Texte intégral
- M. Henri de Raincourt -
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je veux tout dabord remercier lensemble de ceux qui ont accepté de venir ce soir échanger avec nous sur un volet extrêmement important - quoique ce ne soit pas forcément le plus médiatique - de la politique de notre pays : laide publique au développement.
Je remercie plus précisément les commissions qui traitent de ces questions et les rapporteurs pour leur intérêt et leur assiduité ; ils nous accompagnent tout au long de lannée et nous font des propositions. Plus généralement, nos relations sont marquées par une grande confiance et une grande transparence.
Je suis donc désolé dentendre des parlementaires dire - mais, sils le disent, cest quils le ressentent - que le gouvernement chercherait à ne pas donner lensemble des informations que la représentation parlementaire est en droit de demander sur tel ou tel aspect de cette politique.
Pour ma part, jai au contraire le sentiment que, depuis quelques mois, depuis quelques années, des efforts ont été fournis pour que le Parlement soit associé le plus étroitement possible à la politique du développement.
Jen veux pour preuve lélaboration du document-cadre et la mission dévaluation confiée à Mme Martinez.
Je ne reviens pas sur le retard avec lequel le document de politique transversale vous a été transmis et sur les excuses qui vous ont été présentées.
Je tiens simplement à vous dire - mais cela nest pas de nature à vous mettre du baume au cur - que, lors de mon audition par la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, javais dit que les éléments seraient transmis le vendredi. Ils lont été le jour dit ; partageons donc ensemble ces petites satisfactions.
Je veux simplement revenir sur quelques points, mon ami Pierre Lellouche ayant déjà traité de très nombreux sujets.
Je nai pas grand-chose à ajouter à propos de la trajectoire de laide publique au développement. Elle se déroule très exactement comme cela a été prévu et annoncé lannée dernière dans les documents auxquels vous faites référence et que vous aviez reçus avec retard. Dans son rapport, M. Emmanuelli a fait état de ces chiffres. Laide publique au développement sétablit, à ce stade, à 0,46 % ; nous la ferons remonter lannée prochaine à 0,50 %. La France tient à préserver et à maintenir lengagement que, il faut le souligner, elle a pris avant les crises auxquelles elle doit faire face depuis plusieurs années. Quelle parvienne à cet objectif un an plus tôt ou un an plus tard, elle ne renonce pas à consacrer 0,7 % de son revenu national brut à laide publique au développement. Je souhaite que cet engagement très fort de lÉtat soit commun à tous les bancs. Quels que soient les gouvernements qui se succèdent à la tête de notre pays, ils partagent cette même ambition : nous le devons aux pays les plus pauvres.
Jaborderai maintenant les grandes masses du programme 209. Je signale que 60 % des 10 milliards deuros de lAPD correspondent à de laide bilatérale. Nous nous employons à augmenter cette proportion, comme le Parlement nous la demandé à plusieurs reprises. Nous entendons parvenir à 65 % à la fin du triennum budgétaire sur lequel tout notre engagement est calé, cest-à-dire la période 2011, 2012 et 2013. Plusieurs dentre vous lont noté - ce dont je les remercie -, le gouvernement français est au rendez-vous pour ces trois années : le niveau budgétaire est maintenu et le coup de rabot nest pas passé.
Je ne suis peut-être pas très doué, monsieur Loncle, mais je suis franc : jusquà maintenant, le coup de rabot nest pas passé. Nous allons nous battre tous ensemble pour essayer de faire en sorte que le deuxième coup de rabot épargne le programme 209. Nous pouvons conjuguer nos efforts pour quil en soit ainsi.
Par ailleurs, la contribution que nous apportons au Fonds européen de développement, le FED, a diminué de 26 millions deuros. Nous avons obtenu lautorisation de conserver ces 26 millions deuros pour faire face aux dépenses liées à laide publique au développement, qui, ainsi, a été en quelque sorte sanctuarisée.
Je viens de parler du FED, qui représente 800 millions deuros. Jévoquerai maintenant plus particulièrement le Fonds mondial de lutte contre le sida et la santé pour tenter de répondre à la question posée une fois encore sur ce sujet par Mme Bousquet.
Madame la Députée, à la suite des engagements de Muskoka qui visaient à consacrer 500 millions deuros supplémentaires pendant la période 2011-2015 à la santé des mères et des enfants, la France a demandé au Fonds mondial didentifier les programmes et les projets qui concernent plus spécifiquement la population vulnérable que constituent les jeunes filles et les jeunes mères.
Ainsi, 46 % des programmes du Fonds mondial leur sont consacrés. Dans le cadre des engagements pris par le président de la République, un fonds de solidarité prioritaire a été mis en uvre avec les quatre principales agences des Nations unies impliquées dans les questions de santé des femmes et des enfants - lOMS, lUNICEF, lONU Femmes et le Fonds des Nations unies pour la population. Ce sont 19 millions deuros qui, pendant cinq ans, seront consacrés à la mise en uvre des programmes destinés en priorité à ce que lon appelle la santé reproductive, qui comprend la planification familiale et la protection contre les infections sexuellement transmissibles, notamment le sida. Les jeunes filles constituent à lévidence le groupe le plus exposé et le plus vulnérable.
Au mois de février dernier, je suis allé à Ouagadougou annoncer que cette enveloppe de 100 millions deuros serait consacrée en priorité à cette action et bénéficierait principalement aux pays de lAfrique de lOuest francophones.
En outre, au travers dUNITAID, la France promeut laccessibilité des moyens contraceptifs pour ces populations vulnérables.
Cela a été dit et les chiffres le prouvent, 60 % de notre aide publique au développement sont réservés à lAfrique subsaharienne et 50 % de nos subventions sont fléchées vers les quatorze pays les plus fragiles. Jai entendu des commentaires qui mettaient en doute lexactitude ou lefficacité de ce fait. Cest pourtant la réalité.
La concentration géographique est très importante : 60 % de lAPD va à lAfrique subsaharienne, 20 % aux pays de la Méditerranée, 10 % aux pays émergents et 10 % aux pays en sortie de crise. Certains font hélas partie de la catégorie «pays en sortie de crise» depuis longtemps. Je pense par exemple à la Palestine et à lAfghanistan, où notre contribution est de lordre de 35 millions deuros par an. Au moment où notre présence militaire samenuise pour tendre vers zéro dici à 2014, on nous demande daugmenter dautant notre appui en matière civile. Nous travaillons sur cette question.
Je ne reviendrai pas sur le débat déjà ancien et bien légitime sur les prêts consentis à des pays émergents. Pierre Lellouche la fort bien évoqué. Nous considérons que ce qui est fait est positif pour la France, pour sa politique de rayonnement et dinfluence, mais on peut avoir une opinion contraire et nous pouvons en discuter. Le gouvernement français considère que, au-delà des prêts, les discussions avec la Chine et le Brésil offrent des occasions déchanges sur des grandes problématiques planétaires. Cela nous permet de cheminer avec eux et de les convaincre que laide publique au développement ne concerne pas seulement les pays dits riches, mais aussi les pays émergents. Nous sommes tous sur le même bateau et nous avons tous la volonté de favoriser le développement des pays qui en ont le plus besoin pour des raisons évidentes liées à la démographie. Ainsi, lAfrique connaît aujourdhui des taux de croissance de lordre de 5 à 6 %. Nous avons tous intérêt à ce quun développement endogène saccentue en Afrique, car la population doit y augmenter dans des proportions considérables. Si nous ne sommes pas capables de faire en sorte que des progrès substantiels soient accomplis en matière de croissance, demploi et de développement, nous irons au-devant de déconvenues et le réveil sera particulièrement douloureux.
En la matière, il est très important que nous partagions les mêmes objectifs avec les pays émergents. Le G20 peut permettre de discuter de ces questions, comme cela a été le cas cette année.
