Texte intégral
Jai beaucoup de plaisir à ouvrir ces rencontres parlementaires sur les systèmes dinformation de santé qui constituent désormais un rendez-vous annuel attendu pour faire le point sur un sujet important et sensible.
Jy trouve cette année un intérêt particulier. Ces rencontres me donnent loccasion de revenir sur la communication que jai faite le 8 juin dernier devant le Conseil des ministres, au sujet du développement des technologies de linformation et de la communication dans le domaine de la santé.
Il me paraît utile de pouvoir aujourdhui mexprimer devant vous plus en détail sur ce thème majeur, à fort enjeu, qui constitue une priorité gouvernementale.
Je souhaite vous montrer quune stratégie globale et cohérente guide cette politique publique ambitieuse et durable de numérisation de la santé. Les principaux objectifs sont daméliorer la qualité de notre système de santé et de relever le défi de la dépendance. Je voudrais aussi répondre à limpatience qui sexprime parfois, quand il ne sagit pas dinquiétude, au sujet de la progression des projets engagés.
Je voudrais tout dabord vous dire combien japprécie que le thème central de ce colloque soit consacré aux attentes des citoyens. Il importe, en effet, de sinterroger sur la possibilité et les moyens de rendre la « e-santé » acceptable et fiable pour les citoyens, en cette année 2011 que jai voulue comme celle des patients et de leurs droits.
1. Le-santé, thème à fort enjeu de société
Je ne métendrai pas longtemps sur la conviction, largement partagée aujourdhui par les citoyens, les patients, les professionnels de santé selon laquelle la numérisation des données de santé et du domaine médico-social est un formidable levier de qualité, de sécurité et defficience.
Il est admis par tous que le partage de linformation et linformatisation des processus de soins servent la qualité de la prise en charge du patient en favorisant de nouvelles pratiques collaboratives et pluridisciplinaires. Ces pratiques amélioreront, en effet, la coordination et la continuité des soins.
Les apports des technologies de linformation et de la communication doivent nous permettre également de favoriser lautonomie et le maintien à domicile des personnes malades ou âgées, défi majeur pour les années à venir. Le développement des usages des outils numériques doit par ailleurs nous aider à mettre en oeuvre les réformes engagées pour une plus grande efficience du système de santé.
Il sera un levier majeur pour la concrétisation sur le terrain des dispositions la loi HPST (hôpital, patient, santé et territoires), concernant lorganisation de loffre de soins ou encore la recherche de coopérations entre les acteurs de santé. Notre objectif est bien de proposer aux patients des parcours mieux coordonnés.
La maîtrise de linformation nous permettra, jen ai la conviction, de mieux articuler les piliers de notre système de santé : les professionnels du secteur public avec ceux du secteur libéral, la ville avec lhôpital, le sanitaire avec le médico-social.
2. Une stratégie gouvernementale globale, une politique publique inscrite dans la durée
Pour atteindre ces objectifs, nous avons décidé, Xavier Bertrand, et moi, de faire de la modernisation des systèmes dinformation de santé une priorité. Il est indispensable de développer une stratégie globale, cohérente et lisible de numérisation de la santé.
Cette démarche, qui touche un grand nombre dacteurs de divers secteurs dactivité, ne peut quêtre interministérielle.
Cest pourquoi nous développons une collaboration très active, plus particulièrement avec le ministère de lindustrie, de lénergie et de léconomie numérique, mais également avec le ministère de lenseignement supérieur et de la recherche, ainsi quavec le ministère de léducation nationale, la Délégation à lAménagement du Territoire et à lAttractivité Régionale (DATAR) et tous les organismes publics intéressés.
Cette stratégie gouvernementale, validée en Conseil des ministres le 8 juin dernier, ne repose pas sur une approche technocratique et technologique, mais vise plutôt à favoriser un large déploiement de services de-santé utiles aux professionnels comme aux patients et den faciliter lusage.
La politique publique de numérisation de la santé repose sur quelques grands objectifs désormais clairement identifiés ; jen présenterai ici les six principaux :
1. le premier objectif porte sur le déploiement des services de-santé favorisant le partage des informations nécessaires à une prise en charge de qualité, pour chacun et partout en France. Loutil pour y parvenir, cest la généralisation du DMP (dossier médical personnel), outil majeur de la coordination des soins. Quelques conditions doivent être réunies sur lesquelles un travail est engagé par lASIP : linteropérabilité des systèmes dinformation de santé ainsi que la création dun espace de confiance reposant sur une protection rigoureuse de la confidentialité et de la sécurité des données de santé personnelles. Jentends que certains estiment que le DMP na pas fait la preuve de son intérêt : je réponds laissons loutil se déployer, être approprié par les professionnels sur la base du volontariat et nous jugerons ensuite.
