Texte intégral
Q - Quelle a été votre réaction hier en apprenant la mort du colonel Kadhafi ?
R - Je pense que cest la fin de toute cette période, qui permet à la Libye denvisager lavenir dune manière un peu plus souriante. Cela fait quarante-deux ans que ce pays vit sous le joug de ce dictateur fantasque et mégalomane. Je pense aussi, et principalement dailleurs, aux innombrables victimes qui ont jalonné les quatre décennies de ce tyran qui, je le rappelle, est resté quarante-deux ans au pouvoir sans titre et sans élections.
Q - Oui, mais que nous avons tout de même reçu en France en grandes pompes.
R - Vous savez que les relations internationales sont ainsi, que les relations se font dÉtat à État et que, parfois, il faut passer au-dessus dun sentiment personnel pour que les relations internationales puissent quand même sordonner.
Q - Les conditions de la mort du colonel Kadhafi ne sont pas encore bien claires. Est-ce quil a été tué au combat ? Est-ce quil a été abattu à bout portant ? Quel est le rôle des tirs de lOTAN ? Est-ce quil vous paraît important que la lumière soit faite sur la manière dont il a été tué ?
R - La vérité historique est toujours utile, et il me semble quen cette période assez particulière pour la Libye, cest normal que les habitants sachent les conditions exactes dans lesquelles cette opération a pu être menée avec succès hier matin.
Q - Est-ce que sa capture suivie dun procès nauraient pas permis une meilleure transition ?
R - Quand on est dans le feu de lévénement, ce nest pas toujours facile dorganiser les choses dune manière qui peut paraître la plus satisfaisante possible. Je comprends tout à fait quun procès aurait été certainement très utile parce quil aurait dû sexpliquer, ou du moins peut-on lespérer. Sans doute pour des raisons factuelles cela na pas été possible hier. Quand on est dans le feu de laction, quand vous avez un avion avec une bombe, quand vous avez des gens qui tirent, vous avez des balles qui passent et voilà
Q - François Hollande, qui est le candidat socialiste à la présidentielle de 2012, a estimé hier que la France devrait avoir, je le cite, des exigences à légard du nouveau pouvoir libyen en matière de démocratie, de développement et de stabilisation de la région car, dit-il, la Libye, par sa position sur le continent africain et ses ressources, peut avoir un très grand rôle. Est-ce que vous êtes daccord avec lui sur ces exigences que la France doit avoir à légard du CNT ?
R - Je suis daccord sur le rôle que la Libye va jouer ; je suis daccord sur le fait que la Libye démocratique aura un grand rayonnement dans ce secteur géographique et que cela doit entraîner dautres pays vers davantage de liberté et de démocratie.
Mais en revanche, je pense que dexprimer cette idée d«exigences», je crois que cest disproportionné parce que comment peut-on «exiger» dun pays quelque chose ? - Ce nest pas possible.
Il faut respecter le pays, il faut respecter ses institutions qui vont se mettre en place, et respecter ses habitants. Nous navons aucun ordre à donner à qui que ce soit. Je pense donc que ce qua exprimé François Hollande, soit cela dépasse un peu sa pensée, soit alors cela veut dire quil est encore dans une conception des relations entre les pays du Nord et ceux du Sud de dominant-dominé. Cest une conception qui aujourdhui est totalement dépassée puisque nos relations sont basées sur le respect mutuel. Pas dingérence mais pas dindifférence.
Q - Pas dingérence : la France a tout de même eu une action déterminante dans le renversement du régime du colonel Kadhafi. Cela ne la met pas en position davoir des exigences en effet en matière de démocratie, par exemple ?
R - Non.
Q - Non ?
R - Nous navons pas dexigences. La France agit, cest une constante de la politique qui est menée par le président de la République et le gouvernement dans le cadre de la communauté internationale. Je rappelle quen Libye comme dans dautres pays ces derniers mois, cest la communauté internationale qui sest prononcée, qui a pris des délibérations et nous avons participé, cest vrai, à lapplication des décisions de la communauté internationale, mais jamais à titre individuel.
Q - La mort de Kadhafi va-t-elle accélérer la coopération économique entre la France et la Libye ?
R - En tout cas ce qui est clair, cest que la mort de Kadhafi cest la fin du changement institutionnel, donc un nouveau départ pour la Libye.
Et vous savez que les patrons français, les représentants économiques français se sont déjà rendus sur place la semaine dernière avec mon collègue Pierre Lellouche et naturellement, de nouveaux marchés vont souvrir. Il y a toute la reconstruction de la Libye à faire et je pense que les entreprises françaises seront bien placées pour répondre aux appels doffres qui seront lancés dans ce pays.