La France a voulu participer au mouvement du monde que représentent les printemps arabes. La France veut aussi être plus présente encore lorsque des transitions démocratiques positives sopèrent en Afrique.
Au sujet des printemps arabes, nous avons évoqué le Partenariat de Deauville, qui représente 80 milliards de dollars pour la Tunisie, lÉgypte, le Maroc et la Jordanie. La France doit y contribuer à hauteur de 2,7 milliards deuros dici à 2013, sous forme de prêts consentis par lAgence française de développement.
En ce qui concerne les transitions démocratiques africaines, nous avons engagé des efforts substantiels avec la Guinée Conakry, tout dernièrement avec le Niger et dans des proportions très importantes avec la Côte dIvoire. Ainsi, 3,5 milliards deuros sont mobilisés pour la Côte dIvoire : 2 milliards deuros au titre dun contrat de désendettement et de développement, 1 milliard deuros au titre dannulation de dettes et 400 millions deuros au titre dun engagement exceptionnel. De la sorte, la Côte dIvoire reprendra sa marche en avant.
Jévoquerai maintenant le G20. Le G20 Développement est un élément très important du G20 global, non seulement parce quil sest réuni pour la première fois, mais aussi parce quil a obtenu des résultats conformes à ses attentes.
À la suite du Sommet de Séoul, la France avait considéré souhaitable de retenir pour sa présidence quelques-uns des sujets abordés en matière de développement : la sécurité alimentaire, les infrastructures, le socle de protection sociale et les financements innovants.
Je ne reviens pas sur la sécurité alimentaire, bien des choses ayant déjà été dites. Pour les infrastructures, nous voulions - et cest exactement ce qui a été acté par les chefs dÉtat et de gouvernement - que soit publiée une liste de onze projets régionaux sensibles, dont cinq en Afrique, témoignant des progrès accomplis en matière dinfrastructures.
En matière de normes sociales, les pays adhérents de lOrganisation internationale du travail, lOIT, doivent respecter ses règles de base. Cest le moins que lon puisse faire.
Il a beaucoup été question aussi des financements innovants. Des doutes se sont exprimés à cet égard, et je voudrais vous faire part de mon sentiment. Il est vrai que nous partons de loin. Nous en parlons depuis longtemps et la taxe Tobin a été imaginée il y a déjà des années. Les pères sont nombreux à se pencher sur les fonds baptismaux. Mais là nest pas le problème et nous ne cherchons à en tirer aucune gloriole.
La seule chose qui nous préoccupe est que laide publique au développement à léchelon mondial représente 129 milliards deuros par an et quil nous faut en trouver 100 de plus, hors nécessités liées au changement climatique. Or, pour des raisons budgétaires évidentes, nous ne pourrons les trouver quavec des financements innovants. Ceux-ci existent et sont efficaces. Nous avons cité notamment les taxes sur les avions. Il existe également la taxe sur les transactions financières qui est également efficace. Dailleurs des pays lont déjà instaurée. Le président de la République avait confié à M. Bill Gates le soin de présenter un rapport au G20.
On peut considérer le verre à moitié vide ou à moitié plein. Moi, je le considère plus quà moitié plein : cest la première fois que lon voit figurer dans le communiqué officiel dun sommet de chefs dÉtats, en toutes lettres, la taxe sur les transactions financières. Cest quelque chose de très important. Il reste à voir les modalités, par qui elle sera gérée et comment elle sera affectée, et nous aurons pour cela de grands débats.
Il ne faut pas trop sourire de ces questions, car lenjeu est essentiel pour toute politique de développement pour les décennies qui viennent.
Nous serions donc bien inspirés de conjuguer nos efforts pour que la plus grande part du produit de cette taxe soit effectivement affectée à la politique du développement.
Nous sommes déterminés à la lancer lannée prochaine au sein dun groupe pionnier. Nous savons pertinemment que tout le monde ne sera pas au rendez-vous, mais nous savons aussi que le mouvement se prouve en marchant. Sans doute sera-t-il en outre difficile aux gouvernements qui ne laccepteraient pas dexpliquer à leurs opinions publiques quils ne peuvent pas financer davantage laide publique au développement, voire quils doivent la réduire, et que, dans le même temps, un des secteurs qui a le plus profité de la mondialisation est exonéré de contribuer financièrement à cette politique. Le vent souffle donc dans le bon sens et notre détermination est extrêmement forte.
Cest notamment pourquoi je ne partage guère la vision pessimiste qua François Loncle de la façon dont la politique de la France est perçue en Afrique. Certes, mon expérience est moindre que la sienne, mais au fil de mes déplacements, je maperçois quil y a une grande demande de France, non seulement dans lAfrique francophone, mais bien au-delà. Cest extrêmement rassurant et encourageant.
Je crois que cela signifie que, contrairement à ce que jai entendu tout à lheure, la politique africaine que la France conduit aujourdhui et dont les grandes lignes ont au fond été déterminées par le discours du président de la République au Cap en février 2008 ne correspond plus à limage que lon continue encore à véhiculer ici ou là.
Grand discours, tant mieux, parce que lAfrique le mérite !
Pas dingérence, les discussions doivent être menées avec un grand respect, dans un rapport dégal à égal. Cest exactement ce qui se fait, y compris dans les discussions sur les accords de défense actuellement en cours entre le gouvernement français et un certain nombre de pays.
Nous considérons que la voix de lAfrique est de plus en plus forte et quelle le sera à lavenir. En raison même des chiffres que jai donnés en matière démographique mais aussi de croissance, elle est déjà respectée. Jean Ping, président de la Commission de lUnion africaine nous le dit souvent, elle veut régler elle-même ses problèmes.
Nous sommes pleinement daccord pour que les organisations régionales soient les plus fortes possible. Si les Africains ont besoin de nous, nous sommes là, au nom de lhistoire, de la culture et de lamitié.
- M. Pierre Lellouche -
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Jai lhonneur de vous présenter ce soir, avec mon collègue Henri de Raincourt, le budget de la mission «Aide publique au développement», et plus particulièrement, sagissant du ministère dont jai la responsabilité, celui du programme 110 «Aide économique et financière au développement».
Je sais, surtout aujourdhui, quelle est la valeur de leffort budgétaire que nous sollicitons auprès de vous. Je sais le prix de chaque euro public, à lheure où la France doit passer au crible lensemble de ses dépenses pour économiser et pour équilibrer ses finances publiques à lhorizon 2016, comme la expliqué le Premier ministre aujourdhui même.
Je sais aussi combien vous êtes conscients de limportance de la politique daide publique au développement et combien vous êtes attentifs à ses évolutions et à ses résultats. À lheure des grands choix budgétaires, lefficacité de nos politiques nest plus un luxe mais une exigence. Vos débats en commission le prouvent, comme la qualité de vos rapports, que jai lus avec attention.
Je voudrais vous répondre en vous faisant part de mon analyse sur laction de la France en faveur de laide au développement.
Dabord, je vous indiquerai combien notre action en faveur du développement est significative, malgré la crise et malgré lindispensable consolidation de nos finances publiques.
Ensuite, à lheure où les écarts de richesse et de puissance ne cessent de se creuser parmi les pays en développement, jinsisterai sur la façon dont nous abordons la question de la différenciation de notre aide en fonction des différents pays bénéficiaires. Je sais quelle vous préoccupe tout particulièrement depuis quelques années.
Dans un troisième temps, je soulignerai les efforts de cohérence et de transparence que nous avons engagés cette année - même sils sont incomplets - pour justifier limportance des crédits mobilisés et en accroître lefficacité.
Enfin, je vous informerai des actions concrètes que ces crédits nous ont permis de lancer en 2011, notamment dans le cadre du G8 de Deauville puis du G20, la semaine dernière à Cannes.
