Déclaration de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, sur le renforcement du système de sécurité sanitaire des produits de santé et du médicament, Paris le 27 septembre 2011.

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Circonstance : Examen du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament à l'Assemblée nationale le 27 septembre 2011

Texte intégral

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui avec Nora Berra a été élaboré à la suite du drame du Mediator, pour qu’il y ait un avant et un après Mediator. Il refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé pour concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.
Ce projet est l’aboutissement d’importants travaux d’évaluation et de débats avec les acteurs des produits de santé, en particulier dans le cadre des Assises du médicament. Je tiens à saluer également les contributions des missions parlementaires.
Cette réforme doit redonner confiance aux Français dans notre système du médicament. Je l’ai dit lors de mon audition en commission des affaires sociales, cette réforme est un tout, avec ses dimensions législatives, réglementaires, et d’organisation interne. Il va de soi que j’évoquerai également ces questions, qui relèvent de la bonne intelligence de la réforme.

1. Premier pilier de notre réforme, la lutte contre les conflits d’intérêt et la transparence des décisions.
Cela passe par deux voies : l’indépendance des experts et l’organisation d’une procédure d’expertise transparente et collégiale.
L’indépendance des experts, d’abord. La lutte contre les conflits d’intérêt est notre priorité : cela passe par la systématisation de la déclaration d’intérêt et la mise en place de sanctions adéquates.
Tous les acteurs du domaine de la santé, les experts externes, internes ou les associations de patients, devront remplir un formulaire unique de déclaration publique d’intérêts (DPI). Je souhaite également que ce type de déclaration soit étendu à tous ceux qui exercent des responsabilités dans le champ de la santé.
Chaque institution devra assumer ses responsabilités : elle disposera d’une cellule de déontologie pour gérer et contrôler les DPI des acteurs qu’elle sollicite.
Toutes ces déclarations seront publiques et tous les observateurs, journalistes et experts, seront en mesure de les regarder pour vérifier les situations.
L’ensemble de ces mesures seront mises en place par voie réglementaire.
J’en profite pour saluer l’initiative annoncée hier par le Leem de se doter d’une instance de vigilance éthique chargée de veiller au respect des règles déontologiques par ses membres.
Les règles de transparence doivent être strictement appliquées. Quand un expert présent dans une séance est concerné par un conflit d’intérêt, les décisions et les avis pris lors de cette séance doivent être frappés de nullité : cette obligation sera partie intégrante des règlements intérieurs des commissions. Ainsi les choses seront claires et sans ambiguïté.
La transparence totale, c’est aussi l’obligation, pour l’industrie pharmaceutique, de rendre publique l’existence des conventions conclues avec les parties prenantes intervenant dans le champ de la santé, les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients.
Pour les étudiants, la commission des affaires sociales a choisi de ne pas limiter cette exigence de transparence totale aux seuls futurs médecins et chirurgiens dentistes, mais de l’étendre à tous les étudiants des professions de santé : c’est une mesure qui va dans le bon sens.
Concernant la presse, la commission a également souhaité étendre cette mesure à l’ensemble des médias. Cela concerne aussi les avantages en nature ou en espèce que l’industrie pharmaceutique leur procure, au-delà d’un certain seuil.
C’est la transposition du système américain du « Sunshine Act ». Chaque industriel aura la responsabilité de publier sur son site internet, en annexe de ses comptes, l’intégralité de ces informations.
Le non respect de ces obligations de déclaration sera sanctionné pénalement.
J’ai parlé de la lutte contre les conflits d’intérêt, j’en viens à la transparence des décisions et la collégialité des travaux des commissions de l’Agence du médicament. Le projet de loi oblige à rendre publics les ordres du jour, ainsi que les comptes rendus assortis des détails et explications de vote, y compris les opinions minoritaires. Ces informations seront mises à disposition du public.
La composition et le fonctionnement des commissions de l’agence seront définis par voie réglementaire sur les principes suivants : ouverture à la pluridisciplinarité, limitation du nombre de membres et de mandats.
Dominique Maraninchi est en train de refonder l’organisation de l’agence. Celle-ci verra ses moyens renforcés en PLFSS afin de pouvoir mieux répondre à ses missions.
La transparence des décisions, c’est aussi un système où chaque institution a sa place, avec des rôles et missions clairement définis, pour que le public s’y retrouve. C’est pourquoi il est indispensable que l’institution en charge de notre police du médicament soit clairement identifiée, et cela commence d’abord par son nom : l’Afssaps s’appellera désormais l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
Le projet de loi dote l’agence d’un arsenal de sanctions proportionnées, réellement dissuasives, tel qu’un pouvoir de sanction administrative financière. Je serai particulièrement attentif à la mise en oeuvre rapide de ce dispositif.
La transparence totale, c’est aussi que le financement de l’agence soit désormais directement assuré par les subventions de l’Etat, qui percevra les taxes et les redevances de l’industrie pharmaceutique. Cette transparence est un gage de qualité. Le financement de l’ANSM sera augmenté de 40 millions d’euros. C’est une mesure incluse dans le projet de loi de finances pour 2012 et également dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 que vous examinerez prochainement.

