un défilé citoyen. Comment réagissez-vous ?
FRANÇOIS FILLON
Je réagis avec tristesse. Je pense que cette dame na pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de lhistoire française. Ce défilé, il est dabord le symbole dune armée qui défend la République. Et si chaque année, nous rendons hommage à nos forces armées le jour de la Fête nationale, cest parce que nous rendons hommage à une institution qui assure la défense des valeurs de la République française, de la liberté, de la fraternité, de légalité parce que les forces armées françaises concourent au bon fonctionnement de la démocratie dans notre pays et cest normal de leur rendre hommage. Et je vous dis que vraiment je crois quil y a bien peu de Français qui partagent lavis de madame Joly.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2011
Cest une grande joie dêtre à Abidjan pour ce qui est la première visite dun chef de gouvernement français depuis un quart de siècle, puisque la dernière visite remontait à 1986. Et je crois quon peut dire quen 1986, cétait une autre Côte-dIvoire et cétait une autre France.
Aujourdhui, nos deux pays engagent une relation décomplexée, mais une relation qui sappuie sur une amitié très ancienne et qui sappuie sur des preuves damitié que nous nous sommes données les uns et les autres, en particulier ces derniers mois.
La crise ivoirienne avait beaucoup mobilisé lattention des Français, parce que dabord il y avait cette histoire très ancienne entre la France et la Côte-dIvoire. Vous rappeliez vous-même que beaucoup dIvoiriens ont de la famille en France et beaucoup de Français ont des liens étroits avec la Côte-dIvoire.
Mais aussi parce que la Côte-dIvoire, cétait pendant de nombreuses années le symbole du développement, de la croissance en Afrique, cétait ce quon appelait le miracle ivoirien. Et le déclin de ce miracle, à partir du début des années 2000, avait au fond provoqué beaucoup de déception chez les Français qui voyaient là un signe des difficultés de lAfrique toute entière à sengager sur la voie de la croissance et du développement.
Et puis enfin, il y avait le combat pour la démocratie, pour le respect des droits de lhomme que vous incarnez. Il y a eu en Côte-dIvoire une élection présidentielle, qui avait dailleurs tardé. Cette élection présidentielle, vous laviez gagnée. Il ny avait aucune raison que le président Ouattara, élu par les Ivoiriens, ne prenne pas en charge le destin de la Côte-dIvoire et nous avons vu les malheurs qua provoqués lentêtement dun clan qui ne voulait pas respecter le droit, qui ne voulait pas respecter la démocratie.
Et cest tout cela au fond que la France observait avec le sentiment que se jouait en Côte-dIvoire, non seulement lavenir de la Côte-dIvoire, mais aussi dune certaine façon lavenir de lAfrique parce que la démonstration que la démocratie, que les droits de lhomme, que lEtat de droit ne sont pas réservés à quelques-uns, elle trouvait ici un point dapplication particulier en Côte-dIvoire. Et donc nous avons fait tous nos efforts, avec lorganisation des Nations unies, dans le respect strict du droit international, pour faire en sorte que la démocratie, le respect du droit triomphent en Côte-dIvoire. Et cest ce que le président de la République française est venu dire le 21 mai à loccasion de sa visite.
Mais maintenant il faut enclencher entre nous le renforcement des relations économiques, des relations politiques, des relations diplomatiques pour faire en sorte que la Côte-dIvoire réussisse et que les engagements que nous avons pris, soient tenus. Cest ce que jai essayé de dire tout au long de lentretien que nous avons eu ensemble, Monsieur le Président.
Dabord sur le plan de la défense, nous tiendrons les engagements que le Président de la République française a indiqués devant vous. Nous allons négocier ensemble un accord de défense. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, est venu il y a quelques jours pour le préparer. Ce sera un accord de défense qui prendra en compte lensemble des considérations qui sont les vôtre et ceux de la politique française en matière de sécurité en Afrique. La France restera solide en matière de sécurité aux côtés de la Côte-dIvoire.
Ensuite il y a les engagements les plus importants, ceux qui vont permettre à la Côte-dIvoire de renouer avec la croissance. Je vous ai indiqué que lengagement que nous avions pris de 400 millions deuros dappui budgétaire, serait tenu ; 350 ont déjà été affectés. Nous avons discuté ensemble des 50 restants. Nous allons régler cette question dans le sens que vous souhaitez dans les meilleurs délais. De la même façon nous allons nous engager dans un effort très important, sans précédent dailleurs finalement, de désendettement et de développement avec le contrat de désendettement et de développement.
