Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur les relations bilatérales entre la France et le Gabon, la polémique suscitée par Mme Eva Joly au sujet de la suppression du défilé du 14 juillet et le bilan de la politique de réforme du gouvernement, à Libreville (Gabon) le 17 juillet 2011.

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Circonstance : Visite officielle au Gabon - Allocution devant la communauté française, à Libreville (Gabon) le 17 juillet 2011

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, mes chers amis, je voudrais vous dire combien je suis heureux avec la délégation qui m’accompagne composée de membres du Gouvernement et de parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat de me retrouver à Libreville pour achever une visite de trois jours en terre africaine. Et je voudrais commencer mon propos en me tournant vers notre ambassadeur, Jean-François Desmazières, pour le remercier de son accueil comme pour le remercier du travail qu’il fait avec toute son équipe au service des intérêts de notre pays au Gabon.
Mon voyage, entamé le 14 juillet, m’a mené d’abord en Côte d’Ivoire, un pays qui est en sortie de crise et qui est désireux de rattraper le retard accumulé depuis maintenant plus d’une décennie, un pays qui montre bien d’ailleurs le lien qu’il y a entre la stabilité politique, l’Etat de droit et puis la réussite économique. Puis, je suis allé au Ghana, puissance africaine anglophone, particulièrement dynamique, bien engagée sur la voie du progrès économique et démocratique. En venant d’Abidjan, on ne peut que saluer la sagesse des dirigeants et du peuple gabonais qui ont su maintenir leur pays dans la paix et aujourd’hui dans le progrès.
Et, ainsi que je l’ai dit hier au président Bongo, je veux redire à quel point, au Conseil de Sécurité des Nations unies, le Gabon nous a aidés lorsqu’il s’est agi de décider d’agir en Côte d’Ivoire, en représentant le point de vue de l’Afrique, en conseillant les uns et les autres, et en prenant le moment venu malgré toutes les difficultés ses responsabilités.
Ma venue au Gabon s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique qui a été signé entre le président Sarkozy et le président Bongo, le 24 février 2010. Ce partenariat est venu renouveler la relation ancienne qui unit la France et le Gabon ; une relation où il ne faut pas occulter le poids de l’histoire, les aspects sombres de la colonisation ; une relation cimentée aussi par des souvenirs glorieux, et je veux en particulier évoquer la part prise par Libreville dès 1940, dans le combat des forces qui avaient rejoint le général de Gaulle ; une relation qui est aujourd’hui faite de confiance réciproque, d’amitié et d’estime.
Ce partenariat, il a d’abord une dimension politique. Il renforce une coopération d’autant plus importante que le Gabon est en ce moment membre du Conseil de Sécurité et qu’il exerce des responsabilités régionales importantes comme Etat du siège de la Communauté des Etats d’Afrique Centrale. Ce partenariat a aussi une dimension militaire, avec la signature d’un nouvel accord de défense, que nous avons placé sous le signe de la transparence pour couper court à tous les reproches d’ingérence qui ont trop souvent été émis à l’encontre de notre engagement en Afrique. J’ai d’ailleurs rendu visite ce matin, il y a quelques instants, à nos troupes ; j’ai rendu visite à ce qui est maintenant la base française de l’Atlantique, fondée sur l’héritage et sur l’action du 6e Bataillon d’Infanterie de Marine établi au Gabon depuis plus de 35 ans.
Cela a été pour moi l’occasion dire à nos soldats la fierté qui est celle du chef du gouvernement et de la nation tout entière devant la manière dont elles accomplissent leur devoir et de leur rappeler notre exigence devant les futurs défis qu’elles auront à relever au sein de ce dispositif modernisé que nous mettons en place, qu’il s’agisse de soutien opérationnel, de coopération et de formation au service des armées africaines. Et puisque l’occasion m’est donnée d’évoquer nos forces armées, je veux évoquer un autre sujet.
