Déclaration de Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat à la santé, sur la politique de santé en matière d'accès et de coordination des soins médicaux et la modernisation du système de santé, Lyon le 7 octobre 2011.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 36ème congrès de la FEHAP à Lyon le 7 octobre 2011

Texte intégral


Je souhaite avant de commencer témoigner de ma tristesse et mon émotion pour les 3 personnes victimes de l’accident grave qui s’est déroulé hier pendant la manifestation.
Il était pour moi particulièrement important d’être parmi vous aujourd’hui, à l’occasion de ce 36ème Congrès de la FEHAP placé sous le thème de : « L’innovation : l’essence du secteur privé non lucratif ».
Tout d’abord, parce que, comme vous l’avez dit Monsieur le Président, je suis heureuse et fière, en tant que lyonnaise, que ce Congrès se déroule dans ma ville qui porte les valeurs humanistes, valeurs humanistes que vous avez fait votre chers adhérents du privé non lucratif.
Et je crois que le thème de l’innovation que vous avez choisi, est particulièrement porteur, en termes de stratégie, et d’enjeux d’avenir, pour les acteurs de soins que vous êtes.
En effet, comment construire l’avenir sans s’interroger sur la nécessaire adaptation de notre système de soins aux besoins de nos concitoyens ?
Deux paramètres nous conduisent à évoluer et à innover :
1- le parcours du soin
La réalité de notre système de soins est connue et vous le vivez au quotidien : un système encore trop cloisonné :
- entre le sanitaire, l’hospitalier, et le médico-social,
- entre l’hôpital et la médecine de ville,
- au sein même de chaque structure,
Le malade et ses proches se trouvent souvent confronté et donc en difficulté face à la complexité de cette organisation. C’est bien pour répondre à ce besoin de plus transversalité entre les différents secteurs de la santé -prévention, soins, accompagnement- que la loi HPST de 2009 a institué les Agences Régionales de Santé. Ainsi, à l’échelle des territoires, les ARS doivent organiser une fluidité des parcours de soins pour éviter les ruptures de prise en charge. Et c’est avec vous qu’elles vont pouvoir construire une offre de soins plus efficiente grâce à vos expériences, aux innovations que vous aurez mis en place avec vos équipes.
Pour vous accompagner dans cette évolution, une nouveauté a été introduite dans le PLFSS 2012. En effet, le décloisonnement et donc une meilleure coordination des soins étaient promus comme objectif. Or, les ARS pouvaient se trouvaient en difficulté pour soutenir cette démarche vu la construction de leurs enveloppes financières, elles-mêmes cloisonnées sans possibilité de fongibilité entre elles. Le PLFSS prévoit un fond d’intervention régionale introduisant ainsi une souplesse de gestion pour les agences. Elles disposent ainsi d’une marge de manoeuvre qui manquait aujourd’hui.
2-Deuxième paramètre qui nous conduit à l’innovation : le contexte financier
Les ressources financières publiques en matière de santé et plus globalement de protection sociale ne sont pas sans limites, d’autant que la conjoncture économique actuelle nous oblige à optimiser les moyens existants. Il en va de la pérennité de notre système. Ainsi, l’ONDAM en 2012 augmente de 2.8% soit une progression moindre que celle de l’an dernier. Cette contrainte financière, nous devons tous l’intégrer.
Pour autant, je ne considère pas que cette situation est une fatalité. Au contraire, ce contexte nous appelle à être plus efficients dans l’utilisation de nos moyens, à être plus imaginatifs dans la création et l’adaptation des dispositifs et des pratiques professionnelles.
L’innovation constitue donc une nécessité pour la recherche du meilleur soin adapté aux besoins et aux attentes des malades et de leurs proches. Elle se décline à différents niveaux :
- dans la coordination des soins : il s’agit d’un des points faible de notre système de soins. Si le médecin traitant a un rôle majeur en la matière, il nous faut imaginer, concevoir d’autres moyens d’accompagner la personne dans son parcours de soin. Je pense à l’expérimentation des infirmiers coordonnateurs hospitaliers menée dans le champ du cancer dans 35 établissements de santé autorisés sélectionnés à la suite d’un appel à projets. Les infirmiers coordonnateurs apportent aux patients et à leur entourage des informations adaptées à leur situation tout au long du parcours de soins. Ils jouent un rôle d’interface entre l’équipe hospitalière et les médecins libéraux. Ils les orientent vers les services d’accompagnement social en cas de besoin. Depuis septembre 2010, cette expérimentation a concerné près de 6000 patients. Inspirons nous de ce qui marche, de ce qui donne des résultats pour faire évoluer notre organiser
- Cette innovation se décline également au niveau des outils dans le cadre de la e-santé. Je pense au dossier médical personnel (DMP) comme formidable outil de partage d’informations de santé entre le malade, son médecin généraliste et le secteur hospitalier. 30 000 DMP sont créés aujourd’hui dans les 4 régions qui ont expérimentées (Alsace, Aquitaine, Picardie et Franche Comté). Un nouvel appel à projets a été lancé en juillet pour étendre le déploiement du DMP à de nouvelles régions. J’invite les acteurs de la santé à expérimenter, à s’approprier cet outil nécessaire à la bonne coordination des soins. En dehors du DMP, je pense également à la télémédecine : aujourd’hui, son utilisation permet de réaliser une radiographie, un scanner sur un site équipé proche du lieu de vie de l’usager alors que le spécialiste se trouve à plusieurs kilomètres. L’expertise peut alors accessible à tous pour des soins de qualité. Le déploiement de la télémédecine constitue un axe prioritaire de la politique de santé Pour l’année 2011, la DGOS a alloué une enveloppe de 26 millions d’euros aux ARS), en vue du développement de chantiers prioritaires comme la prise en charge de l’accident vasculaire cérébral ou les soins dans les structures médico-sociales et en HAD.
