Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur le développement des technologies de l'information dans le domaine de la santé, Paris le 12 octobre 2011.

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Circonstance : Rencontres parlementaires sur les systèmes d'information de santé à Paris le 12 octobre 2011

Texte intégral


J’ai beaucoup de plaisir à ouvrir ces rencontres parlementaires sur les systèmes d’information de santé qui constituent désormais un rendez-vous annuel attendu pour faire le point sur un sujet important et sensible.
J’y trouve cette année un intérêt particulier. Ces rencontres me donnent l’occasion de revenir sur la communication que j’ai faite le 8 juin dernier devant le Conseil des ministres, au sujet du développement des technologies de l’information et de la communication dans le domaine de la santé.
Il me paraît utile de pouvoir aujourd’hui m’exprimer devant vous plus en détail sur ce thème majeur, à fort enjeu, qui constitue une priorité gouvernementale.
Je souhaite vous montrer qu’une stratégie globale et cohérente guide cette politique publique ambitieuse et durable de numérisation de la santé. Les principaux objectifs sont d’améliorer la qualité de notre système de santé et de relever le défi de la dépendance. Je voudrais aussi répondre à l’impatience qui s’exprime parfois, quand il ne s’agit pas d’inquiétude, au sujet de la progression des projets engagés.
Je voudrais tout d’abord vous dire combien j’apprécie que le thème central de ce colloque soit consacré aux attentes des citoyens. Il importe, en effet, de s’interroger sur la possibilité et les moyens de rendre la « e-santé » acceptable et fiable pour les citoyens, en cette année 2011 que j’ai voulue comme celle des patients et de leurs droits.
1. L’e-santé, thème à fort enjeu de société
Je ne m’étendrai pas longtemps sur la conviction, largement partagée aujourd’hui par les citoyens, les patients, les professionnels de santé selon laquelle la numérisation des données de santé et du domaine médico-social est un formidable levier de qualité, de sécurité et d’efficience.
Il est admis par tous que le partage de l’information et l’informatisation des processus de soins servent la qualité de la prise en charge du patient en favorisant de nouvelles pratiques collaboratives et pluridisciplinaires. Ces pratiques amélioreront, en effet, la coordination et la continuité des soins.
Les apports des technologies de l’information et de la communication doivent nous permettre également de favoriser l’autonomie et le maintien à domicile des personnes malades ou âgées, défi majeur pour les années à venir. Le développement des usages des outils numériques doit par ailleurs nous aider à mettre en oeuvre les réformes engagées pour une plus grande efficience du système de santé.
Il sera un levier majeur pour la concrétisation sur le terrain des dispositions la loi HPST (hôpital, patient, santé et territoires), concernant l’organisation de l’offre de soins ou encore la recherche de coopérations entre les acteurs de santé. Notre objectif est bien de proposer aux patients des parcours mieux coordonnés.
La maîtrise de l’information nous permettra, j’en ai la conviction, de mieux articuler les piliers de notre système de santé : les professionnels du secteur public avec ceux du secteur libéral, la ville avec l’hôpital, le sanitaire avec le médico-social.
2. Une stratégie gouvernementale globale, une politique publique inscrite dans la durée
Pour atteindre ces objectifs, nous avons décidé, Xavier Bertrand, et moi, de faire de la modernisation des systèmes d’information de santé une priorité. Il est indispensable de développer une stratégie globale, cohérente et lisible de numérisation de la santé.
Cette démarche, qui touche un grand nombre d’acteurs de divers secteurs d’activité, ne peut qu’être interministérielle.
C’est pourquoi nous développons une collaboration très active, plus particulièrement avec le ministère de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, mais également avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi qu’avec le ministère de l’éducation nationale, la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (DATAR) et tous les organismes publics intéressés.
Cette stratégie gouvernementale, validée en Conseil des ministres le 8 juin dernier, ne repose pas sur une approche technocratique et technologique, mais vise plutôt à favoriser un large déploiement de services d’e-santé utiles aux professionnels comme aux patients et d’en faciliter l’usage.
La politique publique de numérisation de la santé repose sur quelques grands objectifs désormais clairement identifiés ; j’en présenterai ici les six principaux :
1. le premier objectif porte sur le déploiement des services d’e-santé favorisant le partage des informations nécessaires à une prise en charge de qualité, pour chacun et partout en France. L’outil pour y parvenir, c’est la généralisation du DMP (dossier médical personnel), outil majeur de la coordination des soins. Quelques conditions doivent être réunies sur lesquelles un travail est engagé par l’ASIP : l’interopérabilité des systèmes d’information de santé ainsi que la création d’un espace de confiance reposant sur une protection rigoureuse de la confidentialité et de la sécurité des données de santé personnelles. J’entends que certains estiment que le DMP n’a pas fait la preuve de son intérêt : je réponds laissons l’outil se déployer, être approprié par les professionnels sur la base du volontariat et nous jugerons ensuite.