On me dit qu’il y a une polémique en France sur les propos que j’ai tenus en réponse à Madame Joly qui proposait de supprimer le défilé militaire du 14 juillet, eh bien, je vais vous dire, je m’en félicite. Je m’en félicite parce que je suis en colère. Je suis en colère quand j’entends comparer le défilé des forces françaises le 14 juillet à ce qui se passe en Corée du Nord. Cela témoigne pour le moins d’une grande mauvaise foi ou alors d’une profonde méconnaissance des traditions et de l’histoire de notre pays. L’armée française ne défile pas sur les Champs-Élysées pour étaler la puissance militaire de notre pays. L’armée française défile sur les Champs-Élysées afin que la Nation puisse rendre hommage à ceux qui risquent leur vie pour la défendre. Le métier des armes, cela n’est pas un métier comme les autres. C’est le seul métier où quand on y entre, on sait que l’on va peut-être devoir donner la mort et qu’on va peut-être la recevoir. Et les événements récents en Afghanistan nous montrent que tout ce que nous devons, tout le respect que nous devons, toute la gratitude qui doit être la nôtre pour les forces armées françaises et alors oui, je le dis devant vous, je suis fier que la Nation puisse les honorer au moins une fois par an en les faisant défiler sur la plus belle avenue du monde !
Enfin, le partenariat stratégique que nous avons signé avec le Gabon est évidemment économique à un moment où le Gabon connaît un essor important et où il définit des ambitions nouvelles dans des secteurs diversifiés, à travers les programmes lancés par le président Bongo du "Gabon vert", du "Gabon industriel" et du "Gabon des services". Pierre Lellouche a coprésidé ce matin une table ronde avec les partenaires français et gabonais, qui a marqué des avancées significatives ; et hier soir, plusieurs contrats importants ont été signés qui permettent de diversifier nos partenariats économiques avec ce pays.
Il y a au Gabon 12.000 Français. Des Français qui aiment l’Afrique, des Français qui incarnent des valeurs de dynamisme, d’ouverture et de solidarité. Je sais qu’ici à Libreville, où les services de l’Ambassade et surtout du Consulat général sont particulièrement vétustes, on attend avec impatience que je vous annonce, ce que je fais, que les autorités françaises ont donné leur accord pour que soit lancée la construction d’une nouvelle chancellerie diplomatique et consulaire, en contrebas de l’endroit où nous sommes réunis aujourd’hui. Avec David Douillet qui a rejoint mon Gouvernement et qui va reprendre en charge les intérêts des Français qui sont établis à l’étranger, je veux vous dire que c’est la marque de l’attention que nous portons aux services qui doivent vous être offerts pour vous soutenir dans votre activité quotidienne.
Mais, mes chers compatriotes, c’est de la France que je suis aussi venu vous parler aujourd’hui. Depuis 2007, sous l’autorité du président de la République, nous avons engagé un programme de réformes très ambitieux. Et je veux croire que malgré les difficultés, malgré la tourmente de la crise économique mondiale que nous avons dû affronter, nous avons été fidèles à notre mandat, nous avons été fidèles à nos engagements. De l’autonomie des universités au lancement du programme d’investissements d’avenir ; de l’instauration du service minimum dans les transports à la réduction des déficits ; de la réforme de la taxe professionnelle à la défiscalisation des heures supplémentaires; de la sauvegarde de notre système de retraites aux solutions que nous sommes en train d’apporter au défi de la dépendance, nous n’avons cessé d’agir pour relancer notre économie, pour répondre aux défis posés par les mutations de notre société et du monde qui nous entoure.
Alors bien sûr, ces réformes n’ont pas été faciles et elles n’ont pas toujours non plus été populaires. Mais je crois que dans les mentalités, elles ont fait progresser l’esprit du changement. Et dans les faits, je veux dire qu’elles commencent à produire leurs résultats.
D’abord, la politique économique que nous avons conduite nous permet aujourd’hui d’envisager la sortie de crise, avec une des meilleures prévisions de croissance en Europe derrière nos amis allemands.
Notre politique de maîtrise des finances publiques dans le cadre des tensions auxquelles vous assistez chaque jour sur les marchés concernant la monnaie européenne, eh bien cette politique de maîtrise des finances publiques que j’ai personnellement défendue depuis le premier jour du mandat que m’a confié le président de la République, c’est elle qui nous permet aujourd’hui de maintenir notre signature financière au niveau de crédibilité le plus élevé, alors que certains de nos partenaires sont pris dans une tourmente qui vient compromettre leur souveraineté et leur niveau de vie.
Vous savez, on parle souvent des agences de notation des marchés comme s’il s’agissait de puissances occultes dont le rôle est d’empêcher les États de conduire eux-mêmes leur destin, mais la vérité, elle est beaucoup simple. Quand on emprunte de l’argent, il faut donner confiance à ceux qui vous le prêtent. Et si ceux qui vous prêtent de l’argent n’ont plus confiance en vous, alors, ils haussent les taux d’intérêt. Ce n’est pas plus compliqué que cela et si aujourd’hui, la France a la chance de pouvoir financer sa dette avec des taux d’intérêt bas, c’est parce que la France a pris des mesures nécessaires pour assurer la crédibilité de sa politique économique et financière.
