Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à France Info le 30 août 2011, sur la situation de la sécurité à Marseille, les tests de résistance des centrales nucléaires et le "coup de rabot" sur les niches fiscales issues notamment du Grenelle de l'environnement.

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Média : France Info

Texte intégral

MATHILDE MUNOZ La ministre de l’Ecologie, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, est l’invitée de FRANCE INFO ce matin. Bonjour.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Bonjour.
 
MATHILDE MUNOZ Dans un instant, nous allons parler des dossiers qui vous concernent directement, et en particulier, du nucléaire. Mais avant, une question sur ce qui s’est passé hier à Marseille, le gouvernement a changé de préfet délégué à la sécurité, le troisième en deux ans, car les chiffres de la délinquance sont en hausse à Marseille. Est-ce que, comme le dit la socialiste, Martine AUBRY, votre gouvernement a échoué ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, et d’ailleurs, les chiffres le montrent, les chiffres le montrent sur l’ensemble de la période…
 
MATHILDE MUNOZ Pas à Marseille…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Pas à Marseille, mais c’est pour ça qu’on change, parce qu’on est pragmatique et parce qu’il faut des résultats. Que ce soit Martine AUBRY qui fasse le déplacement à Marseille pour dire ça, c’est quand même curieux. Bon, est-ce que c’est un changement d’attitude des socialistes qui, enfin, vont regarder en face les questions de sécurité, après nous avoir fait, pendant si longtemps, le coup de l’angélisme, mais enfin, que Martine AUBRY vienne à Marseille et en profite d’ailleurs pour ne rien dire de l’affaire GUERINI, parce que c’est ça l’actualité du Parti socialiste à Marseille, c’est quand même curieux, sur le fond, en revanche…
 
MATHILDE MUNOZ Mais l’affaire GUERINI n’a rien à voir avec les faits de délinquance, là, on parlait de…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, ça se passe dans les Bouches-du-Rhône et ça se passe à Marseille, donc si vous voulez, elle pourrait aussi parler un peu de toutes les actualités, y compris celles qui concernent son parti. A Marseille, tout simplement, on regarde les choses en face, il y a une augmentation de la délinquance, ça ne marche pas, eh bien, on change de préfet, on remet des moyens, Claude GUEANT a annoncé hier un certain nombre de moyens en renfort, et puis, on regarde les problèmes en face…
 
MATHILDE MUNOZ Des moyens en renfort, alors que les effectifs avaient été diminués justement ces dernières années.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, mais vous savez, ce débat sur les effectifs, plus/moins, plus/moins, est un débat un petit peu artificiel, parce que la question, c’est que font les fonctionnaires, est-ce qu’ils sont sur le terrain, comment est ce qu’ils sont organisés, est-ce qu’ils sont organisés pour être ciblés sur la délinquance particulière qui est là, et qui se développe. Vous savez, moi, je suis maire de Longjumeau, avoir des fonctionnaires de police, si c’est pour qu’ils soient enfermés dans le bureau de police, ce n’est pas très intéressant, ce que je veux, c’est qu’ils soient sur le terrain, qu’ils soient en brigade, qu’ils soient là aux heures où il se passe des choses, et qu’ils soient centrés sur le type de délinquance qu’il y a chez moi ; c’est ça qui m’intéresse. C’est aussi pour ça que tout ce débat sur la police de proximité est un débat un peu artificiel. La question, c’est : qu’est-ce qu’ils font. A une époque, il y a eu une dérive dans un certain type de police, où on essayait de dire que l’enjeu, c’était qu’ils soient de plus en plus proches, de plus en plus proches, de plus en plus proches, il finissait par y avoir de la confusion dans le rapport d’autorité. Les parties de baby foot, les machins et trucs, bon, ça, c’est fini, on a arrêté, on remet à Marseille de plus en plus de policiers, mais ciblés sur un certain nombre d’activités et d’enjeux de vraie délinquance.
 
