Déclaration de M. François Fillon, Premier ministre, sur le soutien de la France aux "printemps arabes", les interventions extérieures sous mandat des Nations unies, la crise de la zone euro et la lutte contre le terrorisme et le piratage informatique, à Paris le 7 octobre 2011.

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Circonstance : Séminaire d'ouverture de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) et de l'Institut national des Hautes Etudes de la sécurité et de la justice (INHESJ), à l'Ecole militaire, Paris le 7 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur le Chef d’Etat-major des armées,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs,
C’est d’abord pour moi un plaisir de revenir pour la troisième fois en tant que Chef du Gouvernement à l’Ecole militaire et de rencontrer une nouvelle session des auditeurs de l’IHEDN et de celui de l’INHESJ.
A chaque rentrée, je constate avec vous l’instabilité du monde et l’accélération de l’histoire.
Depuis le début de l’année, en effet, aucun continent n’a été à l’abri de bouleversements majeurs, qu’il s’agisse des événements qui ont secoué le monde arabe, la Côte d’Ivoire, le Japon, ou encore l’Europe et les Etats-Unis.
En Europe, l’explosion de la crise de la dette place tous les dirigeants politiques devant leurs responsabilités et elle pose sous un angle nouveau la question de la souveraineté des Etats.
Je sais que c’est un sujet qui va prendre toute sa place dans vos groupes de travail et dans les réflexions interministérielles qui sont engagées pour la réactualisation du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en 2012.
Cette année aura aussi été marquée par les printemps arabes.
Ils ont été imprévus, ils ont imposé la victoire de valeurs universelles.
Non pas universelles parce qu’occidentales, mais universelles au sens de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme adoptée en 1948. Universelles parce qu’elles font de la dignité de chaque personne le bien le plus précieux de l’humanité.
Il faut oser dire la vérité : sur ces printemps arabes, nous avons été victimes d’une myopie collective.
Nous nous étions résignés à ce que certains peuples ne puissent accéder au respect des droits de l’homme les plus élémentaires.
Or, comme l’Europe de l’Est à la chute du communisme, et comme l’Amérique latine au soir des dictatures militaires, les populations arabes nous ont prouvé que l’aspiration des peuples à la liberté ne souffre aucune exception.
Sous nos yeux, les blogueurs tunisiens, les jeunes de la Place Tahrir, les insurgés de Benghazi, ont pris conscience qu’ils avaient le pouvoir de se libérer du carcan qui leur était imposé depuis des décennies.
Ils ont su se lever, ils ont su dire "non" à l’oppression. Ils ont su le faire par eux-mêmes, en s’appropriant des révoltes qui, face à l’autisme des régimes en place, n’avaient d’autre choix que de se muer en révolutions.
Personne ne pouvait faire la révolution à leur place ni les déposséder de leurs actes historiques. Nous avons agi en appui.
A présent, il est essentiel que nous soyons au premier rang du soutien aux transitions démocratiques qui ne vont pas de soi, à ces transitions démocratiques nées des soulèvements comme en Tunisie, en Egypte et en Libye, ou à ces transitions démocratiques engagées par les régimes en place, comme c’est le cas au Maroc ou en Jordanie.
A travers le partenariat de Deauville, nous avons mis à disposition de ces Etats des instruments politiques et financiers à hauteur de 80 milliards de dollars sur les trois prochaines années.
Les événements des derniers mois doivent être une leçon pour tous les régimes qui nient les droits les plus élémentaires de leurs citoyens.
Et nous pensons tous à la fuite en avant meurtrière du régime syrien.
Le fait que plusieurs Etats aient décidé, d’une manière incompréhensible et pour tout dire d’une manière choquante, d’empêcher le Conseil de Sécurité des Nations Unies de faire pression sur le régime syrien ne doit pas nous faire renoncer.
La France salue la création du Conseil national syrien. C’est en formant une opposition unie et une structure représentative que le peuple syrien progressera vers la démocratie.
Nous devons poursuivre nos efforts, avec nos partenaires européens et avec ceux de la région que la dérive syrienne inquiète, pour que la Communauté internationale aide le peuple syrien à réaliser ses aspirations démocratiques.