Quand on a 1 500 milliards de dettes, quand on n’a jamais connu de budget en équilibre depuis plus de trente cinq ans, quand chaque année, on doit verser aux banques du monde entier 45 milliards d’euros d’intérêts, oui on doit faire attention à sa situation financière, oui on doit réduire son déficit, oui on ne doit pas remettre des choses que l’on ne peut pas tenir.
Oui, on doit faire la réforme des retraites, oui on doit réduire la dépense publique parce qu’il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de souveraineté, il n’y a pas d’avenir pour un pays dont le sort dépend de décisions prises à l’extérieur par des financiers, par des prêteurs, par des investisseurs comme on le voit en ce moment avec la situation en Grèce. Voilà, c’est pour moi un objectif absolu que d’éviter à notre pays un tel désastre. Et c’est la raison pour laquelle je me bats et je me battrai pour garder le cap de la maîtrise des dépenses publiques.
C’est pour cette raison qu’à l’approche des échéances électorales qui vont voir fleurir des programmes irréalistes, mon rôle sera de défendre notre ligne de lucidité et d’action réformatrice. Et je la défendrai contre ceux qui agitent la baguette magique de la démondialisation, contre ceux qui proposent de réaugmenter les impôts alors que nous sommes le pays parmi les pays développés qui a déjà le niveau de prélèvement obligatoire le plus élevé, contre ceux qui proposent de réaugmenter les dépenses ou contre ceux, pire encore, qui voudraient nous nous faire sortir de l’euro.
Ce qu’il importe de souligner, mes chers compatriotes, c’est que plusieurs de ces réformes que nous avons conduites sont des réformes qui changent en profondeur notre pays et qui s’inscrivent dans la longue durée. Nous fêtons cette année le centième anniversaire de la naissance de Georges Pompidou. C’est Georges Pompidou après le général de Gaulle qui avait pris la décision de lancer le programme électronucléaire français. C’est Georges Pompidou qui avait pris la décision de lancer le programme de construction de l’avion Airbus. C’est Georges Pompidou qui avait pris la décision de lancer la construction du train à grande vitesse.
Voilà trois moteurs de la croissance française d’aujourd’hui qui dépendent de décisions qui ont été prises par un homme visionnaire et courageux il y a bien longtemps. Eh bien, nous, nous avons voulu avec le président de la République au cœur de la crise économique et financière alors même que nous réduisions la dépense publique lancer un grand programme de 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir pour appuyer les entreprises françaises, les laboratoires français, les chercheurs français qui vont être à l’origine des moteurs de la croissance de demain, les mêmes qui aujourd’hui alimentent l’économie française et que je viens de citer.
Dans une économie mondialisée, dans une économie ouverte, dans une économie concurrentielle, nous avons choisi, avec l’autonomie des universités ou avec les investissements d’avenir, de donner aux chercheurs français les moyens de lancer les projets qui vont à leur tour faire travailler des équipes pendant des années et qui vont maintenir notre pays en pointe dans les secteurs innovants, qui vont stimuler l’activité, qui vont stimuler la croissance et qui vont stimuler les emplois de demain. Ces réformes sont des réformes qui étaient attendues depuis longtemps.
Si je prends l’exemple de celle des universités, tout le monde savait depuis 1984, que les universités françaises étaient en déclin après avoir été les meilleures du monde. Tout le monde le savait, mais personne n’avait le courage de les réformer et ceux qui parfois, rarement ont eu ce courage l’ont en général payé cher. Je pense à Jacques Chirac et à Alain Devaquet.
On nous avait dit, "il ne faut pas toucher à l’université parce que c’est trop dangereux", non pas parce que l’université n’en a pas besoin mais parce que c’est trop dangereux. Eh bien, nous avons touché au statut de l’université, nous avons donné aux universités leur pleine autonomie et aujourd’hui, les universités françaises comme toutes les grandes dans le monde peuvent décider de leur recrutement d’enseignants ; elles peuvent décider des formations qu’elles vont conduire ; elles peuvent aller chercher des financements privés ; elles peuvent s’associer avec des laboratoires de recherche ; elles peuvent fusionner comme c’est le cas actuellement dans plusieurs villes de France, à Strasbourg, à Bordeaux, elles peuvent fusionner entre elles pour constituer des universités plus puissantes, elles peuvent s’associer avec des universités étrangères.