En premier lieu, Mesdames et Messieurs les Députés, nous devons être collectivement fiers de leffort financier de la France en faveur de laide au développement. Malgré la crise, les crédits ont non seulement été maintenus, mais ils ont continué leur progression régulière depuis 2005, conformément à nos engagements. Notre pays est ainsi, en 2010, le troisième bailleur mondial, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni.
Pour la première fois de notre histoire, notre aide publique au développement a dépassé le seuil des 10 milliards deuros, pour atteindre 10,85 milliards deuros. Nous avons atteint le pourcentage de 0,5 % du revenu national brut, en ligne avec nos prévisions et nos engagements européens.
Cette croissance de notre APD porte exclusivement sur laide bilatérale, qui a augmenté de près de 840 millions deuros en 2010 par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de lAgence française de développement et à nos dons bilatéraux. Un rééquilibrage simposait, il était souhaité par cette assemblée et il a été réalisé. Jean-Louis Christ la évoqué tout à lheure, faisant référence à lexcellent rapport de Jean-Paul Bacquet et Nicole Ameline.
Pour 2011, notre APD devrait être très proche du niveau prévu par le document de politique transversale de lannée dernière, avec une part dAPD représentant 0,46 % du revenu national brut, en légère baisse en raison du report à 2012, compte tenu de la situation politique dans ce pays, de prêts dajustement structurel au profit du Liban.
Mais, dès 2012, nous devrions atteindre de nouveau un ratio dAPD de 0,5 % du revenu national brut. Nous sommes les seuls, avec le Royaume-Uni, au sein du G7 à atteindre un tel niveau.
Lannulation de la dette de la Côte dIvoire, tant attendue par nos partenaires, devrait avoir lieu en 2012, redonnant des marges de manuvre significatives à notre coopération dans ce pays prioritaire. Au passage et malgré toute lamitié que je lui porte, je dirai à François Loncle que ceux qui ont reconnu des élections truquées, ce nest pas nous, mais lInternationale socialiste et son président qui vient de démissionner.
En quoi une annulation de dette contribue-t-elle au développement ? Demandiez-vous, Monsieur Asensi. Demandez-le donc au gouvernement ivoirien, il va vous expliquer : cest une charge financière extrêmement lourde qui lui est ainsi retirée. Cest du vrai argent, permettez-moi de vous le dire, de largent apporté par le contribuable français et auquel nous renonçons.
Notre effort dAPD en 2012 est fondé sur des bases solides, puisque les crédits budgétaires de la mission APD sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards deuros par an, soit 10 milliards deuros au total sur le triennum budgétaire. Sagissant du programme 110 «Aide économique et financière au développement», les crédits de paiement resteront ainsi à leur niveau de lan passé ; seules les autorisations dengagement varieront en fonction des reconstitutions triennales des fonds multilatéraux.
Je remercie tous les orateurs qui ont bien voulu le reconnaître, à commencer par M. Emmanuelli, mais aussi M. Hunault, Mme Bourragué, M. Christ et dautres.
Venons-en à lefficacité de ces fonds. Il en va en matière dAPD comme en matière commerciale : il faut cesser la naïveté. À cet égard, Monsieur Janquin et Monsieur Asensi, je vais vous dire ma façon de voir les choses. Il ne sagit pas dêtre moins généreux, vous laurez compris, ce nest pas notre philosophie ; il sagit dadapter notre générosité à la réalité du monde qui nous entoure. En ce début du XXIème siècle où la puissance est en train de basculer, personne ne comprendrait que nous, Français, continuions à accorder les mêmes libéralités, quil sagisse de préférences tarifaires ou de financements daide publique au développement, à des économies émergentes en forte croissance comme le Brésil ou la Chine, et à des pays pauvres comme Haïti, le Burkina Faso et le Bangladesh.
Cest sous limpulsion de la France que le chantier de la révision des critères daccès au système des préférences généralisées a enfin été lancé au niveau européen. Notre politique européenne de préférences commerciales doit être un vecteur de réduction des inégalités et dinsertion de ces pays dans le commerce, pas un outil pour subventionner des importations turques, chinoises ou brésiliennes.
Nous navons pas attendu pour remettre de lordre et de léquité dans notre aide publique bilatérale au développement. Plusieurs orateurs ont évoqué la question que jai moi-même soulevée dès lannée dernière au sein de mon ministère : laide publique au développement à la Chine - le banquier de la planète qui détient notamment des créances à légard de lEurope - pose problème. Nous sommes en train de le régler.
Désormais, les nouveaux prêts dAPD que nous faisons à la Chine à travers lAgence française de développement ne coûteront plus un centime au contribuable français. Ce que lon appelle le «coût État», cest-à-dire leffort budgétaire consenti par lÉtat, sera concentré dans les pays prioritaires dAfrique subsaharienne. Au dernier orateur, jindique que la part de leffort financier de lÉtat consacrée aux grands pays émergents a été limitée à 7 % en 2010, alors que le nouveau contrat dobjectifs et de moyens liant lÉtat à lAFD pour 2011-2013 prévoit un plafond de 10 %.
Ce recentrage de notre aide est dicté par le bon sens et je suis convaincu, à titre personnel, quil mérite dêtre poursuivi ; je suis heureux de voir quil recueille lassentiment des députés sur tous les bancs. Générosité ne peut pas dire naïveté. De même, à lheure de la rigueur budgétaire et des déficits commerciaux record, on ne peut plus se permettre de faire de laide publique au développement sans penser commerce extérieur ; je minscris en faux, sur ce point, contre certains orateurs, dont M. Asensi.
La France est pratiquement la championne du monde du déliement de son aide, cest-à-dire des aides accordées sans contrepartie directe pour ses entreprises. Notre aide bilatérale est déliée à 87 % depuis 2006, contre 75 % pour lAllemagne, 71 % pour lEspagne, 69 % pour les États-Unis et seulement 63 % pour lItalie. Voilà, Monsieur Janquin, quels sont les chiffres : ils sont exactement à lopposé de la réalité que vous prétendiez dénoncer tout à lheure.
Je ne me résous pas à ce que la France soit plus vertueuse que les autres et ne retire pour seule récompense de sa bonne conduite que la satisfaction morale daider les pays pauvres, alors que dautres le font sans sacrifier leurs atouts commerciaux.
Jai donc demandé à lInspection générale des Finances de me rendre, pour le courant du mois de février prochain, un rapport, dont je ne manquerai pas de partager avec vous les conclusions, sur ce sujet : que peut-on dire aujourdhui des retombées de laide française pour lemploi en France ? Quelles pistes pour augmenter ces retombées dans le respect de nos engagements internationaux ? Ce sont des questions parfaitement licites, normales, que nous devons nous poser à lheure où nous économisons chacun de nos euros.
Nous nous posons les mêmes à propos de nos financements daide liée. La France fait beaucoup détudes en amont, dans le cadre du Fonds détudes et daide au secteur privé, le FASEP, mais ces financements nont de sens que sils servent de tremplin à nos entreprises pour remporter des grands contrats déquipement ; il ny a aucune honte à cela, et ce nest pas là servir les multinationales, cest servir lemploi en France. La France mérite mieux que de devenir un simple guichet daide ou un grand bureau détudes gratuit pour des firmes étrangères. Sur cette question aussi, nous sommes mobilisés. Ce nest peut-être pas le cur de notre sujet, mais cela vous montre la cohérence de ce que doit être une politique daide au développement, avec les crédits FASEP, et une politique de commerce extérieure, à lheure où nous avons besoin de rétablir léquilibre de nos comptes.