MATHILDE MUNOZ Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, parlons maintenant des dossiers que vous gérez directement, le nucléaire en particulier, depuis la catastrophe de Fukushima, l’Agence internationale de l’énergie atomique a demandé que des tests de résistance soient effectués sur tous les réacteurs du monde. Où en est la France dans ces tests ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET D’abord, c’est la France qui demande à ce que les standards internationaux en matière de sûreté nucléaire soient au top. C’est une position qui a été mise en avant par le président de la République au G8 au mois de mai, j’avais invité à Paris en juin toutes les autorités de sûreté des pays de l’OCDE pour qu’on élargisse en quelque sorte cette proposition, notre proposition, elle est des stress tests partout, des standards de sécurité relevés, et des capacités d’intervention au niveau régional. En France, on est à la pointe de ces propositions qu’on fait au niveau international, on se les applique.
 
MATHILDE MUNOZ Et quels sont les résultats alors de ces stress tests ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ah, mais attendez, les stress tests, ils sont en cours, on n’a pas les résultats avant d’avoir fini les stress tests. Donc un référentiel a été proposé aux opérateurs. Ils devaient rendre une première note de méthodologie au 1er juillet, ça a été fait, ils doivent rendre au 15 septembre leurs premières appréciations, leurs premiers résultats, et l’Autorité de sûreté nucléaire – qui en France est une autorité indépendante, c’est important, ça fait partie des propositions que nous faisons au niveau international, il faudrait qu’il y ait des autorités indépendantes partout – l’Autorité de sûreté nucléaire dialogue avec les opérateurs sur la base de ces résultats, et rendra son rapport à partir du 15 novembre. De toute façon, avant fin 2011. Ce dispositif est doublé d’un dispositif européen, c’est-à-dire qu’il y a à la fois des échanges d’experts, notre dispositif est ouvert à des experts étrangers, nous envoyons aussi nos experts à l’étranger, et puis, il y a une revue européenne qui se fait en parallèle.
 
MATHILDE MUNOZ  Pour ces tests de résistance, GREENPEACE vous reproche d’avoir écarté certains risques, comme les crashs d’avions ou les virus informatiques.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, il faut faire la différence entre ce qui concerne la sûreté nucléaire, donc le processus nucléaire lui-même, et la sécurité nucléaire. Je m’explique, ces tests portent aujourd’hui sur la sûreté nucléaire, ils comprennent explicitement des risques qui se sont avérés centraux dans l’accident de Fukushima, parce que ce sont des audits post-Fukushima, le risque sismique, tremblement de terre, les inondations, la perte de ce qu’on appelle la source froide, l’alimentation en eau, la perte de l’alimentation en électricité, et on regardera notamment la perte simultanée de l’eau et de l’électricité, c’est ce qui s’est passé à Fukushima, et puis, ce qu’on appelle la gestion opérationnelle de l’accident ; qu’est-ce qui se passe si l’accident, malgré tout, a lieu. Bon, la France a proposé à l’Union européenne qu’on regarde par ailleurs les aspects qu’on appelle de la sécurité, la sécurité, c’est par exemple la lutte antiterroriste, c’est tous les aspects de sécurité qui ne sont pas liés au processus de la réaction nucléaire elle-même. Donc vous comprenez bien…
 
MATHILDE MUNOZ Et là, est-ce que nos centrales, elles résisteraient à ça ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais, vous comprenez bien, et elles sont prévues pour ça, mais vous comprenez bien que, il ne peut pas y avoir le même niveau de transparence sur ce qui concerne la sécurité nucléaire, c’est-à-dire par exemple la lutte antiterroriste, et ce qui concerne la sûreté nucléaire, c’est-à-dire la réaction elle-même. Donc nos audits post-Fukushima portent sur la sûreté nucléaire, les cinq éléments que je viens de dire, ils sont totalement transparents, il y a aussi des revues en cours, et des réunions au niveau européen sur la sécurité nucléaire. Mais là, comme c’est de la lutte antiterroriste, on n’a pas le même niveau de transparence, chacun peut le comprendre, y compris GREENPEACE.
 
