Déclaration de M. Eric Besson, ministre de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, sur le rôle essentiel de l'intelligence économique au service de la compétitivité des entreprises et de la relance industrielle, Paris le 21 septembre 2011.

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Circonstance : Première édication des Matinées de l'intelligence économique, à Paris le 21 septembre 2011

Texte intégral

Monsieur le Député,
Monsieur le Président de Vallourec,
Monsieur le Coordonnateur national du renseignement,
Monsieur le Délégué interministériel à l’intelligence économique,
Monsieur le Coordonnateur ministériel,
Monsieur le Président du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique,
Monsieur le Président de l’Institut national des Hautes études de sécurité et de Justice,
Monsieur le Président du CDSE,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d’être parmi vous pour conclure cette première édition des Matinées de l’intelligence économique. La fin de vos débats, à laquelle je viens d’assister, me conforte dans l’ambition assignée à cet événement.
A travers ces Matinées, nous avons voulu, avec Olivier BUQUEN, instituer un rendez-vous régulier entre les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs français de l’intelligence économique : grandes entreprises, PME, organismes de formation, institutions publiques, réseaux d’experts et organisations professionnelles. Cette première édition est un succès et je vous en remercie.
Je sais quel scepticisme a trop longtemps entouré le concept d’intelligence économique. Aujourd’hui, nul ne peut ignorer le rôle que joue, dans une économie globalisée et concurrentielle, la maîtrise de l’information économique stratégique.
Vos thèmes d’échange de ce matin – veiller, innover, influencer, protéger – sont autant de défis qui s’imposent à nous.
1. Vous l’avez évoqué : l’intelligence économique est aujourd’hui un facteur décisif de compétitivité.
La mondialisation a définitivement changé l’échelle, le rythme et l’organisation de nos entreprises. Pour accélérer notre croissance, je ne crois pas à la stratégie du repli. Nous avons besoin, les générations futures ont besoin d’une France conquérante dans la mondialisation.
Pour cela, ayons conscience des atouts dont nous disposons.
Les entreprises françaises tirent mieux parti de la mondialisation qu’on ne l’imagine. Aujourd’hui les entreprises du CAC 40 réalisent en moyenne 60 % de leur chiffre d'affaires hors de France. 78 % de nos PME industrielles de plus de vingt salariés sont exportatrices. Elles réalisent plus du quart de leurs ventes à l’export. Nous comptons des leaders mondiaux de l’énergie, de la chimie, de la pharmacie, de l’électronique, de l’aéronautique, du luxe, du ferroviaire ou de l’automobile.
Nos entreprises innovent et vont continuer à le faire dans les années à venir :
- grâce au crédit impôt-recherche ;
- grâce aux 71 pôles de compétitivité qui quadrillent notre territoire ;
- grâce aux 35 milliards d’euros des Investissements d’avenir.
Etre pragmatique, c’est aussi reconnaître que notre économie conserve des fragilités qui handicapent sa compétitivité. Je pense au coût global du travail, au positionnement de gamme de certains de nos produits ou à la taille insuffisante de nos PME.
Parallèlement, nos entreprises doivent s'adapter à l’arrivée de nouveaux acteurs en provenance des économies émergentes. Hier - oui déjà hier - la Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie. Aujourd’hui, le Mexique, l’Afrique du Sud ou l’Indonésie. Demain, les économies libérées par le Printemps arabe. Ce sont à la fois de nouveaux concurrents mais aussi, je tiens à le souligner, de possibles partenaires pour faire émerger et capter de nouvelles sources de croissance.
Faire de l’intelligence économique une priorité, c’est prendre conscience de ce nouvel environnement. C’est mesurer la nécessité de collecter, analyser, valoriser, diffuser et protéger l’information économique stratégique. Il n’y a pas de raison qu’en France nous soyons en la matière moins volontaristes que nos partenaires américains, allemands, asiatiques ou latino-américains. Nous n’avons pas de motif de nous priver d’une arme majeure de compétitivité.
2. Dans cette perspective, la stratégie française d’intelligence économique accompagne notre volonté de reconquête industrielle.
Au cours des dernières années, le Gouvernement a structuré une politique inédite d’intelligence économique. Ses contours sont aujourd’hui exposés dans une circulaire du Premier ministre, publiée le 15 septembre dernier. Notre stratégie repose sur trois objectifs clairs :
- premièrement, mener une veille stratégique sur les évolutions économiques d’intérêt majeur et sur les risques et menaces qui pèsent sur les entreprises et les établissements de recherche ;