Notre action doit convaincre les dirigeants qui s’accrochent au pouvoir au mépris de la volonté de leur peuple que les temps ont changé et qu’ils ont intérêt à être les pères des réformes, plutôt que d’être traduits devant un tribunal.
Dans les crises ivoiriennes et libyennes, la France a défendu une ligne claire, ancrée dans des principes de bon sens conformes à la lettre et à l’esprit de la Charte des Nations unies.
Elle a pris en considération le comportement des gouvernements locaux, la gravité des situations et les atteintes portées aux populations civiles, mais aussi l’engagement des parties régionales, comme la ligue des Etats arabes, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ou l’Union africaine.
Enfin, elle s’est placée sous un strict mandat des Nations unies.
C’est dans ce contexte qu’ont pu se concevoir la mise en œuvre pour la première fois du concept de "responsabilité de protéger" et le recours préventif à la justice pénale internationale.
Je rends hommage au professionnalisme de nos soldats dans l’ensemble de ces crises.
Au cœur d’Abidjan, la force Licorne a œuvré dans des conditions particulièrement difficiles.
En Libye, nos aviateurs, nos marins et nos pilotes d’hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre ont dû faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et mettre en œuvre des matériels dont le haut niveau technologique a été décisif.
Nous avons été les fers de lance de cette intervention avec le Royaume-Uni, au sein d’une coalition élargie à plusieurs pays arabes.
En Afghanistan, l’année a été meurtrière.
Nos hommes ont payé un lourd tribut à la défense de la liberté du peuple afghan et de notre sécurité.
Mais depuis trois ans, en Surobi et en Kapisa, ils assurent la montée en puissance des forces de sécurité afghanes, et nous pouvons être fiers des progrès accomplis grâce à eux.
Cette année, nous avons rempli les conditions qui nous permettent d’engager le transfert des responsabilités de sécurité et d’amorcer le processus de retrait de nos forces d’ici la fin de l’année 2014 selon le rythme qui a été annoncé par le Président de la République.
Cela veut dire aussi que nous devons préparer les modalités de notre partenariat avec le peuple afghan au-delà de 2014.
C’est tout le sens du futur traité d’amitié et de coopération franco-afghan qui a été proposé par le Président de la République au Président Karzaï en juillet dernier, et que nous voulons conclure avant la fin de l’année.
Mesdames et Messieurs, plus la globalisation s’intensifie, plus les réponses politiques doivent être des réponses collectives. C’est vrai sur le terrain, mais cela s’applique aussi à notre action dans la gouvernance mondiale.
Pourtant, la crise, en accentuant l’élan de rattrapage des émergents, a fait renaître des tentations protectionnistes et nationalistes.
Certains se sont remis à penser qu’on pouvait stopper la mondialisation.
Espérer freiner les pays émergents et se soustraire aux effets de leur rattrapage c'est une illusion.
Ce n'est pas seulement une illusion, ce serait aussi immoral et contre nos intérêts.
Immoral, parce que l’essor de ces pays est avant tout la possibilité pour des centaines millions de personnes de sortir de la pauvreté.
Contre nos intérêts, parce que dans un monde globalisé, l’exercice de la souveraineté ne peut pas être solitaire.
Comment aurions-nous pu arrêter la folie qui s’était emparée des marchés financiers à l’automne 2008 si nous n'avions pas décidé de coordonner nos actions dans le cadre de ce qui allait devenir le G20 ?
Dans un monde interdépendant, l’évolution des rapports de force ne peut pas se réduire à des schémas simplistes.
Nous avons à gagner dans la mondialisation.
Bien sûr, nous connaissons ses excès, ses défauts, ses lacunes, ses dangers.
L’ascension des pays émergents est source de tensions ; d'abord à cause de la recherche effrénée d’accès garantis aux ressources naturelles. Mais aussi de la hausse des prix des matières premières, à commencer par les matières premières agricoles, qui peut provoquer des tensions sociales dramatiques et déstabiliser des Etats.
C’est la raison de notre engagement au sein du G20 et du G8 : nous voulons faire en sorte qu’une souveraineté concertée et partagée s’impose, pour éviter justement que la globalisation ne mène à une "anarchie internationale". Cette anarchie internationale qui serait la négation même des Etats.
Dans cette nouvelle donne mondiale, nous avons des atouts à faire valoir.