2. le second objectif concerne la mise en oeuvre du plan national de télémédecine. Je veux par ce plan que nous changions déchelle en quittant le stade des expérimentations
Des priorités nationales ont été ciblées comme la prise en charge des AVC ou la téléradiologie. Ce plan national doit aujourdhui se décliner au niveau territorial dans le plan régional de santé.
3. le troisième objectif stratégique vise laccélération de linformatisation des établissements de santé, avec le déploiement du programme « hôpital numérique » à lhorizon 2015. Cette informatisation doit concerner le coeur de métier de lhôpital cest-à-dire le processus de soins avec cinq domaines fonctionnels prioritaires comme par exemple, le partage de résultats dexamens médico- techniques (imagerie médicale, biologie, anatomopathologie), ou encore la prescription électronique.
4. le quatrième objectif vise le déploiement par lassurance maladie dun bouquet de services aux assurés et aux professionnels, afin de rendre linformation dématérialisée immédiatement accessible, dans une forme adaptée, comme le permet le site AMELI. Ces services permettront également laccompagnement de patients atteints de certaines affections, comme le propose le programme SOPHIA aux diabétiques.
5. le cinquième objectif concerne le recours à des technologies et à des services adaptés pour favoriser lautonomie et le bien être à domicile de personnes malades en particulier chroniques, de personnes handicapées ainsi que de personnes âgées dépendantes. Cet objectif constitue aujourdhui un enjeu majeur de société et une priorité gouvernementale, comme vous le savez ;
6. enfin, le sixième objectif stratégique prévoit un soutien à linnovation industrielle en sappuyant notamment sur les appels à projets pilotés par le Commissariat à général à linvestissement dans le cadre des « investissements davenir ».
Le gouvernement a décidé de soutenir la réalisation de ces objectifs stratégiques par des aides financières conséquentes, malgré un contexte économique difficile. Ainsi, en 2011, près de 80 M daides ont été mobilisées pour un montant de 180 M en volume de projets.
A ces principaux objectifs, dont la liste est déjà impressionnante, correspondent aujourdhui des chantiers ouverts, pour lesquels je souhaite une progression rapide.
Ainsi, en me limitant à trois exemples importants :
* après une année consacrée à la construction des infrastructures et des services de base du DMP, celui-ci entame sa montée en charge avec près de 30 000 DMP créés.
Il va lintensifier significativement en 2012, sous la conduite de lASIP Santé, en sappuyant sur des appels à projets ciblés auprès des régions et des établissements de santé ; environ 25 M seront engagés dans ce cadre sur la période 2011-2012 ;
* les plans « télémédecine » et « hôpital numérique », après une phase de conception et de concertation se déclinent aujourdhui sur le terrain, avec le concours des ARS et avec des aides financières importantes (26 M pour la télémédecine en 2011 et 400 M sur cinq ans pour hôpital numérique) ;
* les deux appels à projets prévus dans le cadre des « investissements davenir » ont été lancés au premier semestre 2011, mobilisant 40 M pour développer des produits et des services industriels de qualité, notamment dans le domaine de lautonomie et du bien-être à domicile.
Certes, beaucoup de travail reste à faire car nous ne sommes quau début du processus. Lensemble des chantiers doit progresser en évitant lenlisement, dans le respect des feuilles de route.
Mais je veux insister sur ce point : linformatisation de notre système de santé est une entreprise complexe, à forte dimension culturelle confrontés à de nombreux freins. Lensemble des pays engagés dans cette démarche rencontrent des difficultés, parfois importantes.
Face à ces enjeux multiples et importants, nous conduisons une politique publique déterminée et inscrite dans la durée, fondée sur une stratégie globale et cohérente, sappuyant sur une gouvernance solide.
3. La nécessité dune gouvernance solide
Un projet dune telle ampleur ne peut être mené sans un pilotage fort. Jai confié la responsabilité du pilotage général des systèmes dinformation de santé, y compris les systèmes dinformation des ARS, à la secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, Emmanuelle Wargon. Celle-ci est donc chargée de la coordination des actions conduites par ladministration centrale comme par lassurance maladie dans le domaine de le-santé.