2. Deuxième pilier de notre réforme, le doute doit bénéficier systématiquement au patient.
Cela vaut dès l’autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM) et tout au long de sa vie.
Il ne faut pas que le médicament soit juste un peu mieux que rien, il faut un réel bénéfice pour le patient. Disposer, dès l’AMM, de données comparatives avec le médicament de référence s’il existe, c’est un combat qui doit se mener au niveau européen. J’ai déjà échangé à plusieurs reprises avec le commissaire européen John Dalli afin que la réflexion sur la prise en compte du critère de la valeur ajoutée thérapeutique pour l’octroi d’une AMM soit initiée au niveau européen. A ce stade, soyons clairs, nous ne partageons pas le même souhait d’évolution de la législation européenne.
C’est pourquoi, au plan national, nous allons adopter par voie réglementaire des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité : pour être remboursé, le produit devra démontrer qu’il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable.
Enfin, pour les médicaments présentant un Service Médical Rendu Insuffisant (SMRI), de nouvelles règles sont applicables : aucune prise en charge par la collectivité, donc pas de remboursement, sauf s’il y a un avis contraire du ministre, mais cet avis devra alors être motivé. Par ailleurs, l’AMM ne sera plus scellée dans le marbre. Avec ce projet de loi, des études complémentaires d’efficacité et de sécurité pourront être exigées à tout moment, en cas de suspicion de modification du rapport bénéfice/risque, par les autorités sanitaires. En cas de non réalisation de ces études, l’AMM pourra être suspendue ou retirée et le titulaire de l’AMM pourra faire l’objet d’une sanction financière de l’agence. Je l’ai dit lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale, je ne m’opposerai pas au déremboursement des 26 médicaments pour lesquels la HAS a confirmé un service médical rendu insuffisant. Ce qui important, c’est d’accompagner les professionnels de santé et les patients dans cette évolution de la prise en charge thérapeutique : c’est pourquoi j’ai demandé à la HAS, en collaboration avec mes services, de mettre à leur disposition les éléments d’information nécessaires.
Pour garantir efficacement la sécurité sanitaire, il faut pouvoir disposer de l’ensemble des informations relatives à la sécurité des produits. C’est pourquoi le projet de loi oblige les exploitants à informer l’agence de toute mesure d’interdiction, de restriction ou de modification du rapport bénéfice risque d’un médicament commercialisé dans un pays tiers.
Les prescriptions hors AMM, bien qu’indispensables dans certains cas comme ceux des maladies orphelines, doivent rester des situations réellement exceptionnelles : elles doivent être encadrées et leurs risques associés maîtrisés. C’est ce que propose le projet de loi : un encadrement par l’agence de l’utilisation hors AMM des médicaments sous la forme de recommandations temporaires d’utilisation. La prescription hors AMM pour perdre quelques kilos ne sera plus possible. Les logiciels d’aide à la prescription seront là pour aider les professionnels de santé à distinguer les indications relevant de l’AMM et celles hors AMM. Ils pourront donc en informer leurs patients et le mentionner sur l’ordonnance.
En amont de l’AMM, l’évaluation des médicaments sera également mieux encadrée. Les patients, avec le dispositif proposé dans le projet de loi, bénéficieront de traitements mieux évalués parce que nous favoriserons l’octroi d’Autorisations temporaires d’utilisation (ATU) de cohorte. Ils seront mieux surveillés et ce dispositif incitera à la réalisation d’essais cliniques sur le territoire national. Les ATU nominatives continueront à être accessibles en sus des ATU de cohorte.
Il s’agit bien de sécuriser la chaîne des médicaments ne disposant pas d’AMM. Il s’agit bien également de favoriser la recherche en France. Tout au long de sa vie, le médicament doit être suivi. La notification des effets indésirables a été élargie. Dorénavant, avec ce projet de loi, tout effet indésirable suspecté devra être notifié, et non plus seulement les effets indésirables graves ou inattendus. Chaque notification donnera lieu à un retour systématique de la suite donnée au signalement et la confidentialité des données sera respectée. Ces mesures seront mises en place par voie réglementaire.
Les patients et les associations agréées de patients ont maintenant une place reconnue dans le processus de notification des effets indésirables. Ils peuvent directement notifier tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament, et cela depuis ce début d’année. Les alertes ne pourront plus rester lettre morte : un dispositif de médiation sera mis en place au sein de chaque institution pour permettre un recours en cas de non traitement d’une demande ou d’un dossier.
Par la voix de son rapporteur, votre commission a introduit un réel statut législatif du lanceur d’alerte. C’est une avancée importante. S’agissant de l’évaluation, il faut un effort tout particulier sur le développement des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie. C’est dans ce sens que le projet de loi qui vous est présenté institue la réalisation d’études conjointement entre l’ANSM, la HAS, l’INVS et l’Assurance maladie. L’accès aux données de l’assurance maladie sera facilité, tout en étant strictement encadré.
Concernant la problématique spécifique des dispositifs médicaux, il me semble important d’accroître l’obligation d’évaluation des données cliniques et de pouvoir conditionner, à terme, la prise en charge de ces dispositifs médicaux à une évaluation positive de l’intérêt thérapeutique. Il faut également encadrer la publicité sur les dispositifs médicaux.
Enfin, à l’instar de la pharmacovigilance, la vigilance sur les dispositifs médicaux, qu’on appelle la materiovigilance, doit être améliorée et mieux coordonnée. Voilà ce que propose le projet de loi pour les dispositifs médicaux.

