Interview de M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, à La Chaîne Info LCI le 17 novembre 2011, sur l'intégration sociale des immigrés, l'accueil des étudiants étrangers et l'affaire dite des "fadettes".

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

GUILLAUME ROQUETTE Vous vous rendez aujourd'hui à Montfermeil dans le département de Seine Saint Denis, le mois dernier une étude très médiatisée faisait état d’une emprise croissante de l’islam dans cette commune et dans d’autres communes du département. Est-ce que le communautarisme, c’est un sujet qui concerne le ministre de l’Intérieur ?
 
CLAUDE GUEANT Oui et c’est précisément pour cela que je vais à Montfermeil. Cette étude qui a été pilotée par le professeur KEPEL montre que se constitue à Montfermeil, à Clichy sous Bois, qui était une autre commune, site d’études des communauté qui sont d’origine immigrée et qui vivent selon des règles qui sont les leurs, qui s’éloignent du respect de la règle commune, qui d’ailleurs ont peu de connaissances des lois de la République, des modes de vie de la France et je trouve que c’est un mode d’implantation des immigrés en France qui n’est pas acceptable. Les immigrés que nous accueillons chez nous doivent adopter nos coutumes, respecter nos lois, ils doivent être intégrés.
 
GUILLAUME ROQUETTE Mais entre le respect des lois et le respect des coutumes qui relatent de la vie personnelle, où est la frontière ?
 
CLAUDE GUEANT Il est certain que la France reconnaît le droit à la différence, elle reconnaît le droit à la liberté religieuse, ça va tout à fait de soi, mais ce qui n’est pas acceptable, c’est que la règle d’une communauté vienne en opposition à la règle de la vie commune en France.
 
GUILLAUME ROQUETTE A quel exemple faites-vous allusion ?
 
CLAUDE GUEANT Eh bien écoutez, je pense par exemple à quelque chose qui me semble particulièrement important et douloureux, qui est celui de l’égalité entre l’homme et la femme. Les sociologues ont observé que ce principe qui est un principe tout à fait essentiel de notre vie républicaine n’est pas respecté et tout simplement il n’est pas respecté parce qu’il n’est pas connu d’ailleurs.
 
GUILLAUME ROQUETTE Pouvez-vous prendre autre chose que des mesures symboliques dans des registres comme ceux-là, par exemple à partir du 1er janvier prochain il y aura une charte des droits et des devoirs sur les valeurs de la République pour les étrangers naturalisés Français, ils la signeront, mais après tout chacun est libre de vivre comme il le veut.
 
CLAUDE GUEANT Le problème de la naturalisation est un petit peu différent, la naturalisation, c’est un moment très important, c’est l’accès à la nationalité française et ce n’est pas simplement une formalité administrative. Cette charte a été voulue par le législateur pour être un acte d’adhésion aux principes essentiels de notre société, aux règles majeures de notre vie républicaine, de sorte qu’il y ait un instant de solennité avant la naturalisation pour adhérer à la République et à ses principes. En l’espèce il y a bien des mesures qui peuvent être au-delà du symbolique, toute la politique de la ville qui permet davantage de mixité d’habitat et qui a été très développé déjà en Seine Saint Denis, à Montfermeil et Clichy, il y a un programme de 600 millions d’euros qui a été mis en place pour rénover l’habitat. Ca va dans ce sens, mais nous devons aussi être plus exigent à l’égard de nous-mêmes et plus exigent à l’égard des personnes immigrées. Je veux dire par là que nous devons développer des programmes d’apprentissage du Français, de familiarisation avec nos institutions et nos modes de vie, mais les personnes immigrées doivent aussi se plier à cette volonté qui est la notre. Quand on vient en France, on adopte les modes de vie français et on n’importe pas les modes de vie d’ailleurs, même si par ailleurs, le droit à la différence existe et toutes les différences sont respectables.
 
GUILLAUME ROQUETTE Une autre mesure prise concerne les étudiants étrangers ayant faits leurs études en France, vous souhaitez limiter la possibilité pour eux de travailler en France. Il y a une levée de boucliers contre cette mesure, à la fois des grandes entreprises françaises et de la conférence des grandes écoles et des universités, par exemple.
 
