Texte intégral
Je tiens tout dabord à saluer le foisonnement didées qui a animé vos débats. Grâce à la force dinitiative de Jean-François Copé et de Roselyne Bachelot, grâce à tous ceux que vous avez su mobiliser autour de cette convention, le fruit de vos réflexions sadresse en effet avant tout aux Français ; il traduit un engagement fort de la majorité pour que les politiques culturelles aient toute leur place dans la campagne présidentielle qui sannonce. On ne répètera jamais assez quelle est un facteur majeur dintégration, de créations demplois, une valeur essentielle dans la vie des Français, une dimension primordiale de rayonnement international.
Vous avez choisi aujourdhui de mettre laccent sur le soutien à la création et la démocratisation culturelle. Vous savez mon attachement à ces deux volets cruciaux de mon action au ministère de la Culture et de la Communication. Je voudrais à ce titre partager une conviction personnelle avec vous, qui concerne aussi bien lacte créateur que la réception des oeuvres. La culture ne relève pas seulement du collectif : elle touche également à lintime, à la construction de soi, à une liberté dans les choix que lindividu opère sur lui-même et sur ce que lui offre le monde. La culture est faite de choix personnels tout autant que de plaisirs partagés, lun nexcluant pas lautre. Cest aussi, je crois, ce qui distingue notre approche de celle que proposent les candidats de lopposition, volontiers enclins à ne souligner que la seule dimension du collectif dans une sorte danachronisme, finalement, à lheure où lindividualisation des pratiques culturelles se renforce, notamment avec le tournant du numérique.
Lindividualisation des pratiques culturelles nest ni un mal ni un bien : cest un fait que toute politique culturelle se doit de prendre en compte. Cest précisément cette liberté dans la construction de soi par les pratiques culturelles, par des choix esthétiques qui appartiennent à chacun, qui donne son sens à toutes les adhésions et aux volontés de partage et non linverse.
Permettez-moi de revenir sur quelques éléments saillants du bilan du quinquennat dans le domaine de la Culture et de la Communication.
Lopposition tente de répandre lidée selon laquelle nous serions en train de vivre une période de « dépression culturelle ». Ce diagnostic des socialistes est absolument faux, il est mensonger, il est surtout méprisant pour tous ceux qui dans notre pays se consacrent à une action culturelle, qui y donnent leur temps, leur talent je pense à nos structures qui réussissent à attirer un public toujours plus nombreux, je pense à toutes les associations qui investissent tous les territoires de la culture.
Dans tous mes déplacements en France, je ne fais que constater, au contraire, le foisonnement des festivals, des expositions, lextraordinaire qualité et la diversité dune offre culturelle qui au contraire nous honore.
Les chiffres de fréquentation, ceux des festivals, ceux des salles de cinéma dont nous accompagnons massivement la numérisation viennent aussi contredire ces assertions dont personne nest dupe. Il ny a pas de dépression culturelle.
Je ny vois dailleurs finalement quune tentative assez attendue de la gauche de vouloir faire accréditer sa prétention à une sorte de monopole de légitimité sur laction culturelle, comme sil sagissait dune affinité élective, qui sonne de manière bien anachronique, avec son cortège de tabous en matière de financement, lenkystage dans le devoir mémoriel vis-à-vis dun âge budgétaire doré et de politiques culturelles qui nous ramènent trente ans en arrière. Dans les domaines de la Culture et de la Communication, linnovation na pas de couleur. Être responsables, être innovants, cest la mission que nous nous sommes donnée, cest la force des propositions qui émergeront de la Convention Culture de lUMP. Être responsable, cest par exemple appuyer le plan daction pour le spectacle vivant, que jai annoncé à Avignon cet été et qui sera opérationnel début 2012, sur une concertation la plus serrée possible avec les organisations professionnelles. Être responsable, cest aussi faire aboutir les grands chantiers de la Culture, qui constituent autant de paris sur lavenir, qui ne peuvent être menés à bien que si lon sy engage avec une volonté politique forte : je pense au chantier de la Philharmonie, que jai débloqué ; je pense au magnifique succès du Centre Pompidou-Metz, inauguré par le Président en mai 2010, et qui en est déjà à son millionième visiteur.