2. le second objectif concerne la mise en oeuvre du plan national de télémédecine. Je veux par ce plan que nous changions d’échelle en quittant le stade des expérimentations
Des priorités nationales ont été ciblées comme la prise en charge des AVC ou la téléradiologie. Ce plan national doit aujourd’hui se décliner au niveau territorial dans le plan régional de santé.
3. le troisième objectif stratégique vise l’accélération de l’informatisation des établissements de santé, avec le déploiement du programme « hôpital numérique » à l’horizon 2015. Cette informatisation doit concerner le coeur de métier de l’hôpital c’est-à-dire le processus de soins avec cinq domaines fonctionnels prioritaires comme par exemple, le partage de résultats d’examens médico- techniques (imagerie médicale, biologie, anatomopathologie), ou encore la prescription électronique.
4. le quatrième objectif vise le déploiement par l’assurance maladie d’un bouquet de services aux assurés et aux professionnels, afin de rendre l’information dématérialisée immédiatement accessible, dans une forme adaptée, comme le permet le site AMELI. Ces services permettront également l’accompagnement de patients atteints de certaines affections, comme le propose le programme SOPHIA aux diabétiques.
5. le cinquième objectif concerne le recours à des technologies et à des services adaptés pour favoriser l’autonomie et le bien être à domicile de personnes malades en particulier chroniques, de personnes handicapées ainsi que de personnes âgées dépendantes. Cet objectif constitue aujourd’hui un enjeu majeur de société et une priorité gouvernementale, comme vous le savez ;
6. enfin, le sixième objectif stratégique prévoit un soutien à l’innovation industrielle en s’appuyant notamment sur les appels à projets pilotés par le Commissariat à général à l’investissement dans le cadre des « investissements d’avenir ».
Le gouvernement a décidé de soutenir la réalisation de ces objectifs stratégiques par des aides financières conséquentes, malgré un contexte économique difficile. Ainsi, en 2011, près de 80 M€ d’aides ont été mobilisées pour un montant de 180 M€ en volume de projets.
A ces principaux objectifs, dont la liste est déjà impressionnante, correspondent aujourd’hui des chantiers ouverts, pour lesquels je souhaite une progression rapide.
Ainsi, en me limitant à trois exemples importants :
* après une année consacrée à la construction des infrastructures et des services de base du DMP, celui-ci entame sa montée en charge avec près de 30 000 DMP créés.
Il va l’intensifier significativement en 2012, sous la conduite de l’ASIP Santé, en s’appuyant sur des appels à projets ciblés auprès des régions et des établissements de santé ; environ 25 M€ seront engagés dans ce cadre sur la période 2011-2012 ;
* les plans « télémédecine » et « hôpital numérique », après une phase de conception et de concertation se déclinent aujourd’hui sur le terrain, avec le concours des ARS et avec des aides financières importantes (26 M€ pour la télémédecine en 2011 et 400 M€ sur cinq ans pour hôpital numérique) ;
* les deux appels à projets prévus dans le cadre des « investissements d’avenir » ont été lancés au premier semestre 2011, mobilisant 40 M€ pour développer des produits et des services industriels de qualité, notamment dans le domaine de l’autonomie et du bien-être à domicile.
Certes, beaucoup de travail reste à faire car nous ne sommes qu’au début du processus. L’ensemble des chantiers doit progresser en évitant l’enlisement, dans le respect des feuilles de route.
Mais je veux insister sur ce point : l’informatisation de notre système de santé est une entreprise complexe, à forte dimension culturelle confrontés à de nombreux freins. L’ensemble des pays engagés dans cette démarche rencontrent des difficultés, parfois importantes.
Face à ces enjeux multiples et importants, nous conduisons une politique publique déterminée et inscrite dans la durée, fondée sur une stratégie globale et cohérente, s’appuyant sur une gouvernance solide.
3. La nécessité d’une gouvernance solide
Un projet d’une telle ampleur ne peut être mené sans un pilotage fort. J’ai confié la responsabilité du pilotage général des systèmes d’information de santé, y compris les systèmes d’information des ARS, à la secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, Emmanuelle Wargon. Celle-ci est donc chargée de la coordination des actions conduites par l’administration centrale comme par l’assurance maladie dans le domaine de l’e-santé.