Alors bien sûr, ce sont des réformes dont on ne voit pas les résultats aujourd’hui. Il faut d’abord que les universités se saisissent de toutes les potentialités qui leur ont été données et puis, ensuite, il faut qu’il y ait une génération d’étudiants qui soient formés dans ces universités pour qu’on en voit les résultats mais c’est un changement profond, un changement sur lequel personne ne reviendra jamais. Un changement qui est tout à l’honneur du gouvernement et de la majorité que j’ai l’honneur de conduire.
Je voudrais prendre un autre exemple, celui de la représentativité syndicale. Tout le monde sait, tout le monde dit année après année qu’il y a un mauvais dialogue social parce que les organisations syndicales ne sont pas assez représentatives. Mais personne n’avait osé toucher à la représentativité des organisations syndicales. Eh bien, nous l’avons fait.
Désormais en France, la représentativité des syndicats, elle dépendra de la démocratie tout simplement, c’est-à-dire du résultat des élections professionnelles dans les entreprises et dans quelques années, on verra que le paysage syndical français va profondément changer parce que nos organisations syndicales ne seront plus seulement là parce qu’on en a décidé ainsi dans les années cinquante, mais elles seront là en fonction du nombre de salariés qui choisiront de voter pour elles et ma conviction, je vous le dis, c’est que dans une décennie, il y aura moins d’organisations syndicales dans notre pays mais elles seront plus puissantes et on pourra avoir avec elles un dialogue plus responsable comme c’est le cas en Allemagne, comme c’est le cas dans les pays d’Europe du Nord.
Je voudrais prendre un dernier exemple pour vous convaincre. La mise en place du service minimum dans les transports. Depuis combien de temps en France, il suffit de bloquer les transports de la région parisienne pour empêcher une majorité de faire les réformes qu’elle a décidées ? Alors, les Français élisent une majorité, choisissent un Gouvernement. Cette majorité veut faire une réforme sociale, une réforme du droit du travail, une réforme économique et il suffit qu’une toute petite minorité bloque les transports notamment en région parisienne pour que le Gouvernement soit obligé de reculer et de retirer sa réforme ? Combien de fois l’avez-vous vu ? Combien de fois l’avez-vous lu dans la presse ? Eh bien, c’est fini.
Désormais, il y a un service minimum dans les transports et lors des dernières tensions sociales les plus fortes dans notre pays, plus de 50 % des moyens de transports en commun dans la région parisienne fonctionnaient, eh bien demain, une petite minorité ne pourra plus empêcher la majorité des Français d’exprimer ses choix à travers les réformes qu’elle a souhaitées.
Voilà mes chers compatriotes, il était temps de reconsidérer les choses. Il était temps de faire en sorte que notre pays s’inscrive pleinement dans le XXIe siècle qui commence et qui est marqué par des changements profonds, par des bouleversements. Je suis convaincu que malgré les crispations, malgré les inquiétudes, notre action apparaîtra de plus en plus, avec le recul du temps, comme une période de transformations au plan intérieur, mais aussi comme une période de prise de responsabilité sur la scène internationale.
Au fond, ce quinquennat a été, jusqu’à présent, marqué par trois enjeux qui sont des enjeux véritablement historiques et auxquels nous avons fait face. Le premier, c’est celui de l’environnement et en particulier du changement climatique, qui nous impose de prendre dès maintenant des décisions cruciales.
Eh bien, nous avons montré l’exemple avec le Grenelle de l’environnement et nous avons été au premier rang pour mobiliser la communauté internationale, en particulier lors du sommet de Copenhague. Et j’ai eu l’occasion hier soir de saluer publiquement l’engagement du président Bongo sur ce terrain. Bien sûr, il reste beaucoup de chemin à parcourir et il reste encore bien des accords à faire aboutir, mais nous n’avons pas à rougir du rôle de la France en ce qui concerne ses initiatives sur le plan environnemental.
Le deuxième enjeu historique, c’est celui de la régulation économique mondiale dont la crise de 2008 a montré à quel point il était impératif de la redéfinir. Eh bien, face à cette crise, je veux rappeler devant vous que le premier à réagir, les premiers à réagir, cela a été Nicolas Sarkozy et Gordon Brown. Si le président de la République française et le Premier ministre britannique n’avaient pas en 2008 pris dans l’urgence les décisions qui s’imposaient, l’ensemble du système financier mondial serait parti abattu comme un château de cartes.