Q - Vous navez pas de doutes sur lavenir démocratique de la Libye ?
R - Vous savez, la démocratie cest un combat qui nest jamais définitivement gagné. Cest valable dans tous les pays, les jeunes démocraties comme les vieilles démocraties. Il y a toujours des démons qui rongent les opinions publiques, et cest donc un combat permanent.
Je me réjouis donc que la Libye accède à la démocratie. Mais, maintenant, cest à elle de la construire, de la faire vivre, en respectant la liberté et la diversité des opinions et des sensibilités.
Q - On va parler, Henri de Raincourt, dun autre sujet qui vous tient à cur puisquà quelques jours du G20 de Cannes qui sera le point dorgue de la Présidence française, vous organisez aujourdhui à Paris la Conférence du G20 développement : des solutions pour un nouveau monde. À quoi faut-il sattendre ? Y aura-t-il des engagements clairs, chiffrés ou est-ce que ce sera plutôt de belles déclarations dintention ?
R - Le président de la République française qui préside, comme lon sait, cette année, le G8 et le G20, veut que cette année soit marquée par des décisions concrètes et cest la raison pour laquelle un nombre de thèmes relativement restreints a été retenu de façon à ce que cela débouche.
Nous avons des grands sujets - la sécurité alimentaire avec tout ce qui relève de la partie agricole, qui est très importante.
Nous avons les infrastructures - laccès à leau, lélectricité, les routes, les voies ferrées, etc.
Nous avons un sujet sur un minimum de protection sociale quil faut mettre en place dans lensemble des pays.
Et puis : comment faire face aux besoins nouveaux qui se font jour - par exemple le changement climatique, par exemple lévolution démographique du continent africain - et donc la nécessité pour répondre à ces besoins nouveaux de trouver des financements nouveaux. Cest la proposition dinstauration dune taxe sur les transactions financières à léchelon international.
Q - Dans la situation de crise économique que traverse le monde, notamment lEurope aujourdhui, mais les États-Unis aussi, les pays développés ont-ils encore les moyens dêtre généreux ?
R - Je pense même que cest linverse parce que, si on regarde bien, il y a trois catégories de pays. Les pays émergents, comme la Chine ou le Brésil, qui ont un taux de croissance très important ; des pays du continent africain qui ont un taux de croissance de lordre de 6 % ; et nous, qui sommes à 1,5 %. Nous navons pas les ressorts, chez nous, de trouver une évolution positive de la croissance suffisamment forte. Il faut donc aller la chercher ailleurs.
Par conséquent, toute politique de développement international est en réalité une politique dinvestissement qui nous permet de bénéficier des fruits de la croissance.
Q - Est-ce que la France elle-même, aujourdhui, respecte ses propres engagements en matière daide au développement ? Lobjectif était de 0,7 % du PIB ; on ny est pas encore, non ?
R - Nous ny sommes pas encore, nous sommes à 0,5 %. Lengagement international qui a été pris est 0,7 % du revenu national brut en 2015 - nous sommes en 2011. En 2010, laide publique au développement en France a augmenté de 8 % et sur les trois années 2011, 2012, 2013, cette aide publique a été sanctuarisée et il ny a pas eu de diminution budgétaire comme pour la plupart des autres ministères. La France tient ses engagements en matière daide publique au développement.
Q - Sur quels sujets pensez-vous que les choses pourraient avancer à loccasion de cette conférence daujourdhui puis du G20 à Cannes les 3 et 4 novembre ?
R - La Conférence daujourdhui prolonge le G20 Développement-Finances qui sest tenu à Washington le 23 septembre dernier où, avec mon collègue François Baroin, nous avons animé la réunion.
Nous avons progressé encore une fois sur le plan de propositions à faire en matière de sécurité alimentaire, en matière délaboration et de financement dinfrastructures au niveau des grandes régions, africaines en particulier, et puis sur la création de nouveaux financements pour répondre aux nouveaux besoins.
Q - La protection sociale universelle ou ce socle, et la transaction, la taxe sur les transactions financières, est-ce que ce ne sont pas des dossiers extrêmement difficiles finalement à faire aboutir ?