Innover, faire bouger les lignes des habitudes prises, cest par exemple la réforme du service public de laudiovisuel, la suppression des tunnels de publicité en soirée, des grilles de programme qui font une large part à la culture. Cest accompagner tous les Français dans la transition vers la télévision numérique terrestre, en couvrant tous les territoires, sans laisser personne au bord du chemin. Cela, cest aussi un bilan que lon peut revendiquer avec fierté.
Innover au service de la démocratisation culturelle, cest par exemple garantir laccès gratuit aux moins de 26 ans de lUnion européenne aux musées et monuments nationaux - une volonté du Président de la République, qui, en se traduisant dans les faits, participe aussi de la hausse globale de fréquentation ; cest faire entrer lhistoire des arts dans les programmes des écoles, grâce à une mesure lancée depuis 2008. Innover, cest aussi se donner les moyens de préserver et de mieux mettre en valeur notre patrimoine. Dans ce domaine, le gouvernement peut être fier davoir fait un effort budgétaire sans précédent, auquel se sont ajoutés, dans le même esprit, les crédits du plan de relance pour la restauration des cathédrales appartenant à lEtat, afin de soutenir tout un réseau de petites entreprises spécialisées qui font vivre nos territoires, et de conforter leur attractivité. Dans ce domaine, jai également lancé en septembre 2010 le plan musées en région : soutenir les rénovations, les extensions des musées territoriaux et des petits musées nationaux qui jouent un rôle fondamental dans le maillage culturel français. Les aires de mise en valeur de larchitecture et du patrimoine, enfin, constituent également une réforme essentielle, car elles nous permettent de mieux prendre en compte les objectifs de développement durable sur lesquels le gouvernement sest engagé avec force et les partenariats avec les collectivités locales.
Sengager pour notre patrimoine, ce nest pas seulement défendre la cause des vieilles pierres et de notre patrimoine rural ; cest aussi sengager pour la mise en valeur de notre patrimoine immatériel. Je pense notamment à la reconnaissance, par lUNESCO, du repas gastronomique français comme patrimoine de lhumanité. Les grincheux ont tôt fait de dire quon en fait trop dans ce domaine, comme si la gastronomie était victime dune indigestion médiatique. À ceux-là je répondrais quau contraire, dans ces domaines, on nen fait jamais assez pour valoriser un patrimoine dans lequel tous les Français se retrouvent. Et en tous cas, depuis 2007 on na jamais fait autant pour accompagner, soutenir le patrimoine, pour le financer également.
Innover, cest aussi contribuer à changer les habitudes. Avec la croissance considérable de linternet, une illusion sest imposée depuis une dizaine dannées, celle qui confond la liberté et la gratuité. La loi Hadopi représente dans ce domaine un dispositif essentiel, qui vient contribuer au changement de ces habitudes récentes, qui nuisent considérablement à léconomie de la création, et qui nont rien dirréversibles. Cette loi, indispensable à la régulation dun écosystème complexe et instable dont nos industries culturelles dépendent, certains continuent à vouloir la dénoncer comme une loi scélérate et liberticide. Pour mémoire, nous pourrions leur rappeler les mesures prises dans les années 1980 contre le piratage des cassettes VHS, dont la vigueur répressive était dun tout autre calibre, sans que personne alors ne sen émeuve.
Réguler un écosystème de manière responsable, cest favoriser la montée en puissance de loffre légale : en cela, Hadopi, dont la dimension pédagogique est également essentielle, remplit pleinement son contrat. Martine Aubry propose de labroger pour lui substituer la licence globale : or non seulement les recettes issues dun tel dispositif seraient bien insuffisantes, mais labrogation de lHadopi viendrait asphyxier lessor de loffre légale en ligne, alors même que de nouveaux acteurs européens, comme Deezer et Spotify pour la musique, sont en plein développement.
