Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Professeur Cohen, Chers Amis,
Je voudrais remercier tous les intervenants pour ce débat ouvert et enrichissant. Sans avoir la prétention de répondre à toutes les interrogations, je voudrais conclure en vous remerciant dêtre présents aujourdhui.
LEurope surmontera cette crise et lEurope sortira, comme toujours, renforcée. Jai bien le sentiment que la profondeur et le caractère aigüe de celle-là nous feront progresser encore plus loin et encore plus vite vers lintégration.
Cela nécessite bien entendu une forte coordination et, en même temps, une exigence et une responsabilité nouvelle. Le président de la République et la chancelière allemande ont joué un rôle essentiel ces derniers jours, car ils se montrent pleinement conscients que le monde change. Cet été nous en a encore apporté la confirmation.
Le monde change et nous avons déjà changé dépoque. Une crise, cest cet espace intéressant, angoissant, passionnant, entre un monde qui seffondre et un monde qui nest pas encore né. Ce moment particulier laisse beaucoup de place à langoisse. Mais comme Giraudoux lévoquait dans Electre, cest également le moment où lon voit poindre «la rougeur de laurore». Le monde ancien était un monde déséquilibré. Le spéculateur avait pris le pas sur lentrepreneur. Les normes avaient pris le pas sur les actes. Léconomie avait pris le pas sur le politique. On avait choisi de ne pas choisir, choisi la facilité de subir plutôt que le courage dagir. Le monde que nous construisons doit être un monde déquilibre qui fait face et qui succède à ce chaos ; et ce monde déquilibre, cest justement lEurope.
LEurope est une terre déquilibre. LEurope doit avancer vite. Si nous nous retournons, nous serons changés en statue de sel. Il faut avancer dautant plus vite que la crise est difficile. Cest une vérité biologique simple : lhomme qui marche est plus stable que lhomme qui reste immobile. Aujourdhui, cette terre déquilibre vers laquelle nous devons aller ensemble est donc une terre de dynamisme.
LEurope est dabord une terre déquilibre économique. Pour cela elle doit passer dune certaine candeur, dune certaine naïveté, au réalisme. On a semblé croire que leuro était la formule magique qui allait permettre lintégration de nos économies et générer de la croissance pour tous. Pourtant nous avons dû constater que les inégalités demeuraient. Parce que nous avions oublié que la discipline doit simposer à la solidarité.
Nous avons désormais retenu la leçon. Cest lexemple du plan daide à la Grèce qui concilie la rigueur exigée de lEtat soutenu et la solidarité de lensemble de lEurope. Cest la même démarche qui préside à la réflexion sur les fonds structurels. Avec linitiative de la France et de lAllemagne, ces fonds doivent être essentiellement utilisés pour la croissance, pour lemploi et pour le développement.
Cest aussi une idée simple : la discipline sans la solidarité, cest laustérité imposée à tous les peuples. La solidarité sans la discipline cest la faillite obligatoire annoncée des États. Léquilibre économique, cest celui que nous devons trouver entre la discipline et la croissance.
Osons dire que le premier plan grec était trop dur, trop violent, porteur de trop peu de croissance et despoir. Or, pour réussir à instaurer une réelle discipline, il est indispensable de donner de lespoir au peuple en lui démontrant que la croissance viendra après la rigueur.
Il faut saluer le courage de lEspagne qui agit dans un contexte difficile, ou la noblesse du Portugal qui fait une fierté nationale dapplique les règles qui ont été fixées. Les règles, cest justement ce qui sauve la liberté des échanges.
Discipline et croissance se retrouvent aussi dans lActe pour le marché unique. Discipline et croissance doivent également être au cur des perspectives financières, à propos desquelles la France - soutenue par de nombreux Etats - a une position forte. Il vaut mieux «dépenser mieux» que «dépenser plus». Nous devons donc réfléchir, ainsi que la France la fait, afin de concilier un plan rigoureux pour retrouver léquilibre et des dépenses qui génèreront, demain, la croissance européenne.
En matière énergétique, il faut aussi léquilibre entre le respect de la souveraineté nationale et une réflexion approfondie sur la nécessaire indépendance de nos approvisionnements. Lidée de la sécurité maximale doit être pour tous lélément fédérateur.
Léquilibre économique, cest aussi léquilibre entre la tentation de repli sur soi et la naïveté ; cest la réciprocité, que la France appelle de ses vux. La Commission fera des propositions à ce sujet à lautomne. Elles permettront dinstaurer les conditions dune concurrence équitable et dun échange loyal. Est-il utile de rappeler ici que la France ne défend nullement une forme de protectionnisme de lEurope ? La France essaie, au contraire, de combattre le protectionnisme dont les États européens sont victimes.
