Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, à Itélé le 20 octobre 2011, notamment sur le décès de l'otage française enlevée au Kenya, le Franco-palestinien emprisonné en Israël, le retrait des militaires français d'Afghanistan et le budget de la défense.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Itélé

Texte intégral

CHRISTOPHE BARBIER Bonjour Gérard LONGUET.
 
GERARD LONGUET Bonjour Christophe BARBIER.
 
CHRISTOPHE BARBIER Marie DEDIEU, tragiquement kidnappée au Kenya, elle est morte en Somalie, est-ce que vous connaissez les circonstances de ce décès, est-ce que sa dépouille va bientôt revenir en France, que sait-on ?
 
GERARD LONGUET Il faut que vous sachiez que les preneurs d’otage cherchent même à ventre la dépouille. Non, je dois dire que c'est le comble de l’abjection. Prendre une femme de cet âge, malade, paralysée, ne pas lui donner ses médicaments, laisser développer une septicémie dont elle est vraisemblablement morte, et proposer la vente de la dépouille, ce sont des gens qui ne méritent que le mépris.
 
CHRISTOPHE BARBIER Est-ce que l’armée française programme des représailles ?
 
GERARD LONGUET Non. Non, parce que les preneurs d’otage, c'est une petite bande, c'est une petite minorité, c'est une exception qui déshonore ce territoire, mais ce n'est pas le territoire.
 
CHRISTOPHE BARBIER L’armée kényane intervient à la frontière somalienne, est-ce qu’elle peut...
 
GERARD LONGUET L’armé Kenyane est obligée d’intervenir parce qu’elle ne peut pas accepter son... Le tourisme est un des facteurs du développement du Kenya, ils ne peuvent pas laisser des pirates d’origine somalienne faire la loi sur leurs côtes et peut-être demain, dans leurs réserves.
 
CHRISTOPHE BARBIER Aucun espoir que l’on arrête ces ravisseurs, qu’on les juge un jour en France ?
 
GERARD LONGUET La probabilité est faible, le risque le plus vraisemblable c'est qu’ils se détruisent eux-mêmes, parce que c'est un climat de guerre civile permanent, ce sont des bandes armées qui s’entretuent.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y a en Somalie un autre otage français, un agent de la DGSE. Vous avez des nouvelles ?
 
GERARD LONGUET Non.
 
CHRISTOPHE BARBIER Et il ne vaut mieux pas communiquer ?
 
GERARD LONGUET Oui.
 
CHRISTOPHE BARBIER Hier, sur FRANCE INTER, vous n’avez pu préciser la situation de Salah HAMOURI, ce Franco-Palestinien, retenu en Israël, qui pourrait être, disons, libéré en échange de Gilad SHALIT, dans la deuxième vague de libérations. En savez-vous plus de ce matin ?
 
GERARD LONGUET Oui, le malentendu procès de ce que ce Franco-Palestinien a été jugé en Israël pour des faits de terrorisme, qu’il a été condamné à une peine de prison de 7 ans, qu’il purge cette peine. Il pourrait terminer sa peine, je crois, en septembre 2012. Nous ne sommes pas du tout dans le cas d’une prise d’otages. Nous avons un Franco-Palestinien, il doit avoir sans doute un passeport français, qui a commis un délit et qui répond de son acte.
 
CHRISTOPHE BARBIER Sa condamnation est très contestée, son dossier est très contesté par ses soutiens. Y a t-il un moyen d’intervenir pour alléger la peine ?
 
GERARD LONGUET Elle est contestée, mais elle correspond à une décision d’un état démocratique, qui respecte des procédures et notamment le droit de la défense, et qui a condamné quelqu’un pour sa participation à des actes terroristes.
 
CHRISTOPHE BARBIER 200 soldats français ont quitté l’Afghanistan hier, pourquoi ne pas accélérer ce processus et programmer, un peu comme la gauche le promet, une fin de présence en Afghanistan, fin 2012, début 2013 ?
 