R - Cest sûr que ce sont des dossiers difficiles mais ce nest pas parce que cest difficile quil faut ne rien faire. Cest exactement linverse. Je crois que nous avons un rendez-vous historique. Au moment où le monde change, il ne faut pas manquer de sengager résolument dans la voie du développement : cest celle de la paix et de la sécurité pour la planète dans les décennies qui viennent.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2011
R - Je pense que cest la fin de toute cette période, qui permet à la Libye denvisager lavenir dune manière un peu plus souriante. Cela fait quarante-deux ans que ce pays vit sous le joug de ce dictateur fantasque et mégalomane. Je pense aussi, et principalement dailleurs, aux innombrables victimes qui ont jalonné les quatre décennies de ce tyran qui, je le rappelle, est resté quarante-deux ans au pouvoir sans titre et sans élections.
Q - Oui, mais que nous avons tout de même reçu en France en grandes pompes.
R - Vous savez que les relations internationales sont ainsi, que les relations se font dÉtat à État et que, parfois, il faut passer au-dessus dun sentiment personnel pour que les relations internationales puissent quand même sordonner.
Q - Les conditions de la mort du colonel Kadhafi ne sont pas encore bien claires. Est-ce quil a été tué au combat ? Est-ce quil a été abattu à bout portant ? Quel est le rôle des tirs de lOTAN ? Est-ce quil vous paraît important que la lumière soit faite sur la manière dont il a été tué ?
R - La vérité historique est toujours utile, et il me semble quen cette période assez particulière pour la Libye, cest normal que les habitants sachent les conditions exactes dans lesquelles cette opération a pu être menée avec succès hier matin.
Q - Est-ce que sa capture suivie dun procès nauraient pas permis une meilleure transition ?
R - Quand on est dans le feu de lévénement, ce nest pas toujours facile dorganiser les choses dune manière qui peut paraître la plus satisfaisante possible. Je comprends tout à fait quun procès aurait été certainement très utile parce quil aurait dû sexpliquer, ou du moins peut-on lespérer. Sans doute pour des raisons factuelles cela na pas été possible hier. Quand on est dans le feu de laction, quand vous avez un avion avec une bombe, quand vous avez des gens qui tirent, vous avez des balles qui passent et voilà
Q - François Hollande, qui est le candidat socialiste à la présidentielle de 2012, a estimé hier que la France devrait avoir, je le cite, des exigences à légard du nouveau pouvoir libyen en matière de démocratie, de développement et de stabilisation de la région car, dit-il, la Libye, par sa position sur le continent africain et ses ressources, peut avoir un très grand rôle. Est-ce que vous êtes daccord avec lui sur ces exigences que la France doit avoir à légard du CNT ?
R - Je suis daccord sur le rôle que la Libye va jouer ; je suis daccord sur le fait que la Libye démocratique aura un grand rayonnement dans ce secteur géographique et que cela doit entraîner dautres pays vers davantage de liberté et de démocratie.
Mais en revanche, je pense que dexprimer cette idée d«exigences», je crois que cest disproportionné parce que comment peut-on «exiger» dun pays quelque chose ? - Ce nest pas possible.
Il faut respecter le pays, il faut respecter ses institutions qui vont se mettre en place, et respecter ses habitants. Nous navons aucun ordre à donner à qui que ce soit. Je pense donc que ce qua exprimé François Hollande, soit cela dépasse un peu sa pensée, soit alors cela veut dire quil est encore dans une conception des relations entre les pays du Nord et ceux du Sud de dominant-dominé. Cest une conception qui aujourdhui est totalement dépassée puisque nos relations sont basées sur le respect mutuel. Pas dingérence mais pas dindifférence.
Q - Pas dingérence : la France a tout de même eu une action déterminante dans le renversement du régime du colonel Kadhafi. Cela ne la met pas en position davoir des exigences en effet en matière de démocratie, par exemple ?
R - Non.
Q - Non ?
R - Nous navons pas dexigences. La France agit, cest une constante de la politique qui est menée par le président de la République et le gouvernement dans le cadre de la communauté internationale. Je rappelle quen Libye comme dans dautres pays ces derniers mois, cest la communauté internationale qui sest prononcée, qui a pris des délibérations et nous avons participé, cest vrai, à lapplication des décisions de la communauté internationale, mais jamais à titre individuel.
Q - La mort de Kadhafi va-t-elle accélérer la coopération économique entre la France et la Libye ?
R - En tout cas ce qui est clair, cest que la mort de Kadhafi cest la fin du changement institutionnel, donc un nouveau départ pour la Libye.
Et vous savez que les patrons français, les représentants économiques français se sont déjà rendus sur place la semaine dernière avec mon collègue Pierre Lellouche et naturellement, de nouveaux marchés vont souvrir. Il y a toute la reconstruction de la Libye à faire et je pense que les entreprises françaises seront bien placées pour répondre aux appels doffres qui seront lancés dans ce pays.
