Texte intégral
Au nom de lesprit républicain, je félicite les sénateurs nouvellement élus et le président Jean-Pierre Bel.
Les Conseils européens définissent la politique européenne et prennent des décisions souvent courageuses, aujourdhui indispensables. LEurope et le monde sont à un tournant de leur histoire. La «crise» actuelle nous conduit vers un monde nouveau. Cest une source dangoisse, mais aussi une opportunité, source despérance. Grâce à un nouvel équilibre, nous renforcerons lUnion.
Les chefs dÉtats et de gouvernements ont pris des décisions importantes le 21 juillet, puisque le fonds européen de stabilité évolue vers un fonds monétaire européen. En outre, le «paquet de gouvernance économique» a été ratifié récemment : il concilie vigilance et correction des déséquilibres macro-économiques. Mais il faut encore conforter le pilotage européen, comme la France et lAllemagne lont reconnu. Il reste à étoffer les moyens du comité économique et financier : sans fédéralisme économique, lEurope sera désintégrée par les spéculateurs.
Bien sûr, nous avons besoin dune politique de croissance. A cette fin, nous devons développer notre marché intérieur - déjà le plus vaste au monde -, redéfinir la politique industrielle et obtenir une concurrence loyale. La communication doctobre 2010 allait déjà dans ce sens, en mettant laccent sur certains secteurs industriels.
Nous voulons imposer à lensemble du monde un principe de réciprocité - le terme est peut-être impropre - pour éviter que dautres pays ne pratiquent le dumping social et environnemental. Loin de tout protectionnisme, il y a là un modèle incitatif pour lensemble du monde. Comment accepter que des entreprises chinoises construisent des autoroutes en Pologne, alors quelles sont aidées par lÉtat et pratiquent un dumping social ?
Jen viens au G20 qui sera préparé par le Conseil européen. Sans préparation adéquate, nous risquons un « G20 de la dette de la zone euro «, désignée comme responsable de tous les maux.
Il faudra réformer le système monétaire international, renforcer la régulation financière en prolongeant les accords de Bâle 3, et réfléchir à la dimension sociale de la mondialisation : on ne peut pas parler que déconomie et de finance.
La France souhaite quune grande attention soit portée aux infrastructures.
Il est question depuis vingt ans de taxer les transactions financières. Si les États-Unis la refusent, il faudra la pratiquer en Europe. Un taux de 0,005 % risque-t-il sérieusement de faire fuir les opérateurs de Francfort à Hong Kong ou de Paris à Londres ? Il y a là aussi un impératif moral : exonérer les transactions financières de toute contribution au développement, alors quelles napportent rien à léconomie réelle et à lhumain serait contraire à notre conception de lEurope.
Sur le plan écologique, les «3 20» à lhorizon 2020 au plan européen ne suffiront pas, car lEurope, cest 10 % seulement des émissions de gaz à effet de serre.
Durban doit prendre la suite de Kyoto. Il faut prolonger les Accords de Cancun et faire évoluer la lutte contre les gaz à effet de serre vers un dispositif universel et obligatoire. Lenjeu ? Lavenir de la planète.
LEurope na pas dautre choix que de promouvoir ses valeurs de solidarité et de démocratie.
(Interventions des sénateurs)
Ce débat riche et approfondi présage bien de laction de la France.
Leuro nest pas en cause, ni lEurope, mais la dette souveraine de certains pays de la zone euro. Depuis ma jeunesse, on parle de pays «émergents» ... mais ils ont émergé, et nous navons pas su face à eux maintenir notre compétitivité. Beaucoup de démocraties ont répondu par la dette, ont soutenu par elle la croissance et aujourdhui la situation nest plus soutenable.
Le temps du débat politique nest pas celui des spéculateurs. Dans un système politique morcelé comme en Europe, la réponse démocratique, logiquement, est lente.
De toute évidence, le couple franco-allemand peut répondre à la situation. Il est historiquement et économiquement légitime pour agir.
Nous sommes à la croisée des chemins : lhistoire ne se rembobine pas ; il ny a pas moyen de reculer. La question est de savoir dans quelle direction avancer, avec quel objectif.
Mme Morin-Desailly a évoqué le déficit de la balance commerciale. Il résulte de notre compétitivité mais na rien dune fatalité. En vingt ans, la Chine a déséquilibré la balance commerciale européenne de 2 500 milliards ! LUnion européenne a été trop naïve. On peut battre sa coulpe pour les fautes passées, mais il faut surtout agir, sans tomber dans lexcès de rigueur qui crée la récession ni aller à la banqueroute.
