Texte intégral
Madame la secrétaire d'Etat,
monsieur le député-maire,
mesdames, messieurs,
Depuis le mois de mai 2000, date à laquelle nous avons décidé de demander à Edmond Hervé un rapport sur le temps des villes le temps a passé et nous avons beaucoup avancé.
L'idée qui nous vient des femmes italiennes -vous l'avez tous rappelé- suscitait parfois de la suspicion. Elle nous a même valu quelques quolibets, mais, finalement, elle a fait son chemin.
Elle a été diffusée et relayée par des chercheurs, des femmes et des hommes politiques pionniers et soucieux de démocratie.
Vous les avez cités, cher Edmond Hervé et ils sont dans cette salle. Grâce à eux, l'idée a conquis enfin sa juste place en France et cette matinée l'atteste. On a même aujourd'hui le sentiment d'une particulière appétance !
Mais le temps n'est pas une affaire de mode.
Qu'est-ce qui justifie que nous soyons aujourd'hui rassemblés ?
Il y a une vingtaine d'années un thème politique majeur a émergé que personne désormais ne songerait à contester : l'environnement.
La concordance des temps est sans doute, aujourd'hui, ce nouveau thème que nos politiques publiques doivent prendre en compte pour répondre aux nouvelles attentes.
De nombreuses raisons justifient que l'harmonisation des temps devienne un objet à part entière de politiques fortes et déterminées. Le temps ne peut plus être seulement une sorte de produit dérivé, comme les horaires d'été dans un contexte d'économies d'énergie, ou comme les temps des vacances scolaires pour prévenir les embouteillages ou favoriser le développement d'activités économiques.
Nous sommes dans une période charnière et, c'est une banalité de le dire, nous avons à gérer des bouleversements profonds.
Je pense, bien sûr, à l'irruption des technologies de l'information, aux télescopages spaciaux et temporels, à l'envahissement des portables, au rétrécissement de la planète et à l'abolition des distances.
Nous avons des choix à faire.
Si nous ne voulons pas nous engoufrer par la seule porte du libéralisme, toute grande ouverte devant nous, il nous faut opter pour une entrée qui nous convienne.
Choix d'une modernisation maîtrisée de la société, ce que vous défendez, cher Edmond Hervé, pour préserver nos concitoyens des dérèglements, dérégulations et désynchronisations que nous vaudrait l'application aveugle d'une impitoyable loi du marché, à la froide visée techniciste ;
choix pour que nous ne soyons pas absorbés tout entier par un présent dévorateur, dans un monde de l'instantané ou de l'urgence, dans une société coupée du passé, où le temps serait vécu à toute allure ;
choix pour que le temps ne soit pas facile pour les uns, injuste pour les autres.
Nous devons, en contrepoint à la modernité, préserver le besoin de continuité avec les traditions, l'exigence de qualité de vie et cette harmonie à laquelle nous aspirons et qui nous fait pencher sur le versant heureux du temps.
Ce gouvernement a déjà fait des choix cruciaux dont nous commençons à peine à mesurer les effets bénéfiques sur nos vies quotidiennes. Nous en sommes particulièrement fiers.
Ce sont d'une part la loi sur la parité entre les hommes et les femmes - que nous vous devons Nicole Péry- et d'autre part, la réduction du temps de travail dont vous venez de nous exposer brillamment le premier bilan, Madame.
C'est un véritable basculement, basculement dans une société qui veut rééquilibrer la part du travail et de la vie privée de chacun, ainsi que les relations entre les êtres.
Nous allons poursuivre, car réfléchir aux questions temporelles est une belle occasion pour repenser des mécanismes parfois un peu usés, croiser des expériences, alimenter de nouveaux débats, toujours générateurs de plus de démocratie.
Considéré sous cet angle inhabituel, le gouvernement traditionnel des villes retrouve une certaine vigueur. Cela permet d'avancer, d'imaginer, d'organiser avec les habitants des modes de vie plus équilibrés.
Car c'est en travaillant à améliorer les petites choses simples de la vie quotidenne, tout ce qui grippe, qui coince, qui empêche, tous ces accros du temps qui nous font vivre la ville sur un tempo disharmonieux voire insupportable, qu'on peut tout simplement donner envie aux habitants de s'impliquer davantage dans la vie de leur cité.
J'ai lu tout d'un trait votre passionnante analyse et j'ai bien entendu vos commentaires de ce matin.
Je dirais que vous nous tenez dans une alerte confiante.
