Interview de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, à Canal Plus le 9 novembre 2011, notamment sur la question du nucléaire iranien.

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Média : Canal Plus

Texte intégral

CAROLINE ROUX Alors hier, il y a eu un incident à l’Assemblée nationale, vous étiez à l’Assemblée nationale, François BAROIN a ulcéré les parlementaires de l’opposition, en leur disant qu’ils étaient rentrés à l’Assemblée par effraction en 97. Alors est-ce qu’il faut qu’il s’excuse, François BAROIN ?
 
GERARD LONGUET Le mot le plus juste aurait été : en 97, dans l’improvisation totale, et c’est sans doute l’esprit de la communication de François. Le mot n’est pas le plus pertinent : ils ont été élus en 97 sans préparation.
 
CAROLINE ROUX Est-ce qu’il faut qu’il s’excuse ? Ça se fait ou pas ?
 
GERARD LONGUET Oui, ça se fait, ça se fait.
 
CAROLINE ROUX Alors, on a entendu des commentaires de députés de droite et de gauche, qui disaient : il est sans doute – en off, ça s’est fait en off – il est sans doute un peu fatigué, François BAROIN, est-ce que vous pensez que la gestion de la crise grecque commence à se voir sur le ministre des Finances ?
 
GERARD LONGUET L’actualité politique et économique est redoutable aujourd’hui, et tous ceux qui exercent des responsabilités sont sous des pressions extraordinaires, sauf François HOLLANDE qui dort tranquillement à Brive-la-Gaillarde.
 
CAROLINE ROUX Ça, c’est donc un mot très aimable à l’endroit de François HOLLANDE…
 
GERARD LONGUET Voilà…
 
CAROLINE ROUX C’est où sa place, parce que lui, il explique qu’il n’est pas contre-président, il ne peut pas aller toquer au G20, il n’est pas président…
 
GERARD LONGUET Non, mais il porte…
 
CAROLINE ROUX Donc il est à sa juste place…
 
GERARD LONGUET Oui, oui, non, mais, il porte, je crois, l’espérance du Parti socialiste, et je suis persuadé que ceux qui ont voté pour lui ont envie de l’entendre sur ces sujets.
 
MAITENA BIRABEN On va s’intéresser maintenant à l’AIEA, l’Agence…
 
CAROLINE ROUX Internationale de l’énergie atomique, qui a remis un rapport très attendu, et dans le langage de l’AIEA, la phrase est importante : l’AIEA a de sérieuses inquiétudes, ce sont les mots exacts concernant le caractère militaire du programme iranien ; est-ce que ça veut dire clairement que l’Iran construit un engin atomique, une bombe ?
 
GERARD LONGUET Très clairement, c’est exactement la conviction du gouvernement français, l’Iran ne respecte pas les accords internationaux, et s’efforce d’échapper au contrôle de l’AIEA pour progresser vers la construction d’une arme atomique.
 
CAROLINE ROUX Donc quelle leçon la France peut en tirer ?
 
GERARD LONGUET Pour mobiliser les grands pays, et en particulier, convaincre la Chine et la Russie, qui font cavaliers seuls, qu’il est absolument indispensable de faire pression sur l’Iran, pour que l’Iran ne suive pas dans la voie de la dissémination nucléaire, c’est-à-dire la prolifération des armes nucléaires, qui serait une catastrophe pour l’humanité.
 
CAROLINE ROUX Mais il y a déjà une pression qui s’exerce sur l’Iran avec des sanctions…
 
GERARD LONGUET On peut renforcer…
 
CAROLINE ROUX Alors, pardonnez, je finis ma question, comment est-ce qu’on renforce les sanctions ?
 
GERARD LONGUET On peut aller beaucoup plus loin sur ces sanctions, et en particulier, faire en sorte que sur le plan économique, l’Iran mesure que cet effort lui coûte et coûte pour sa population.
 
CAROLINE ROUX Donc, désormais, vous diriez que la balle est dans le camp de la Russie et de la Chine ?
 
GERARD LONGUET La balle est dans le camp des grandes puissances qui ont la responsabilité de mettre en oeuvre un traité de non prolifération nucléaire.
 
CAROLINE ROUX De la Russie et de la Chine précisément ?
 