GERARD LONGUET Il y a à la fois la parole de la France et il y a la sécurité de nos soldats. La parole de la France, c'est que nous appartenons à une coalition, nous n’avons pas décidé seuls d’aller en Afghanistan, nous participons à une coalition de 47 pays et nous marchons d’un même pas. La seconde raison, c'est qu’on ne peut alléger un dispositif sans affaiblir les Français, qui sont les militaires français qui sont en Kapisa, région difficile. Donc le président de la République a demandé un retrait d’un quart des effectifs en un an, c'est ce retrait d’un quart que nous opérons. Mais nous pouvons l’opérer, seulement, parce que nous avons réussi notre mission en Surobi et nos soldats ne sont plus nécessaire sur cette partie du territoire Afghan.
 
CHRISTOPHE BARBIER C'est-à-dire que tout en restant en Afghanistan, les soldats français seront dans des zones bientôt moins exposées ?
 
GERARD LONGUET C’est exactement le contraire. Les zones moins exposées ont été transmises à l’armée nationale afghane et les soldats ainsi libérés, pour les uns, reviennent en métropole, et pour les autres, renforcent le terrain en Kapisa, où nous avons besoin d’eux.
 
CHRISTOPHE BARBIER Nombre d’experts considèrent que l’armée afghane se fera balayée par les taliban quand les occidentaux seront partis. Est-ce que c'est votre sentiment ?
 
GERARD LONGUET C'est une double erreur, parce que premièrement, les Afghans, de quelque bord que se soit, sont de remarquables soldats, de remarquables combattants, et dès lors qu’une armée est organisée, et j’ajoute, que les salaires sont payés, ils sont dans les deux camps. Les taliban sont payés, les soldats afghans sont payés, nous avons des gens sérieux qui font leur métier. Et j’ajoute...
 
CHRISTOPHE BARBIER Bien formés ?
 
GERARD LONGUET Bien formés et notamment encadrés par les officiers de la coalition. Les soldats français forment des sous-officiers et des officiers, ça se passe très bien, ce sont de redoutables guerriers, leur seul problème, et c'est cela où c'est important, c'est le projet politique après 2014. Car une armée qui n'est pas au service d’un projet politique, ça n’existe pas durablement.
 
CHRISTOPHE BARBIER Hier, en France, le Conseil constitutionnel a examiné le statut du secret défense. Réponse le 10 novembre, est-ce que vous souhaitez que finalement on en finisse avec ce secret défense, et quand un juge d’instruction demande des éléments, on lui donne.
 
GERARD LONGUET Tout est possible, sauf mettre en cause la sécurité des soldats de la France, et en qualité de ministre de la Défense, ma seule restriction. Je ne veux pas exposer, en diffusant dans la presse, les noms de ceux qui nous permettent de savoir, d’anticiper et d’éviter par exemple le terrorisme.
 
CHRISTOPHE BARBIER Alors, sur d’autres dossiers comme par exemple les ventes d’armes au Pakistan, le contrat Agosta ou les ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, le contrat Sawari, là on pourrait lever le secret défense, il n’y a pas de risque.
 
GERARD LONGUET Dès lors qu’il y a une demande, mes prédécesseurs, Hervé MORIN, Alain JUPPE et moi-même, avons toujours transmis les documents que la Commission nationale permettait de déclasser. Nous ne voulons pas, en revanche, donner des documents qui n’ont rien à voir avec une affaire, et qui mettraient nos partenaires industriels, étrangers, ou nos partenaires politiques étrangers, dans des situations qui pourraient être compliquées à expliquer. Je vous rappelle que ce sont des affaires qui ont 20 ans et que depuis, l’OCDE à laquelle nous appartenons, ont fixé de nouvelles règles que la France respecte.
 
CHRISTOPHE BARBIER Dix jours pour sauver l’euro, c'est ce qu’a dit le président SARKOZY hier, est-ce qu’il ne dramatise pas la situation, pour des raisons politiques, électorales, même ?
 