On ne peut plus, aujourdhui, prétendre avoir tout et le contraire de tout. Quand on sappelle la Chine, quon a une croissance de 10 % par an, une part dominante dans le commerce international, des réserves de change de 3 200 milliards de dollars, un nouveau statut de bailleur de fonds en Afrique et de créancier en Europe, on ne peut plus demander à bénéficier de prêts, voire de dons, des pays occidentaux endettés. Ces crédits doivent être réservés aux pays qui en ont réellement besoin.
Les jours de ce système sont comptés, la Chine nest pas le Togo.
Nous sommes effectivement daccord, Monsieur Janquin, et je vous remercie de votre soutien. M. Emmanuelli avait dailleurs dit la même chose, et je souscris pleinement à ses propos.
Je veux maintenant souligner les efforts de transparence et de lisibilité engagés dans la gestion et lévaluation de notre aide. Vous le savez, le document-cadre de coopération au développement que nous avons conçu ensemble en 2010, fixe désormais des orientations géographiques et sectorielles claires pour notre aide publique au développement.
Quatre partenariats y sont mis en avant : celui avec lAfrique subsaharienne pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement ; celui avec la Méditerranée, dans une perspective de convergence avec lEurope ; celui avec les pays émergents ; celui, enfin, avec les pays en crise pour en renforcer la stabilité. Ces partenariats différenciés impliquent des choix financiers explicites qui nous lient, en particulier une affectation dau moins 60 % de leffort financier de lÉtat à lAfrique subsaharienne. Les cinq secteurs demploi ont été mentionnés : santé ; éducation ; formation professionnelle ; agriculture et sécurité alimentaire ; développement durable et soutien à la croissance.
Tirant les conséquences de cette stratégie, nous sommes allés le plus loin possible en matière de transparence, en ajoutant dans le document de politique transversale, le DPT que vous avez récemment reçu, des données rétrospectives nouvelles et, surtout, des données prévisionnelles. Jai entendu les critiques formulées sur tous les bancs à propos du retard avec lequel ce document vous a été remis.
Je le regrette, et je vous prie daccepter les excuses du gouvernement sur ce point. Sachez que le recueil de lensemble des informations sur autant de domaines techniques était une première. Il a exigé un travail considérable, et il a ensuite fallu vérifier chacun des chiffres. Cela explique que les services ont effectivement pris du retard. Jespère que nous serons plus efficaces lan prochain.
Ce travail montre que les priorités fixées par le gouvernement ont été strictement respectées. La France consacre près de 1,5 milliard deuros en dons bilatéraux aux pays dAfrique subsaharienne, qui demeurent la principale région dintervention de lAgence française de développement. Par ailleurs, la région Méditerranée et Moyen-Orient conserve un poids important puisquelle représente 18 % de leffort financier de lÉtat en 2010, résultat proche de la cible des 20 % fixée par le document-cadre de coopération au développement. Autre résultat mesuré, et non des moindres, laide distribuée par les institutions financières internationales est également conforme à nos priorités : près de 50 % des engagements de lAID, lAssociation internationale de développement, fonds concessionnel de la Banque Mondiale, sont orientés vers lAfrique subsaharienne, et cette part représente près de 75 % des engagements concessionnels du FMI.
Je veux, pour conclure, vous convaincre que le gouvernement fait le meilleur usage des crédits qui vous sont demandés pour accroître linfluence de notre pays.
Avec la Présidence française du G8 et du G20, lannée 2011 latteste, je crois, avec éclat. La France a beaucoup uvré pour renforcer limplication de la communauté internationale dans laide aux pays les plus pauvres, conformément à nos priorités.
Au Sommet de Deauville, les 26 et 27 mai derniers, un travail considérable a été accompli, et le G8 a exprimé son soutien aux transitions démocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le président de la République a lancé le Partenariat de Deauville avec les pays arabes en transition démocratique, en mobilisant fortement toutes les institutions financières internationales.
Ce partenariat de long terme repose à la fois sur un pilier politique, visant à promouvoir les réformes de gouvernance, et sur un pilier économique, en vue dune croissance soutenable et inclusive. Le pilier économique du partenariat a été lancé officiellement par les ministres des Finances à Marseille, le 10 septembre dernier. Quatre pays en transition étaient présents : la Tunisie, lÉgypte, le Maroc et la Jordanie. LArabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et la Turquie étaient également représentés, ainsi que les principales institutions multilatérales, dont les trois principaux fonds arabes. La France a alors obtenu des institutions financières internationales quelles apportent une réponse coordonnée aux pays en transition, à hauteur de 38 milliards de dollars sur la période 2011-2013, ce qui est une somme considérable.
Le Partenariat de Deauville a également soutenu une approche ambitieuse en matière dintégration commerciale et appelé à une extension rapide du mandat géographique de la BERD à la région.
Jajoute que, en complément au Partenariat de Deauville, lUnion européenne a décidé, sur la proposition de la France, douvrir ses accords commerciaux aux pays en transition. Tout cela est cohérent, et nous avançons.
Par ailleurs, la France a redoublé defforts pour que les questions de développement prennent toute leur place, pour la première fois, à lagenda du G20, lors du Sommet de Cannes. Je laisserai Henri de Raincourt y revenir plus longuement pour vous exposer en détail les très bons résultats obtenus, notamment sur deux sujets : les problèmes de sécurité alimentaire et le financement des infrastructures, en particulier en Afrique.
Jinsiste, en revanche, sur la question du financement du développement. Pour la première fois, en effet, le G20 a débattu de cette question et le président de la République, qui avait invité Bill Gates à présenter un très intéressant rapport sur ce sujet, a obtenu des avancées très significatives. Le G20 a dabord insisté sur la mobilisation des ressources nationales des pays en développement. Pour y parvenir, il a notamment demandé aux entreprises multinationales daméliorer la transparence, en particulier dans le domaine des industries extractives, et sest engagé à contribuer à réduire le coût moyen des transferts des migrants, pour dégager davantage de fonds. Par ailleurs, la partie «B20» du Sommet de Cannes, avec les entreprises qui y étaient représentées, a fait un énorme travail en matière de lutte contre la corruption ; je le dis pour répondre à lun des orateurs de tout à lheure. Nous avançons rapidement sur ce sujet.
Rarement une idée aura autant progressé au cours dune année que cette idée de taxe sur les transactions financières.
On doit beaucoup, soyons honnêtes, au président de la République, qui a beaucoup fait pour la promouvoir et la faire adopter par un certain nombre de ses homologues. Même le président des États-Unis a donné quelques signes encourageants à cet égard.
Les chefs dÉtat et de gouvernement ont discuté dun menu de financements innovants, tels que les garanties dachats futurs, lémission dobligations pour les diasporas, la taxation des soutes des navires et des avions, ou la taxation des tabacs, mais je crois quHenri de Raincourt y reviendra.
Jappelle enfin votre attention sur le fait que, pour la première fois, le principe dune taxe a été officiellement acté dans le communiqué du G20. Les choses ont donc bel et bien progressé !
À Cannes, outre la France, la Commission européenne, lAllemagne, lEspagne, lArgentine, lUnion africaine, lÉthiopie, lAfrique du Sud, le Secrétaire général des Nations unies et le Brésil ont exprimé leur intérêt pour une telle taxe.
Nous attendons maintenant - cest la prochaine étape - que la Commission européenne propose une directive instaurant un «système commun de taxe sur les transactions financières». Cest le document juridique sur lequel nous pourrons nous appuyer pour avancer encore.
Mesdames et Messieurs les Députés, jespère vous avoir convaincus de lengagement sans faille du gouvernement en faveur du développement, en cohérence avec nos objectifs de politique étrangère et de croissance économique, en cohérence avec nos priorités géographiques également.