La secrétaire générale peut également aujourd’hui s’appuyer sur la « délégation à la stratégie des systèmes d’information de santé » (DSSIS), création récente de mai dernier. Cette structure légère de pilotage et de coordination travaille en relation continue avec l’ensemble des acteurs concernés pour animer la conception et la mise en oeuvre du plan stratégique pour l’e-santé, y compris auprès des autres ministères.
Pour disposer d’une maîtrise d’ouvrage solide, nous avons créé en 2009 une agence d’Etat, l’ASIP Santé (agence des systèmes d’information partagés de santé). Cet opérateur est chargé de la mise en oeuvre du DMP et plus largement des services de partage des informations de santé, ainsi que de la télésanté. A ce titre, l’ASIP Santé a mission de concevoir et de promouvoir les référentiels d’interopérabilité et de sécurité applicables aux systèmes d’information de santé. L’ASIP Santé conduit son action sous la supervision de la délégation stratégique.
L’ASIP Santé travaille en complémentarité avec l’autre grande agence d’Etat qu’est l’ANAP (agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et des établissements médico-sociaux), également créée en 2009.
Celle-ci est plus particulièrement chargée d’accompagner les établissements dans leurs démarches d’optimisation de l’organisation des soins et de leur management. Pour compléter l’organisation de la gouvernance des systèmes d’information de santé, la création d’un « conseil stratégique des technologies en santé » est prévue comme instance d’orientation et d’expertise, placée sous la présidence du ministre chargé de la santé. Ce conseil permettra :
* D’associer les professionnels et la société civile à la définition des priorités nationales et au débat sur les grandes questions soulevées par le développement des technologiques dans le domaine de la santé.
* De donner à la politique publique toute la lisibilité nécessaire à la mobilisation et à l’investissement des différents acteurs ;
L’adhésion de tous les acteurs de santé, ainsi que des industriels est une condition essentielle pour la réussite de notre démarche. Je m’y emploierai, en recherchant en priorité l’implication des patients et de leurs représentants, sans
lesquels nous ne pourrons pas faire entrer l’e-santé dans le domaine de la réalité.
4. Mobiliser tous les acteurs, en assurant plus particulièrement l’implication des patients
La délégation à la stratégie des systèmes d’information de santé, au titre de l’action ministérielle, est en contact permanent avec ces acteurs, dans un esprit vertueux de collaboration et de partenariat.
De son côté, l’ASIP Santé a mis en place un ensemble d’instances consultatives et participatives qui se réunissent régulièrement, pour associer à ses travaux les représentants des patients, des professionnels et des établissements de santé, ainsi que des industriels.
Le conseil stratégique des technologies en santé, que nous allons mettre en place, associera ces partenaires à l’élaboration du plan stratégique.
Ainsi, je souhaite que soit garantie l’association des patients, et même leur implication, dans le développement de l’e-santé.
Il ne s’agit pas de les convaincre des bienfaits d’une bonne information, personnalisée, pour les orienter dans leur parcours de santé, ni des vertus du dossier médical informatisé et du DMP comme instrument majeur de la coordination des soins : fin 2010, 74% des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage se disaient favorables au DMP.
Ce qui importe, c’est que les patients – les premiers concernés - et plus largement les citoyens, soient associés à l’élaboration des objectifs d’e-santé et au processus de décision. Nous devons répondre à une aspiration profonde et à une demande constante des patients d’être mieux informés et de voir leur point de vue pris en considération sur des sujets particulièrement sensibles, touchant à leur vie personnelle.
L’usager du service public de la santé n’est plus un objet de soins, mais un citoyen pleinement acteur du système de santé, aspirant à une relation plus équilibrée entre les patients et les soignants, mais également entre les patients et les pouvoirs publics.
En cette année 2011 des patients et de leurs droits, nous devons dynamiser la démocratie sanitaire, notamment dans la démarche engagée d’informatisation de notre système de santé.
C’est en s’engageant dans cette voie de la participation des patients que nous éviterons les dangers liés à des dérives possibles des technologies de l’information et de la communication, qui pourraient nous menacer d’une certaine déshumanisation du système de santé.
Je veux au contraire favoriser la prise en compte de l’humain et de la personne, dans l’amélioration de la qualité des soins, amélioration rendu possible grâce au large déploiement des usages de l’e-santé dans les années à venir.
Vous pouvez compter sur moi pour faire avancer ce chantier d’avenir.
Je vous remercie.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 octobre 2011