Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à RTL le 26 octobre 2011, sur la probable victoire du parti islamiste Ennahda aux élections en Tunisie, le sommet de la zone euro, l'affaire dite des fadettes et la corruption au sein de la police.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

ALBA VENTURA Bonjour Claude GUEANT.
 
CLAUDE GUEANT Bonjour Alba VENTURA.
 
ALBA VENTURA On attend encore les résultats définitifs en Tunisie, mais ils se confirment que le parti islamiste Ennahda est en tête, et il va devenir la première force politique du pays, quatre tunisiens sur dix ont voté pour ce parti islamiste ; ça vous inquiète ?
 
CLAUDE GUEANT Je crois que…
 
ALBA VENTURA Tunisiens de France, pardon…
 
CLAUDE GUEANT Oui, je crois que de toute façon, il ne faut en aucun cas regretter l’appui que nous avons apporté à la révolution de Jasmin en Tunisie, de la même façon qu’il ne faut en aucun cas regretter l’action que nous avons conduite aux côtés des Libyens pour chasser la dictature du colonel KADHAFI. La France est résolument contre les dictatures, elle est auprès des peuples qui veulent se libérer, elle est favorable à l’installation de la démocratie dans tous les pays qui en sont actuellement dépourvus. Alors, ensuite, il faut faire confiance à la responsabilité de ces pays, j’observe qu’en Tunisie, Ennahda, effectivement, apparaît être le vainqueur de ces élections, en ce sens qu’il est celui qui rallie le plus de suffrages, mais force est de reconnaître que, Ennahda ne pourra pas gouverner seul de toute façon, donc il y aura une coalition…
 
ALBA VENTURA Non, mais il y a une vraie poussée islamiste…
 
CLAUDE GUEANT Il y a une poussée, mais ce qui est important, c’est ensuite la politique qui sera mise en oeuvre. Par ailleurs, l’islamisme correspond à beaucoup de définitions, Ennahda, souvent, déclare son ouverture au monde moderne, son peu de rigorisme, j’observe également, j’en parlais hier avec des ambassadeurs de pays musulmans, que beaucoup de pays ont une référence à l’islam dans leur Constitution, mais néanmoins, appliquent des lois de caractère laïc, donc faisons confiance, faisons confiance à la très belle jeunesse tunisienne qui, d’après ce que je vois dans la presse, ne cesse de rappeler son attachement à la liberté et à l’égalité entre les hommes et les femmes, faisons confiance. Mais soyons aussi vigilants. Je crois qu’il faut que la France, dans la mesure où, avec d’autres, appuie les développements de ces pays, soit très attentive à ce qu’il n’y ait pas de dérives qui seraient condamnables au regard des Droits de l’Homme.
 
ALBA VENTURA Confiance, mais vigilance sur la Tunisie. Ce soir, Claude GUEANT, se joue un sommet crucial à Bruxelles, le deuxième en quatre jours, l’objectif est de sauver la zone euro. Hier, au petit-déjeuner de la majorité, Nicolas SARKOZY a dit ceci : jamais l’Europe n’a été aussi proche de l’explosion. On en est là, Claude GUEANT ?
 
CLAUDE GUEANT C’est vrai que ce sommet ce soir est un sommet absolument crucial, s’il ne réussissait pas, ce serait extrêmement grave pour l’Europe.
 
ALBA VENTURA C’est historique même ?
 
CLAUDE GUEANT Je crois que c’est tout à fait historique, nous sommes effectivement à la croisée des chemins, l’Europe est sous l’observation, sous le regard des marchés, sous le regard du monde entier, puisque le développement du continent européen conditionne, pour une large part, le développement du reste du monde, sur le plan économique, et il faut absolument réussir ce soir.
 
ALBA VENTURA Mais on est proche du chaos, du gouffre ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien écoutez, si on ne réussit pas, c’est grave, mais pourquoi n’avoir pas confiance en un succès, en tout cas, il est certain que les principaux responsables, aux premiers rangs desquels le président de la République française, vont se battre avec toute leur force de conviction, avec toute leur imagination pour trouver des solutions, ce que j’observe quand même, c’est que déjà, il y a un certain nombre de solutions de principe qui ont été trouvées, par exemple, dès dimanche, les dix-sept de l’Eurogroupe se sont mis d’accord sur la recapitalisation des banques en Europe, c’est déjà un point qui est important.
 
ALBA VENTURA Alors, demain soir justement, le président va expliquer tout cela à la télé sur TF1 et sur FRANCE 2, il a raison de dramatiser la situation, Nicolas SARKOZY ?
 
CLAUDE GUEANT Ecoutez, je ne sais pas pourquoi vous dites « dramatiser », parce que voici des mois…
 
ALBA VENTURA Au bord de l’explosion…
 
CLAUDE GUEANT Non, mais, voici des mois que toute…
 
ALBA VENTURA Ça fait un peu peur, non ? Et c’est grave…
 
CLAUDE GUEANT Voici des mois que toute la presse et beaucoup de responsables politiques appellent le président de la République à s’exprimer pour expliquer la crise. Donc je crois que, aujourd’hui, tout le monde devrait être satisfait. Mais de toute façon, c’est normal que dans des circonstances comme celles-là, le président de la République s’exprime pour expliquer aux français les acquis d’une négociation qui est cruciale, je le répète, pour l’Europe.
 