Le premier de ces atouts, c’est l’Europe.
L’Europe souvent décriée, suspectée, bousculée, mais l'Europe qui est toujours là !
Au regard des principaux paramètres qui fondent la force d’une civilisation – qu'est-ce qui fonde la force d'une civilisation ? La démocratie, la richesse, la formation, la cohésion sociale, la technologie, les infrastructures, la culture -, eh bien au regard de ces paramètres, j’affirme que l’Europe de demain peut incarner l’espace le plus cohérent, le plus prospère et donc le plus influent du XXIe siècle.
Vous me direz que la crise actuelle que subit l’Union européenne infirme ce pronostic.
Mais cette crise nous allons la surmonter.
Nous n'allons pas renoncer pas aux acquis de l’Europe; nous n'allons pas lâcher 60 années de construction politique; nous n'allons pas brader ce destin commun qui permet à plus de 500 millions d’Européens de tenir leur rang dans un monde difficile, concurrentiel, dangereux, de 7 milliards d’habitants !
Je récuse ces défaitistes qui prétendent qu’en isolant la Grèce, en la laissant dériver, on sauvera le reste. Si la solidarité européenne se rompt, alors la crise se propagera à tous.
Je récuse ces populistes qui opposent de façon démagogique les efforts réalisés pour soutenir le système financier des efforts réalisés pour les peuples. Un désastre financier entraînerait une débâcle économique et sociale, et ce jour là, il serait trop tard pour se souvenir que les enjeux financiers sont aussi des enjeux concrets.
Je récuse ceux qui murmurent que le scénario d'une sortie en douceur de l’euro est une option. Le retour du franc et la dévaluation qui s’en suivrait nous condamneraient pour longtemps à la récession et à la ruine.
Enfin, je récuse ceux qui rêvent de rétablir des frontières partout. On ne protégera pas notre pays en dressant de nouvelles lignes Maginot, qui n'auraient d'autre conséquence que d'augmenter les prix à la consommation et de condamner nos exportations.
En réalité, pour répondre à cette crise, il faut surtout du sang-froid, et il faut du sang-froid d'abord face à des investisseurs et à des marchés qui ont perdu leur boussole ; il faut méthodiquement mettre en œuvre les plans de soutien et les instruments de coordination que nous avons décidés au niveau européen.
Et puis, il faut plus d'Europe politique, il faut plus de cohérence économique, il faut plus d'harmonisation fiscale, il faut plus de volontarisme commercial.
Et pour cela, nous avons besoin d'un leadership fort.
L’année 2011 a confirmé, une fois de plus, le rôle vital de la France et de l'Allemagne, pour conduire le destin de l'Europe.
Nos deux pays doivent être les pionniers d’une plus grande convergence budgétaire et fiscale.
Ils doivent faire bloc, ils doivent donner à l’espace économique et social franco-allemand une harmonie aussi claire et vigoureuse que possible.
C'est vrai que la crise a révélé certaines faiblesses de l’Union européenne, des faiblesses d'ailleurs que pour la plupart nous connaissions bien et que nous essayions de pallier.
Mais je voudrais à tous les pessimistes dire que cette crise a conduit les dirigeants de l'Union européenne à réagir.
Nous devons renforcer l’intégration économique de la zone euro, en bâtissant la convergence qui nous a manqué. On ne peut pas imaginer dans la durée pérenniser une monnaie qui représente des échanges sur des territoires qui ont des règles différentes en matière fiscale, en matière économique, en matière sociale.
Nous nous sommes attelés à ce travail, depuis un an et demi, et je veux dire que durant cette période, l’Europe a plus avancé qu’en vingt ans sur les questions de régulation financière et de gouvernance économique.
Nous avons créé le Fonds européen de stabilité financière pour aider les Etats de la zone euro en grave difficulté.
Nous avons maintenant des agences européennes de supervision pour les banques, pour les marchés financiers, pour les assurances. Et enfin, nous avons institutionnalisé le sommet de la zone euro.
La faiblesse, aujourd’hui, de nos pays, la faiblesse de la zone euro, c’est l’endettement.
Toute l’Europe s’est engagée sur le chemin de la discipline budgétaire.
Et il est grand temps de gérer nos pays, et la France en particulier, comme on gère une famille, avec de l’ordre et de la sagesse !