CLAUDE GUEANT Je vous donne, je vous remercie de me donner l’occasion de m’expliquer là-dessus parce qu’il y a beaucoup de choses absolument inexactes qui sont dites à ce propos. Premier point : La France est fière d’accueillir des étudiants étrangers et il n’y a absolument aucune réduction de nombre des étudiants étrangers admis sur notre territoire, ils sont de l’ordre de 60 000 par an, c’est un facteur d’attractivité de la France et je crois que tout le monde peut en être satisfait et fier, premier point. Deuxième point : Il y a une disposition législative qui a été éditée en 2006 qui prévoit qu’un étudiant étranger qui termine ses études a droit, je dis bien droit, à un emploi de six mois dans la discipline où il a fait ses études afin de se familiariser avec le monde du travail. Et on dit que c’est cela qui est modifié, ce n’est absolument pas modifié, la circulaire que tout le monde commente sans l’avoir lu, j’imagine, est un simple rappel de la loi existante et pour vous dire qu’elle est complètement respectée, en 2011, nous en sommes à 5 700 changements de statuts, c'est-à-dire du passage du statut d’étudiant au statut de salarié, soit 35 % de plus que l’année dernière. Par ailleurs j’ai bien entendu effectivement les attentes d’un certain nombre de directeurs de grande école, présidents d’université, et j’ai créé un canal particulier pour examiner les cas spécifiques qui seraient soumis, à peu près 300 cas ont été soumis, 150 ont déjà été réglés. Mais derrière il y a une question plus vaste, c’est celle de savoir qu’elle est l’attitude que nous avons à l’égard de la main d’oeuvre étrangère. Moi, je dis que dans un pays où il y a 2 750 000 demandeurs d’emploi, où il y a chaque année 110 000 personnes de plus qui arrivent sur le marché du travail, il faut d’abord s’efforcer de répondre à la demande d’emploi qui se manifeste dans notre pays, qu’elle soit française ou étrangère au demeurant. Il faut savoir que presque 25 % des étrangers installés en France n’ont pas d’emploi. Alors il y a un autre sujet encore qui est délicat parce que dans cette affaire d’emploi des étudiants étrangers, des ex-étudiants étrangers, je crois qu’il faut faire la distinction entre plusieurs types de pays. D’abord il faut que nos entreprises aient des besoins, c’est le droit commun qui doit être examiné. Y a-t-il des besoins ? Mais il y a des pays à l’égard desquels il faut que nous soyons très attentifs. La France n’a pas vocation à voler ses élites aux pays, leurs élites aux pays qui sont en voie de développement, qui ont besoin de médecins, qui ont besoin d’ingénieurs.
 
GUILLAUME ROQUETTE A travers toutes ces mesures, on se dit, la ligne est claire pour 2012, c’est à droite toute.
 
CLAUDE GUEANT Ce n’est pas à droite toute, c’est simplement le bon sens toute, si je puis dire, c’est le bon sens toute. Ma conviction très forte, la conviction du gouvernement, c’est que nous ne sommes absolument pas pour l’immigration zéro, mais pour que l’immigration soit réussie, il faut que l’intégration réussisse. Et l’intégration réussie mieux si nous maîtrisons les flux migratoires. Et c’est la raison pour laquelle je lutte contre l’immigration irrégulière, et c’est la raison pour laquelle aussi je veux limiter l’immigration légale. Il s’agit d’intégrer les étrangers pour qu’ils vivent bien en France, et que nous, nous vivions bien avec eux.
 
GUILLAUME ROQUETTE Des responsables policiers de très haut niveau ont été soupçonnés de consulter des Fadettes, c'est-à-dire des relevés de télécommunication de téléphone mobile concernant un journaliste du MONDE, vous allez réglementer, vous allez faire passer une loi pour interdire ce type de pratique ?
 
CLAUDE GUEANT Indépendamment de l’espèce, il me parait que la réglementation concernant l’accès aux Fadettes n’est pas suffisamment claire, donc je souhaite qu’un projet de loi soit déposé. Il est question aussi d’une proposition peu importe, mais il faut que les choses puissent être faites dans la clarté.
 
GUILLAUME ROQUETTE Si vous faites une loi pour l’interdire, ça veut dire que c’était condamnable.
 
CLAUDE GUEANT Non, je n’ai pas dit que c’était une loi pour l’interdire, je dis au contraire que c’est une loi pour organiser les modalités d’accès. Après tout qu’est-ce que c’est les Fadettes, vous l’avez dit à l’instant, c’est l’accès à l’identification de l’existence de communications, mais ça n’est pas du tout l’accès aux contenus des communications. Or il existe dans notre droit des possibilités notamment sous le contrôle du juge pour accéder aux contenus des conversations téléphoniques, donc c’est moins important au regard de la liberté individuelle, mais il faut que ce soit organisé, il faut que ce soit réglementé, parce qu’il y a des vides juridiques.
 
GUILLAUME ROQUETTE Une nouvelle pièce de théâtre, GOLGOTA PICNIC suscite une polémique avec des manifestations de certains catholiques, est-ce qu’à votre avis ce type de réactions est légitime ?
 
CLAUDE GUEANT Tout mode d’expression dans notre pays est légitime, Dieu merci, à la fois la pièce est légitime même si elle choque beaucoup et d’autre part la protestation est également légitime. Simplement je crois que Invités du jeudi 17 novembre 2011 Département Veille et Ressources d’informations – 01.42.75.54.58 18 puisque ce n’est pas le seul exemple de contestation de pièce de théâtre en ce moment ou bien de publicité qui sont considérées comme très agressives.
 
GUILLAUME ROQUETTE Vous faites allusion aux publicités de BENETTON où on voit le Pape embrassant un responsable musulman.
 
CLAUDE GUEANT Je crois qu’il faut garder la mesure et respecter les autres.
 
GUILLAUME ROQUETTE Une dernière question, Dominique STRAUSS-KAHN se plaint d’un acharnement médiatique contre lui, est-ce que vous partagez ce point de vue ?
 
CLAUDE GUEANT Très franchement je ne suis pas responsable des médias.
 
GUILLAUME ROQUETTE Vous devez avoir un avis comme citoyen.
 
CLAUDE GUEANT Les médias consacrent beaucoup d’espaces, beaucoup de temps à Dominique STRAUSS-KAHN et depuis longtemps, ils l’ont fait en sa faveur, aujourd'hui ils le font de façon critique, ça aussi c’est la liberté de la presse.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 17 novembre 2011