Interview de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, à Europe 1 le 23 novembre 2011, sur la proposition de l'UMP de supprimer la loi sur les 35 heures et les manifestations contre les convois de déchets radioactifs à destination de l'Allemagne.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT Juste avant de vous interroger, de vous ausculter, j’allais dire, écoutons ensemble Roger COHEN qui est notre éditorialiste du mercredi, grand éditorialiste du NEW YORK TIMES. (Chronique de Roger COHEN : La France en état de déprime). Juste un mot, Nathalie KOSCIUSKOMORIZET, sur le diagnostic.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ah ben, je suis d’accord avec rien, donc ça va être long.
 
BRUCE TOUSSAINT Ah ? D’accord ! Alors, faites court alors, ça suffit.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais d’abord, quand Roger COHEN dit que les Français doutent d’eux-mêmes, mais le doute de soi-même c’est une preuve d’intelligence. Qu’il y a quelques dizaines de pourcent des Français seulement qui considèrent que leur culture est supérieure à celle des autres : on n’a pas besoin de considérer que sa culture est supérieure pour considérer qu’elle est formidable. Enfin, d’un bout à l’autre, je suis d’accord avec rien. Alors, il a l’air d’aimer beaucoup François HOLLANDE, eh bien tant mieux, c’est bien qu’il y ait des Américains, quelques-uns, qui aiment François HOLLANDE ; il y a aussi quelques Français qui aiment l’opposition américaine, pas beaucoup !
 
BRUCE TOUSSAINT Allez, vite fait, le rappel des titres de l’actualité, et juste après Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET avec nous. (…/…) Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, vous avez pris des RTT récemment ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ah non, pas vraiment ! Oui, je sais, vous dites ça à cause de la Une du PARISIEN sur l’hôpital.
 
BRUCE TOUSSAINT Notamment !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Boum !
 
BRUCE TOUSSAINT On a droit à des RTT quand on est ministre ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non, mais on a droit à rien quand on est ministre et on ne fait pas ça pour ça. On est là pour servir les Français et c’est un job un peu particulier, vous le savez bien.
 
BRUCE TOUSSAINT Bon, alors effectivement les 35 h qui reviennent dans l’actualité, brutalement. D’abord, il y avait la convention, hier, de l’UMP, et vous en avez parlé. Vous proposez de sortir du 35 h en confiant aux partenaires sociaux le soin de négocier branche par branche. Jean-Luc MÉLENCHON, je ne sais pas si vous avez entendu, dit que c’est une déclaration de guerre sociale.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Ecoutez, compte tenu de ce que sont les idées de Jean-Luc Mélenchon mais aussi de ce qu’il dit parfois, ben moi j’aime pas le mot « déclaration de guerre », parce que je trouve que c’est pas un mot qui devrait appartenir tellement à cette situation-là, mais ce n’est pas le problème. Le problème c’est qu’est-ce qui aujourd’hui fait que la France a des boulets attachés aux pieds dans la compétition internationale alors que on cherche le rebond pour sortir de la crise ? Les 35 h c’est une cote mal taillée, et la même pour tout le monde. Or, tous les secteurs sont différents. Vous avez des secteurs dans lequel le temps de travail est très homogène d’un bout à l’autre de l’année.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous vous souvenez de Nicolas SARKOZY en janvier…
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET …oui, ça ne vous intéresse pas ce que je vous dis, non ?
 
BRUCE TOUSSAINT Si, si, absolument, mais je vous coupe parce qu’en 2008 il nous disait, vous nous disiez exactement la même chose, les 35 h c’est fini. Ca fait combien de fois que la majorité enterre les 35 h ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Les 35 h, elles ont été très fortement assouplies, vous le savez très bien, avec les heures sup. C’est-à-dire que aujourd’hui un patron qui a besoin de mettre un peu de souplesse dans son temps de travail, il fait des heures sup, en plus elles sont défiscalisées, c’est tout bénef pour le patron et pour le salarié. Il y a des millions de Français qui en profitent. Il n’en reste pas moins que ça reste une cote mal taillée même assouplie, la même pour tous les secteurs, pour tous les jobs. Et je reviens sur ce que je vous disais, qui ne vous intéressait pas, c’est qu’en fait…
 
BRUCE TOUSSAINT …ça m’intéresse, rassurez-vous !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Vous avez des secteurs dans lequel le temps de travail est très homogène d’un bout à l’autre de l’année. Vous savez des secteurs dans lequel il y a des coups de bourre. Le temps de travail c’est pas la même chose, ça ne fonctionne pas de la même manière. Il est temps que chacun ait quelque chose qui corresponde un peu à son fonctionnement. C’est l’idée qu’on a, c’est on fait un fonctionnement branche par branche, on fait une négociation branche par branche, et on ne fait pas la même méthode que les socialistes quand ils ont imposé les 35 h, si on fait.
 
BRUCE TOUSSAINT Mais, je suis sûr que ma question va vous intéresser aussi : pourquoi vous ne l’avez pas fait plus tôt ? Dix ans que la droite est au pouvoir !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui ! Ca été tellement brutal le passager aux 35 h qu’on a voulu…c’est une question qui s’est posée. C’est une question qui s’est posée à l’intérieur de la majorité. Vous vous souvenez qu’on a eu des débats sur ce sujet : est-ce qu’on change tout d’un coup, est-ce qu’on assoupli progressivement ? On a choisi d’assouplir progressivement. Donc, on a d’abord assoupli à travers les heures sup, et ça marche puisqu’il y a des millions de Français qui en ont. Si ça ne marchait pas, si ça ne correspondait pas à un besoin, eh bien les patrons ils n’auraient tout simplement pas fait appel avec leurs salariés aux heures sup. Maintenant, on voudrait aller plus loin.
 