Je tiens à remercier tous les orateurs qui ont bien voulu contribuer à la qualité de ce débat.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2011
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je veux tout dabord remercier lensemble de ceux qui ont accepté de venir ce soir échanger avec nous sur un volet extrêmement important - quoique ce ne soit pas forcément le plus médiatique - de la politique de notre pays : laide publique au développement.
Je remercie plus précisément les commissions qui traitent de ces questions et les rapporteurs pour leur intérêt et leur assiduité ; ils nous accompagnent tout au long de lannée et nous font des propositions. Plus généralement, nos relations sont marquées par une grande confiance et une grande transparence.
Je suis donc désolé dentendre des parlementaires dire - mais, sils le disent, cest quils le ressentent - que le gouvernement chercherait à ne pas donner lensemble des informations que la représentation parlementaire est en droit de demander sur tel ou tel aspect de cette politique.
Pour ma part, jai au contraire le sentiment que, depuis quelques mois, depuis quelques années, des efforts ont été fournis pour que le Parlement soit associé le plus étroitement possible à la politique du développement.
Jen veux pour preuve lélaboration du document-cadre et la mission dévaluation confiée à Mme Martinez.
Je ne reviens pas sur le retard avec lequel le document de politique transversale vous a été transmis et sur les excuses qui vous ont été présentées.
Je tiens simplement à vous dire - mais cela nest pas de nature à vous mettre du baume au cur - que, lors de mon audition par la Commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, javais dit que les éléments seraient transmis le vendredi. Ils lont été le jour dit ; partageons donc ensemble ces petites satisfactions.
Je veux simplement revenir sur quelques points, mon ami Pierre Lellouche ayant déjà traité de très nombreux sujets.
Je nai pas grand-chose à ajouter à propos de la trajectoire de laide publique au développement. Elle se déroule très exactement comme cela a été prévu et annoncé lannée dernière dans les documents auxquels vous faites référence et que vous aviez reçus avec retard. Dans son rapport, M. Emmanuelli a fait état de ces chiffres. Laide publique au développement sétablit, à ce stade, à 0,46 % ; nous la ferons remonter lannée prochaine à 0,50 %. La France tient à préserver et à maintenir lengagement que, il faut le souligner, elle a pris avant les crises auxquelles elle doit faire face depuis plusieurs années. Quelle parvienne à cet objectif un an plus tôt ou un an plus tard, elle ne renonce pas à consacrer 0,7 % de son revenu national brut à laide publique au développement. Je souhaite que cet engagement très fort de lÉtat soit commun à tous les bancs. Quels que soient les gouvernements qui se succèdent à la tête de notre pays, ils partagent cette même ambition : nous le devons aux pays les plus pauvres.
Jaborderai maintenant les grandes masses du programme 209. Je signale que 60 % des 10 milliards deuros de lAPD correspondent à de laide bilatérale. Nous nous employons à augmenter cette proportion, comme le Parlement nous la demandé à plusieurs reprises. Nous entendons parvenir à 65 % à la fin du triennum budgétaire sur lequel tout notre engagement est calé, cest-à-dire la période 2011, 2012 et 2013. Plusieurs dentre vous lont noté - ce dont je les remercie -, le gouvernement français est au rendez-vous pour ces trois années : le niveau budgétaire est maintenu et le coup de rabot nest pas passé.
Je ne suis peut-être pas très doué, monsieur Loncle, mais je suis franc : jusquà maintenant, le coup de rabot nest pas passé. Nous allons nous battre tous ensemble pour essayer de faire en sorte que le deuxième coup de rabot épargne le programme 209. Nous pouvons conjuguer nos efforts pour quil en soit ainsi.
Par ailleurs, la contribution que nous apportons au Fonds européen de développement, le FED, a diminué de 26 millions deuros. Nous avons obtenu lautorisation de conserver ces 26 millions deuros pour faire face aux dépenses liées à laide publique au développement, qui, ainsi, a été en quelque sorte sanctuarisée.
Je viens de parler du FED, qui représente 800 millions deuros. Jévoquerai maintenant plus particulièrement le Fonds mondial de lutte contre le sida et la santé pour tenter de répondre à la question posée une fois encore sur ce sujet par Mme Bousquet.
Madame la Députée, à la suite des engagements de Muskoka qui visaient à consacrer 500 millions deuros supplémentaires pendant la période 2011-2015 à la santé des mères et des enfants, la France a demandé au Fonds mondial didentifier les programmes et les projets qui concernent plus spécifiquement la population vulnérable que constituent les jeunes filles et les jeunes mères.
Ainsi, 46 % des programmes du Fonds mondial leur sont consacrés. Dans le cadre des engagements pris par le président de la République, un fonds de solidarité prioritaire a été mis en uvre avec les quatre principales agences des Nations unies impliquées dans les questions de santé des femmes et des enfants - lOMS, lUNICEF, lONU Femmes et le Fonds des Nations unies pour la population. Ce sont 19 millions deuros qui, pendant cinq ans, seront consacrés à la mise en uvre des programmes destinés en priorité à ce que lon appelle la santé reproductive, qui comprend la planification familiale et la protection contre les infections sexuellement transmissibles, notamment le sida. Les jeunes filles constituent à lévidence le groupe le plus exposé et le plus vulnérable.
Au mois de février dernier, je suis allé à Ouagadougou annoncer que cette enveloppe de 100 millions deuros serait consacrée en priorité à cette action et bénéficierait principalement aux pays de lAfrique de lOuest francophones.
En outre, au travers dUNITAID, la France promeut laccessibilité des moyens contraceptifs pour ces populations vulnérables.
Cela a été dit et les chiffres le prouvent, 60 % de notre aide publique au développement sont réservés à lAfrique subsaharienne et 50 % de nos subventions sont fléchées vers les quatorze pays les plus fragiles. Jai entendu des commentaires qui mettaient en doute lexactitude ou lefficacité de ce fait. Cest pourtant la réalité.
La concentration géographique est très importante : 60 % de lAPD va à lAfrique subsaharienne, 20 % aux pays de la Méditerranée, 10 % aux pays émergents et 10 % aux pays en sortie de crise. Certains font hélas partie de la catégorie «pays en sortie de crise» depuis longtemps. Je pense par exemple à la Palestine et à lAfghanistan, où notre contribution est de lordre de 35 millions deuros par an. Au moment où notre présence militaire samenuise pour tendre vers zéro dici à 2014, on nous demande daugmenter dautant notre appui en matière civile. Nous travaillons sur cette question.
Je ne reviendrai pas sur le débat déjà ancien et bien légitime sur les prêts consentis à des pays émergents. Pierre Lellouche la fort bien évoqué. Nous considérons que ce qui est fait est positif pour la France, pour sa politique de rayonnement et dinfluence, mais on peut avoir une opinion contraire et nous pouvons en discuter. Le gouvernement français considère que, au-delà des prêts, les discussions avec la Chine et le Brésil offrent des occasions déchanges sur des grandes problématiques planétaires. Cela nous permet de cheminer avec eux et de les convaincre que laide publique au développement ne concerne pas seulement les pays dits riches, mais aussi les pays émergents. Nous sommes tous sur le même bateau et nous avons tous la volonté de favoriser le développement des pays qui en ont le plus besoin pour des raisons évidentes liées à la démographie. Ainsi, lAfrique connaît aujourdhui des taux de croissance de lordre de 5 à 6 %. Nous avons tous intérêt à ce quun développement endogène saccentue en Afrique, car la population doit y augmenter dans des proportions considérables. Si nous ne sommes pas capables de faire en sorte que des progrès substantiels soient accomplis en matière de croissance, demploi et de développement, nous irons au-devant de déconvenues et le réveil sera particulièrement douloureux.
En la matière, il est très important que nous partagions les mêmes objectifs avec les pays émergents. Le G20 peut permettre de discuter de ces questions, comme cela a été le cas cette année.