Comment effacer limpression de retard permanent du politique ? La Slovaquie se prononce aujourdhui. Je suis optimiste, car quelques semaines ont suffi pour quil soit admis denvisager un gouvernement économique européen et la taxation des transactions financières. On peut même parler de fédéralisme économique sans être déporté au goulag ! Malgré le populisme et leuroscepticisme, chacun a compris que nous avions le choix entre la création dun gouvernement économique européen et la dissolution par les marchés. Qui est plus indépendant à ce jour, la France avec son AAA ou la Grèce menacée dêtre réduite à la misère ? Les Grecs doivent prendre des mesures sans consulter le peuple, car lalternative est simple : une sortie de leuro lui imposerait une dévaluation de 40 %. La misère donc. Il serait moins coûteux daider la Grèce que daffronter un effet de domino, qui pourrait affecter jusquà lAllemagne.
Leffet de levier, je ne sais pas ce que cest. On nous reproche daller trop lentement, mais pourrait-on demander au Bundestag de modifier une réforme quil vient dadopter ?
Nous voulons une intégration accrue et une solidarité protégeant les citoyens et les clients des banques. Le gouvernement américain a jugé que les dirigeants avaient fauté et que la banque ne devait pas être aidée. On a vu le résultat ! Si vous avez aimé labandon de Lehmann Brothers, vous adorerez celui de la Grèce ! Nous devons pratiquer à la foi rigueur et solidarité.
Il faut non pas plus dEurope, mais mieux dEurope. Allons plus vite et plus loin. LUnion sest élargie parce que la démocratie a vaincu le totalitarisme communiste et celui des fascistes. Nous devons assumer ces choix, en les corrigeant pour faire de la zone euro le pendant de la zone dollar et du yuan. Sans donner de leçons urbi et orbi, lEurope doit défendre ses valeurs, elle na pas à renier le modèle quelle a construit, celui dun capitalisme dentrepreneurs et non de spéculateurs. Défendre la Grèce est un impératif du cur et de la raison !
Monsieur Baylet, si nous surmontons la crise actuelle et faisons converger nos économies, les euro-obligations seront légitimes. Neutraliser une dette non stabilisée serait mettre la charrue avant les bufs.
Monsieur Masson, vous nêtes pas anti-européen ; moi non plus. Mais le choix nest pas entre populismes !
Monsieur Yung, vous avez parlé de fédéralisme économique. Nous en parlerons ensemble, et nous serons en bonne compagnie avec MM. Chirac et Sarkozy, qui nont pas hésité à employer aussi le mot. Vous ne me ferez pas dire un taux ni une assiette pour la taxation des transactions financières ; je dirai seulement que nous ne sommes pas restreints. Si la France prenait cette décision seule, nous aurions sans doute un fort sentiment de solitude. Le fédéralisme économique commence avec des rencontres régulières des chefs dÉtat pour faire un pilotage du fonds de solidarité financière.
LEurope franchit une étape décisive. On peut craindre le chaos, on peut également espérer une Europe fixant ses frontières, sapprofondissant et affirmant ses valeurs. Le prochain Conseil aura lardente obligation de décider. Historiquement, lEurope avance dune étape à chaque crise. Celle en cours nous permettra peut-être den franchir une nouvelle !
Q - (Sur les divergences des régimes fiscaux)
R - Vous mamenez sur le marché intérieur. Il est difficile de comparer les régimes des différents pays de lUnion pour ce qui concerne les retraites, la TVA, la fiscalité sur le patrimoine. Beaucoup de mutuelles ont des marges importantes et elles pourraient absorber le relèvement de la fiscalité les frappant.
Quest-ce quun riche ? Un candidat qui ne létait pas et a fini par lêtre parlait de 4 000 euros par mois. Vous voyez que la prudence simpose... Noubliez pas que la France consacre à la solidarité quatre points de PIB de plus que les autres États membres, Suède incluse.
Cest en menant conjointement une réduction des déficits et des investissements davenir que nous préservons notre note AAA.
Gardons à lesprit lexigence déquilibre entre rigueur, croissance et solidarité.