Nous nous sommes fixé une trajectoire exigeante et compatible, en même temps, avec le maintien de la croissance économique. A partir d’un déficit de 5,7 % du produit intérieur brut cette année, nous nous sommes engagés à passer à 4,5 % en 2012, et à 3 % en 2013, avec un objectif final qui est l’équilibre.
Ces chiffres ne parlent sans doute pas suffisamment à nos concitoyens, alors je vais en prendre d’autres. Cela veut dire 23 milliards d’économies en 2011, ça veut dire 45 milliards d’économies en 2012, ça veut dire 58 milliards d’économies en 2013.
C’est une trajectoire qui nous engage, elle nous engage vis-à-vis de nos partenaires européens.
Mais elle nous engage aussi vis-à-vis de nous-mêmes, parce que, au fond, derrière cet effort il y a une question fondamentale : est-ce que nous voulons rester maîtres de nos choix ?
Quand on a plus de 1 600 milliards de dette, quand on n’a jamais connu l’équilibre budgétaire depuis trente cinq ans, quand on doit verser chaque année plus de 45 milliards d’euros d’intérêts, alors oui, on fragilise la souveraineté nationale que nous cherchons à défendre activement par ailleurs.
Nous avons présenté un budget pour 2012 qui est l’un des plus rigoureux que la France ait connu depuis 1945.
Et pour la première fois, depuis cette date, les dépenses de l’Etat ont baissé en proportion de la richesse nationale entre 2009 et 2012.
Nous veillerons, dans ce contexte, à ne pas affaiblir l’efficacité de notre outil de défense et nous lutterons contre le risque d’un décrochage capacitaire de l’Europe. Alors que le monde s’arme de plus en plus, l’Europe ne peut pas désarmer. Sa défense doit évoluer et son outil de défense doit s’adapter à la mutation des menaces.
On sait le rôle décisif joué en Libye par la qualité de nos équipements, et je veux citer notamment les plus modernes d’entre eux, que nous cherchons à faire partager à certains de nos voisins, de nos partenaires, je pense au Rafale et au Tigre, déployés à partir de nos bases aériennes, du Charles de Gaulle ou de nos bâtiments de projection et de commandement.
Nous voulons que nos moyens de défense conservent cette performance technologique qui fait leur crédibilité.
A l’exception de la dissuasion nucléaire, il faut que cette ambition soit partagée par nos partenaires européens.
Le moyen d’y parvenir, c’est de construire des partenariats stratégiques avec nos alliés, européens en particulier, à l’instar de celui que nous avons conclu en novembre 2010 avec le Royaume-Uni.
Ce partenariat franco-britannique tire sa force d'une réelle convergence géopolitique, scientifique et industrielle et, en même temps, d’une vision commune de nos intérêts de défense et de sécurité.
L’opération de l’Otan en Libye, dont la France et le Royaume-Uni ont clairement exercé le leadership, en est une magnifique illustration.
Ce partenariat unique a vocation, au-delà, à encourager nos autres partenaires européens vers la construction d'une Europe de la défense et de l’armement qui soit plus ambitieuse, et qui s’appuie sur des moyens militaires réels.
Les Européens doivent renforcer leurs capacités de défense.
Les initiatives prises à Bruxelles et soutenues par les pays du triangle de Weimar, et par l’Italie et l’Espagne, pour rationaliser, pour mutualiser, pour organiser les programmes nationaux vont dans le bon sens, même si tout cela n’est pas très rapide.
Pour les moyens de planification et de commandement, la réflexion doit associer l’ensemble des Etats membres et elle doit viser à améliorer la capacité globale des Européens à prendre toute leur part dans la gestion des crises.
Mesdames et Messieurs, dans un monde où la menace est de plus en plus diffuse, nous aurons à renforcer la résilience de nos sociétés face à toutes les menaces de déstabilisation.
Cette année encore, des événements tragiques, je pense à la Norvège ou au Maroc, ont rappelé combien la menace terroriste était une menace multiforme.
La disparition de Ben Laden marque une étape importante dans la lutte contre le terrorisme djihadiste, mais elle accélère aussi sa mutation. Et dix ans après le 11 septembre, le combat est loin d’être terminé.