Vous démontrez avec talent que le temps et la ville vont ensemble et que, s'ils constituent depuis toujours la préoccupation existentielle majeure des hommes, nous devons impérativement penser l'organisation des villes à l'unisson des habitants.
Vous dressez un panaroma extraordinairement complet des enjeux et, avec toute la nuance et la finesse d'analyse nécessaires pour un sujet aussi complexe, vous nous livrez une liste de chantiers impressionnante.
Je vous remercie chaleureusement, monsieur le député maire, monsieur le président de l'Institut des villes, puisque depuis peu - nous pouvons le dire désormais - vous en occupez les fonctions.
Votre travail va singulièrement nous faciliter la tâche et nous essaierons d'être, chacun à son niveau de compétence, à la hauteur de votre exigence.
Car l'essentiel est devant nous. Nous sommes largement en amont de nos ambitions ; il nous reste tout simplement une politique à construire ensemble.
Je ne reprendrai pas ici la liste des domaines à mobiliser et pour lesquels, inutile de le dissimuler, nous avons de gros progrès à faire.
Que ce soit les gaspillages de temps chroniques en matière de transports ou de queues aux guichets, une meilleure répartition des activités entre la nuit et le jour, la lutte contre les inégalités qui frappent les habitants des quartiers, la conciliation de tous les temps de la vie quotidienne, la garde des enfants, la prise en compte des aspirations des jeunes ou les rythmes scolaires, il s'agit de diagnostiquer, prévenir et d'apporter des solutions concrètes aux incohérences temporelles.
Car que veulent les français en somme ?
Cela me donne l'occasion de dire quelques mots, messieurs de Singly et Godard, de votre très pertinente, mais aussi agréablement "impertinente" analyse du sondage que nous avons commandé à la SOFRES.
Vous nous permettez de comprendre qu'il faut cesser de parler au nom des citadins en général et de se précipiter sur des stéréotypes. En revanche nous devons apprendre à mieux connaître les demandes des uns et des autres, et à bien en comprendre les différences.
Rapidement, je retiens que la vigilance est de rigueur pour ne pas accentuer les décalages d'une ville à deux temps, entre des habitants qui en ont trop et ceux qui en manquent.
Je suis très sensible notamment à votre souci d'une jeune génération qui nous pousse impatiemment vers une ville plus vivante, qui bouge et brille jour et nuit.
Et particulièrement les plus jeunes, et là je m'exprimerai avec plus de force, en contenant ma colère : Il ne suffit pas d'empêcher les jeunes de sortir la nuit par un couvre feu, comme en temps de guerre, et de les contenir de force chez eux. Ca n'est pas ça la citoyenneté.
La citoyenneté, au sens propre, c'est le droit à la ville.
Il convient au contraire de prévoir des lieux la nuit pour que ces jeunes puissent accéder à des pratiques culturelles et de loisirs qui ne leur donne pas le sentiment d'être de trop, mais au contraire d'avoir une place, la leur, dans la ville.
Pour conclure, monsieur le député maire, je me bornerai à encore une fois à vous remercier et à fixer les étapes qui nous attendent à la suite de votre rapport.
Nous avons un rendez-vous le 20 septembre prochain pour la conférence des Temps de la vie quotidienne. Elle se tiendra avant-première du festival de la ville qui sera placé, lui aussi, sous le signe du temps des villes.
Ce sera pour le gouvernement l'occasion d'annoncer l'effort consenti pour encourager et aider ces nouvelles politiques du temps au niveau local.
Cela concernera bien sûr, les bureaux du temps que les villes les plus audacieuses commencent à mettre en place.
Je veillerai pour ma part à ce que les villes en contrats de ville puissent y participer activement, car la désynchronisation s' ajoute aux autres inégalités et pèse injustement sur les habitants des quartiers.
Mais l'Etat prendra lui aussi ses responsabilités pour faciliter la vie quotidienne des habitants.
Nous aurons à nous saisir de vos préconisations, monsieur le député-maire, notamment celle qui consiste à mettre en place un bureau des temps dans chaque Préfecture, au bénéfice des personnels de l'Etat comme des usagers.
Ce qui est certain d'ores et déjà, c'est que le travail s'amorce, que le débat s'installe et que les gens s'en emparent.
Cette belle et un peu énigmatique expression "le temps des villes" fait se télescoper espace et temps, lieux et mémoire, c'est-à-dire l'essentiel de nos vies.
