Déclaration de M. Henri de Raincourt, ministre de la coopération, sur les relations franco-maliennes, à Bamako (Mali) le 16 octobre 2011.

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Circonstance : Déplacement au Mali à l'occasion des Journées franco-maliennes et du Forum "Solidarité pour l'eau dans les pays du Bassin du Niger", du 15 au 17 octobre 2011

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais tout d’abord vous dire le plaisir que j’ai à être présent, auprès de vous, en ce moment important, puisqu’il s’agit de la clôture des toutes premières journées franco-maliennes. Ce moment, nos gouvernements l’ont voulu, Monsieur le Ministre, mais je sais toute votre implication personnelle pour qu’il ait lieu, pour qu’il soit une réussite, et je tenais à vous en remercier très chaleureusement.
Monsieur le Ministre,
La France et le Mali partagent une histoire commune. Cette histoire est riche, elle a eu ses moments de joie, elle a eu aussi ses moments d’amertume. Mais à travers les décennies, nos peuples n’ont cessé de se rapprocher, de se comprendre et de se respecter. C’est cette proximité des hommes, des esprits et des cœurs qui constitue le vrai fondement de notre relation. Nous nous apprécions car nous nous comprenons, et cette langue française que nous avons en partage est un lien supplémentaire qui nous unit.
Des liens individuels indéfectibles tissés entre les Français et les Maliens, des échanges fructueux entre nos sociétés civiles naissent des initiatives communes, portées par nos associations ou conduites par nos collectivités locales. Car quelle plus belle illustration en effet de la force de cette amitié que l’ampleur des actions associatives entre la France et le Mali ou la densité et la diversité des quelques 345 projets de coopération décentralisée, engagée dès 1961 entre Alençon et Koutiala et dont les assises se tiendront d’ailleurs dans quelques semaines, ici à Bamako.
C’est cette proximité profonde, Monsieur le Ministre, dont les différents évènements organisés au cours de ces deux journées ont largement témoigné, qui contribue à n’en point douter au renforcement de nos relations bilatérales et qui nous permet d’affronter, ensemble, les défis auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui : la mondialisation actuelle offre d’immenses opportunités, mais elle peut aussi parfois ébranler les valeurs communes auxquelles nous croyons. Ce n’est pas en agissant seuls que nous les préserverons. C’est au contraire en conjuguant nos énergies que nous pourrons faire prévaloir notre vision du monde, notre attachement à la justice et notre foi en la liberté.
À cet égard, le développement, parce qu’il concerne en tout premier lieu la jeunesse de nos deux pays, doit être placé en haut de la liste des priorités auxquelles nous devons répondre. Il en va de l’avenir de nos sociétés et ce n’est évidemment pas un hasard, si nous avons placé ensemble ces journées, Monsieur le Ministre, sous le signe de la jeunesse.
Les extraordinaires avancées technologiques ont réveillé la conscience citoyenne de nos jeunesses et aboli les frontières de l’information. Qui pourrait aujourd’hui remettre en cause leurs interrogations et leurs aspirations à une société plus juste, plus prospère et porteuse d’espoirs en l’avenir ? Attentes universelles s’il en est, si bien décrites hier lors du débat organisé à l’École normale supérieure. Efforçons-nous d’apporter à ces questionnements des réponses rapides, concrètes et durables car la jeunesse est un réservoir inépuisable d’énergie, d’enthousiasme et de créativité. Elle est la richesse et l’avenir du continent, le socle de la prospérité et de la société future. Mais ne nous voilons pas la face, si nous ne prenons garde à lui offrir collectivement des perspectives pérennes, c’est aussi l’avenir de tous que nous hypothèquerons.