En définitive, l’innovation est source d’évolution, de mouvement, de dynamisme et nous devons tous, chaque acteur de notre système de santé nous y engagé pleinement pour une organisation des soins plus humaine et plus efficiente
En conclusion, je voudrais répondre aux différents points soulevés par Antoine Debout :
- Concernant les internes, je crois qu’il est important de faciliter les stages des internes dans vos établissements mais bien évidemment en respectant certaines conditions. C’est ainsi que les agréments, c'est-à-dire la possibilité pour les services d’accueillir des internes, sont délivrés après une évaluation précise de l’organisation des soins et de la formation, et après l’accord du coordonnateur de la spécialité. Il est clair qu’il faut tirer parti de vos possibilités d’accueil en respectant la qualité de la formation. C’est déjà le cas mais il est certain que vote rôle ne va pas cesser de croître dans le contexte que nous connaissons actuellement d’augmentation importante du nombre d’internes en formation du fait de l’augmentation du numérus clausus.
- Vous m’interrogez également sur la recherche : j’ai lancé un appel d’offres concernant la création de centres de recherche clinique. Il s’agit de mettre en place de nouveaux plateaux dédiés à la recherche clinique au sein d’établissements qui ont une masse critique d’essais clinique importante. Sachez que bien entendu, les établissements privés à but lucratif ont leur rôle à jouer dans la recherche en lien avec les CHU.
- Concernant les médecins étrangers à diplôme hors Union européenne, que vous souhaitez pouvoir les accueillir au même titre que les hôpitaux publics.
Vous en avez la possibilité, comme vous le savez, lorsque ces médecins viennent dans le cadre d’une formation médicale spécialisée avec un statut d’interne. En revanche, cela n’est pas possible actuellement lorsque ces médecins ne sont pas en formation.
Nous travaillons actuellement avec les syndicats de PADHUE et je suis en mesure de vous annoncer qu’une évolution des textes actuels est en ce moment à l’étude par mes services, et je ne manquerai pas, Monsieur le Président, de vous en donner les conclusions d’ici la fin de l’année.
- S’agissant du différentiel de charges, qui est un sujet qui vous préoccupe à juste titre, comme vous l’avez rappelé, Xavier Bertrand et moi-même avons décidé d’une mesure de compensation lors du PLFSS 2011, prenant en compte les conclusions du rapport IGAS de 2007. Pour 2012, je peux vous dire que nous poursuivrons cet engagement dans le respect de la maîtrise de l’ONDAM.
- S’agissant de l’exécution de l’ONDAM 2011, et du gel des enveloppes MIGAC, je veux rappeler que l’ONDAM est une enveloppe fermée que nos parlementaires votent chaque année. Pour la première fois en 2010, l’ONDAM a été respecté. Il faut continuer. Par conséquent, je serais attentive à l’évolution de l’activité des établissements de santé et si les objectifs en volume sont tenus, le dégel pourra être envisagé dans le cadre du respect de l’ONDAM.
- Vous avez évoqué votre souhait de voir se développer l’HAD dans les structures pour enfants et adultes handicapés. Vous savez que je vais lancer un groupe de travail sur cette question et, bien sur, vos propositions en termes d’expérimentation sont les bienvenues pour pouvoir évaluer au mieux les conditions de développement de cette offre hospitalière.
- S’agissant enfin de la loi du 5 juillet dernier relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, je veux très sincèrement vous remercier de l’engagement dont vous avez fait preuve pour assurer sa mise en oeuvre dans les meilleures conditions.
Ce texte d’ampleur demande aux professionnels de santé et à ceux de la justice de faire un pas de plus les uns vers les autres, pour une plus grande protection des droits des patients concernés. Ce sont deux cultures professionnelles différentes qui doivent se découvrir et mieux se connaître pour mieux travailler ensemble.
Soyez assuré que j’ai à coeur de vous accompagner le plus efficacement possible dans la mise en oeuvre de cette réforme. Mon cabinet tiens des réunions régulières avec celui de la justice pour stabiliser les outils juridiques communs et améliorer l’harmonisation des pratiques entre deux cultures fortes.
Pour finir, je sais que vous ouvrez une étape très importante avec la renégociation de la Convention Collective Nationale de 1951. Je veux vous dire qu’avec Xavier Bertrand je serai particulièrement attentive aux points de révision que la FEHAP portera.
La place que tiennent les établissements de soins de la FEHAP pour la modernisation de notre système de santé est pour moi fondamentale : vous vous êtes pleinement engagés dans cette voie. Et le thème de votre 36ème congrès « l’innovation : essence du secteur privé à but non lucratif » traduit bien votre dynamisme. Vos efforts doivent être poursuivis et nous les soutiendrons. Je vous félicite pour votre engagement au service d’une meilleure qualité des soins, au service des patients.
Je vous remercie.
Source http://www.fehap.fr, le 18 octobre 2011