Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le rôle incontournable des institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) dans la réponse à la crise financière internationale, dans le financement du développement et de la lutte contre le changement climatique, Washington le 23 septembre 2011.

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Circonstance : Assemblées annuelles 2011 de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, à Washington du 23 au 25 septembre 2011

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, Chers délégués,
Nous nous réunissons dans un contexte de nouveaux défis pour la reprise économique mondiale. Les enjeux à relever sont considérables qu’il s’agisse du développement, de la croissance, des déficits budgétaires ou de dette souveraine.
Il faut regarder la réalité en face : dans la plupart des pays, à des degrés divers, le nécessaire processus de désendettement des ménages, des entreprises et des administrations publiques prendra du temps et modérera la croissance. La reprise mondiale est donc intrinsèquement fragile et particulièrement sensible aux chocs. Et de ce point de vue, l’été a été difficile, marqué par de nouvelles tensions économiques et financières. Un plus grand dynamisme dans la seconde moitié de 2011, puis en 2012, paraît incertain.
Nous devons donc rétablir la confiance, soutenir la croissance, dissiper les incertitudes et protéger l’économie mondiale convalescente de nouveaux chocs. A cette fin, il est crucial, dans les prochains mois, de parvenir à concilier les nécessaires mesures de consolidation budgétaire avec la préservation de la croissance. Ainsi, nous devons privilégier les mesures les moins nuisibles à la demande tout en garantissant des trajectoires de réduction des déficits publics crédibles et durables à moyen-long terme. Dans les pays où cela est possible, il faut utiliser les marges de manoeuvre disponibles à court terme.
Pour améliorer notre capacité de réponse aux crises, permettre le retour à une croissance mondiale inclusive, pérenne et équilibrée et prévenir la résurgence de crises futures, nous devons refonder notre résolution à agir. Les économies avancées doivent renforcer la résilience du secteur financier et mettre en oeuvre – pour certains définir – leurs plans de consolidation budgétaire à moyen terme, visant le nécessaire rééquilibrage des comptes publics tout en s’efforçant, lorsque cela est possible, de soutenir à court terme la croissance. Quant aux grandes économies émergentes, elles doivent elles aussi contribuer à résorber les déséquilibres mondiaux, notamment par un accroissement de leur demande interne. Pour les pays en voie de développement, assurer durablement une croissance à même de réduire significativement la pauvreté nécessite de continuer à s’attaquer aux vulnérabilités structurelles de leurs économies, mais aussi de reconstituer les marges de manoeuvre qui leur ont permis de surmonter la crise globale. L’équilibre à trouver est délicat. En tant que pierre angulaire de la gouvernance économique et financière mondiale et du développement, les institutions de Bretton Woods ont un rôle essentiel à jouer pour promouvoir ce besoin impérieux de coordination.
La France, qui assume une responsabilité particulière cette année, en tant que présidente du G20, du G7 et du G8, est déterminée à poursuivre ses efforts en ce sens. Plus que jamais, le contexte international exige une action résolue, concrète et concertée. L’ambition de la présidence française du G20 est bien celle là : aboutir le 4 novembre au Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement, à Cannes, à des décisions politiques, accompagnées dans toute la mesure du possible par des actions concrètes. A nos yeux, en effet, c’est la légitimité même du G20 qui est ici en jeu.
1. Il est aujourd’hui essentiel de conforter la place des institutions de Bretton Woods au coeur de la réponse à la crise
C’est essentiellement parce que la mobilisation collective a été exemplaire depuis 2008 et que nous avons donné à ces institutions les moyens d’agir en augmentant considérablement leurs ressources, qu’elles ont été en mesure de répondre avec autant de réactivité à la plus grave crise économique et financière depuis la seconde guerre mondiale. La Banque mondiale a engagé plus de 150Mds$ depuis le début de la crise pour assurer la reprise dans les pays en développement et les engagements du FMI ont été multipliés par plus de cinq depuis janvier 2009, passant d’environ 60 à 330 milliards de dollars. Après une décennie marquée par une diminution tendancielle de leurs interventions, la réponse à la crise a enclenché une nouvelle dynamique pour ces institutions de Bretton Woods.
Collectivement, nous avons su faire preuve de pragmatisme et d’une grande capacité d’adaptation aux nouvelles réalités économiques en dotant les institutions financières internationales d’outils mieux adaptés. Cela a permis à ces institutions d’agir et d’innover dans un contexte difficile pour répondre aux besoins de l’ensemble de leurs membres, qu’ils s’agissent de pays développés, émergents ou à bas revenus. Je me félicite tout particulièrement de l’introduction au FMI de nouveaux instruments de précaution qui représente une évolution substantielle pour sa capacité d’intervention. Je me félicite également de l’action spécifique et réactive dont ont su faire preuve les institutions de Bretton Woods en direction de leurs membres les plus vulnérables et les plus pauvres. Ainsi, au cours des dernières années, le FMI a considérablement augmenté – presque doublé – ses engagements en faveur des pays à bas revenu et la réforme de ses instruments à destination des pays à bas revenu constitue une avancée importante. A la Banque mondiale, nous avons su créer une fenêtre de réponses aux crises au sein de l’AID afin de disposer de ressources et d’un mécanisme rapidement mobilisables en cas de crise économique ou de catastrophe naturelle. La famine dans la corne de l’Afrique nous démontre aujourd’hui cruellement combien nous avions besoin d’un tel instrument.