La secrétaire générale peut également aujourdhui sappuyer sur la « délégation à la stratégie des systèmes dinformation de santé » (DSSIS), création récente de mai dernier. Cette structure légère de pilotage et de coordination travaille en relation continue avec lensemble des acteurs concernés pour animer la conception et la mise en oeuvre du plan stratégique pour le-santé, y compris auprès des autres ministères.
Pour disposer dune maîtrise douvrage solide, nous avons créé en 2009 une agence dEtat, lASIP Santé (agence des systèmes dinformation partagés de santé). Cet opérateur est chargé de la mise en oeuvre du DMP et plus largement des services de partage des informations de santé, ainsi que de la télésanté. A ce titre, lASIP Santé a mission de concevoir et de promouvoir les référentiels dinteropérabilité et de sécurité applicables aux systèmes dinformation de santé. LASIP Santé conduit son action sous la supervision de la délégation stratégique.
LASIP Santé travaille en complémentarité avec lautre grande agence dEtat quest lANAP (agence nationale dappui à la performance des établissements de santé et des établissements médico-sociaux), également créée en 2009.
Celle-ci est plus particulièrement chargée daccompagner les établissements dans leurs démarches doptimisation de lorganisation des soins et de leur management. Pour compléter lorganisation de la gouvernance des systèmes dinformation de santé, la création dun « conseil stratégique des technologies en santé » est prévue comme instance dorientation et dexpertise, placée sous la présidence du ministre chargé de la santé. Ce conseil permettra :
* Dassocier les professionnels et la société civile à la définition des priorités nationales et au débat sur les grandes questions soulevées par le développement des technologiques dans le domaine de la santé.
* De donner à la politique publique toute la lisibilité nécessaire à la mobilisation et à linvestissement des différents acteurs ;
Ladhésion de tous les acteurs de santé, ainsi que des industriels est une condition essentielle pour la réussite de notre démarche. Je my emploierai, en recherchant en priorité limplication des patients et de leurs représentants, sans
lesquels nous ne pourrons pas faire entrer le-santé dans le domaine de la réalité.
4. Mobiliser tous les acteurs, en assurant plus particulièrement limplication des patients
La délégation à la stratégie des systèmes dinformation de santé, au titre de laction ministérielle, est en contact permanent avec ces acteurs, dans un esprit vertueux de collaboration et de partenariat.
De son côté, lASIP Santé a mis en place un ensemble dinstances consultatives et participatives qui se réunissent régulièrement, pour associer à ses travaux les représentants des patients, des professionnels et des établissements de santé, ainsi que des industriels.
Le conseil stratégique des technologies en santé, que nous allons mettre en place, associera ces partenaires à lélaboration du plan stratégique.
Ainsi, je souhaite que soit garantie lassociation des patients, et même leur implication, dans le développement de le-santé.
Il ne sagit pas de les convaincre des bienfaits dune bonne information, personnalisée, pour les orienter dans leur parcours de santé, ni des vertus du dossier médical informatisé et du DMP comme instrument majeur de la coordination des soins : fin 2010, 74% des personnes interrogées dans le cadre dun sondage se disaient favorables au DMP.
Ce qui importe, cest que les patients les premiers concernés - et plus largement les citoyens, soient associés à lélaboration des objectifs de-santé et au processus de décision. Nous devons répondre à une aspiration profonde et à une demande constante des patients dêtre mieux informés et de voir leur point de vue pris en considération sur des sujets particulièrement sensibles, touchant à leur vie personnelle.
Lusager du service public de la santé nest plus un objet de soins, mais un citoyen pleinement acteur du système de santé, aspirant à une relation plus équilibrée entre les patients et les soignants, mais également entre les patients et les pouvoirs publics.
En cette année 2011 des patients et de leurs droits, nous devons dynamiser la démocratie sanitaire, notamment dans la démarche engagée dinformatisation de notre système de santé.
Cest en sengageant dans cette voie de la participation des patients que nous éviterons les dangers liés à des dérives possibles des technologies de linformation et de la communication, qui pourraient nous menacer dune certaine déshumanisation du système de santé.
Je veux au contraire favoriser la prise en compte de lhumain et de la personne, dans lamélioration de la qualité des soins, amélioration rendu possible grâce au large déploiement des usages de le-santé dans les années à venir.
Vous pouvez compter sur moi pour faire avancer ce chantier davenir.
Je vous remercie.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 octobre 2011