3. Troisième axe de cette réforme, des patients mieux informés et des professionnels de santé mieux formés et mieux informés.
Nora Berra a déjà en grande partie abordé ce point. Je voudrais revenir sur le contrôle de la publicité auprès des professionnels et la visite médicale.
L’information qui est faite aux prescripteurs par le biais de la publicité des entreprises pharmaceutiques doit être de qualité irréprochable, et ce, dès sa première diffusion. Voilà pourquoi je souhaite que, dorénavant, un contrôle « a priori » et non plus « a posteriori » soit mis en place par l’agence des publicités faites aux professionnels.
La visite médicale, telle qu’elle existe aujourd’hui, doit évoluer, c’est une certitude. J’entends les résistances au changement, à gauche comme à droite, notamment les craintes pour l’emploi, mais une chose est claire, la question que nous avons à traiter est celle de la santé de nos concitoyens. Cela n’empêche pas que les laboratoires prennent leurs responsabilités envers leurs salariés et je serai attentif à ce qu’ils les assument pleinement.
Avec ce texte, nous lançons une expérience pilote de visite médicale collective à l’hôpital. Si l’on commence par l’hôpital, c’est parce que c’est bien souvent l’hôpital qui donne la tendance de la prescription, et c’est à l’hôpital que s’initient beaucoup de traitements qui sont ensuite poursuivis en ville. Il reste un point, et non des moindres, que je souhaite aborder maintenant : celui du pilotage de la politique du médicament.
Je souhaite la création d’un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire : il se réunira chaque semaine en comité opérationnel avec un représentant du ministre, et en comité stratégique tous les trimestres sous la présidence du ministre lui-même. Toutes les agences et les directions d’administration centrale concernées seront parties prenantes.
Vous le voyez, c’est une réforme d’ampleur. Nous sommes, avec Nora Berra, particulièrement attentifs à sa mise en oeuvre effective. Dès à présent, je souhaite que l’on puisse prévoir, d’ici deux ou trois ans, une évaluation complète de cette réforme, car ce texte n’est pas un texte comme les autres : il concerne la santé de nos concitoyens.
Nous avons conscience des efforts que nous demandons à l’industrie pharmaceutique, mais ces efforts sont réalistes et ils sont indispensables pour à la fois garantir la sécurité de tous les patients et permettre l’indispensable accès à l’innovation thérapeutique.
Je vous remercie.

Source http://www.sante.gouv.fr, le 28 septembre 2011