Cette réponse collective, nous avons également su l’apporter aux pays du printemps arabe. Les avancées économiques et démocratiques qui ont été initiées dans les pays de la rive sud de la Méditerranée peuvent et doivent être soutenues par l’action efficace et coordonnée des institutions financières internationales. L’action multilatérale est un axe central de la réponse proposée par le Partenariat de Deauville, et je suis particulièrement heureux de l’implication des institutions de Bretton Woods dans cette initiative : la Déclaration conjointe des institutions multilatérales s’engageant à coordonner leur action sur le terrain témoigne d’une volonté d’agir efficacement ensemble, selon des modalités nouvelles. Des montants considérables, près de 38 milliards d’euros, ont été mobilisés à la réunion de Marseille du 10 septembre, pour accompagner de plans de transition exemplaires. Le Partenariat de Deauville constitue à mes yeux un modèle exemplaire d’une politique de développement efficace, coordonnée, et centrée sur les pays.
Il nous faut bâtir sur les leçons des dernières années et sur nos succès pour être prêt à réagir aux prochaines crises. Ce que je retiens essentiellement, c’est que la réponse aux crises ne peut être que collective.
Il nous faut continuer à adapter nos outils pour cela. Il manque une approche structurée permettant d’assurer la capacité collective à répondre à des besoins transitoires de liquidité en cas de crise systémique. Ceci doit être corrigé. Je suis convaincu que le FMI a vocation à jouer un rôle plus important, un rôle pivot, au sein de filets de sécurités financiers globaux.
Il nous faut aussi développer notre capacité à travailler ensemble. Je suis convaincu des bénéfices que peut apporter la collaboration entre les institutions de Bretton Woods et les organisations régionales. J’en suis convaincu notamment parce que je peux témoigner de la collaboration exemplaire que le FMI a su développer avec les institutions européennes, créant des synergies loin de tout esprit de concurrence. La montée en puissance de la coordination avec les dispositifs et organisations existant au niveau régional est également un élément primordial pour renforcer l’efficacité des filets de sécurités financiers globaux. C’est aussi un axe sur lequel je souhaite voir la Banque mondiale accélérer ses travaux. Nous avons aujourd’hui devant nous un tableau de bord de l’institution. C’est un précieux outil de suivi et de dialogue institutionnel. Faisons en un outil d’orientation, harmonisé entre banques de développement.
Il nous faut enfin des ressources à hauteur de nos ambitions. A titre d’exemple, la mise en place d’un mécanisme de réponse aux crises de liquidité en cas de choc systémique ne saurait faire l’économie d’une réflexion sur l’adéquation des ressources disponibles pour le FMI et nous devrons faire preuve de responsabilité en donnant au Fonds les moyens de remplir pleinement son rôle et adapter ses outils. Si nous le décidons, nous avons aussi les moyens aujourd’hui d’assurer durablement la capacité du FMI à soutenir ses membres les plus pauvres : c’est pourquoi la France soutient l’emploi des surprofits des ventes d’or au profit de la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance.
2. Nous devons préparer l’avenir en donnant aux IFIs les moyens de prévenir les crises et de favoriser une croissance soutenable, équilibrée et inclusive.
C’est d’abord en améliorant la surveillance que nous pourrons agir mieux et réduire les vulnérabilités macroéconomiques.
Nous avons besoin d’une surveillance du FMI plus forte, plus efficace et plus cohérente. Des progrès ont été accomplis et la revue triennale de la surveillance nous aide à mieux identifier les pistes à suivre pour rendre la surveillance aussi interconnectée que le monde économique et financier d’aujourd’hui. Il ne faut pas s’arrêter en chemin. Nous devons nous assurer que la surveillance est suivie d’effets. Pour cela, ne manquons pas d’ambition : c’est en adaptant le cadre juridique dans lequel s’exerce la surveillance que nous pourrons nous rassembler autour d’une vision commune de la stabilité et de la prospérité internationales ; et c’est en renforçant le rôle du CMFI que nous accroîtront la capacité d’engagement politique du Fonds.
Ce renforcement de la surveillance est complémentaire du processus d’évaluation mutuelle mené dans le « cadre pour une croissance forte, équilibrée et durable » du G20, auquel le FMI apporte une expertise technique essentielle. Avec l’aide du FMI, les pays du G20 pourront adopter lors du prochain Sommet du G20 un plan d’action détaillant les mesures nationales des pays en faveur de la croissance et de la lutte contre déséquilibres mondiaux.