Q - (Sur le Progremme européen daide aux plus démunis)
Q - (Sur la réglementation européenne du secteur bancaire)
R - La campagne hivernale de 2011 est assurée par le PEAD. En labsence de surplus agricoles, la Cour de justice de lUnion européenne nous interdit dacheter des aliments pour nourrir les plus pauvres. On ne peut donner des milliards aux banques et refuser toute aide aux plus démunis. A la demande du président de la République, je mévertue à trouver une solution. Les plus démunis ne seront pas abandonnés. Après le changement de gouvernement danois, jai bon espoir.
Lorsque la banque Lehmann Brothers est tombée, Northern Roch la suivie dans sa chute, alors quil sagissait dune simple banque de dépôts...
La réciprocité doit assurer un commerce loyal. Cet objectif suppose aussi une taxe carbone à la frontière.
( )
Le PEAD représente 400 millions de tonnes, alors que le surplus PAC se limite à 113 millions. La France récupère à peu près ce quelle donne. La solution simple, et même simpliste, serait de renationaliser laide aux plus démunis. En Allemagne, cette mission est confiée aux Länder.
Je pense que nos partenaires pourraient accepter une ligne modeste au titre de la PAC, renforcée par une mesure de solidarité. Nous espérons infléchir nos amis Tchèques et Danois.
Q - (Sur la politique de lutte contre le réchauffement climatique)
R - Vous avez raison : Kyoto arrive à sa fin, alors que seules certaines émissions de gaz à effet de serre sont concernées.
Tout report des surplus menacerait la deuxième période. Cest pourquoi la France veut quune période de transition préserve les acquis de Kyoto et permette daller plus loin. Mais ni les États-Unis, ni le Canada, ni la Russie ne sont dans cet esprit.
Q - (Sur le soutien aux PME françaises)
R - Effectivement, les PME assurent deux tiers des emplois et 60 % du chiffre daffaires de lUnion européenne. Il faut donc être attentif à leur environnement économique. Le Small Business Act a été adopté sous présidence française.
Nous devons mettre en place des protections et des incitations, en commençant par diminuer les contraintes administratives inutiles et en favorisant laccès aux marchés publics. Il reste beaucoup à faire pour inciter nos PME à exporter.
Les directives européennes sont élaborées très en amont, ce qui justifie dassocier plus tôt les représentants professionnels à la réflexion.
Q - (Sur le Programme européen daide aux plus démunis).
R - Je suis en mission avec le ministre de lAgriculture pour faire aboutir ce dossier. Après linterdiction dapprovisionner les PEAD autrement que pour les surplus agricoles, il faut trouver une faille juridique pour la campagne 2012. La Commission a proposé un dispositif à double détente, associant la PAC et la cohésion sociale. Je ne doute pas de notre succès dans la recherche dune solution avec nos partenaires.
Q - Le gouvernement prendrait-il le relais ?
R - Je suis trop européen pour envisager cette extrémité, mais en cas de nécessité, comment imaginer que le gouvernement et le président de la République refuseraient ?
Q - (Sur la taxation des transactions financières)
R - La Commission propose un taux de 0,1 % sur les produits obligatoires et 0,01 % sur les produits dérivés. Un bon impôt a une assiette large et un taux bas. Les États-Unis ont déjà refusé le principe, tout comme le Royaume-Uni. Le champ de la taxe semble donc se réduire à la zone euro.
Si la taxe avait été mondiale, elle aurait pu financer des enjeux mondiaux ; étendue à toute lUnion européenne, elle alimenterait le budget communautaire ; réduite à la zone euro, son utilisation sera plus limitée. Selon les hypothèses, le produit pourrait aller de 25 à 100 milliards. Pour convaincre le maximum dÉtats, il faut commencer par un taux faible, qui pourra augmenter ensuite.
Q - Quel est létat desprit du gouvernement face à la réforme de la PAC ?
R - Son état desprit est déterminé. Ce nest pas une politique française mais européenne, une des rares politiques communautarisées.
Lindépendance alimentaire de lEurope, la stabilité des prix et le maintien dune veille sanitaire efficace exigent de préserver lagriculture européenne. La Pologne nous suit sur ce point. La PAC a été évaluée et jugée pertinente à quatre reprises, ce qui nest pas le cas de toutes les politiques communautaires. Pensons à la politique de cohésion territoriale : beaucoup de régions en sont sorties ; il peut y avoir là des ressources à récupérer.
La France nacceptera pas une perspective financière qui nassure pas la stabilité de la PAC.
Q - (Sur le Programme européen daide aux plus démunis)
R - Lorsque jétais député, je répugnais à ce quun ministre se mêle du travail des parlementaires. Je reste fidèle à ce point de vue.