GERARD LONGUET On aimerait, mais ce n’est... Hélas, c'est la stricte réalité. Il y a aujourd'hui une brutalité des marchés, une anticipation des situations qui font que ce qu’il y a 20 ans mettait plusieurs mois avant de se produire, une menace sur une économie, se produit aujourd'hui en quelques heures. Pierre MAUROY, en 1981, a conduit la France sur un chemin stupide, il a fallu deux ans pour que les marchés le condamnent, aujourd'hui il faudrait 8 heures.
 
CHRISTOPHE BARBIER Les Allemands sont-ils fiables dans cette guerre des dix jours ?
 
GERARD LONGUET Oui, parce que les Allemands, profondément, veulent la construction européenne, mais ils veulent simplement que leurs partenaires, et la France en particulier, se rapprochent d’eux et que ça ne soit pas eux qui se rapprochent des mauvais élèves.
 
CHRISTOPHE BARBIER Votre budget de la Défense est épargné pour l’année 2012. Est-ce que ce n'est pas une erreur ? On pourrait couper dans ce budget, on ferait de sérieuses économies.
 
GERARD LONGUET On peut faire des économies partout, y compris au ministère de la Défense. Mais dans le cadre de la Défense, nous engageons la vie d’hommes et nous engageons l’autorité de notre pays. Je ne demande pas des sommes supplémentaires, je demande la continuité, et pour l’instant je l’obtiens.
 
CHRISTOPHE BARBIER Combien a coûté l’intervention en Libye et est-ce qu’on sera remboursé ?
 
GERARD LONGUET L’intervention en Libye coûtera, puisque aujourd’hui on peu considérer qu’elle se termine, environ 300 millions d’euros, sur un budget de 31,7 milliards, ça représente 1 %.
 
CHRISTOPHE BARBIER Quand même, ça pourrait être remboursé par la Libye, la nouvelle Libye.
 
GERARD LONGUET Nous n’envoyons pas de factures aux gens qui nous appellent en SOS, secours, liberté, indépendance, sécurité. En revanche, la coopération française avec la Libye est extrêmement prometteur, car la Libye a une caractéristique : c'est un pays riche, peu peuplé. Et Pierre LELLOUCHE est allé sur place, je crois que les contacts existent et l’économie française sera gagnante.
 
CHRISTOPHE BARBIER Il y aura de la gratitude.
 
GERARD LONGUET Il y aura de la gratitude, il y a surtout de l’intérêt bien compris. C'est un pays qui a besoin de se rééquiper, nous sommes capables de le faire et les Français sont bien connus et appréciés aujourd'hui en Libye.
 
CHRISTOPHE BARBIER La droite a voté la taxe sur les riches. Est-ce que ce n'est pas insuffisant, 250 000 €, est-ce qu’il ne faudrait pas faire une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, tout simplement ?
 
GERARD LONGUET Oh, c'est un compromis à cet instant. Il faut bien comprendre que nous avons besoin d’investisseurs et nous avons besoin d’entrepreneurs. Si on part du principe que tout Français qui réussi a vocation à payer pour toutes les erreurs des gouvernements précédents, les Français qui réussissent, réussiront ailleurs. Moi je préfère garder...
 
CHRISTOPHE BARBIER Vous craignez la fuite des riches.
 
GERARD LONGUET Je crains la fuite des entrepreneurs, en effet.
 
CHRISTOPHE BARBIER Un bébé est né hier, dans le couple présidentiel. Est-ce que ça peut avoir un impact sur la présidentielle, rassurer l’électorat de droite ?
 
GERARD LONGUET En tous les cas, ça a un impact sur Nicolas SARKOZY, car il est très heureux, et un président bien dans sa peau, bien dans sa tête, bien dans sa vie, c'est un cadeau pour notre pays, c'est une chance pour la majorité, en tous les cas.
 
CHRISTOPHE BARBIER 64 % pour HOLLANDE au second tour, selon BVA. Ça a l’air un peu perdu, la présidentielle.
 
GERARD LONGUET Aujourd'hui, aujourd'hui ! Aujourd’hui ! Moi j’ai soutenu BALLADUR et je me souviens d’une époque où l’on considérait que Jacques CHIRAC ne pourrait même pas être candidat, c'est lui qui a gagné.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 21 octobre 2011