C'est l'occasion à saisir pour réfléchir à de nouvelles façons de maîtriser la trajectoire humaine, dans une civilisation urbaine en mouvement, qui n'a rien à craindre du changement, s'il est négocié, consenti et s'il protège les plus faibles.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 25 juin 2001)
monsieur le député-maire,
mesdames, messieurs,
Depuis le mois de mai 2000, date à laquelle nous avons décidé de demander à Edmond Hervé un rapport sur le temps des villes le temps a passé et nous avons beaucoup avancé.
L'idée qui nous vient des femmes italiennes -vous l'avez tous rappelé- suscitait parfois de la suspicion. Elle nous a même valu quelques quolibets, mais, finalement, elle a fait son chemin.
Elle a été diffusée et relayée par des chercheurs, des femmes et des hommes politiques pionniers et soucieux de démocratie.
Vous les avez cités, cher Edmond Hervé et ils sont dans cette salle. Grâce à eux, l'idée a conquis enfin sa juste place en France et cette matinée l'atteste. On a même aujourd'hui le sentiment d'une particulière appétance !
Mais le temps n'est pas une affaire de mode.
Qu'est-ce qui justifie que nous soyons aujourd'hui rassemblés ?
Il y a une vingtaine d'années un thème politique majeur a émergé que personne désormais ne songerait à contester : l'environnement.
La concordance des temps est sans doute, aujourd'hui, ce nouveau thème que nos politiques publiques doivent prendre en compte pour répondre aux nouvelles attentes.
De nombreuses raisons justifient que l'harmonisation des temps devienne un objet à part entière de politiques fortes et déterminées. Le temps ne peut plus être seulement une sorte de produit dérivé, comme les horaires d'été dans un contexte d'économies d'énergie, ou comme les temps des vacances scolaires pour prévenir les embouteillages ou favoriser le développement d'activités économiques.
Nous sommes dans une période charnière et, c'est une banalité de le dire, nous avons à gérer des bouleversements profonds.
Je pense, bien sûr, à l'irruption des technologies de l'information, aux télescopages spaciaux et temporels, à l'envahissement des portables, au rétrécissement de la planète et à l'abolition des distances.
Nous avons des choix à faire.
Si nous ne voulons pas nous engoufrer par la seule porte du libéralisme, toute grande ouverte devant nous, il nous faut opter pour une entrée qui nous convienne.
Choix d'une modernisation maîtrisée de la société, ce que vous défendez, cher Edmond Hervé, pour préserver nos concitoyens des dérèglements, dérégulations et désynchronisations que nous vaudrait l'application aveugle d'une impitoyable loi du marché, à la froide visée techniciste ;
choix pour que nous ne soyons pas absorbés tout entier par un présent dévorateur, dans un monde de l'instantané ou de l'urgence, dans une société coupée du passé, où le temps serait vécu à toute allure ;
choix pour que le temps ne soit pas facile pour les uns, injuste pour les autres.
Nous devons, en contrepoint à la modernité, préserver le besoin de continuité avec les traditions, l'exigence de qualité de vie et cette harmonie à laquelle nous aspirons et qui nous fait pencher sur le versant heureux du temps.
Ce gouvernement a déjà fait des choix cruciaux dont nous commençons à peine à mesurer les effets bénéfiques sur nos vies quotidiennes. Nous en sommes particulièrement fiers.
Ce sont d'une part la loi sur la parité entre les hommes et les femmes - que nous vous devons Nicole Péry- et d'autre part, la réduction du temps de travail dont vous venez de nous exposer brillamment le premier bilan, Madame.
C'est un véritable basculement, basculement dans une société qui veut rééquilibrer la part du travail et de la vie privée de chacun, ainsi que les relations entre les êtres.
Nous allons poursuivre, car réfléchir aux questions temporelles est une belle occasion pour repenser des mécanismes parfois un peu usés, croiser des expériences, alimenter de nouveaux débats, toujours générateurs de plus de démocratie.
Considéré sous cet angle inhabituel, le gouvernement traditionnel des villes retrouve une certaine vigueur. Cela permet d'avancer, d'imaginer, d'organiser avec les habitants des modes de vie plus équilibrés.
Car c'est en travaillant à améliorer les petites choses simples de la vie quotidenne, tout ce qui grippe, qui coince, qui empêche, tous ces accros du temps qui nous font vivre la ville sur un tempo disharmonieux voire insupportable, qu'on peut tout simplement donner envie aux habitants de s'impliquer davantage dans la vie de leur cité.
J'ai lu tout d'un trait votre passionnante analyse et j'ai bien entendu vos commentaires de ce matin.
Je dirais que vous nous tenez dans une alerte confiante.
Vous démontrez avec talent que le temps et la ville vont ensemble et que, s'ils constituent depuis toujours la préoccupation existentielle majeure des hommes, nous devons impérativement penser l'organisation des villes à l'unisson des habitants.