BRUCE TOUSSAINT Quand on lit LE PARISIEN – AUJOURD’HUI EN FRANCE, vous l’évoquiez à l’instant, on se dit que l’heure est grave. Les personnels hospitaliers ont accumulé plus de deux millions de jours de RTT.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais on sait bien qu’il y a…
 
BRUCE TOUSSAINT … comment on règle ça ? Il va y avoir des négociations avec Xavier BERTRAND, notamment ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On sait bien que l’hôpital est un des secteurs, je vous disais que les 35 h c’était très différent suivant les secteurs. On sait bien que l’hôpital est un des secteurs dans lequel c’est le plus problématique, et il y a une véritable bombe à retardement. Pourquoi ? Parce qu’il y a des spécialités dans lesquelles il y a des effets de ciseau, il n’y a pas assez de personnel, par exemple les infirmiers, notamment les infirmiers anesthésistes. Et donc, on ne peut pas laisser partir les personnels en RTT. Eux-mêmes mettent leurs RTT sur leur compte épargne temps, et puis les comptes épargne temps gonflent, gonflent, gonflent. Alors, il y a des solutions. Moi, je crois, par exemple, des solutions de fin de carrière, on sait qu’il y a certaines spécialités dans lesquelles la vie est très dure, c’est dur à exercer, physiquement c’est fatiguant en fin de carrière, quand on prend de l’âge, c’est fatiguant, ça peut être l’occasion d’organiser des temps partiels ou des fins de carrière anticipées, mais enfin, bon…
 
BRUCE TOUSSAINT Donc, vous auriez dû le faire plus tôt ? Je vous repose la question.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais je crois surtout qu’on n’aurait pas du le faire, les 35 h. C’est un autre sujet.
 
BRUCE TOUSSAINT Oui, non mais d’accord, mais une fois que c’est là ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais une fois que ça été fait…ben, une fois que ça été fait, il fallait quand même fonctionner avec quelque chose qui avait été imposée et qui existait dans le système français.
 
BRUCE TOUSSAINT Si j’ai bien compris le slogan qui a été présenté hier, on est passé du « travailler plus pour gagner plus », slogan de 2007, au « travailler plus pour produire plus et dépenser moins ». Ca va faire rêver les foules, ça ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Et finalement, gagner plus. Vous auriez dû venir, je pense que c’était mieux présenté que ça.
 
BRUCE TOUSSAINT Ce n’est pas la bonne formule « travailler plus pour produire plus et dépenser moins » ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Si !
 
BRUCE TOUSSAINT Ah !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET L’idée, le concept, le concept c’est le suivant, ça ne sert à rien de se battre à l’infini, comme on pourrait le faire avec la gauche qui adore ce débat-là, sur comment on répartit mieux et autrement ce qu’il y a. C’est un débat qu’on peut avoir, c’est un débat qui est légitime, la répartition, je veux dire. Moi, je ne suis pas en train de dire que ça n’a aucun intérêt, mais à un moment on répartit ce qu’on a. Et donc, la question pour sortir de la crise c’est : comment on crée plus de richesse, comment on redevient une terre de production, comment on exporte ? Pourquoi est-ce que les Allemands sont tellement exportateurs et pas nous ? Je veux dire, les Allemands ne sont pas forcément beaucoup plus intelligents que nous. Je reviens sur ce que disait Roger COHEN.
 
BRUCE TOUSSAINT Ah !
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET J’aurais aimé avoir son opinion sur les Allemands. Donc, comment on se donne les moyens, parce qu’on croit à la France et on croit que la France peut être un pays aussi de production et d’innovation, ben de revenir créateur de richesse pour pouvoir avoir ce débat intéressant de la répartition des richesses ?
 
BRUCE TOUSSAINT Deux dernières questions très vite. Nicolas SARKOZY sera-t-il, avec vous d’ailleurs, au Tricastin, vendredi, pour visiter le site nucléaire et prononcer un grand discours sur cette question ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET C’est même un déplacement du président de la République, donc c’est plutôt moi qui serai avec lui, mais…enfin, on sera ensemble, il n’y a pas de problème.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous y serez donc ?
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Oui, j’y serai.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous confirmez, ça sera le grand sujet de clivage entre la gauche et la droite pendant la campagne.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET On ne parlera pas que de nucléaire, on parlera aussi d’efficacité énergétique, parce que vous savez, c’est un peu comme les richesses, avant de se poser la question de savoir, là, comment on les produit, c’est l’envers, il faudrait essayer de diminuer et de ne pas gâcher. L’efficacité énergétique c’est un enjeu de compétitivité et de pouvoir d’achat aujourd’hui.
 
BRUCE TOUSSAINT Et un message aux manifestants qui sont devant le train de déchets à Valognes, dans La Manche, ce matin.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Mais, le système c’est que un pays qui nous confie ses déchets, on les lui renvoie. Moi, je ne comprends pas que les manifestants ne veuillent pas qu’on renvoie leurs déchets, je crois que c’est aux Allemands, là, enfin je ne sais pas à quel pays.
 
BRUCE TOUSSAINT Oui, oui.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET En tout cas, ce sont de des déchets qu’on renvoie à l’étranger. Ils veulent qu’on les garde ?
 
BRUCE TOUSSAINT C’est le dernier de toute façon.
 
NATHALIE KOSCIUSKO-MORIZET Non mais, ils veulent qu’on les garde ? Moi, je leur pose la question : ils veulent qu’on les garde ?
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement le 24 novembre 2011