Nous relèverons ce défi et nous éviterons que la jeunesse ne continue à être attirée par le chant de sirènes du radicalisme ou de la criminalité, si nous veillons jalousement à ce que les conditions du développement soient assurées. Monsieur le Ministre, vous le savez, la France est redevenue en 2010 le premier donateur d’aide bilatérale au Mali. Ceci témoigne de l’attachement et de la place que nous accordons au développement des capacités dans votre pays. À cet égard et avec les autorités maliennes, nous avons fait des choix stratégiques. Si nous croyons que l’éducation de base est une condition indispensable pour franchir les premières étapes du développement, nous considérons que l’enseignement supérieur et la formation professionnelle sont les moteurs qui permettent l’émergence économique. Car l’éducation sans emploi à la clé ne fait que renforcer les frustrations.
Comment par ailleurs, dans un pays comme le Mali, aurions-nous pu éviter de nous pencher sur la question de l’eau et de l’assainissement : les opérations d’hydrauliques rurales, urbaines ou semi-urbaines que nous avons menées dans le cadre de notre coopération répondent, au-delà de la fourniture d’eau, vitale bien sûr à tout individu, à un souci de gouvernance et de sécurité publique interne et régional fondamental. L’eau, nous le savons, est l’un des enjeux du XXIème siècle : je sais que c’est un débat auquel vous êtes attaché puisque le Mali a accepté la proposition de la Fondation du président Jacques Chirac d’organiser à Bamako le Forum «Solidarité pour l’eau dans le bassin du Niger», auquel je participerai d’ailleurs moi-même demain.
La santé constitue également un axe majeur de notre coopération. Conformément aux engagements pris par les pays du G8 au Sommet de Muskoka en 2010, le président Sarkozy décidé d’allouer 500 millions d’euros sur cinq ans aux programmes visant à répondre aux besoins des objectifs du millénaire pour le développement, relatifs à la santé maternelle et infantile. Le Mali fait partie des quatorze pays ciblés par cet engagement et bénéficie dans ce cadre d’un ensemble de programmes visant également à l’amélioration de la condition féminine.
Enfin, vous avez souhaité, qu’ensemble nous conjuguions nos efforts pour améliorer au Mali la gouvernance institutionnelle et financière : c’est une approche courageuse mais qui n’est pas surprenante de la part d’un pays qui est résolument déterminé à ancrer durablement sa tradition démocratique. Les atouts de la décentralisation, que vous voulez à juste titre promouvoir dans un pays aussi vaste que le Mali, sont indéniables : là où l’État et les services de l’État sont présents, forts et à l’écoute de ses populations et de leurs besoins, le civisme se bâtit.
Nous relèverons ce défi, Monsieur le Ministre, si nous veillons jalousement à nourrir la croissance économique et à préserver l’un des acquis essentiel de notre coopération, qu’est cet ensemble de relations économiques et commerciales tissées entre nos deux pays. La visite que j’ai effectuée, cet après-midi, de l’usine de transformation du jatropha à Koulikoro m’a conforté dans l’idée que le dynamisme des opérateurs privés est bien l’une des clés du développement. Et c’est parce que nous croyons en cette Afrique en pleine croissance économique et démographique, créatrice d’entreprises et génératrice d’emplois, que le président de la République a souhaité, au Cap en 2008, mobiliser 10 milliards d’euros sur cinq ans en faveur du secteur privé sur le continent grâce à la mise en place d’un grand fonds d’investissement et d’un fonds de garantie pour les PME africaines.
Enfin, nous relèverons ce défi si nous nous obstinons dans cette aventure noble et salutaire pour l’avenir, dans laquelle vous vous êtes engagé pleinement, je veux parler de la recherche de financements nouveaux pour le développement. Permettez-moi, Monsieur le Ministre, de féliciter ici le dynamisme de la Présidence malienne du groupe pilote sur les financements innovants que vous avez dirigé pendant six mois. Sur ce dossier aussi, Monsieur le Ministre, la France, Présidente du G20 et le Mali ont fait un choix stratégique. Grâce à vous, grâce à la force de persuasion que vous avez su avoir sur vos frères africains, nous avons pu obtenir, ici même à Bamako, au mois de juin, l’adhésion de plusieurs États africains à cette idée forte. Ce partenariat d’égal à égal, dans le respect mutuel, entre le Nord et le Sud a trouvé dans le G20 l’une de ses illustrations les plus abouties, enrichie de cette responsabilité partagée que nous avons d’imaginer ensemble des réponses adéquates aux évolutions du monde. Aujourd’hui plus que jamais, la voix de l’Afrique sur ce sujet ne doit pas s’éteindre, elle doit continuer à se faire entendre pour que le Sommet du G20 qui se tiendra à Cannes aboutisse à un engagement fort en faveur des financements innovants pour le développement.