Nous devons être particulièrement vigilants, notamment face à la dégénérescence de certaines branches et cellules "franchisées" d’Al Qaïda qui, libérées de la tutelle religieuse et de l’allégeance idéologique, sont en train de glisser dans la sphère criminelle et de donner naissance à de nouvelles structures hybrides où se fondent l’idéologie terroriste, l’organisation de type militaire et la motivation lucrative.
Pour qu’ils ne tirent pas profit des désordres nés des révolutions arabes, en développant leurs activités à l’ombre des Etats en reconstruction, nous devons être doublement vigilants.
La banalisation croissante des modes d’action terroristes, récupérés par des individus isolés qui, d’une certaine façon, se radicalisent "à la maison", sans autre support que l’idéologie dont ils s’inspirent et les facilités logistiques d’Internet, rend la menace plus difficile que jamais à appréhender.
Pour y faire face, nos services de renseignement organisent une riposte ciblée: en identifiant les filières de recrutement des combattants djihadistes et les cellules liées à Aqmi, mais aussi en détectant la menace terroriste en amont, dès que ses premiers vecteurs de radicalisation sont repérés, je pense aux lieux de prières ou aux prisons.
En 2011, 42 personnes ont été ainsi interpellées en France pour des faits de terrorisme lié au fondamentalisme islamique, et 11 ont été écrouées.
Notre détermination à combattre ces actes de terrorisme souvent spectaculaires ne doit pas reléguer au second plan un combat contre une menace qui est plus sourde mais qui n’en est pas moins dangereuse.
Il y a quelques jours, le président du Mexique, à la tribune de l’Onu, rappelait avec force que, je le cite, "les organisations criminelles tuent aujourd’hui plus de monde que les dictatures" et que le pouvoir de certains délinquants surpasse celui de certains gouvernements.
La criminalité transnationale organisée, à commencer par le trafic de drogue et le blanchiment, fait peser de graves menaces sur la sécurité internationale et l’Europe n’échappe pas à la règle.
Avec 400 milliards de dollars de chiffre d’affaires au niveau mondial, le trafic de drogue occupe le 3e rang des marchandises du commerce mondial après le pétrole et l’alimentaire !
La communauté internationale ne peut pas fermer les yeux. Et ceux qui luttent contre une criminalité qui ignore les frontières doivent mesurer combien la coopération internationale est stratégique dans ce domaine.
Les conventions internationales reconnaissent bien que le trafic de drogue menace la sécurité du monde et la stabilité des Etats, mais nous n’en avons pas tiré toutes les conséquences.
C’est la raison pour laquelle nous avons voulu que le sujet soit inscrit à l’ordre du jour du G8, afin de construire un consensus international autour d’une stratégie d’action et afin d’évaluer l’impact de la menace économique et financière lié aux revenus de ce trafic.
Enfin, dans une économie ouverte et exportatrice comme la nôtre, nous savons que la vigilance est de mise pour préserver notre avantage compétitif, pour protéger nos technologies les plus sensibles, mais aussi pour protéger notre savoir-faire et nos innovations.
Face à la banalisation des pratiques déloyales, la DCRI cible les acquisitions frauduleuses des secrets d’entreprises, la captation de données confidentielles de nature commerciale, financière ou technique, tandis que la Délégation interministérielle à l’intelligence économique assure une veille stratégique sur les intérêts économiques majeurs pour notre pays.
L’année dernière, nous avons eu avec le scandale de WikiLeaks un exemple qui a permis de mettre le doigt sur la question de la sécurité des réseaux d’information.
Cette année encore, des attaques de plus en plus nombreuses ont été détectées, comme celle, de grande ampleur, qui a touché le ministère de l’économie et des finances.
Alors que des informations et des processus hier hors d’atteinte ou confinés dans des réseaux isolés sont devenus accessibles du monde entier sur tous types de terminaux, la sécurité des technologies de l’information n’a pas suivi l’extraordinaire développement de leurs usages.
Pour les acteurs de l’espionnage industriel ou pour ceux du crime organisé, le cyberespace est toujours un lieu où il est possible de dérober des informations sensibles, avec une certaine probabilité d’échapper aux conséquences de leurs actes.
Pour les cyberterroristes, c’est la possibilité de prendre le contrôle de processus industriels afin de les perturber voire même de les détruire.