Lorsque Nicolas Sarkozy a eu le courage, la force de réunir à l’Élysée la plupart des chefs de gouvernement européens et que tous ces chefs de gouvernement européens à la sortie ont tapé du poing sur la table en disant "il n’y aura pas de faillite de banque en France, il n’y aura pas de faillite de banque en Europe parce que les Etats vont garantir le système financier", si l’on n’avait pas fait cela, alors l’ensemble des banques seraient rentrées dans une tourmente, une tourmente qui avait été déclenchée par une décision irresponsable aux Etats-Unis et qui a provoqué une des pires crises financières mondiales.
Au sein du G8, au sein du G20, nous nous battons pour faire émerger des solutions justes et équitables. Et face à la crise de la dette souveraine qui frappe plusieurs de nos partenaires européens, nous avons pris et nous continuons à prendre des décisions responsables pour pr??server l’Union européenne.
Enfin, le troisième enjeu historique, apparu au début de cette année 2011 avec les révolutions arabes, c’est celui des progrès de la démocratie dans le monde. Et nous avons reconnu avec le président de la République que comme la plupart des Etats occidentaux, nous avons été surpris par ce mouvement.
En réalité, longtemps, beaucoup ont cru que la démocratie était réservée à une sorte de club, le club des pays occidentaux, comme s’il y avait des peuples qui pouvaient être voués au silence au nom de je ne sais quelle spécificité culturelle. Eh bien, ces idées-là ont volé en éclats, et les événements nous ont montré que tous les individus, quel que soit leur pays, quelle que soit leur religion, quel que soit leur héritage spirituel, aspirent d’une façon ou d’une autre à la reconnaissance de leurs droits les plus fondamentaux et veulent vivre librement et dans la dignité.
Eh bien, devant ces événements historiques, la France a pris ses responsabilités, et en particulier elle a pris toutes ses responsabilités en Libye, lorsque la répression s’est abattue sur le peuple libyen. Là encore, si la France n’avait pas été là, les chars du colonel Kadhafi seraient rentrés dans Benghazi et auraient écrasé dans le sang la révolution qui commençait à naître en Libye.
Nous avons agi au nom de la morale et nous avons agi dans le respect des règles définies par l’Organisation des Nations unies. Nous avons agi en mobilisant la communauté internationale pour éviter qu’elle ne donne comme si souvent d’elle-même qu’une image d’impuissance. Nous avons agi pour défendre les valeurs de la France, les valeurs de la liberté, de la démocratie, les valeurs et je pense lorsque je suis entré tout à l’heure au camp Charles de Gaulle à l’homme qui a le premier affirmé le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Et nous avons fait de même en Côte d’Ivoire, lorsque Laurent Gbagbo a entrepris de passer outre à la volonté de son propre peuple, lorsqu’il a voulu plonger son pays dans la guerre civile, lorsqu’il a voulu défier la communauté internationale et en premier lieu ses partenaires africains, au mépris des ambitions et des progrès politiques de tout un continent. Si nous avions laissé faire en Côte d’Ivoire, si nous avions laissé faire en Libye, alors nous aurions envoyé le message que les dictateurs pouvaient continuer à être des dictateurs, que la démocratie n’avait pas ses chances en Afrique et dans le monde arabe et nous aurions alimenté les risques cette fois-ci d’un véritable conflit des civilisations.
Mesdames et Messieurs, dans un monde qui change à toute allure, dans un monde où la domination des vieilles puissances industrialisées est bousculée sans arrêt par l’émergence qui est légitime de nations qui sont des nations conquérantes, dans un monde dont nous ne devons pourtant pas craindre les évolutions si nous sommes capables de les comprendre et si nous sommes capables de nous renouveler, je veux vous dire que la France continue d’être entendue et respectée.
L’un des défauts de notre pays, c’est peut-être de ne pas croire en lui, c’est de céder au fatalisme, c’est de penser que sa sortie hors de l’Histoire est inscrite dans je ne sais quel horoscope. Ce n’est d’ailleurs pas un défaut très récent, c’est un défaut très ancien. Il y a toujours des experts dans l’histoire de notre pays pour nous expliquer que la France a fait son temps, pour expliquer que nous n’avons plus qu’à rabaisser les couleurs et à plier bagages. Eh bien, je veux vous le dire, ce n’est pas ma vision des choses. Ca n’est pas celle du président de la République. Et je veux croire que ce n’est pas non plus la vôtre, vous qui portez ici, au Gabon, une part du rayonnement de notre pays.
Vive la France, vive le Gabon et vive l’amitié entre la France et le Gabon !
Source http://www.gouvernement.fr, le 1er août 2011