- deuxièmement, soutenir la compétitivité des entreprises en favorisant une meilleure valorisation de la recherche publique et une plus grande influence de la France dans les enceintes de normalisation et les forums économiques étrangers ;
- troisièmement, garantir la sécurité économique, en prévenant les risques d’ingérence pesant sur les entreprises françaises et les établissements de recherche.
Cette politique est dès à présent mise en oeuvre au niveau régional, ministériel, interministériel, et international.
Mais surtout, cette stratégie nationale prend place dans le renouveau de notre politique industrielle. Comme vous le savez, ces dernières années, notre offensive industrielle a reposé sur trois piliers : la mise en oeuvre d’une politique de filières, l’approfondissement de nos efforts d’innovation et le soutien au développement économique de nos territoires. L’intelligence économique vient consolider chacun de ces piliers et démultiplie notre potentiel de croissance et d'emploi.
3. De nouveaux outils sont dès à présent à l’étude pour approfondir notre stratégie d’intelligence économique.
Je pense en premier lieu à la sécurité des pôles de compétitivité.
Depuis 2006, plus de 6 milliards d’euros de financements publics et privés ont été accordés à Clôture – 1ère édition des Matinées de l’intelligence économique 2 300 projets de recherche-développement. Grâce aux investissements d’avenir, 3 milliards et demi d’euros d’aides supplémentaires vont bénéficier aux pôles dans les années à venir. Grâce à cela, les pôles resteront au coeur des innovations de demain. C’est pourquoi il est essentiel d’assurer la sécurité économique des 7 200 établissements, entreprises et laboratoires qui en sont membres. A ma demande, le service ministériel de coordination à l’intelligence économique (piloté par Frédéric LACAVE) vient d’achever un diagnostic inédit sur la sécurité économique des pôles. Les trois quarts des pôles de compétitivité ont pris part à cette étude, qui fait ressortir plusieurs vulnérabilités :
- le risque de dissémination non-intentionnelle des informations ;
- le manque de protection des systèmes d’information ;
- le manque de sensibilisation des salariés des pôles aux problématiques de sécurité économique.
Pour y remédier, je vous annonce la création d’un label « Intelligence économique des pôles », dont les critères seront pris en compte dans les nouveaux contrats de performance des pôles.
Pour se voir décerner ce label, les pôles devront notamment :
- mettre en place des formations à l’intelligence économique ;
- développer, pour les salariés exerçant les activités les plus sensibles, des « certificats de sécurité économique » ;
- renforcer la sécurité de leurs systèmes d’information ;
- plus largement, ils devront adapter leurs normes de sécurité aux meilleurs standards internationaux de protection des informations, par exemple la norme ISO 27 000.
L’objectif est de faire de la sécurité économique l’une des priorités de gouvernance des pôles de compétitivité.
Notre deuxième chantier, longuement évoqu?? ce matin, c’est la protection du secret des affaires. Je prendrais quelques exemples pour illustrer les atteintes auxquelles nos entreprises sont exposées : la divulgation d’un projet technologique ou industriel, la communication non autorisée d’un plan stratégique, la transmission frauduleuse d’un fichier clients, la révélation d’un projet financier ou commercial.
Pour réduire cette vulnérabilité, nous avons, avec la Délégation à l’intelligence économique, constitué un groupe de travail pour limiter les atteintes au secret des affaires. Ces réflexions ont débouché sur l’idée d’offrir aux grandes entreprises comme aux PME la possibilité de recourir à un dispositif novateur.
La divulgation d’informations classées sous le régime du secret des affaires serait constitutive d'une infraction pénale. Pourraient bénéficier de cette protection les informations dont la divulgation porterait une « atteinte grave aux positions stratégiques, au potentiel ou aux intérêts de l'entreprise en matière scientifique, technique, commerciale ou financière ». Cette protection pourrait être signalée, sur certains documents, par la mention « confidentiel entreprise ».
Cette avancée, pour laquelle je plaide au niveau interministériel, aiderait nos entreprises de mieux maîtriser la diffusion de leurs données sensibles et stratégiques. Nous verrons le calendrier parlementaire, mais je ne doute pas que le Député Bernard CARAYON soit au Parlement un relais convaincu d’une telle initiative, qu’il a déjà portée à plusieurs reprises. Ces évolutions renforceront les chances de notre industrie dans la mondialisation.
Je vous remercie de votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 22 septembre 2011