Et parce que nous sommes conscients de cet enjeu grave, nous avons créé l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) qui doit permettre à l’Etat de renforcer la cybersécurité des infrastructures nationales vitales et la protection de l’information de souveraineté.
L’augmentation des attaques détectées cette année, que j’évoquais il y a un instant, tient d’ailleurs en partie au fait que nous savons simplement mieux les repérer, en lien avec certains services étrangers.
Mais il n’empêche qu’elle reflète aussi une hausse des activités malveillantes dans le monde.
J’ai donc décidé d’accélérer la montée en puissance du dispositif national de sécurité et de défense des systèmes d’information en adoptant un ensemble de mesures que j’ai présenté en mai dernier.
Pour traiter les attaques les plus graves, un groupe d'intervention rapide va être placé à l’Anssi, formé d’experts capables d'intervenir sur les systèmes d'information de l'État et sur ceux des opérateurs qui en feraient la demande.
Et en cas de dysfonctionnement grave d’Internet, nous allons mettre en place un réseau interministériel sécurisé qui permettra la continuité de l'action gouvernementale.
Enfin, Mesdames et Messieurs, on ne peut pas parler de résilience de nos sociétés sans évoquer le Tsunami qui a frappé le Japon, ainsi que l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima.
A bien des égards, ce qui s’est passé au Japon est une leçon pour nos sociétés développées, qui ont à se prémunir contre les crises provoquées par des risques naturels, industriels, environnementaux ou sanitaires.
Le Japon a agi, il s’est redressé rapidement grâce à la cohésion de sa population, grâce à ses ressources morales.
Le risque d’une désorganisation généralisée et durable était pourtant réel notamment avec la baisse spectaculaire de la production d’électricité.
Avec plus de 80 % de ses réacteurs à l’arrêt, le Japon s’est adapté dans un délai très bref : les ménages ont dû consentir des efforts pour modérer leur consommation, les usines ont réorganisé leur production, l’ont ralenti ou même dans certains cas, stoppé, ce qui d’ailleurs a provoqué des inquiétudes, et pas seulement des inquiétudes à l’échelle mondiale, les événements au Japon ont une part de responsabilité dans le ralentissement de la croissance mondiale, puisque dans le seul secteur automobile, 90 % des micromoteurs utilisés dans ce secteur sont produits sur l’archipel.
Dans une économie en flux tendus où l’efficacité extrême est la règle, nous devons être mieux préparés à faire face à de telles incertitudes.
Plus que jamais, nous devons aussi promouvoir à l’échelle internationale, et la France s’en est fait le champion, des normes plus exigeantes de sûreté nucléaire et, comme je l’ai proposé, avancer sur la création d’un centre international de formation à la gestion de crise et sur la mise en place d’équipes d’intervention rapide dont on a pu constater qu’elles auraient été d’une grande utilité au début de la crise japonaise.
Depuis trois ans, nous pouvons compter sur la réactivité de la Cellule Interministérielle de Crise que nous avons créée, pour anticiper les réactions transversales.
Mais pour anticiper ce genre de situation, l'Etat, les collectivités territoriales, les grands opérateurs privés et publics qui jouent un rôle majeur dans le maintien de la continuité des fonctions économiques vitales du pays vont devoir développer bien davantage leur approche tous risques.
Ces vecteurs de déstructuration en tous genres, Mesdames et Messieurs, portent de graves atteintes à la cohésion sociale de notre pays.
Et je voudrais en terminer par là, au-delà de l’action quotidienne de nos forces de l’ordre, nous avons une bataille républicaine à mener.
La solidité de la Nation face aux menaces dépend d’abord de son unité, elle dépend de l’esprit de solidarité qui l’anime et elle dépend de la vigilance et de l’engagement de chacun.
Alors, qu’on le nomme civisme ou esprit de défense, nous avons besoin de ce ciment de notre pacte républicain que vous incarnez par l’engagement qui est le vôtre.
En prêtant votre temps et vos compétences à notre réflexion sur la défense et la sécurité nationale, vous rendez hommage à l’engagement de nos hommes et de nos femmes qui défendent notre sécurité mais vous donnez aussi tout son sens au mot de citoyenneté.
Je vous remercie.Source http://www.gouvernement.fr, le 10 octobre 2011