Nous ne pouvons pas intégrer le PEAD dans la PAC, qui a un autre objet. A partir de 2014, le PEAD doit entrer dans la politique de cohésion ; en 2012 et 2013, nous veillerons à assurer la liaison et nous nous efforcerons de surmonter la minorité de blocage. En cas déchec, le président de la République et le gouvernement assureront, je nen doute pas, la pérennité des moyens.
Q - (Sur la situation du système bancaire européen)
R - En effet, le système bancaire est fondé sur la confiance. Les ratios bancaires doivent être améliorés. Mais les fonds propres des banques françaises ont déjà augmenté de 50 milliards au premier semestre. Elles détiennent 10 milliards deuros de dette grecque : elles sont donc solides.
Dexia est un cas très particulier : elle emprunte à très court terme à taux très bas et prête à très long terme à haut taux. Doù le grippage induit par la conjoncture.
Le cantonnement de la dette «pourrie» sauvera collectivités en France et épargnants en Belgique. Le prêt accordé en 2008 à Dexia par lÉtat nous a rapporté 500 millions deuros : nous ne jetons pas largent par les fenêtres ! Notre but est de restaurer la confiance, car les banques prêtent moins aux autres banques, mais surtout aux entreprises et aux collectivités, doù le risque de récession. La recapitalisation des banques est indispensable.
Q - (Sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre)
R - Dans le meilleur des mondes, le bon exemple est suivi au lieu dêtre pénalisé. Dans le meilleur des mondes, lEurope, qui fait de grands efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ne se heurterait pas à la concurrence déloyale des États-Unis et de la Chine. On aurait même une taxe mondiale pour régler un problème mondial. Ny a-t-il pas une taxe sur les billets davion, qui sans nuire au trafic a permis de soigner des malades du sida qui nauraient pu lêtre avec laide daucun pays, pas même de lEurope ?
Le vrai danger serait de renvoyer à plus tard la conclusion dun nouveau pacte, après léchéance de Kyoto. Il faut à la fois tenir nos engagements antérieurs, et établir les bases dun système plus contraignant.
Enfin, lEurope devra prendre ses responsabilités et imposer une taxe carbone aux frontières. Les règles de vertu imposées à nos industries doivent sappliquer aux produits venus dailleurs.
Q - (Sur les accords de libre échange)
R - Certains accords de libre échange posent problème. Laccord avec le Japon est refusé, parce quil déséquilibrerait les marchés européens ; la négociation est bloquée avec le Mercosur car nous refusons un accord inéquitable.
Q - (Sur une réforme politique de lUnion européenne et une initiative de croissance avec de grands projets)
R - Encore une fois, une solution sera trouvée sur le PEAD. Le président de la République la assuré.
Quant à la relance politique, elle a eu lieu le 21 juillet. LEurope est une construction complexe, mais le couple franco-allemand a toujours su sortir des crises. Les marchés financiers se plieront à la décision politique : cest la loi de la démocratie. Il est normal de prendre le temps de consulter les Parlements, malgré le ralentissement imposé à la décision.
Les grands projets existent. Iter, GMS, Galiléo, les énergies renouvelables : cest là que la croissance se fera demain. Mais ces domaines sont aussi soumis à la concurrence internationale. LEurope protège ; elle projette également !
Q - (Sur la taxe sur les transactions financières)
R - Vous avez raison : la crise nous donne enfin loccasion de créer cette taxe sur les transactions financières.
Q - (A propos de la mise en uvre dune solution pérenne de desserte de la ville de Strasbourg)
R - Strasbourg est un symbole, car cest là, entre Forêt noire et Vosges, que se sont succédé les plus graves tensions et qua eu lieu la réconciliation. Mais lEurope, cest aussi Bruxelles et Luxembourg.
Je plaide pour deux sessions. Les solutions pour mieux desservir Strasbourg comme vous le suggérez ou à partir de Bâle ou de Francfort sont à létude pour que votre ville soit à une heure des autres capitales européennes.
Q - (À propos dune harmonisation économique, fiscale et financière au sein de lUnion européenne)
R - Sans harmonisation économique, fiscale et financière, il est impossible de mutualiser les dettes grecques et allemandes. Comment faire accepter aux Allemands une hausse de leurs taux dintérêt sans imposer de discipline collective ?
