Texte intégral
« Le visible ouvre nos regards sur linvisible », nous dit Anaxagore.
Cest cette expérience, à la fois collective et intime, que vous nous avez offerte, dans le cadre de cette magnifique exposition « Nouveau RegArt sur Alzheimer », qui a imprimé son empreinte pérenne non seulement sur les murs mais aussi dans les consciences de ce Ministère des solidarités et de la cohésion sociale. Aux artistes Eliane et ses peintures au doigt, Michel et ses oiseaux, Yvonne et ses portraits ou encore Paulette et son extraordinaire chat asymétrique , comme aux équipes qui les accompagnent avec un remarquable dévouement, je veux adresser lexpression de ma profonde gratitude.
Au nom de toutes celles et tous ceux qui, comme moi, ont été touchés par vos uvres, je tiens aujourdhui à vous remercier chaleureusement.
Avec beaucoup de talent et de dignité, vous nous avez permis de voir ou dentrevoir cet « invisible » qui est désormais votre quotidien et que, nous autres, avons parfois encore tant de mal à comprendre.
Voir et donner à voir : ce sont bien, en effet, vos regards que je veux dabord retenir, ces regards que vous portez sur le monde pour mieux nous inviter à changer celui que nous portons sur vous.
En cela, je veux aussi rendre hommage au travail sensible de Dimitri Roumagne qui, à travers ses photographies, a su restituer, avec empathie et respect, vos personnalités si attachantes.
Ensemble, vous avez fait la preuve que les personnes souffrant de la maladie dAlzheimer et leurs proches peuvent continuer à communiquer et à échanger, à condition demprunter de nouveaux chemins que vous avez su inventer.
Et cest bien cela, précisément, la démarche innovante de lart-thérapie, pratiquée, notamment, par le groupe ReSanté-Vous.
Au sein dateliers de création, à travers une approche non médicamenteuse, elle renouvelle laccompagnement des patients qui deviennent ainsi des artistes.
Car, face à une maladie qui suscite encore tant de questionnements et dinquiétudes, peut-on se contenter de soigner seulement le corps ?
Face à une maladie qui efface les souvenirs, détruit la mémoire et dérobe le langage, lintériorité de chacun ne doit-elle pas se forger de nouvelles voies pour exister et continuer à sexprimer ?
Sexprimer quel que soit la manière de le faire , cest être.
Sexprimer : il sagit donc dune impérieuse nécessité pour les êtres de relation que nous sommes, jusquau bout de notre vie.
Nécessité pour les malades, dabord, qui ne sauraient être réduits à cette identité qui nen est pas une.
Grâce à ces « instants » de grâce et dhumanité volés au temps, ils peuvent réactiver la mémoire de leurs émotions et renouer un précieux contact avec les autres, sapaiser et restaurer une estime de soi souvent fortement dégradée. Nécessité, aussi, pour leur entourage, qui doit affronter le désarroi suscité par une maladie qui transforme petit à petit mais définitivement les êtres.
Du fond du cur, merci à vous de nous avoir donné à sentir ce que nous partageons de plus fort : le sentiment dun destin collectif, auquel chacun doit pouvoir prendre toute sa part.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 6 septembre 2011