Ce contrat qui va porter sur deux milliards deuros, nous allons le négocier ensemble et nous allons à cette occasion remettre en place la commission mixte franco-ivoirienne. Et e vous ai indiqué que nous avions décidé dajouter sans condition à ce contra, à ces mesures, un milliard deuros de suppression de dettes de la part de la France. De la même façon, la France va travailler aux côtés des autres créanciers de la Côte-dIvoire pour quils prennent des décisions similaires.
Enfin je suis venu avec une délégation très importante de chefs dentreprises, pour permettre aux entreprises françaises de renouer avec la coopération en Côte-dIvoire, pour permettre aux entreprises françaises dinvestir en Côte-dIvoire. Il y a des besoins immenses en matière dinfrastructures, il y a des entreprises françaises qui ont un savoir-faire. Il faut naturellement quelles soient les meilleures dans une compétition qui est une compétition ouverte.
Jai eu loccasion de dire deux fois déjà depuis que je suis en Côte-Divoire que la France ne souhaite pas être le partenaire exclusif de la Côte-dIvoire - ça, cétait une autre époque. Nous souhaitons être le partenaire de référence de la Côte-dIvoire et nous allons faire en sorte que nos entreprises soient les plus performantes dans la compétition internationale. Je suis dailleurs venu avec Henri de Raincourt, Pierre Lellouche et David Douillet pour mettre en uvre ensemble tous ces partenariats.
Je voudrais terminer, Monsieur le président de la République, en vous disant que nous avons beaucoup dadmiration pour la manière dont vous avez traversé cette crise et dont vous avez traversé ces événements. Vous avez dû affronter une crise sans précédent et vous lavez fait avec sérénité, avec courage mais surtout en ne vous départissant pas des principes et des valeurs qui sont les vôtres.
Et cest fondamental. Lavenir de lAfrique comme lavenir du monde reposent sur le respect du droit, sur le respect de la démocratie, sur le respect des droits de lhomme. Je sais que cest des valeurs auxquelles vous êtes attaché et je suis admiratif de la façon dont vous avez su les respecter pendant toute la durée de cette crise.
Tout ceci me permet de dire quau-delà de ladmiration personnelle que je vous porte, au-delà de lamitié que vous porte le président de la République française, nous avons une grande confiance dans lavenir de la Côte-dIvoire et nous avons une grande confiance dans lavenir des relations entre la France et la Côte-dIvoire.
QUESTIONS-REPONSES
JOURNALISTE
Monsieur le Président, Monsieur le Premier ministre, merci de nous donner la parole. Monsieur Fillon, vous avez choisi le jour de la Fête nationale française pour cette visite à Abidjan qui est destinée à marquer le nouveau départ des relations, notamment économiques, entre la France et la Côte-dIvoire. Or ce matin, certains journaux ivoiriens ont protesté contre ce quils ont appelé "le retour du colon". Que répondez-vous aux Ivoiriens qui considèrent les Français de cette façon ? Et dautre part, certaines informations font état dun certain agacement de diplomates américains à légard des prétentions françaises, des revendications qua la France sur la reconstruction de ce pays. Est-il exact, Monsieur le Président, que vous ayez ajourné certaines commandes déquipement de sécurité à la France pour apaiser ces inquiétudes ? Merci.
FRANÇOIS FILLON
Dabord je voudrais vous dire que le choix du 14 juillet avait une seule explication : il me permettait tout en répondant à linvitation du président Ouattara et du gouvernement ivoirien et à la demande que mavait faite le président de la République française de venir ici pour consolider les relations économiques entre la France et la Côte-dIvoire. La date du 14 juillet me permettait aussi de venir fêter la Fête nationale avec la communauté française en Côte-dIvoire qui est très importante et qui a subi elle aussi les conséquences de la crise grave que la Côte-dIvoire vient de traverser. Pour le reste, ces accusations et ces critiques correspondent à des logiciels qui sont des logiciels dépassés.
Et jappelle tous ceux qui continuent à vouloir évoquer les relations entre la France et lAfrique, en parlant de "Françafrique", à changer de vocabulaire et à changer de logiciel. Tout cela na plus rien à voir avec la réalité des relations quil y a entre nos deux pays. Ce que nous voulons, nous, cest aider la Côte-dIvoire à assumer la plénitude de sa souveraineté.