Comment faire accepter aux Français que le taux dimpôt sur les sociétés ne soit que de 12 % en Irlande contre 34 % en France ? Les euro-obligations ne peuvent précéder lharmonisation : solidarité et discipline vont de pair.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2011
Les Conseils européens définissent la politique européenne et prennent des décisions souvent courageuses, aujourdhui indispensables. LEurope et le monde sont à un tournant de leur histoire. La «crise» actuelle nous conduit vers un monde nouveau. Cest une source dangoisse, mais aussi une opportunité, source despérance. Grâce à un nouvel équilibre, nous renforcerons lUnion.
Les chefs dÉtats et de gouvernements ont pris des décisions importantes le 21 juillet, puisque le fonds européen de stabilité évolue vers un fonds monétaire européen. En outre, le «paquet de gouvernance économique» a été ratifié récemment : il concilie vigilance et correction des déséquilibres macro-économiques. Mais il faut encore conforter le pilotage européen, comme la France et lAllemagne lont reconnu. Il reste à étoffer les moyens du comité économique et financier : sans fédéralisme économique, lEurope sera désintégrée par les spéculateurs.
Bien sûr, nous avons besoin dune politique de croissance. A cette fin, nous devons développer notre marché intérieur - déjà le plus vaste au monde -, redéfinir la politique industrielle et obtenir une concurrence loyale. La communication doctobre 2010 allait déjà dans ce sens, en mettant laccent sur certains secteurs industriels.
Nous voulons imposer à lensemble du monde un principe de réciprocité - le terme est peut-être impropre - pour éviter que dautres pays ne pratiquent le dumping social et environnemental. Loin de tout protectionnisme, il y a là un modèle incitatif pour lensemble du monde. Comment accepter que des entreprises chinoises construisent des autoroutes en Pologne, alors quelles sont aidées par lÉtat et pratiquent un dumping social ?
Jen viens au G20 qui sera préparé par le Conseil européen. Sans préparation adéquate, nous risquons un « G20 de la dette de la zone euro «, désignée comme responsable de tous les maux.
Il faudra réformer le système monétaire international, renforcer la régulation financière en prolongeant les accords de Bâle 3, et réfléchir à la dimension sociale de la mondialisation : on ne peut pas parler que déconomie et de finance.
La France souhaite quune grande attention soit portée aux infrastructures.
Il est question depuis vingt ans de taxer les transactions financières. Si les États-Unis la refusent, il faudra la pratiquer en Europe. Un taux de 0,005 % risque-t-il sérieusement de faire fuir les opérateurs de Francfort à Hong Kong ou de Paris à Londres ? Il y a là aussi un impératif moral : exonérer les transactions financières de toute contribution au développement, alors quelles napportent rien à léconomie réelle et à lhumain serait contraire à notre conception de lEurope.
Sur le plan écologique, les «3 20» à lhorizon 2020 au plan européen ne suffiront pas, car lEurope, cest 10 % seulement des émissions de gaz à effet de serre.
Durban doit prendre la suite de Kyoto. Il faut prolonger les Accords de Cancun et faire évoluer la lutte contre les gaz à effet de serre vers un dispositif universel et obligatoire. Lenjeu ? Lavenir de la planète.
LEurope na pas dautre choix que de promouvoir ses valeurs de solidarité et de démocratie.
(Interventions des sénateurs)
Ce débat riche et approfondi présage bien de laction de la France.
Leuro nest pas en cause, ni lEurope, mais la dette souveraine de certains pays de la zone euro. Depuis ma jeunesse, on parle de pays «émergents» ... mais ils ont émergé, et nous navons pas su face à eux maintenir notre compétitivité. Beaucoup de démocraties ont répondu par la dette, ont soutenu par elle la croissance et aujourdhui la situation nest plus soutenable.
Le temps du débat politique nest pas celui des spéculateurs. Dans un système politique morcelé comme en Europe, la réponse démocratique, logiquement, est lente.
De toute évidence, le couple franco-allemand peut répondre à la situation. Il est historiquement et économiquement légitime pour agir.
Nous sommes à la croisée des chemins : lhistoire ne se rembobine pas ; il ny a pas moyen de reculer. La question est de savoir dans quelle direction avancer, avec quel objectif.
Mme Morin-Desailly a évoqué le déficit de la balance commerciale. Il résulte de notre compétitivité mais na rien dune fatalité. En vingt ans, la Chine a déséquilibré la balance commerciale européenne de 2 500 milliards ! LUnion européenne a été trop naïve. On peut battre sa coulpe pour les fautes passées, mais il faut surtout agir, sans tomber dans lexcès de rigueur qui crée la récession ni aller à la banqueroute.