Là aussi, il sagit dune proposition du passé, qui ne prend pas en compte lévolution de léchiquier des acteurs dans un secteur économique en pleine transformation, encore à la recherche de modèles stables.
Ce combat pour lHadopi, il nous faudra le poursuivre activement pendant la campagne, en rappelant que favoriser la création à lheure du numérique ne peut se faire quen sappuyant sur deux piliers : la lutte contre le téléchargement illégal et le développement de loffre légale. On ne peut pas sacrifier lun au profit de lautre, car les deux vont de pair. Une approche responsable, une politique qui défend les artistes, cest précisément cela. Nous avons, avec Hadopi, défendu avec vigueur les créateurs, les artistes, ceux qui font lart et la culture aujourdhui, mais qui doivent aussi pouvoir en vivre.
Les socialistes se donnent lair dinventer des solutions en proposant des prélèvements sur les opérateurs télécoms : mais depuis 2007 nous avons mis cela en place pour financer le cinéma et laudiovisuel. Cest déjà cela qui permet de numériser toutes les salles en France, jusquaux plus petites, et de manière générale, de soutenir le deuxième cinéma au monde.
Quelques mots enfin sur la dimension budgétaire de laction culturelle menée par le gouvernement et mon ministère. Dans la crise économique et financière que nous traversons, bon nombre de nos partenaires de lUnion européenne ont fait le choix de traiter leur budget de la culture comme une variable dajustement. En France, le gouvernement a fait un autre choix, avec tout lappui nécessaire du Président de la République et du Premier Ministre. Nous avons sécurisé le budget de la Culture et de la Communication, qui peut également sappuyer sur les crédits du Commissariat général à linvestissement, à hauteur de 750 millions deuros, pour des projets dédiés à la valorisation de notre patrimoine et à la numérisation des contenus culturels.
Vis-à-vis de nos partenaires européens, ce choix courageux nous oblige.
Alors que lItalie, la Grande-Bretagne, lEspagne mais aussi les Pays-Bas ont opéré des coupes drastiques dans leurs budgets consacrés à la Culture, la France sest engagée à préserver ces moyens en gardant en tête une vision de long terme. Pour reprendre un terme allemand que nos amis américains utilisent souvent, ce nest en aucun cas de la Schadenfreude. Je suis au contraire inquiet de lavenir du paysage culturel européen, qui va subir limpact de ces désengagements que jespère temporaires chez nos partenaires. À nous de montrer que ce pari sur lavenir est le bon.
Ce bilan budgétaire, cest aussi notre réponse à ceux qui voudraient dénoncer un désengagement imaginaire de lEtat. La droite doit être fière de la priorité quelle a su donner à la culture : la gauche croit avoir le monopole de défendre le budget de la culture, cest faux. Nous avons fait bien plus que le défendre, et ce malgré la crise, mais nous lavons fait de façon responsable, aux services de projets pour les Français, au service dune ambition claire pour nos concitoyens et pour les créateurs.
Dénuées de vision stratégique, misant sur le seul effet dannonce, les propositions qui proposent dans le contexte actuel une augmentation de 50% du budget de la Culture ne sont pas acceptables à lheure où les contraintes budgétaires pèsent sur lensemble des finances publiques. Les citoyens, je crois, ne sy tromperont pas.
Afin que la majorité puisse poursuivre cette action, vous avez élaboré une série de propositions novatrices, grâce à un travail collectif de réflexion, dont je salue la très grande qualité. Jai été particulièrement sensible à trois ensembles de proposition : celles sur les nouveaux modes de financement ; vos propositions dans le domaine de la démocratisation culturelle ; celles qui concernent enfin lattractivité de nos territoires, et notamment le Grand Paris.