Vous dressez un panaroma extraordinairement complet des enjeux et, avec toute la nuance et la finesse d'analyse nécessaires pour un sujet aussi complexe, vous nous livrez une liste de chantiers impressionnante.
Je vous remercie chaleureusement, monsieur le député maire, monsieur le président de l'Institut des villes, puisque depuis peu - nous pouvons le dire désormais - vous en occupez les fonctions.
Votre travail va singulièrement nous faciliter la tâche et nous essaierons d'être, chacun à son niveau de compétence, à la hauteur de votre exigence.
Car l'essentiel est devant nous. Nous sommes largement en amont de nos ambitions ; il nous reste tout simplement une politique à construire ensemble.
Je ne reprendrai pas ici la liste des domaines à mobiliser et pour lesquels, inutile de le dissimuler, nous avons de gros progrès à faire.
Que ce soit les gaspillages de temps chroniques en matière de transports ou de queues aux guichets, une meilleure répartition des activités entre la nuit et le jour, la lutte contre les inégalités qui frappent les habitants des quartiers, la conciliation de tous les temps de la vie quotidienne, la garde des enfants, la prise en compte des aspirations des jeunes ou les rythmes scolaires, il s'agit de diagnostiquer, prévenir et d'apporter des solutions concrètes aux incohérences temporelles.
Car que veulent les français en somme ?
Cela me donne l'occasion de dire quelques mots, messieurs de Singly et Godard, de votre très pertinente, mais aussi agréablement "impertinente" analyse du sondage que nous avons commandé à la SOFRES.
Vous nous permettez de comprendre qu'il faut cesser de parler au nom des citadins en général et de se précipiter sur des stéréotypes. En revanche nous devons apprendre à mieux connaître les demandes des uns et des autres, et à bien en comprendre les différences.
Rapidement, je retiens que la vigilance est de rigueur pour ne pas accentuer les décalages d'une ville à deux temps, entre des habitants qui en ont trop et ceux qui en manquent.
Je suis très sensible notamment à votre souci d'une jeune génération qui nous pousse impatiemment vers une ville plus vivante, qui bouge et brille jour et nuit.
Et particulièrement les plus jeunes, et là je m'exprimerai avec plus de force, en contenant ma colère : Il ne suffit pas d'empêcher les jeunes de sortir la nuit par un couvre feu, comme en temps de guerre, et de les contenir de force chez eux. Ca n'est pas ça la citoyenneté.
La citoyenneté, au sens propre, c'est le droit à la ville.
Il convient au contraire de prévoir des lieux la nuit pour que ces jeunes puissent accéder à des pratiques culturelles et de loisirs qui ne leur donne pas le sentiment d'être de trop, mais au contraire d'avoir une place, la leur, dans la ville.
Pour conclure, monsieur le député maire, je me bornerai à encore une fois à vous remercier et à fixer les étapes qui nous attendent à la suite de votre rapport.
Nous avons un rendez-vous le 20 septembre prochain pour la conférence des Temps de la vie quotidienne. Elle se tiendra avant-première du festival de la ville qui sera placé, lui aussi, sous le signe du temps des villes.
Ce sera pour le gouvernement l'occasion d'annoncer l'effort consenti pour encourager et aider ces nouvelles politiques du temps au niveau local.
Cela concernera bien sûr, les bureaux du temps que les villes les plus audacieuses commencent à mettre en place.
Je veillerai pour ma part à ce que les villes en contrats de ville puissent y participer activement, car la désynchronisation s' ajoute aux autres inégalités et pèse injustement sur les habitants des quartiers.
Mais l'Etat prendra lui aussi ses responsabilités pour faciliter la vie quotidienne des habitants.
Nous aurons à nous saisir de vos préconisations, monsieur le député-maire, notamment celle qui consiste à mettre en place un bureau des temps dans chaque Préfecture, au bénéfice des personnels de l'Etat comme des usagers.
Ce qui est certain d'ores et déjà, c'est que le travail s'amorce, que le débat s'installe et que les gens s'en emparent.
Cette belle et un peu énigmatique expression "le temps des villes" fait se télescoper espace et temps, lieux et mémoire, c'est-à-dire l'essentiel de nos vies.
C'est l'occasion à saisir pour réfléchir à de nouvelles façons de maîtriser la trajectoire humaine, dans une civilisation urbaine en mouvement, qui n'a rien à craindre du changement, s'il est négocié, consenti et s'il protège les plus faibles.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 25 juin 2001)