La France a voulu participer au mouvement du monde que représentent les printemps arabes. La France veut aussi être plus présente encore lorsque des transitions démocratiques positives sopèrent en Afrique.
Au sujet des printemps arabes, nous avons évoqué le Partenariat de Deauville, qui représente 80 milliards de dollars pour la Tunisie, lÉgypte, le Maroc et la Jordanie. La France doit y contribuer à hauteur de 2,7 milliards deuros dici à 2013, sous forme de prêts consentis par lAgence française de développement.
En ce qui concerne les transitions démocratiques africaines, nous avons engagé des efforts substantiels avec la Guinée Conakry, tout dernièrement avec le Niger et dans des proportions très importantes avec la Côte dIvoire. Ainsi, 3,5 milliards deuros sont mobilisés pour la Côte dIvoire : 2 milliards deuros au titre dun contrat de désendettement et de développement, 1 milliard deuros au titre dannulation de dettes et 400 millions deuros au titre dun engagement exceptionnel. De la sorte, la Côte dIvoire reprendra sa marche en avant.
Jévoquerai maintenant le G20. Le G20 Développement est un élément très important du G20 global, non seulement parce quil sest réuni pour la première fois, mais aussi parce quil a obtenu des résultats conformes à ses attentes.
À la suite du Sommet de Séoul, la France avait considéré souhaitable de retenir pour sa présidence quelques-uns des sujets abordés en matière de développement : la sécurité alimentaire, les infrastructures, le socle de protection sociale et les financements innovants.
Je ne reviens pas sur la sécurité alimentaire, bien des choses ayant déjà été dites. Pour les infrastructures, nous voulions - et cest exactement ce qui a été acté par les chefs dÉtat et de gouvernement - que soit publiée une liste de onze projets régionaux sensibles, dont cinq en Afrique, témoignant des progrès accomplis en matière dinfrastructures.
En matière de normes sociales, les pays adhérents de lOrganisation internationale du travail, lOIT, doivent respecter ses règles de base. Cest le moins que lon puisse faire.
Il a beaucoup été question aussi des financements innovants. Des doutes se sont exprimés à cet égard, et je voudrais vous faire part de mon sentiment. Il est vrai que nous partons de loin. Nous en parlons depuis longtemps et la taxe Tobin a été imaginée il y a déjà des années. Les pères sont nombreux à se pencher sur les fonds baptismaux. Mais là nest pas le problème et nous ne cherchons à en tirer aucune gloriole.
La seule chose qui nous préoccupe est que laide publique au développement à léchelon mondial représente 129 milliards deuros par an et quil nous faut en trouver 100 de plus, hors nécessités liées au changement climatique. Or, pour des raisons budgétaires évidentes, nous ne pourrons les trouver quavec des financements innovants. Ceux-ci existent et sont efficaces. Nous avons cité notamment les taxes sur les avions. Il existe également la taxe sur les transactions financières qui est également efficace. Dailleurs des pays lont déjà instaurée. Le président de la République avait confié à M. Bill Gates le soin de présenter un rapport au G20.
On peut considérer le verre à moitié vide ou à moitié plein. Moi, je le considère plus quà moitié plein : cest la première fois que lon voit figurer dans le communiqué officiel dun sommet de chefs dÉtats, en toutes lettres, la taxe sur les transactions financières. Cest quelque chose de très important. Il reste à voir les modalités, par qui elle sera gérée et comment elle sera affectée, et nous aurons pour cela de grands débats.
Il ne faut pas trop sourire de ces questions, car lenjeu est essentiel pour toute politique de développement pour les décennies qui viennent.
Nous serions donc bien inspirés de conjuguer nos efforts pour que la plus grande part du produit de cette taxe soit effectivement affectée à la politique du développement.
Nous sommes déterminés à la lancer lannée prochaine au sein dun groupe pionnier. Nous savons pertinemment que tout le monde ne sera pas au rendez-vous, mais nous savons aussi que le mouvement se prouve en marchant. Sans doute sera-t-il en outre difficile aux gouvernements qui ne laccepteraient pas dexpliquer à leurs opinions publiques quils ne peuvent pas financer davantage laide publique au développement, voire quils doivent la réduire, et que, dans le même temps, un des secteurs qui a le plus profité de la mondialisation est exonéré de contribuer financièrement à cette politique. Le vent souffle donc dans le bon sens et notre détermination est extrêmement forte.
Cest notamment pourquoi je ne partage guère la vision pessimiste qua François Loncle de la façon dont la politique de la France est perçue en Afrique. Certes, mon expérience est moindre que la sienne, mais au fil de mes déplacements, je maperçois quil y a une grande demande de France, non seulement dans lAfrique francophone, mais bien au-delà. Cest extrêmement rassurant et encourageant.
Je crois que cela signifie que, contrairement à ce que jai entendu tout à lheure, la politique africaine que la France conduit aujourdhui et dont les grandes lignes ont au fond été déterminées par le discours du président de la République au Cap en février 2008 ne correspond plus à limage que lon continue encore à véhiculer ici ou là.
Grand discours, tant mieux, parce que lAfrique le mérite !
Pas dingérence, les discussions doivent être menées avec un grand respect, dans un rapport dégal à égal. Cest exactement ce qui se fait, y compris dans les discussions sur les accords de défense actuellement en cours entre le gouvernement français et un certain nombre de pays.
Nous considérons que la voix de lAfrique est de plus en plus forte et quelle le sera à lavenir. En raison même des chiffres que jai donnés en matière démographique mais aussi de croissance, elle est déjà respectée. Jean Ping, président de la Commission de lUnion africaine nous le dit souvent, elle veut régler elle-même ses problèmes.
Nous sommes pleinement daccord pour que les organisations régionales soient les plus fortes possible. Si les Africains ont besoin de nous, nous sommes là, au nom de lhistoire, de la culture et de lamitié.
- M. Pierre Lellouche -
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Jai lhonneur de vous présenter ce soir, avec mon collègue Henri de Raincourt, le budget de la mission «Aide publique au développement», et plus particulièrement, sagissant du ministère dont jai la responsabilité, celui du programme 110 «Aide économique et financière au développement».
Je sais, surtout aujourdhui, quelle est la valeur de leffort budgétaire que nous sollicitons auprès de vous. Je sais le prix de chaque euro public, à lheure où la France doit passer au crible lensemble de ses dépenses pour économiser et pour équilibrer ses finances publiques à lhorizon 2016, comme la expliqué le Premier ministre aujourdhui même.
Je sais aussi combien vous êtes conscients de limportance de la politique daide publique au développement et combien vous êtes attentifs à ses évolutions et à ses résultats. À lheure des grands choix budgétaires, lefficacité de nos politiques nest plus un luxe mais une exigence. Vos débats en commission le prouvent, comme la qualité de vos rapports, que jai lus avec attention.
Je voudrais vous répondre en vous faisant part de mon analyse sur laction de la France en faveur de laide au développement.
Dabord, je vous indiquerai combien notre action en faveur du développement est significative, malgré la crise et malgré lindispensable consolidation de nos finances publiques.
Ensuite, à lheure où les écarts de richesse et de puissance ne cessent de se creuser parmi les pays en développement, jinsisterai sur la façon dont nous abordons la question de la différenciation de notre aide en fonction des différents pays bénéficiaires. Je sais quelle vous préoccupe tout particulièrement depuis quelques années.
Dans un troisième temps, je soulignerai les efforts de cohérence et de transparence que nous avons engagés cette année - même sils sont incomplets - pour justifier limportance des crédits mobilisés et en accroître lefficacité.
Enfin, je vous informerai des actions concrètes que ces crédits nous ont permis de lancer en 2011, notamment dans le cadre du G8 de Deauville puis du G20, la semaine dernière à Cannes.
