Interview de M. Benoist Apparu, secrétaire d'Etat chargé du logement, à France 2 le 11 juillet 2011, sur les restrictions budgétaires concernant l'hébergement d'urgence en Ile-de-France, la hausse des loyers à Paris et l'organisation des primaires au PS.

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Média : France 2

Texte intégral

ALEXANDRE KARA Bonjour à tous. Bonjour Benoist APPARU.
 
BENOIST APPARU Bonjour.
 
ALEXANDRE KARA Merci d’être avec nous ce matin. Dans vos dossiers, il y avait ce week-end une manifestation du SAMU social à Paris, pour protester contre la fermeture de 5.000 places d’hébergement pour l’été. Alors, est-ce qu’il y a un problème endémique, est-ce qu’on ne peut rien faire pour développer l’accueil des sans abri ?
 
BENOIST APPARU Eh bien, justement, on a souhaité changer complètement de logique. Ça fait trente ans qu’en France, on vit sur l’idée qu’il y a un parcours pour sortir de la rue, qu’on passe d’abord par un centre d’hébergement, puis, par une autre structure, un peu plus socialisée, puis, puis, puis, et puis, au bout de trois ans, on conduit éventuellement les gens au logement. On change complètement de logique, en disant que, comme l’ont fait beaucoup de pays, et comme l’Union européenne, les associations de l’Union européenne nous le conseillent, on va essayer de conduire les gens directement au logement ; une nouvelle stratégie qui se qualifie de logement d’abord, en disant : gardons des places d’hébergement, parce qu’on a besoin de places d’hébergement, évidemment, mais essayons de substituer un maximum de places d’hébergement par des places de logement, qui sont évidemment socialement beaucoup plus efficaces pour redonner vie à ceux qui sont sortis de la rue. Qu’est-ce qu’on a fait par exemple, eh bien, là, on va effectivement fermer un certain nombre de places d’hébergement, mais elles seront toutes remplacées par des places de logement, toutes remplacées par des places de logement. Parce que cette stratégie nous parait beaucoup plus efficace, là encore, les pays qui ont réussi à diviser par deux le nombre de personnes à la rue ont adapté cette stratégie-là. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas de fermer les places, ce n’est pas d’ouvrir des places, c’est de savoir comment on est le plus efficace pour sortir les gens de la rue.
 
ALEXANDRE KARA Stratégie, d’accord, mais il manque déjà 13.000 places visiblement en Ile-de-France, donc ça ne fait que rajouter…
 
BENOIST APPARU Il y a des estimations diverses et variées, on ne va pas faire des querelles de chiffres et notamment pas sur ce sujet-là. En cinq ans, le nombre de places sur l’Ile-de-France a augmenté de 65%, on est passé de 27.000 places à 43.000 places en l’espace de cinq années. On a donc vraiment beaucoup boosté le nombre de places d’hébergement. Mais on veut, depuis un an, en accord avec toutes les associations, toutes les associations, développer une nouvelle stratégie, celle qui est basée sur le logement, en disant : ça fait trente ans, objectivement, qu’on va d’échec en échec sur nos politiques d’hébergement, sur le sortir de la rue de ceux qui y vivent malheureusement, et là, on a décidé vraiment de changer de stratégie, de changer de logique, d’avoir une politique différente, nouvelle, qui arrête d’avoir… si vous voulez, on était trop souvent dans une logique de crise, on est en été, on s’occupait des sans abri exclusivement en hiver, ben, maintenant, on veut vraiment avoir une prise en charge continue tout au long de l’année, en ayant un parcours le plus individualisé possible, et en se disant que la case hébergement, le passage par la case hébergement n’est pas obligatoire, qu’on peut conduire la plupart des personnes qui vivent à la rue directement vers le logement, pas tous, il ne s’agit pas de tout basculer, mais d’avoir un bon équilibre, et surtout, de se dire : ce qui nous importe, ce n’est pas les structures, ce n’est pas les places, c’est les gens, c’est les hommes et les femmes qui vivent à la rue ; quelle est la bonne réponse adaptée à telle personne, ce n’est pas la même qu’à telle autre.
 
ALEXANDRE KARA Mais justement, les hommes et les femmes qui vivent dans la rue, les associations vous interpellent et vous rappellent qu’il y a plus de gens qui meurent dans la rue l’été que l’hiver, contrairement à ce qu’on pourrait croire.
 
BENOIST APPARU C’est vrai. On a souvent tendance à croire que c’est l’hiver qu’on a le plus de problèmes, mais l’hiver, vous avez de fait une mobilisation très forte, des acteurs associatifs des communes, de tout le monde, parce qu’on sait que c’est une période compliquée, et peut-être qu’on oublie trop ces publics-là l’été, que ceux qui vivent à la rue l’été sont dans une situation de fragilité, pas simplement l’été, mais toute l’année.
 
LEXANDRE KARA Mais alors, vous parlez de passer de l’hébergement au logement, mais il y a déjà un manque endémique de logements en France, alors comment on fait ? Tout ça, ça parait quand même…
 
BENOIST APPARU On a des techniques, je vous évoquais tout à l’heure 4.500 places, comment on a ouvert ces 4.500 places, eh bien, on a… une association par exemple va louer un logement sur le marché privé, au prix du privé, elle va le sous-louer à la personne qui est en hébergement, et l’Etat paiera la différence entre les deux loyers. Donc on a des techniques pour capter dans le logement privé un certain nombre de biens, qui nous permettront de loger ces personnes-là, là encore, avec un accompagnement social dans le logement, parce que vous ne pouvez évidemment pas prendre quelqu’un de la rue, le mettre dans un logement comme ça, du jour au lendemain sans avoir l’accompagnement social. Mais la stratégie nous parait plus efficace.
 