Quant à la taxe carbone européenne aux frontières, elle apparaît aussi comme une impérieuse nécessité à terme. Comment pourrions-nous, dans lintérêt de notre économie et dans celui de la planète, en dépit du changement climatique et du développement durable, ne pas nous fixer des exigences fortes et faire en sorte que nos normes environnementales soient protégées et respectées ?
LEurope, cest aussi une terre déquilibre politique. Cest paradoxalement le moment où nous avons le besoin le plus fort dEurope que naît, dans les pays qui traditionnellement ont été les plus europhiles, cet euroscepticisme, voire ce populisme, capable de détruire à la fois lidée dun peuple européen et lidée générale de lEurope. Nous devons donc populariser lEurope pour éviter le populisme. Cette Europe, quelquefois trop désincarnée, doit devenir une Europe concrète, que lon comprend. Dans la Bible, le mot «connaître» et le mot «aimer» est un seul et même mot. Peut-être que si nous comprenions mieux lEurope et si nous la faisions mieux connaître à nos concitoyens, ils se mettraient tout simplement à laimer.
Enfin, rappelons que léquilibre politique repose sur la définition de choses simples. Ce sont les définitions de lespace et de lidentité. Il ny a pas didée européenne sans identité. Il ny a pas didée européenne sans frontière. Lintégration européenne pose donc évidemment les problèmes de ces frontières.
Je crois trop, vous croyez trop, jen suis sûr, à lEurope, à son identité pour admettre quelle se dilue dans un espace sans fin ou se limite à une organisation économique et financière. Pour définir nos frontières, nous devons évidemment tenir un discours de vérité qui soit, là aussi, un équilibre entre linterdiction que nous avons de créer de faux espoirs successifs et, en même temps, lévitement de discours agressifs de rejet. Nous devons insister sur le respect rigoureux des critères dadhésion et avoir comme exemple la Croatie qui est venue dans lEurope sur des critères de surveillance et dexigence rigoureux.
Nous sommes aussi attachés à la liberté et nous sommes donc attachés à la libre circulation et à Schengen. Mais cette Europe de liberté implique la rigueur. Si nous voulons la liberté à lintérieur de nos frontières, il faut que nos frontières soient assurées et, en cas de défaillance, il faut que la clause de sauvegarde puisse fonctionner. Cest au prix de la sécurité externe que nous pourrons bénéficier de la liberté interne.
Alors, ayant défini ce quest lEurope, cette belle idée, ce bel espace, cette terre dhistoire et davenir, nous pourrons effectivement nous tourner sereinement vers les autres. Et cest ce que font déjà la France et lEurope. Albert Camus, à la fin de la dernière guerre mondiale, disait : «jai vu des démocraties sopposer pratiquement à tout, sauf au totalitarisme».
Aujourdhui, la France et lEurope montrent quelles sopposent quelquefois sur des sujets qui peuvent paraître annexes mais, en tout cas, restent déterminées à faire en sorte de passer le message de la liberté et de la démocratie. Tel est le message de lEurope.
LEurope ne peut pas être indifférente aux risques qui lentourent. Elle ne peut pas considérer que le conflit israélo-palestinien sera réglé uniquement par une aide humanitaire. LUnion européenne est à la fois le premier partenaire commercial dIsraël et, en même temps, le premier pourvoyeur daide économique à la Palestine.
La légitimité de la Haute représentante, Mme Ashton, et du Service européen daction extérieure qui bénéficie du soutien entier de la France permet à lEurope de redevenir faiseuse de paix. Nous lavons vu avec les «printemps arabes» que la France a favorisés, encouragés et accompagnés.
Face à une situation internationale gravissime et réclamant des décisions rapides, la détermination et le courage du président de la République, ainsi que le talent de persuasion et la force de conviction dAlain Juppé, ont permis au peuple libyen de se lever face au tyran et de regagner sa liberté. Nous sommes fiers que la France et lEurope aient été des acteurs de cette démocratie retrouvée.
Cette implication sur le plan international montre que lEurope a aussi une exigence daction. La défense de la liberté pose aussi la question de la force et de lindépendance. Rappelons que lintégration de la France au haut-commandement militaire de lOTAN ne lui a enlevé aucune liberté daction. Ce sont la France et le Royaume-Uni qui ont mené les opérations militaires, sous légide de lONU. Ils lont fait en toute liberté, en toute indépendance et à linitiative de la France et du président de la République.