En premier lieu, Mesdames et Messieurs les Députés, nous devons être collectivement fiers de leffort financier de la France en faveur de laide au développement. Malgré la crise, les crédits ont non seulement été maintenus, mais ils ont continué leur progression régulière depuis 2005, conformément à nos engagements. Notre pays est ainsi, en 2010, le troisième bailleur mondial, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni.
Pour la première fois de notre histoire, notre aide publique au développement a dépassé le seuil des 10 milliards deuros, pour atteindre 10,85 milliards deuros. Nous avons atteint le pourcentage de 0,5 % du revenu national brut, en ligne avec nos prévisions et nos engagements européens.
Cette croissance de notre APD porte exclusivement sur laide bilatérale, qui a augmenté de près de 840 millions deuros en 2010 par rapport à 2009, principalement grâce aux prêts concessionnels de lAgence française de développement et à nos dons bilatéraux. Un rééquilibrage simposait, il était souhaité par cette assemblée et il a été réalisé. Jean-Louis Christ la évoqué tout à lheure, faisant référence à lexcellent rapport de Jean-Paul Bacquet et Nicole Ameline.
Pour 2011, notre APD devrait être très proche du niveau prévu par le document de politique transversale de lannée dernière, avec une part dAPD représentant 0,46 % du revenu national brut, en légère baisse en raison du report à 2012, compte tenu de la situation politique dans ce pays, de prêts dajustement structurel au profit du Liban.
Mais, dès 2012, nous devrions atteindre de nouveau un ratio dAPD de 0,5 % du revenu national brut. Nous sommes les seuls, avec le Royaume-Uni, au sein du G7 à atteindre un tel niveau.
Lannulation de la dette de la Côte dIvoire, tant attendue par nos partenaires, devrait avoir lieu en 2012, redonnant des marges de manuvre significatives à notre coopération dans ce pays prioritaire. Au passage et malgré toute lamitié que je lui porte, je dirai à François Loncle que ceux qui ont reconnu des élections truquées, ce nest pas nous, mais lInternationale socialiste et son président qui vient de démissionner.
En quoi une annulation de dette contribue-t-elle au développement ? Demandiez-vous, Monsieur Asensi. Demandez-le donc au gouvernement ivoirien, il va vous expliquer : cest une charge financière extrêmement lourde qui lui est ainsi retirée. Cest du vrai argent, permettez-moi de vous le dire, de largent apporté par le contribuable français et auquel nous renonçons.
Notre effort dAPD en 2012 est fondé sur des bases solides, puisque les crédits budgétaires de la mission APD sont stabilisés à un niveau de 3,34 milliards deuros par an, soit 10 milliards deuros au total sur le triennum budgétaire. Sagissant du programme 110 «Aide économique et financière au développement», les crédits de paiement resteront ainsi à leur niveau de lan passé ; seules les autorisations dengagement varieront en fonction des reconstitutions triennales des fonds multilatéraux.
Je remercie tous les orateurs qui ont bien voulu le reconnaître, à commencer par M. Emmanuelli, mais aussi M. Hunault, Mme Bourragué, M. Christ et dautres.
Venons-en à lefficacité de ces fonds. Il en va en matière dAPD comme en matière commerciale : il faut cesser la naïveté. À cet égard, Monsieur Janquin et Monsieur Asensi, je vais vous dire ma façon de voir les choses. Il ne sagit pas dêtre moins généreux, vous laurez compris, ce nest pas notre philosophie ; il sagit dadapter notre générosité à la réalité du monde qui nous entoure. En ce début du XXIème siècle où la puissance est en train de basculer, personne ne comprendrait que nous, Français, continuions à accorder les mêmes libéralités, quil sagisse de préférences tarifaires ou de financements daide publique au développement, à des économies émergentes en forte croissance comme le Brésil ou la Chine, et à des pays pauvres comme Haïti, le Burkina Faso et le Bangladesh.
Cest sous limpulsion de la France que le chantier de la révision des critères daccès au système des préférences généralisées a enfin été lancé au niveau européen. Notre politique européenne de préférences commerciales doit être un vecteur de réduction des inégalités et dinsertion de ces pays dans le commerce, pas un outil pour subventionner des importations turques, chinoises ou brésiliennes.
Nous navons pas attendu pour remettre de lordre et de léquité dans notre aide publique bilatérale au développement. Plusieurs orateurs ont évoqué la question que jai moi-même soulevée dès lannée dernière au sein de mon ministère : laide publique au développement à la Chine - le banquier de la planète qui détient notamment des créances à légard de lEurope - pose problème. Nous sommes en train de le régler.
Désormais, les nouveaux prêts dAPD que nous faisons à la Chine à travers lAgence française de développement ne coûteront plus un centime au contribuable français. Ce que lon appelle le «coût État», cest-à-dire leffort budgétaire consenti par lÉtat, sera concentré dans les pays prioritaires dAfrique subsaharienne. Au dernier orateur, jindique que la part de leffort financier de lÉtat consacrée aux grands pays émergents a été limitée à 7 % en 2010, alors que le nouveau contrat dobjectifs et de moyens liant lÉtat à lAFD pour 2011-2013 prévoit un plafond de 10 %.
Ce recentrage de notre aide est dicté par le bon sens et je suis convaincu, à titre personnel, quil mérite dêtre poursuivi ; je suis heureux de voir quil recueille lassentiment des députés sur tous les bancs. Générosité ne peut pas dire naïveté. De même, à lheure de la rigueur budgétaire et des déficits commerciaux record, on ne peut plus se permettre de faire de laide publique au développement sans penser commerce extérieur ; je minscris en faux, sur ce point, contre certains orateurs, dont M. Asensi.
La France est pratiquement la championne du monde du déliement de son aide, cest-à-dire des aides accordées sans contrepartie directe pour ses entreprises. Notre aide bilatérale est déliée à 87 % depuis 2006, contre 75 % pour lAllemagne, 71 % pour lEspagne, 69 % pour les États-Unis et seulement 63 % pour lItalie. Voilà, Monsieur Janquin, quels sont les chiffres : ils sont exactement à lopposé de la réalité que vous prétendiez dénoncer tout à lheure.
Je ne me résous pas à ce que la France soit plus vertueuse que les autres et ne retire pour seule récompense de sa bonne conduite que la satisfaction morale daider les pays pauvres, alors que dautres le font sans sacrifier leurs atouts commerciaux.
Jai donc demandé à lInspection générale des Finances de me rendre, pour le courant du mois de février prochain, un rapport, dont je ne manquerai pas de partager avec vous les conclusions, sur ce sujet : que peut-on dire aujourdhui des retombées de laide française pour lemploi en France ? Quelles pistes pour augmenter ces retombées dans le respect de nos engagements internationaux ? Ce sont des questions parfaitement licites, normales, que nous devons nous poser à lheure où nous économisons chacun de nos euros.
Nous nous posons les mêmes à propos de nos financements daide liée. La France fait beaucoup détudes en amont, dans le cadre du Fonds détudes et daide au secteur privé, le FASEP, mais ces financements nont de sens que sils servent de tremplin à nos entreprises pour remporter des grands contrats déquipement ; il ny a aucune honte à cela, et ce nest pas là servir les multinationales, cest servir lemploi en France. La France mérite mieux que de devenir un simple guichet daide ou un grand bureau détudes gratuit pour des firmes étrangères. Sur cette question aussi, nous sommes mobilisés. Ce nest peut-être pas le cur de notre sujet, mais cela vous montre la cohérence de ce que doit être une politique daide au développement, avec les crédits FASEP, et une politique de commerce extérieure, à lheure où nous avons besoin de rétablir léquilibre de nos comptes.