C’est aussi en prenant mieux en compte les nouvelles réalités économiques que nous saurons prévenir les crises et favoriser un développement équilibré
Les institutions de Bretton Woods doivent s’adapter aux nouvelles réalités économiques mondiales. A ce titre, j’encourage le FMI à poursuivre ses travaux sur les grandes évolutions du système monétaire international en accompagnant au mieux l’internationalisation croissante des grandes monnaies émergentes. Le FMI doit également continuer ses travaux sur ce qui constitue des défis croissants, comme la gestion des flux de capitaux, la mesure de la liquidité mondiale ou encore l’adéquation des niveaux de réserves internationales.
C’est enfin, en s’attaquant résolument aux vulnérabilités structurelles que les Institutions de Bretton Woods sauront mieux prévenir les crises futures et promouvoir une croissance inclusive et durable.
Trois ans seulement après les émeutes de la faim de 2008 qui avaient touché les pays les plus vulnérables, nous sommes confrontés à une nouvelle crise alimentaire, de grande ampleur, dans la Corne de l’Afrique. Il a fallu répondre vite et je salue l’efficacité des interventions de la Banque mondiale dans les pays les plus touchés. Il faut également éviter que cela ne se reproduise et la réponse de la Banque mondiale qui cherche aussi à développer la résilience des pays concernés est en ce sens, très adaptée. La sécurité alimentaire se bâtit du plus court au plus long terme et c’est ainsi que la question est traitée en G20. Je tiens à remercier la Banque mondiale pour sa participation à nos travaux, qui ont permis d’adopter, en juin dernier, un plan d’action ambitieux sur la volatilité des prix alimentaires et l’agriculture. L’expertise de la Banque mondiale, aux côtés d’autres organisations internationales, est indispensable à sa mise en oeuvre, afin d’aboutir à des décisions concrètes et à la mise en oeuvre d’instruments permettant d’atténuer les risques liés à la volatilité excessive des prix des matières premières agricoles.
Le manque d'infrastructures ensuite constitue un frein important à la croissance des pays en développement et une fragilité structurelle. Le déficit d’infrastructure réduit le taux de croissance de près de 2 points de PIB par an en Afrique, continent le moins avancé dans l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement. La Banque mondiale, aux côtés des autres banques multilatérales de développement, et en collaboration étroite avec le Panel de haut niveau mandaté pour apporter l’expertise du secteur privé dans ce domaine, a fortement contribué aux travaux du G20 sur ces sujets. Un Plan d’action conjoint des banques multilatérales de développement est en cours de finalisation : sa mise en oeuvre permettra des avancées notables pour améliorer la transparence et la qualité de l’information. Certaines recommandations sur lesquelles se sont engagées les banques multilatérales de développement restent particulièrement attendues, en amont du Sommet de Cannes : il s’agit de créer un environnement favorable à l’investissement dans les infrastructures, par l’harmonisation des règles de passation de marché entre les banques, ainsi que par l’assouplissement du cadre de viabilité de la dette pour en permettre le financement.
Le financement du développement et de la lutte contre le changement climatique constitue l’un des plus grands défis de la communauté internationale pour les prochaines années. Nous devons nous montrer à la hauteur des objectifs mondiaux pour le développement que nous nous sommes fixés, mais aussi de l’engagement financier pris à Copenhague et confirmé à Cancún de mobiliser d’ici à 2020 100 milliards de dollars par an de financements publics et privés pour aider les pays en développement à lutter contre le changement climatique. En mettant ce thème à l’agenda Développement du G20, la France a souhaité mettre l’accent sur la nécessité de trouver des moyens concrets et soutenables pour remplir nos engagements et initier une dynamique de long terme en matière de financement de la lutte contre le changement climatique, et plus généralement, de financement du développement. Je souhaite remercier la Banque mondiale et le FMI pour leur rapport préliminaire, et les encourager à poursuivre leurs travaux. La France, conjointement avec l’Allemagne, soutient le principe d’une taxe sur les transactions financière et d’un instrument de marché (taxe ou marché de permis d’émissions) visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport international maritime et aérien. Ces outils innovants permettraient de dégager des revenus importants mobilisables en faveur du climat.
Les défis à relever sont grands : l’action des Institution de Bretton Woods, réformées et renforcées sera décisive.
Je tiens à rappeler mon attachement à l’établissement d’institutions financières fortes, soutenables et légitimes. Pour la Banque Mondiale, cela passe par une répartition de revenu qui assure un niveau de transfert important vers les pays les plus pauvres ; par une tarification adéquate des prêts, afin d’assurer la soutenabilité de l’institution ; et par un budget administratif maîtrisé. La réflexion doit également se poursuivre sur l’adéquation des ressources du FMI à ses missions nouvelles. S’agissant du fonctionnement du FMI, nous devons aussi maintenir le cap du nouveau modèle de revenu défini en 2008 et favoriser les changements organisationnels qui rendront l’institution plus forte et efficace. La réforme de la gouvernance et la 14ème revue des quotes-parts du FMI ont représenté une avancée majeure pour la représentativité de cette institution. Il est désormais impératif qu’elles soient mises en oeuvre.
Source http://www.imf.org, le 5 octobre 2011