Pour autant, devons-nous renoncer à lidée dune défense européenne ? Je ne le crois pas et je pense donc que, là aussi, léquilibre de laction militaire que nous avons menée sous légide des instances internationales doit nous inciter à poursuivre le travail que nous faisons autour de la Politique de sécurité et de défense commune. Ce grand projet de défense européenne, nous en aurons besoin dans les années futures si nous voulons demeurer les défenseurs de la liberté et de la démocratie.
Vous le voyez, ces trois grands équilibres guident notre action : une économie ouverte et protectrice ; une cohésion politique forte et violente ; la promotion de la paix et le respect de la souveraineté des pays. Nous construisons ainsi cette Europe qui protège les États et les peuples, et qui nous projette dans lavenir et dans le monde.
Je le sais et vous le savez, si nous énumérons les obstacles et si nous ne regardons que les obstacles, nous finirons par ne pas avancer et être frappés dimmobilisme. Il faut que nous soyons capables de regarder loin et large. Nous aurons ainsi, grâce à votre soutien précieux, la capacité de franchir ces obstacles au fur et à mesure quils se présentent à nous. Je nai pas lexpérience dAlain Juppé, qui lui permet de dire : «jétais là à la première conférence des ambassadeurs». Je suis néanmoins là aujourdhui avec beaucoup de despoirs et beaucoup denthousiasme. Jai trouvé dans cette Maison, auprès de chacun et de chacune dentre vous, de ceux qui mont déjà accueilli dans leur État de résidence et des autres, bien sûr le professionnalisme que nous connaissons tous, le talent qui fait que vous occupez ces postes et que vous représentez notre pays à létranger, mais surtout cette loyauté et cette volonté dengagement pour votre pays. Je ne les ai jamais trouvés autre part avec autant dintensité quici.
Cest pour cela que nous devons nous souvenir avec beaucoup de fierté que cest nous, les Européens, qui avons inventé le mot qui résume léquilibre que je présentais, le mot qui incarne lassociation idéale entre lhumanisme et la détermination : la «démocratie». Né en Grèce, ce mot paradoxalement si ancien, renaît aujourdhui sur les territoires arabes et, au XXIe siècle, lUnion européenne et la France ont vocation à lincarner fortement. Vous en êtes les acteurs et je suis sûr que vous saurez, dans les moments difficiles que nous allons traverser, porter avec passion les valeurs de lEurope et les valeurs de la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2011
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Professeur Cohen, Chers Amis,
Je voudrais remercier tous les intervenants pour ce débat ouvert et enrichissant. Sans avoir la prétention de répondre à toutes les interrogations, je voudrais conclure en vous remerciant dêtre présents aujourdhui.
LEurope surmontera cette crise et lEurope sortira, comme toujours, renforcée. Jai bien le sentiment que la profondeur et le caractère aigüe de celle-là nous feront progresser encore plus loin et encore plus vite vers lintégration.
Cela nécessite bien entendu une forte coordination et, en même temps, une exigence et une responsabilité nouvelle. Le président de la République et la chancelière allemande ont joué un rôle essentiel ces derniers jours, car ils se montrent pleinement conscients que le monde change. Cet été nous en a encore apporté la confirmation.
Le monde change et nous avons déjà changé dépoque. Une crise, cest cet espace intéressant, angoissant, passionnant, entre un monde qui seffondre et un monde qui nest pas encore né. Ce moment particulier laisse beaucoup de place à langoisse. Mais comme Giraudoux lévoquait dans Electre, cest également le moment où lon voit poindre «la rougeur de laurore». Le monde ancien était un monde déséquilibré. Le spéculateur avait pris le pas sur lentrepreneur. Les normes avaient pris le pas sur les actes. Léconomie avait pris le pas sur le politique. On avait choisi de ne pas choisir, choisi la facilité de subir plutôt que le courage dagir. Le monde que nous construisons doit être un monde déquilibre qui fait face et qui succède à ce chaos ; et ce monde déquilibre, cest justement lEurope.
LEurope est une terre déquilibre. LEurope doit avancer vite. Si nous nous retournons, nous serons changés en statue de sel. Il faut avancer dautant plus vite que la crise est difficile. Cest une vérité biologique simple : lhomme qui marche est plus stable que lhomme qui reste immobile. Aujourdhui, cette terre déquilibre vers laquelle nous devons aller ensemble est donc une terre de dynamisme.
LEurope est dabord une terre déquilibre économique. Pour cela elle doit passer dune certaine candeur, dune certaine naïveté, au réalisme. On a semblé croire que leuro était la formule magique qui allait permettre lintégration de nos économies et générer de la croissance pour tous. Pourtant nous avons dû constater que les inégalités demeuraient. Parce que nous avions oublié que la discipline doit simposer à la solidarité.