Je ne peux conclure mon propos sans aborder l’une des formes les plus parlantes de notre relation d’amitié, je veux bien sûr parler des échanges culturels entre la France et le Mali.
Je sais l’extrême richesse de la culture malienne ancrée dans un terroir fertile de tradition et de création. Je suis fier de l’engouement et de l’accueil que les Français ont réservé à l’exposition Dogon, magnifiquement mise en valeur au musée du quai Branly et que j’ai eu le plaisir et l’honneur de visiter au début de l’été en compagnie du président Touré. C’est la preuve de l’intérêt constant que porte la population française à votre culture, imprégnée des mythes venus du fond des âges et qui, au fil des siècles, s’est fondu dans l’imaginaire collectif. C’est aussi la preuve que le Mali joue, et de belle manière, sa partition dans la mondialisation culturelle !
Monsieur le Ministre, parce que l’amitié qui nous lie est sincère et forte, nous pouvons aborder des sujets délicats et en tout point nous parler. Je sais combien à juste titre cet art et cette culture Dogon sont prisés de mes compatriotes. Au cours de ces dernières années, ceux-ci n’ont eu de cesse de fouler la terre malienne pour mieux y comprendre les mystères de cette civilisation. Je suis également conscient que les mesures que nous avons prises pour protéger nos ressortissants constituent une contrainte pour votre pays, en particulier son industrie touristique. Vous le savez, Monsieur le Ministre, il n’est pas de la volonté des autorités françaises de fragiliser votre économie mais nous avons la responsabilité de protéger nos compatriotes. Nous en avons encore parlé aujourd’hui, la sécurité, durable, demeure la clé de voûte sans laquelle nous ne pourrons pas lever les dispositifs mis en place pour protéger les ressortissants français et dont certains sont encore aujourd’hui victimes d’AQMI. Je sais qu’au niveau national, régional, comme aux niveaux européen et plus largement international, les efforts ne sont pas ménagés pour parvenir au but que nous recherchons tous : la paix et la sécurité.
Sur les traces de cette tradition culturelle millénaire, créateurs, artistes, hommes et femmes de culture maliens se sont imposés sur la scène mondiale musicale, théâtrale (Habib Dembélé, qui s’est produit hier sur la scène de l’Institut français en est un exemple), et littéraire (qu’il me soit permis de rendre un hommage particulier ici à feu Amadou Hampaté Ba).
À l’éclosion des talents et à l’accompagnement de leurs premiers pas, les échanges culturels franco-maliens ont souvent contribué : hier le Centre culturel français de Bamako, aujourd’hui l’Institut français du Mali jouent encore le rôle de détecteur de talents et de promoteur de dialogue interculturel.
La culture au Mali c’est aussi cette place de choix réservée à la photographie, inégalée jusqu’ici sur le continent. Dans quelques jours, très probablement, mon collègue Frédéric Mitterrand et le président de l’Institut français, Xavier Darcos seront à vos côtés, Monsieur le Ministre, pendant cet évènement majeur qu’est la Biennale de Bamako, co-organisée par votre gouvernement et l’Institut Français et financée notamment par la France et l’Union européenne. Elle sera une nouvelle manifestation éloquente de la relation d’échange culturel que vivent nos deux pays.
Avant de terminer et de porter un toast au présent et à l’avenir des relations entre la France et le Mali, je veux former un vœu, celui que cette première édition des journées franco-maliennes, ce «regard croisé», soit suivie de beaucoup d’autres. Cet élan que nous avons souhaité donner au développement de nos relations bilatérales est le symbole d’une amitié indissoluble, marquée par le sceau de la certitude.
Vive le Mali, Vive la France, vive l’amitié entre la France et le Mali !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 octobre 2011