En se proposant dinnover dans la recherche de nouveaux modes de financement, la majorité se donne en effet les moyens de ne pas céder à une surenchère budgétaire à la fois inactuelle et irresponsable vis-à-vis des contribuables. Nous devons en effet explorer toutes les voies qui soffrent à nous, et sur lesquelles lopposition ne sattache guère à réfléchir, préférant sans doute sobstiner à défendre le mythe dun âge dor révolu où lhorizon des seules subventions publiques se suffisait à lui- même. Je pense en particulier à votre proposition daffecter chaque année à la restauration du patrimoine national 5% des sommes résultant des cessions d'actifs immobiliers de l'Etat et une fraction du produit annuel de la Loterie nationale. Je pense également à toutes les idées qui permettront de favoriser le développement du mécénat d'entreprise, et notamment à votre proposition de permettre léligibilité des centres dramatiques nationaux au mécénat. Pour des raisons dhabitude, de réflexe de dépendance vis-à-vis des subsides publics, de réflexe idéologique parfois, le développement de démarches alliant spectacle vivant et mécénat nont pas toujours été suffisamment explorés. Une fois de plus, cest la force des propositions de la majorité : avancer sans tabous contre les immobilismes, rechercher les bonnes solutions dans un contexte de contrainte.
Venant de la droite, les mesures proposées dans le domaine de la démocratisation culturelle se voient très souvent dotées par lopposition de tous les maux imaginables. Comme si parler dintimidation sociale relevait nécessairement du populisme dun autre temps. Vos propositions dans ce domaine daction qui est central pour le ministère de la Culture depuis sa création en 1959 par André Malraux montrent au contraire que cette idéologisation des enjeux nintéressent que les partisans dune certaine tour divoire qui simagine détentrice de monopoles perdus. Je pense en particulier à votre proposition de généraliser le « Pass culture » destiné aux familles et aux jeunes, dont le succès dans certaines collectivités est avéré. Le généraliser permettrait effectivement de remédier aux inégalités qui se créent de fait entre les collectivités locales qui jouent le jeu et celles qui nen ont pas lintention. Je pense également à votre idée de favoriser laccès pour tous à une pratique culturelle, en proposant à tout élève, à côté des enseignements obligatoires, une pratique artistique effective à l'école ou dans un équipement culturel de proximité. Les remarquables orchestres DEMOS, initiés par le Conseil de création artistique et portés par Laurent Bayle à la Cité de la Musique, sont en effet exemplaires : cest un modèle qui gagne effectivement à être développé pour donner aux pratiques musicales amateurs la place quelles méritent dans notre société.
En ce qui concerne lattractivité de nos territoires, le projet du Grand Paris occupe à coup sûr une place déterminante. Le transport et le logement en sont évidemment des dimensions essentielles ; noublions pas la culture.
Pour une métropole de 10 millions dhabitants qui doit renforcer son attractivité internationale, la culture, qui est également une dimension essentielle de lidentification de nos concitoyens à la région capitale, joue à lévidence un rôle considérable. Sengager pour un Grand Paris de la culture est un projet dont le Président pourrait semparer, dans la continuité de son discours fondateur davril 2009, et je mengage à vous soutenir pour quil puisse retenir cette proposition davenir. Le « 1% Grand Paris » nous permettrait par ailleurs de rappeler les collectivités à leurs obligations dans le cadre des contrats de développement territoriaux, et déviter les émiettements de projet, en coordonnant les actions ainsi financées sous le contrôle dune commission dont la légitimité artistique et scientifique sera irréprochable, en donnant la priorité aux commandes innovantes et aux projets pluridisciplinaires. Cest à repenser la commande publique que vous nous incitez. Lheure, en effet, nest plus à la fresque, au bas relief ou à la statue monumentale ; je sais combien le foisonnement des propositions artistiques en prise avec le phénomène urbain et lévolution des codes esthétiques représentent en effet une chance à saisir, que mon ministère et la majorité auront la chance de mettre en valeur durant la campagne présidentielle.
Je vous remercie.
Source http://www.culture.gouv.fr, le 28 septembre 2011