Comment effacer limpression de retard permanent du politique ? La Slovaquie se prononce aujourdhui. Je suis optimiste, car quelques semaines ont suffi pour quil soit admis denvisager un gouvernement économique européen et la taxation des transactions financières. On peut même parler de fédéralisme économique sans être déporté au goulag ! Malgré le populisme et leuroscepticisme, chacun a compris que nous avions le choix entre la création dun gouvernement économique européen et la dissolution par les marchés. Qui est plus indépendant à ce jour, la France avec son AAA ou la Grèce menacée dêtre réduite à la misère ? Les Grecs doivent prendre des mesures sans consulter le peuple, car lalternative est simple : une sortie de leuro lui imposerait une dévaluation de 40 %. La misère donc. Il serait moins coûteux daider la Grèce que daffronter un effet de domino, qui pourrait affecter jusquà lAllemagne.
Leffet de levier, je ne sais pas ce que cest. On nous reproche daller trop lentement, mais pourrait-on demander au Bundestag de modifier une réforme quil vient dadopter ?
Nous voulons une intégration accrue et une solidarité protégeant les citoyens et les clients des banques. Le gouvernement américain a jugé que les dirigeants avaient fauté et que la banque ne devait pas être aidée. On a vu le résultat ! Si vous avez aimé labandon de Lehmann Brothers, vous adorerez celui de la Grèce ! Nous devons pratiquer à la foi rigueur et solidarité.
Il faut non pas plus dEurope, mais mieux dEurope. Allons plus vite et plus loin. LUnion sest élargie parce que la démocratie a vaincu le totalitarisme communiste et celui des fascistes. Nous devons assumer ces choix, en les corrigeant pour faire de la zone euro le pendant de la zone dollar et du yuan. Sans donner de leçons urbi et orbi, lEurope doit défendre ses valeurs, elle na pas à renier le modèle quelle a construit, celui dun capitalisme dentrepreneurs et non de spéculateurs. Défendre la Grèce est un impératif du cur et de la raison !
Monsieur Baylet, si nous surmontons la crise actuelle et faisons converger nos économies, les euro-obligations seront légitimes. Neutraliser une dette non stabilisée serait mettre la charrue avant les bufs.
Monsieur Masson, vous nêtes pas anti-européen ; moi non plus. Mais le choix nest pas entre populismes !
Monsieur Yung, vous avez parlé de fédéralisme économique. Nous en parlerons ensemble, et nous serons en bonne compagnie avec MM. Chirac et Sarkozy, qui nont pas hésité à employer aussi le mot. Vous ne me ferez pas dire un taux ni une assiette pour la taxation des transactions financières ; je dirai seulement que nous ne sommes pas restreints. Si la France prenait cette décision seule, nous aurions sans doute un fort sentiment de solitude. Le fédéralisme économique commence avec des rencontres régulières des chefs dÉtat pour faire un pilotage du fonds de solidarité financière.
LEurope franchit une étape décisive. On peut craindre le chaos, on peut également espérer une Europe fixant ses frontières, sapprofondissant et affirmant ses valeurs. Le prochain Conseil aura lardente obligation de décider. Historiquement, lEurope avance dune étape à chaque crise. Celle en cours nous permettra peut-être den franchir une nouvelle !
Q - (Sur les divergences des régimes fiscaux)
R - Vous mamenez sur le marché intérieur. Il est difficile de comparer les régimes des différents pays de lUnion pour ce qui concerne les retraites, la TVA, la fiscalité sur le patrimoine. Beaucoup de mutuelles ont des marges importantes et elles pourraient absorber le relèvement de la fiscalité les frappant.
Quest-ce quun riche ? Un candidat qui ne létait pas et a fini par lêtre parlait de 4 000 euros par mois. Vous voyez que la prudence simpose... Noubliez pas que la France consacre à la solidarité quatre points de PIB de plus que les autres États membres, Suède incluse.
Cest en menant conjointement une réduction des déficits et des investissements davenir que nous préservons notre note AAA.
Gardons à lesprit lexigence déquilibre entre rigueur, croissance et solidarité.
Q - (Sur le Progremme européen daide aux plus démunis)
Q - (Sur la réglementation européenne du secteur bancaire)
R - La campagne hivernale de 2011 est assurée par le PEAD. En labsence de surplus agricoles, la Cour de justice de lUnion européenne nous interdit dacheter des aliments pour nourrir les plus pauvres. On ne peut donner des milliards aux banques et refuser toute aide aux plus démunis. A la demande du président de la République, je mévertue à trouver une solution. Les plus démunis ne seront pas abandonnés. Après le changement de gouvernement danois, jai bon espoir.