ALBA VENTURA Alors la campagne présidentielle n’est jamais très loin, malgré cette crise, hier soir, vous avez participé à un comité stratégique à l’Elysée, autour du président, il y avait François FILLON, Alain JUPPE, Jean-Pierre RAFFARIN, vous préparez la campagne sur le thème de la crise ?
 
CLAUDE GUEANT Non, le comité stratégique se consacre davantage à des questions d’actualité proche, et hier soir, pour vous faire une révélation, il a été beaucoup question du sommet de ce soir et de l’intervention à venir du président de la République. Mais ce qui semble…
 
ALBA VENTURA Mais Nicolas SARKOZY est en campagne, vous le confirmez ?
 
CLAUDE GUEANT Non, Nicolas SARKOZY est complètement concentré sur ses fonctions de président de la République, il est vraiment…, c’est très frappant, enfin, nous l’observions tous hier soir, son problème, c’est effectivement répondre aux difficultés que la France a à affronter. Et en l’espèce, elles passent par l’intermédiaire de l’Europe, et c’est ça son travail. Alors, bon, il sera candidat, je n’en doute pas un instant, mais ce n’est pas le moment, le moment n’est pas venu, chaque chose en son temps.
 
ALBA VENTURA Parlons de la police maintenant, Claude GUEANT, dans l’affaire dite des fadettes, ces affaires de surveillance téléphonique, liées au dossier BETTENCOURT, Bernard SQUARCINI, le patron du renseignement intérieur, a été mis en examen, vendredi, on saura si le chef de la police nationale, Frédéric PECHENARD, subit ou pas le même sort, s’il est mis en examen, Frédéric PECHENARD, est-ce qu’il sera suspendu ?
 
CLAUDE GUEANT Mais j’aurais la même réponse à l’égard de Frédéric PECHENARD que celle que j’apportais à propos de Bernard SQUARCINI, Bernard SQUARCINI a été mis en examen, bon. Une mise en examen ne signifie pas une culpabilité. Et d’ailleurs, beaucoup d’experts estiment que les chefs de mise en examen sont fragiles, en effet, des décisions de la Cour de cassation, de Cour d’appel ont déjà indiqué que des technologies voisines de celles des fadettes voisines, parce qu’elles n’existaient pas il y a quelques années, ne correspondaient pas du tout à des viols de correspondance. Mais voilà quelqu’un qui est mis en examen, il n’est pas coupable, il est présumé innocent, il est à la tête d’un service qui est essentiel à la sécurité des Français, il est un très bon chef de service, le juge d’instruction, les juges d’instruction, puisqu’ils sont deux, n’ont pas mis de conditions à l’exercice de ses fonctions, donc il peut continuer l’exercice de ses fonctions.
 
ALBA VENTURA Il y a une série d’affaires qui ont émaillé l’actualité, Michel NEYRET à Lyon, une affaire de corruption, Jean-Christophe LAGARDE, à Lille, c’est l’affaire du Carlton, de proxénétisme, un enquêteur du SRPJ de Marseille aussi qui a été écroué pour avoir informé le milieu ; ça ne sent pas bon dans la police, toutes ces affaires.
 
CLAUDE GUEANT Ce sont effectivement des faits qui sont extrêmement regrettables, qui sont tout à fait anormaux, et qui…
 
ALBA VENTURA Ça vous affaiblit ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien, je ne sais pas si ça m’affaiblit, le problème, ce n’est pas ça, le problème, c’est de faire en sorte que la police fonctionne bien. Bon, là, j’ai tiré les conséquences, bien sûr, de ces errements, il y a eu plusieurs mises en examen à Lyon, il y a eu une mise en examen à Lille, cela ne révèle pas un malaise de caractère général, cela est anormal, cela crée un peu de perturbations dans les services qui sont directement impactés, bon, ce n’est pas la peine de se cacher que le service de police judiciaire de Lyon est déstabilisé. Mais nous sommes en train de le reconstruire, et puis, l’ensemble de la police continue à travailler, comme par devant, d’arrache-pied, avec beaucoup de dévouement, et les résultats sont là d’ailleurs pour le prouver.
 
ALBA VENTURA Claude GUEANT, si l’on en croit LE FIGARO, vous avez rencontré Rachida DATI lundi soir pour lui proposer une autre circonscription à Paris, que celle que vise le Premier ministre, c’est vrai ?
 
CLAUDE GUEANT J’ai vu effectivement cette information dans LE FIGARO ce matin, il est exact que j’ai rencontré Rachida DATI et Jean-François COPE, cela étant, ce n’est pas moi qui ai fait la proposition, la proposition m’a été faite à moi, ce qui est tout à fait différent…
 
ALBA VENTURA On peut laisser un membre de la majorité s’en prendre au Premier ministre comme l’a fait Rachida DATI ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien écoutez, chacun est libre, cela étant, si vous voulez mon sentiment, je trouve que ce type de discussion est tout à fait hors du temps, nous avons des problèmes sérieux à affronter, occupons-nous des problèmes sérieux, les législatives viendront, il y a des procédures, des commissions d’investiture, laissons les règles jouer.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 8 novembre 2011