On ne peut plus, aujourdhui, prétendre avoir tout et le contraire de tout. Quand on sappelle la Chine, quon a une croissance de 10 % par an, une part dominante dans le commerce international, des réserves de change de 3 200 milliards de dollars, un nouveau statut de bailleur de fonds en Afrique et de créancier en Europe, on ne peut plus demander à bénéficier de prêts, voire de dons, des pays occidentaux endettés. Ces crédits doivent être réservés aux pays qui en ont réellement besoin.
Les jours de ce système sont comptés, la Chine nest pas le Togo.
Nous sommes effectivement daccord, Monsieur Janquin, et je vous remercie de votre soutien. M. Emmanuelli avait dailleurs dit la même chose, et je souscris pleinement à ses propos.
Je veux maintenant souligner les efforts de transparence et de lisibilité engagés dans la gestion et lévaluation de notre aide. Vous le savez, le document-cadre de coopération au développement que nous avons conçu ensemble en 2010, fixe désormais des orientations géographiques et sectorielles claires pour notre aide publique au développement.
Quatre partenariats y sont mis en avant : celui avec lAfrique subsaharienne pour la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement ; celui avec la Méditerranée, dans une perspective de convergence avec lEurope ; celui avec les pays émergents ; celui, enfin, avec les pays en crise pour en renforcer la stabilité. Ces partenariats différenciés impliquent des choix financiers explicites qui nous lient, en particulier une affectation dau moins 60 % de leffort financier de lÉtat à lAfrique subsaharienne. Les cinq secteurs demploi ont été mentionnés : santé ; éducation ; formation professionnelle ; agriculture et sécurité alimentaire ; développement durable et soutien à la croissance.
Tirant les conséquences de cette stratégie, nous sommes allés le plus loin possible en matière de transparence, en ajoutant dans le document de politique transversale, le DPT que vous avez récemment reçu, des données rétrospectives nouvelles et, surtout, des données prévisionnelles. Jai entendu les critiques formulées sur tous les bancs à propos du retard avec lequel ce document vous a été remis.
Je le regrette, et je vous prie daccepter les excuses du gouvernement sur ce point. Sachez que le recueil de lensemble des informations sur autant de domaines techniques était une première. Il a exigé un travail considérable, et il a ensuite fallu vérifier chacun des chiffres. Cela explique que les services ont effectivement pris du retard. Jespère que nous serons plus efficaces lan prochain.
Ce travail montre que les priorités fixées par le gouvernement ont été strictement respectées. La France consacre près de 1,5 milliard deuros en dons bilatéraux aux pays dAfrique subsaharienne, qui demeurent la principale région dintervention de lAgence française de développement. Par ailleurs, la région Méditerranée et Moyen-Orient conserve un poids important puisquelle représente 18 % de leffort financier de lÉtat en 2010, résultat proche de la cible des 20 % fixée par le document-cadre de coopération au développement. Autre résultat mesuré, et non des moindres, laide distribuée par les institutions financières internationales est également conforme à nos priorités : près de 50 % des engagements de lAID, lAssociation internationale de développement, fonds concessionnel de la Banque Mondiale, sont orientés vers lAfrique subsaharienne, et cette part représente près de 75 % des engagements concessionnels du FMI.
Je veux, pour conclure, vous convaincre que le gouvernement fait le meilleur usage des crédits qui vous sont demandés pour accroître linfluence de notre pays.
Avec la Présidence française du G8 et du G20, lannée 2011 latteste, je crois, avec éclat. La France a beaucoup uvré pour renforcer limplication de la communauté internationale dans laide aux pays les plus pauvres, conformément à nos priorités.
Au Sommet de Deauville, les 26 et 27 mai derniers, un travail considérable a été accompli, et le G8 a exprimé son soutien aux transitions démocratiques en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le président de la République a lancé le Partenariat de Deauville avec les pays arabes en transition démocratique, en mobilisant fortement toutes les institutions financières internationales.
Ce partenariat de long terme repose à la fois sur un pilier politique, visant à promouvoir les réformes de gouvernance, et sur un pilier économique, en vue dune croissance soutenable et inclusive. Le pilier économique du partenariat a été lancé officiellement par les ministres des Finances à Marseille, le 10 septembre dernier. Quatre pays en transition étaient présents : la Tunisie, lÉgypte, le Maroc et la Jordanie. LArabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, le Koweït et la Turquie étaient également représentés, ainsi que les principales institutions multilatérales, dont les trois principaux fonds arabes. La France a alors obtenu des institutions financières internationales quelles apportent une réponse coordonnée aux pays en transition, à hauteur de 38 milliards de dollars sur la période 2011-2013, ce qui est une somme considérable.
Le Partenariat de Deauville a également soutenu une approche ambitieuse en matière dintégration commerciale et appelé à une extension rapide du mandat géographique de la BERD à la région.
Jajoute que, en complément au Partenariat de Deauville, lUnion européenne a décidé, sur la proposition de la France, douvrir ses accords commerciaux aux pays en transition. Tout cela est cohérent, et nous avançons.
Par ailleurs, la France a redoublé defforts pour que les questions de développement prennent toute leur place, pour la première fois, à lagenda du G20, lors du Sommet de Cannes. Je laisserai Henri de Raincourt y revenir plus longuement pour vous exposer en détail les très bons résultats obtenus, notamment sur deux sujets : les problèmes de sécurité alimentaire et le financement des infrastructures, en particulier en Afrique.
Jinsiste, en revanche, sur la question du financement du développement. Pour la première fois, en effet, le G20 a débattu de cette question et le président de la République, qui avait invité Bill Gates à présenter un très intéressant rapport sur ce sujet, a obtenu des avancées très significatives. Le G20 a dabord insisté sur la mobilisation des ressources nationales des pays en développement. Pour y parvenir, il a notamment demandé aux entreprises multinationales daméliorer la transparence, en particulier dans le domaine des industries extractives, et sest engagé à contribuer à réduire le coût moyen des transferts des migrants, pour dégager davantage de fonds. Par ailleurs, la partie «B20» du Sommet de Cannes, avec les entreprises qui y étaient représentées, a fait un énorme travail en matière de lutte contre la corruption ; je le dis pour répondre à lun des orateurs de tout à lheure. Nous avançons rapidement sur ce sujet.
Rarement une idée aura autant progressé au cours dune année que cette idée de taxe sur les transactions financières.
On doit beaucoup, soyons honnêtes, au président de la République, qui a beaucoup fait pour la promouvoir et la faire adopter par un certain nombre de ses homologues. Même le président des États-Unis a donné quelques signes encourageants à cet égard.
Les chefs dÉtat et de gouvernement ont discuté dun menu de financements innovants, tels que les garanties dachats futurs, lémission dobligations pour les diasporas, la taxation des soutes des navires et des avions, ou la taxation des tabacs, mais je crois quHenri de Raincourt y reviendra.
Jappelle enfin votre attention sur le fait que, pour la première fois, le principe dune taxe a été officiellement acté dans le communiqué du G20. Les choses ont donc bel et bien progressé !
À Cannes, outre la France, la Commission européenne, lAllemagne, lEspagne, lArgentine, lUnion africaine, lÉthiopie, lAfrique du Sud, le Secrétaire général des Nations unies et le Brésil ont exprimé leur intérêt pour une telle taxe.
Nous attendons maintenant - cest la prochaine étape - que la Commission européenne propose une directive instaurant un «système commun de taxe sur les transactions financières». Cest le document juridique sur lequel nous pourrons nous appuyer pour avancer encore.
Mesdames et Messieurs les Députés, jespère vous avoir convaincus de lengagement sans faille du gouvernement en faveur du développement, en cohérence avec nos objectifs de politique étrangère et de croissance économique, en cohérence avec nos priorités géographiques également.
Je tiens à remercier tous les orateurs qui ont bien voulu contribuer à la qualité de ce débat.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 novembre 2011