Nous avons désormais retenu la leçon. Cest lexemple du plan daide à la Grèce qui concilie la rigueur exigée de lEtat soutenu et la solidarité de lensemble de lEurope. Cest la même démarche qui préside à la réflexion sur les fonds structurels. Avec linitiative de la France et de lAllemagne, ces fonds doivent être essentiellement utilisés pour la croissance, pour lemploi et pour le développement.
Cest aussi une idée simple : la discipline sans la solidarité, cest laustérité imposée à tous les peuples. La solidarité sans la discipline cest la faillite obligatoire annoncée des États. Léquilibre économique, cest celui que nous devons trouver entre la discipline et la croissance.
Osons dire que le premier plan grec était trop dur, trop violent, porteur de trop peu de croissance et despoir. Or, pour réussir à instaurer une réelle discipline, il est indispensable de donner de lespoir au peuple en lui démontrant que la croissance viendra après la rigueur.
Il faut saluer le courage de lEspagne qui agit dans un contexte difficile, ou la noblesse du Portugal qui fait une fierté nationale dapplique les règles qui ont été fixées. Les règles, cest justement ce qui sauve la liberté des échanges.
Discipline et croissance se retrouvent aussi dans lActe pour le marché unique. Discipline et croissance doivent également être au cur des perspectives financières, à propos desquelles la France - soutenue par de nombreux Etats - a une position forte. Il vaut mieux «dépenser mieux» que «dépenser plus». Nous devons donc réfléchir, ainsi que la France la fait, afin de concilier un plan rigoureux pour retrouver léquilibre et des dépenses qui génèreront, demain, la croissance européenne.
En matière énergétique, il faut aussi léquilibre entre le respect de la souveraineté nationale et une réflexion approfondie sur la nécessaire indépendance de nos approvisionnements. Lidée de la sécurité maximale doit être pour tous lélément fédérateur.
Léquilibre économique, cest aussi léquilibre entre la tentation de repli sur soi et la naïveté ; cest la réciprocité, que la France appelle de ses vux. La Commission fera des propositions à ce sujet à lautomne. Elles permettront dinstaurer les conditions dune concurrence équitable et dun échange loyal. Est-il utile de rappeler ici que la France ne défend nullement une forme de protectionnisme de lEurope ? La France essaie, au contraire, de combattre le protectionnisme dont les États européens sont victimes.
Quant à la taxe carbone européenne aux frontières, elle apparaît aussi comme une impérieuse nécessité à terme. Comment pourrions-nous, dans lintérêt de notre économie et dans celui de la planète, en dépit du changement climatique et du développement durable, ne pas nous fixer des exigences fortes et faire en sorte que nos normes environnementales soient protégées et respectées ?
LEurope, cest aussi une terre déquilibre politique. Cest paradoxalement le moment où nous avons le besoin le plus fort dEurope que naît, dans les pays qui traditionnellement ont été les plus europhiles, cet euroscepticisme, voire ce populisme, capable de détruire à la fois lidée dun peuple européen et lidée générale de lEurope. Nous devons donc populariser lEurope pour éviter le populisme. Cette Europe, quelquefois trop désincarnée, doit devenir une Europe concrète, que lon comprend. Dans la Bible, le mot «connaître» et le mot «aimer» est un seul et même mot. Peut-être que si nous comprenions mieux lEurope et si nous la faisions mieux connaître à nos concitoyens, ils se mettraient tout simplement à laimer.
Enfin, rappelons que léquilibre politique repose sur la définition de choses simples. Ce sont les définitions de lespace et de lidentité. Il ny a pas didée européenne sans identité. Il ny a pas didée européenne sans frontière. Lintégration européenne pose donc évidemment les problèmes de ces frontières.
Je crois trop, vous croyez trop, jen suis sûr, à lEurope, à son identité pour admettre quelle se dilue dans un espace sans fin ou se limite à une organisation économique et financière. Pour définir nos frontières, nous devons évidemment tenir un discours de vérité qui soit, là aussi, un équilibre entre linterdiction que nous avons de créer de faux espoirs successifs et, en même temps, lévitement de discours agressifs de rejet. Nous devons insister sur le respect rigoureux des critères dadhésion et avoir comme exemple la Croatie qui est venue dans lEurope sur des critères de surveillance et dexigence rigoureux.
Nous sommes aussi attachés à la liberté et nous sommes donc attachés à la libre circulation et à Schengen. Mais cette Europe de liberté implique la rigueur. Si nous voulons la liberté à lintérieur de nos frontières, il faut que nos frontières soient assurées et, en cas de défaillance, il faut que la clause de sauvegarde puisse fonctionner. Cest au prix de la sécurité externe que nous pourrons bénéficier de la liberté interne.