MATHILDE MUNOZ Y compris GREENPEACE. Le message est passé. La centrale de Fessenheim en particulier, c’est la plus ancienne du parc nucléaire français, gérée par EDF, 85.000 personnes ont signé une pétition pour demander l’arrêt de cette centrale. Justement, à cause des risques d’inondation, et parce qu’elle est située sur une zone sismique. Vous maintenez votre position de ne pas fermer cette centrale ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais il n’y a jamais eu de position de fermer ou pas fermer la centrale, je l’ai redit au mois de juin, quand l’Autorité de sûreté nucléaire a rendu son rapport de visite décennale, c’est un rapport qui engage l’Autorité de sûreté nucléaire, le gouvernement a redit très clairement que, aucune décision définitive ne serait prise avant le résultat des audits qui font suite à Fukushima. Et je le disais tout à l’heure, ces audits, on les aura fin 2011. L’Autorité de sûreté nucléaire dans son rapport dit quelles sont les conditions selon lesquelles pour elle, Autorité de sûreté nucléaire, Fukushima, pourrait continuer à fonctionner. Je regrette, je regrette vraiment que tout le monde se focalise sur cette question de l’âge de la centrale. Il y a des questions qui sont posées sur le fonctionnement de la centrale de Fessenheim, l’âge n’est pas le critère essentiel…
 
MATHILDE MUNOZ Mais les centrales ont été conçues pour durer une quarantaine d’années au départ…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ça devient quasiment un sujet politique. Les revues décennales, elles regardent, elles permettent de regarder si la centrale est ou n’est pas encore en état de fonctionner, quel que soit son âge, il y a un certain nombre de dispositifs, d’équipements qui sont changés au fur et à mesure, certains sont neufs pour partie, y compris dans une centrale âgée. En revanche, l’Autorité de sûreté nucléaire soulève deux problèmes particuliers à Fessenheim, qui sont ceux qui doivent mobiliser notre attention : est-ce que ces problèmes peuvent être résolus ou pas, s’ils ne peuvent pas être résolus, Fessenheim ne pourra pas continuer à fonctionner. Et ces deux problèmes sont : l’épaisseur du radier, c’est le plancher de la centrale, donc c’est la vitesse à laquelle ça passe en dessous s’il y a un accident, pour dire les choses concrètement. Et l’alimentation en eau. Aujourd’hui, Fessenheim est alimentée à partir du Grand Canal d’Alsace, l’Autorité de sûreté nucléaire requière qu’il y ait une alimentation alternative pour que Fessenheim puisse continuer à fonctionner, si c’est le choix qui est fait. Encore une fois, ce choix n’est pas fait.
 
MATHILDE MUNOZ Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, une dernière question sur les niches fiscales, le gouvernement veut les raboter, veut en raboter certaines, est-ce que les niches issues du Grenelle de l’Environnement seront concernées, elles avaient déjà été concernées l’an dernier ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Les niches issues du Grenelle de l’Environnement ont été concernées par ce qu’on appelle le coup de rabot général. Bon, je veux dire, on comprend bien que c’est plus facile de dépenser dix milliards que d’économiser dix milliards, et quand il faut économiser dix milliards, il faut bien que tout le monde s’y mette donc. Ceci dit…
 
MATHILDE MUNOZ Donc cette année encore, elles risquent d’être rabotées…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Je pense que s’il y a un coup de rabot général, les niches issues du Grenelle de l’Environnement seront aussi concernées. Moi, en revanche, je défends leur efficacité, et je dis ça parce que je vois ici ou là des articles qui les remettent en cause, il ne faut pas juger de ces avantages en faveur de l’environnement à l’aune de critères traditionnels, je vous donne un exemple, on comparait…
 
MATHILDE MUNOZ Rapidement…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Eh bien, on comparait la TVA à taux réduit sur les travaux dans les logements des particuliers à des niches de soutien à l’emploi, oui, cette TVA à taux réduit, elle permet de soutenir l’emploi, elle permet aussi d’améliorer le confort des logements, elle permet aussi parfois de réduire leur consommation énergétique, voilà, c’est une niche qui a un intérêt au 6 delà du seul soutien à l’emploi, et donc il faut la regarder dans toutes ses dimensions.
 
MATHILDE MUNOZ Merci beaucoup Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, ministre de l’Ecologie, invitée de FRANCE INFO ce matin.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 30 août 2011