Lorsque la banque Lehmann Brothers est tombée, Northern Roch la suivie dans sa chute, alors quil sagissait dune simple banque de dépôts...
La réciprocité doit assurer un commerce loyal. Cet objectif suppose aussi une taxe carbone à la frontière.
( )
Le PEAD représente 400 millions de tonnes, alors que le surplus PAC se limite à 113 millions. La France récupère à peu près ce quelle donne. La solution simple, et même simpliste, serait de renationaliser laide aux plus démunis. En Allemagne, cette mission est confiée aux Länder.
Je pense que nos partenaires pourraient accepter une ligne modeste au titre de la PAC, renforcée par une mesure de solidarité. Nous espérons infléchir nos amis Tchèques et Danois.
Q - (Sur la politique de lutte contre le réchauffement climatique)
R - Vous avez raison : Kyoto arrive à sa fin, alors que seules certaines émissions de gaz à effet de serre sont concernées.
Tout report des surplus menacerait la deuxième période. Cest pourquoi la France veut quune période de transition préserve les acquis de Kyoto et permette daller plus loin. Mais ni les États-Unis, ni le Canada, ni la Russie ne sont dans cet esprit.
Q - (Sur le soutien aux PME françaises)
R - Effectivement, les PME assurent deux tiers des emplois et 60 % du chiffre daffaires de lUnion européenne. Il faut donc être attentif à leur environnement économique. Le Small Business Act a été adopté sous présidence française.
Nous devons mettre en place des protections et des incitations, en commençant par diminuer les contraintes administratives inutiles et en favorisant laccès aux marchés publics. Il reste beaucoup à faire pour inciter nos PME à exporter.
Les directives européennes sont élaborées très en amont, ce qui justifie dassocier plus tôt les représentants professionnels à la réflexion.
Q - (Sur le Programme européen daide aux plus démunis).
R - Je suis en mission avec le ministre de lAgriculture pour faire aboutir ce dossier. Après linterdiction dapprovisionner les PEAD autrement que pour les surplus agricoles, il faut trouver une faille juridique pour la campagne 2012. La Commission a proposé un dispositif à double détente, associant la PAC et la cohésion sociale. Je ne doute pas de notre succès dans la recherche dune solution avec nos partenaires.
Q - Le gouvernement prendrait-il le relais ?
R - Je suis trop européen pour envisager cette extrémité, mais en cas de nécessité, comment imaginer que le gouvernement et le président de la République refuseraient ?
Q - (Sur la taxation des transactions financières)
R - La Commission propose un taux de 0,1 % sur les produits obligatoires et 0,01 % sur les produits dérivés. Un bon impôt a une assiette large et un taux bas. Les États-Unis ont déjà refusé le principe, tout comme le Royaume-Uni. Le champ de la taxe semble donc se réduire à la zone euro.
Si la taxe avait été mondiale, elle aurait pu financer des enjeux mondiaux ; étendue à toute lUnion européenne, elle alimenterait le budget communautaire ; réduite à la zone euro, son utilisation sera plus limitée. Selon les hypothèses, le produit pourrait aller de 25 à 100 milliards. Pour convaincre le maximum dÉtats, il faut commencer par un taux faible, qui pourra augmenter ensuite.
Q - Quel est létat desprit du gouvernement face à la réforme de la PAC ?
R - Son état desprit est déterminé. Ce nest pas une politique française mais européenne, une des rares politiques communautarisées.
Lindépendance alimentaire de lEurope, la stabilité des prix et le maintien dune veille sanitaire efficace exigent de préserver lagriculture européenne. La Pologne nous suit sur ce point. La PAC a été évaluée et jugée pertinente à quatre reprises, ce qui nest pas le cas de toutes les politiques communautaires. Pensons à la politique de cohésion territoriale : beaucoup de régions en sont sorties ; il peut y avoir là des ressources à récupérer.
La France nacceptera pas une perspective financière qui nassure pas la stabilité de la PAC.
Q - (Sur le Programme européen daide aux plus démunis)
R - Lorsque jétais député, je répugnais à ce quun ministre se mêle du travail des parlementaires. Je reste fidèle à ce point de vue.