Alors, ayant défini ce quest lEurope, cette belle idée, ce bel espace, cette terre dhistoire et davenir, nous pourrons effectivement nous tourner sereinement vers les autres. Et cest ce que font déjà la France et lEurope. Albert Camus, à la fin de la dernière guerre mondiale, disait : «jai vu des démocraties sopposer pratiquement à tout, sauf au totalitarisme».
Aujourdhui, la France et lEurope montrent quelles sopposent quelquefois sur des sujets qui peuvent paraître annexes mais, en tout cas, restent déterminées à faire en sorte de passer le message de la liberté et de la démocratie. Tel est le message de lEurope.
LEurope ne peut pas être indifférente aux risques qui lentourent. Elle ne peut pas considérer que le conflit israélo-palestinien sera réglé uniquement par une aide humanitaire. LUnion européenne est à la fois le premier partenaire commercial dIsraël et, en même temps, le premier pourvoyeur daide économique à la Palestine.
La légitimité de la Haute représentante, Mme Ashton, et du Service européen daction extérieure qui bénéficie du soutien entier de la France permet à lEurope de redevenir faiseuse de paix. Nous lavons vu avec les «printemps arabes» que la France a favorisés, encouragés et accompagnés.
Face à une situation internationale gravissime et réclamant des décisions rapides, la détermination et le courage du président de la République, ainsi que le talent de persuasion et la force de conviction dAlain Juppé, ont permis au peuple libyen de se lever face au tyran et de regagner sa liberté. Nous sommes fiers que la France et lEurope aient été des acteurs de cette démocratie retrouvée.
Cette implication sur le plan international montre que lEurope a aussi une exigence daction. La défense de la liberté pose aussi la question de la force et de lindépendance. Rappelons que lintégration de la France au haut-commandement militaire de lOTAN ne lui a enlevé aucune liberté daction. Ce sont la France et le Royaume-Uni qui ont mené les opérations militaires, sous légide de lONU. Ils lont fait en toute liberté, en toute indépendance et à linitiative de la France et du président de la République.
Pour autant, devons-nous renoncer à lidée dune défense européenne ? Je ne le crois pas et je pense donc que, là aussi, léquilibre de laction militaire que nous avons menée sous légide des instances internationales doit nous inciter à poursuivre le travail que nous faisons autour de la Politique de sécurité et de défense commune. Ce grand projet de défense européenne, nous en aurons besoin dans les années futures si nous voulons demeurer les défenseurs de la liberté et de la démocratie.
Vous le voyez, ces trois grands équilibres guident notre action : une économie ouverte et protectrice ; une cohésion politique forte et violente ; la promotion de la paix et le respect de la souveraineté des pays. Nous construisons ainsi cette Europe qui protège les États et les peuples, et qui nous projette dans lavenir et dans le monde.
Je le sais et vous le savez, si nous énumérons les obstacles et si nous ne regardons que les obstacles, nous finirons par ne pas avancer et être frappés dimmobilisme. Il faut que nous soyons capables de regarder loin et large. Nous aurons ainsi, grâce à votre soutien précieux, la capacité de franchir ces obstacles au fur et à mesure quils se présentent à nous. Je nai pas lexpérience dAlain Juppé, qui lui permet de dire : «jétais là à la première conférence des ambassadeurs». Je suis néanmoins là aujourdhui avec beaucoup de despoirs et beaucoup denthousiasme. Jai trouvé dans cette Maison, auprès de chacun et de chacune dentre vous, de ceux qui mont déjà accueilli dans leur État de résidence et des autres, bien sûr le professionnalisme que nous connaissons tous, le talent qui fait que vous occupez ces postes et que vous représentez notre pays à létranger, mais surtout cette loyauté et cette volonté dengagement pour votre pays. Je ne les ai jamais trouvés autre part avec autant dintensité quici.
Cest pour cela que nous devons nous souvenir avec beaucoup de fierté que cest nous, les Européens, qui avons inventé le mot qui résume léquilibre que je présentais, le mot qui incarne lassociation idéale entre lhumanisme et la détermination : la «démocratie». Né en Grèce, ce mot paradoxalement si ancien, renaît aujourdhui sur les territoires arabes et, au XXIe siècle, lUnion européenne et la France ont vocation à lincarner fortement. Vous en êtes les acteurs et je suis sûr que vous saurez, dans les moments difficiles que nous allons traverser, porter avec passion les valeurs de lEurope et les valeurs de la France.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 septembre 2011