Q - Vous navez pas de doutes sur lavenir démocratique de la Libye ?
R - Vous savez, la démocratie cest un combat qui nest jamais définitivement gagné. Cest valable dans tous les pays, les jeunes démocraties comme les vieilles démocraties. Il y a toujours des démons qui rongent les opinions publiques, et cest donc un combat permanent.
Je me réjouis donc que la Libye accède à la démocratie. Mais, maintenant, cest à elle de la construire, de la faire vivre, en respectant la liberté et la diversité des opinions et des sensibilités.
Q - On va parler, Henri de Raincourt, dun autre sujet qui vous tient à cur puisquà quelques jours du G20 de Cannes qui sera le point dorgue de la Présidence française, vous organisez aujourdhui à Paris la Conférence du G20 développement : des solutions pour un nouveau monde. À quoi faut-il sattendre ? Y aura-t-il des engagements clairs, chiffrés ou est-ce que ce sera plutôt de belles déclarations dintention ?
R - Le président de la République française qui préside, comme lon sait, cette année, le G8 et le G20, veut que cette année soit marquée par des décisions concrètes et cest la raison pour laquelle un nombre de thèmes relativement restreints a été retenu de façon à ce que cela débouche.
Nous avons des grands sujets - la sécurité alimentaire avec tout ce qui relève de la partie agricole, qui est très importante.
Nous avons les infrastructures - laccès à leau, lélectricité, les routes, les voies ferrées, etc.
Nous avons un sujet sur un minimum de protection sociale quil faut mettre en place dans lensemble des pays.
Et puis : comment faire face aux besoins nouveaux qui se font jour - par exemple le changement climatique, par exemple lévolution démographique du continent africain - et donc la nécessité pour répondre à ces besoins nouveaux de trouver des financements nouveaux. Cest la proposition dinstauration dune taxe sur les transactions financières à léchelon international.
Q - Dans la situation de crise économique que traverse le monde, notamment lEurope aujourdhui, mais les États-Unis aussi, les pays développés ont-ils encore les moyens dêtre généreux ?
R - Je pense même que cest linverse parce que, si on regarde bien, il y a trois catégories de pays. Les pays émergents, comme la Chine ou le Brésil, qui ont un taux de croissance très important ; des pays du continent africain qui ont un taux de croissance de lordre de 6 % ; et nous, qui sommes à 1,5 %. Nous navons pas les ressorts, chez nous, de trouver une évolution positive de la croissance suffisamment forte. Il faut donc aller la chercher ailleurs.
Par conséquent, toute politique de développement international est en réalité une politique dinvestissement qui nous permet de bénéficier des fruits de la croissance.
Q - Est-ce que la France elle-même, aujourdhui, respecte ses propres engagements en matière daide au développement ? Lobjectif était de 0,7 % du PIB ; on ny est pas encore, non ?
R - Nous ny sommes pas encore, nous sommes à 0,5 %. Lengagement international qui a été pris est 0,7 % du revenu national brut en 2015 - nous sommes en 2011. En 2010, laide publique au développement en France a augmenté de 8 % et sur les trois années 2011, 2012, 2013, cette aide publique a été sanctuarisée et il ny a pas eu de diminution budgétaire comme pour la plupart des autres ministères. La France tient ses engagements en matière daide publique au développement.
Q - Sur quels sujets pensez-vous que les choses pourraient avancer à loccasion de cette conférence daujourdhui puis du G20 à Cannes les 3 et 4 novembre ?
R - La Conférence daujourdhui prolonge le G20 Développement-Finances qui sest tenu à Washington le 23 septembre dernier où, avec mon collègue François Baroin, nous avons animé la réunion.
Nous avons progressé encore une fois sur le plan de propositions à faire en matière de sécurité alimentaire, en matière délaboration et de financement dinfrastructures au niveau des grandes régions, africaines en particulier, et puis sur la création de nouveaux financements pour répondre aux nouveaux besoins.
Q - La protection sociale universelle ou ce socle, et la transaction, la taxe sur les transactions financières, est-ce que ce ne sont pas des dossiers extrêmement difficiles finalement à faire aboutir ?
R - Cest sûr que ce sont des dossiers difficiles mais ce nest pas parce que cest difficile quil faut ne rien faire. Cest exactement linverse. Je crois que nous avons un rendez-vous historique. Au moment où le monde change, il ne faut pas manquer de sengager résolument dans la voie du développement : cest celle de la paix et de la sécurité pour la planète dans les décennies qui viennent.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 novembre 2011