Ce que nous voulons, nous, dans le cadre du droit international, cest faire en sorte que la démocratie et les droits de lhomme soient de mieux en mieux respectés sur le continent africain. Et je rappelle que nous navons agi ici en Côte-dIvoire que dans le cadre du mandat qui nous a été confié par les Nations unies, comme nous nagissons dailleurs aujourdhui en Libye que dans le cadre du mandat qui nous a été confié par les Nations unies.
Et pour le reste, je pense quil y a suffisamment de liens damitié entre la France et la Côte-dIvoire pour que ces liens damitié permettent de développer les partenariats économiques au-delà de tous ces discours idéologiques, de tous ces discours convenus qui nont plus aucune réalité dans le monde daujourdhui. On nous a accusés dans le passé de ne pas avoir compris suffisamment tôt les changements du monde, de ne pas avoir compris suffisamment tôt que la chute du rideau de fer hier, les révolutions arabes aujourdhui étaient en train de dessiner un 21e siècle qui allait être complètement différent du 20e siècle.
Cest vrai que nous avons parfois un peu tardé à le comprendre, mais aujourdhui nous assumons lensemble de nos responsabilités dans le cadre de ce nouveau monde qui est en train de se construire. Par contre, les observateurs et les commentateurs qui continuent à parler de relations coloniales entre la France et lAfrique, eux nont pas encore compris la nature des changements qui ont affecté le monde. Donc je leur demande de faire cet effort de remise à jour de leur logiciel et de compréhension du monde et je pense que tout le monde sen portera mieux.
JOURNALISTE
Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre. Vous avez évoqué au cours de vos échanges la prochaine redéfinition des accords de défense entre la Côte-dIvoire et la France. Peut-on avoir une idée des grandes lignes de ce changement à venir ?
FRANÇOIS FILLON
Je peux simplement ajouter du point de vue de la France et ce sera une nouvelle réponse à la question précédente nous navons pas vocation à assurer nous-mêmes la sécurité de la Côte-dIvoire comme de nimporte quel autre pays dans le monde. Nous nen avons ni la vocation dailleurs ni les moyens. En revanche, nous voulons assumer toutes nos responsabilités internationales, nous voulons aider nos amis ; nous voulons les aider notamment à assurer leur sécurité face aux menaces terroristes, face à toutes les sortes de trafics qui, nous le savons, prennent de limportance dans le monde et qui menacent lEtat de droit.
Nous maintiendrons si le gouvernement ivoirien le souhaite une présidence militaire en Côte-dIvoire. Le président de la République française a dailleurs évoqué le volume de cette puissance militaire. Nous souhaitons, dans le cadre de cet accord de défense, apporter aux forces ivoiriennes tout notre concours en termes de formation, en termes de soutien mais la place des forces françaises et la doctrine demploi des forces françaises nous conduira à réduire notre présence militaire en Côte-dIvoire, comme dailleurs dans le reste du monde en privilégiant le soutien, la formation et puis les capacités de déploiement dont nous nous sommes dotés lorsque dans le cadre du droit international elles sont sollicitées.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, hier à loccasion du 14 juillet, vous avez rendu hommage aux soldats français tués en Afghanistan ainsi quaux soldats présents sur tous les théâtres dopérations extérieures et vous avez évidemment ici à Abidjan rendu hommage à la Force Licorne. En France, le défilé militaire fait lobjet dun débat : la candidate écologiste Eva Joly, candidate à la présidentielle, propose de le supprimer pour le remplacer par un défilé citoyen. Comment réagissez-vous ?
FRANÇOIS FILLON
Je réagis avec tristesse. Je pense que cette dame na pas une culture très ancienne des traditions françaises, des valeurs françaises, de lhistoire française. Ce défilé, il est dabord le symbole dune armée qui défend la République. Et si chaque année, nous rendons hommage à nos forces armées le jour de la Fête nationale, cest parce que nous rendons hommage à une institution qui assure la défense des valeurs de la République française, de la liberté, de la fraternité, de légalité parce que les forces armées françaises concourent au bon fonctionnement de la démocratie dans notre pays et cest normal de leur rendre hommage. Et je vous dis que vraiment je crois quil y a bien peu de Français qui partagent lavis de madame Joly.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2011