GERARD LONGUET Alors, notamment de la Russie et de la Chine, parce que ce sont des pays qui, au fond, sont assez "bénévolants".
 
CAROLINE ROUX Est-ce que c’est une source d’inquiétudes pour le ministre de la Défense que vous êtes, ce rapport ?
 
GERARD LONGUET Oui, c’est pour tous les Français, enfin, pour tous ceux qui s’intéressent aux relations internationales, c’est une véritable source d’inquiétudes, les grandes puissances ont pris une option qui est de limiter, de réduire l’armement nucléaire, et en particulier, d’éviter sa dissémination, c’est-à-dire l’appropriation de l’arme nucléaire par des pays dont la solidité internationale est discutable.
 
CAROLINE ROUX Oui, mais on a l’impression que justement, c’est une entreprise qui a commencé il y a longtemps de tenter de faire pression sur l’Iran sur la question du nucléaire, et que l’Iran n’écoute pas la pression internationale. Quels moyens, de quels moyens, dispose la communauté internationale pour aller au-delà ?
 
GERARD LONGUET Sur le plan économique, sur le plan industriel, sur le plan technologique, nous pouvons aller encore beaucoup plus loin, sans recourir à des solutions de force.
 
CAROLINE ROUX Alors, Shimon PERES a affirmé que l’éventualité d’une frappe militaire contre l’Iran était désormais – je le cite – plus plausible que l’option diplomatique ; comment est-ce que vous prenez cette phrase de Shimon PERES, l’intimidation ou réelle montée en tension dans la région ?
 
GERARD LONGUET C’est une tension dans la région, incontestablement, j’ajoute que les pays du Golfe, les monarchies du Golfe, les monarchies pétrolières sont beaucoup plus préoccupés, au moins aussi préoccupés qu’Israël de l’arme nucléaire iranienne, c’est donc une partie du monde où se trouve concentrée plus de la moitié des richesses de l’énergie fossile, qui est aujourd’hui sous une menace de déstabilisation politique absolue. Et la phrase de Shimon PERES exprime cette inquiétude, mais qui est partagée par tous les voisins de l’Iran.
 
CAROLINE ROUX Qu’est-ce que vous dites à Israël aujourd’hui ?
 
GERARD LONGUET Que, Israël est dans son rôle de tirer un signal d’alarme, et que la réponse est de l’ordre des sanctions internationales et de la responsabilité des grandes nations du Conseil de sécurité des Nations Unies.
 
MAITENA BIRABEN Le livre de Bernard-Henri LEVY sort aujourd’hui : « La Guerre sans l’aimer », à propos de la Libye.
 
CAROLINE ROUX Oui, et ce livre, Bernard-Henri LEVY raconte dans ce livre comment la France a livré quarante tonnes de matériels aux rebelles libyens, est-ce que vous confirmez cette information ?
 
GERARD LONGUET Alors pour être franc, je n’ai pas encore lu le livre de Bernard-Henri LEVY, c’est un homme qui s’est engagé, qui a défendu le CNT avec beaucoup de conviction, je ne suis pas sûr qu’il ait toutes les informations militaires, en tous les cas, pas celles dont je dispose, parce que, manifestement, il y a eu parachutages qui ont été signalés aux Nations Unies par la France, lorsqu’il a fallu livrer des armes de protection aux combattants du Djebel Nafoussa, qui étaient près de Tripoli, dans une situation d’extrême précarité. Nous avons parachuté les armes, et nous les avons signalées à la coalition ; ce sont des armes dites d’autodéfense.
 
CAROLINE ROUX Quarante tonnes de matériels ?
 
GERARD LONGUET Non, le tonnage, je conteste le chiffre, je ne sais pas d’où viennent les chiffres de Bernard-Henri LEVY.
 
CAROLINE ROUX Vous approuvez sa démarche, le fait qu’il se mette en scène dans un livre pour raconter son rôle, et celui d’Alain JUPPE, et le vôtre aussi, mais plus brièvement…
 
GERARD LONGUET Je vais vous dire, chacun est dans son rôle…
 
CAROLINE ROUX Est-ce que sa démarche, vous l’approuvez ?
 
GERARD LONGUET Chacun est dans son rôle, c’est un intellectuel engagé qui aime l’actualité, et que l’actualité aime, manifestement.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 15 novembre 2011