Nous ne pouvons pas intégrer le PEAD dans la PAC, qui a un autre objet. A partir de 2014, le PEAD doit entrer dans la politique de cohésion ; en 2012 et 2013, nous veillerons à assurer la liaison et nous nous efforcerons de surmonter la minorité de blocage. En cas déchec, le président de la République et le gouvernement assureront, je nen doute pas, la pérennité des moyens.
Q - (Sur la situation du système bancaire européen)
R - En effet, le système bancaire est fondé sur la confiance. Les ratios bancaires doivent être améliorés. Mais les fonds propres des banques françaises ont déjà augmenté de 50 milliards au premier semestre. Elles détiennent 10 milliards deuros de dette grecque : elles sont donc solides.
Dexia est un cas très particulier : elle emprunte à très court terme à taux très bas et prête à très long terme à haut taux. Doù le grippage induit par la conjoncture.
Le cantonnement de la dette «pourrie» sauvera collectivités en France et épargnants en Belgique. Le prêt accordé en 2008 à Dexia par lÉtat nous a rapporté 500 millions deuros : nous ne jetons pas largent par les fenêtres ! Notre but est de restaurer la confiance, car les banques prêtent moins aux autres banques, mais surtout aux entreprises et aux collectivités, doù le risque de récession. La recapitalisation des banques est indispensable.
Q - (Sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre)
R - Dans le meilleur des mondes, le bon exemple est suivi au lieu dêtre pénalisé. Dans le meilleur des mondes, lEurope, qui fait de grands efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ne se heurterait pas à la concurrence déloyale des États-Unis et de la Chine. On aurait même une taxe mondiale pour régler un problème mondial. Ny a-t-il pas une taxe sur les billets davion, qui sans nuire au trafic a permis de soigner des malades du sida qui nauraient pu lêtre avec laide daucun pays, pas même de lEurope ?
Le vrai danger serait de renvoyer à plus tard la conclusion dun nouveau pacte, après léchéance de Kyoto. Il faut à la fois tenir nos engagements antérieurs, et établir les bases dun système plus contraignant.
Enfin, lEurope devra prendre ses responsabilités et imposer une taxe carbone aux frontières. Les règles de vertu imposées à nos industries doivent sappliquer aux produits venus dailleurs.
Q - (Sur les accords de libre échange)
R - Certains accords de libre échange posent problème. Laccord avec le Japon est refusé, parce quil déséquilibrerait les marchés européens ; la négociation est bloquée avec le Mercosur car nous refusons un accord inéquitable.
Q - (Sur une réforme politique de lUnion européenne et une initiative de croissance avec de grands projets)
R - Encore une fois, une solution sera trouvée sur le PEAD. Le président de la République la assuré.
Quant à la relance politique, elle a eu lieu le 21 juillet. LEurope est une construction complexe, mais le couple franco-allemand a toujours su sortir des crises. Les marchés financiers se plieront à la décision politique : cest la loi de la démocratie. Il est normal de prendre le temps de consulter les Parlements, malgré le ralentissement imposé à la décision.
Les grands projets existent. Iter, GMS, Galiléo, les énergies renouvelables : cest là que la croissance se fera demain. Mais ces domaines sont aussi soumis à la concurrence internationale. LEurope protège ; elle projette également !
Q - (Sur la taxe sur les transactions financières)
R - Vous avez raison : la crise nous donne enfin loccasion de créer cette taxe sur les transactions financières.
Q - (A propos de la mise en uvre dune solution pérenne de desserte de la ville de Strasbourg)
R - Strasbourg est un symbole, car cest là, entre Forêt noire et Vosges, que se sont succédé les plus graves tensions et qua eu lieu la réconciliation. Mais lEurope, cest aussi Bruxelles et Luxembourg.
Je plaide pour deux sessions. Les solutions pour mieux desservir Strasbourg comme vous le suggérez ou à partir de Bâle ou de Francfort sont à létude pour que votre ville soit à une heure des autres capitales européennes.
Q - (À propos dune harmonisation économique, fiscale et financière au sein de lUnion européenne)
R - Sans harmonisation économique, fiscale et financière, il est impossible de mutualiser les dettes grecques et allemandes. Comment faire accepter aux Allemands une hausse de leurs taux dintérêt sans imposer de discipline collective ?
Comment faire accepter aux Français que le taux dimpôt sur les sociétés ne soit que de 12 % en Irlande contre 34 % en France ? Les euro-obligations ne peuvent précéder lharmonisation : solidarité et discipline vont de pair.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2011