ALEXANDRE KARA Toujours dans vos dossiers, il y a évidemment les loyers parisiens, et également, l’augmentation du mètre carré, plus 7% encore au premier semestre de cette année, alors, qu’est-ce qu’il faut faire, à un moment, Nicolas SARKOZY parle de régulation en ce qui concerne les banques ; est-ce qu’il ne faut pas une régulation également en ce qui concerne l’immobilier ?
 
BENOIST APPARU Alors, Paris, l’Ile-de-France, c’est une situation très atypique, n’oublions pas que dans la moitié des régions françaises, les prix, ils baissent, ils ne montent pas, ils baissent. Donc ne résumons pas la situation française à la situation –…
 
ALEXANDRE KARA Oui, enfin, il y a douze millions de Français en Ile-de-France…
 
BENOIST APPARU Bien sûr – à la situation parisienne ou à la situation de l’Ile-de- France. L’Ile-de-France est un cas atypique, on a besoin d’une seule chose en Ile-de-France, produire plus de logements. Aujourd’hui, la région Ile-de-France est celle où on produit le moins de logements en France, où on construit le moins de logements en France. Il faut un plan de production, massif de logements en Ile-de-France, c’est ce que nous sommes en train de monter pour répondre à la crise du logement en Ile-de- France, et notamment, cette flambée des prix, parce que vous l’évoquiez, que ce soit l’augmentation des prix à la vente et à l’achat ou l’augmentation des loyers, on a un problème. Est-ce que pour autant, il faut réguler les loyers par exemple, ce serait la pire catastrophe qui soit, le Parti socialiste le propose dans son programme ; on bloque les loyers, ce serait une catastrophe totale, pourquoi, eh bien, pour une raison très simple, les propriétaires, si vous leur dites : on va bloquer votre rentabilité, on va bloquer vos prix, qu’est-ce qu’ils vont faire, eh bien, ils vont vendre leur logement, ils vont investir leur argent ailleurs. On l’a déjà vu en France, ça s’est déjà produit en France il n’y a pas moins de dix ans, le résultat a été catastrophique.
 
ALEXANDRE KARA Oui, mais est-ce qu’on ne peut pas, à tout le moins, freiner la spéculation aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a quand même des endroits dans le coeur de Paris où on atteint désormais plus de 20.000 euros du mètre carré, c’est insensé, non ?
 
BENOIST APPARU Freiner la spéculation, c’est une seule chose, produire des logements, quand vous avez un problème d’offres et de demandes, eh bien, si vous ne répondez pas à cette question-là, vous pouvez prendre toutes les mesures que vous voulez, vous n’aurez pas réglé le problème, donc vous pouvez bloquer les loyers, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, ça ne changera rien à l’affaire ; il faut produire des logements en Ile-de-France, c’est la seule condition pour répondre à l’augmentation des prix que nous connaissons aujourd’hui.
 
ALEXANDRE KARA Benoist APPARU, vous suivez forcément avec attention ce qui se passe de l’autre côté au Parti socialiste et la primaire, comment vous jugez les rumeurs sur Martine AUBRY, est-ce que tout ça ne prend pas des airs nauséabonds ?
 
BENOIST APPARU C’est, oui, nauséabond, quoi qu’il arrive, les rumeurs, ce n’est pas ma tasse de thé en politique, tout le monde en subit, le gouvernement en a subi, le Premier ministre en a subi, bien évidemment, le président de la République, c’est quotidien. Donc tout le monde subit des rumeurs, bon. Ce n’est pas clairement ma façon de faire de la politique. Pour autant, jeter le mistigri chez l’autre ne me parait pas non plus une bonne réponse, ce n’est pas parce que le Parti socialiste aujourd’hui a des problèmes avec sa primaire, ce n’est pas parce qu’ils sont empêtrés dans leur primaire et qu’ils n’arrivent pas à en sortir, qu’il faut essayer, entre guillemets, de nous jeter le mistigri de la rumeur, c’est ridicule.
 
ALEXANDRE KARA Oui, mais pourquoi s’acharner comme ça sur la primaire socialiste, alors que finalement, c’est un exercice démocratique qui concerne l’autre camp…
 
BENOIST APPARU Mais attendez, nous, on ne parle pas de la primaire, est-ce que vous nous avez entendu parler de la primaire, nous ? Non, on n’en parle jamais. Parce que c’est leur choix, c’est leur décision, ils font ce qu’ils veulent. C’est leur problème…
 
ALEXANDRE KARA Vous mettez en cause les modalités de la primaire et ainsi de suite…
 
BENOIST APPARU Oui, on a mis en cause un point particulier de la primaire, un point particulier, parce que ça nous paraissait être un problème, mais on ne parle pas de la primaire. Chacun fait son truc, nous, on est là aujourd’hui pour défendre notre politique, pour défendre notre bilan, et on a un bon bilan, donc on le défend, on sera là, dans quelques mois, pour préparer le projet, mais on n’est pas là pour parler de la primaire. Qui remet la droite au centre du jeu de la primaire de la gauche aujourd’hui ? C’est Martine AUBRY, ce n’est personne d’autre ! Qui nous dit qu’on est en train de faire je ne sais quoi ? C’est Martine AUBRY, ce n’est pas nous ! C’est eux qui sont en train d’essayer, pour sortir par le haut de leur primaire, de faire le coup classique du : regardez, c’est eux qui sont méchants avec nous, regardez ce qu’ils sont en train de faire. C’est juste n’importe quoi !
 
ALEXANDRE KARA Benoist APPARU, merci. Bonne journée à tous ! A vous, William !
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 12 août 2011