Texte intégral
Q - L'Agence Anatolie locale vous prête des propos selon lesquels vous discuteriez avec l'opposition syrienne sur l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne
R - Je n'ai pas dit ça ; posez la question
Q - Alors qu'est-ce qui peut empêcher aujourd'hui une guerre civile dont les signes sont déjà bien présents en Syrie ?
R - On m'a interrogé sur l'éventualité de la création d'une zone d'exclusion aérienne. J'ai répondu que, premièrement, nous encouragions l'opposition syrienne à garder la ligne qui est la sienne, c'est-à-dire refuser de s'engager dans une spirale de violence et de guerre civile, et continuer à faire ce qu'elle fait si courageusement depuis des mois en manifestant pacifiquement. Deuxièmement, j'ai indiqué que s'il fallait envisager, à un moment ou un autre, une intervention cela ne pouvait se situer que dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité ; vous savez bien qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies. Voilà ce que j'ai dit hier très précisément.
La situation reste extraordinairement préoccupante. Des bombardements de villages au nord de la Syrie ont encore eu lieu et il faut donc accroître la pression sur ce régime. Je vous rappelle que j'étais un des tout premiers à dire, il y a plusieurs mois déjà, que le régime syrien était en train de perdre sa légitimité et qu'il faudrait un jour ou l'autre qu'il quitte le pouvoir. Le tournant de la situation, c'est la prise de position de la Ligue arabe - il y a quelques jours -, confirmée à Rabat avant-hier. Un délai de trois jours a été donné au régime pour accepter la dernière proposition de la Ligue arabe, c'est-à-dire l'envoi non pas d'une force militaire mais d'observateurs qui pourraient vérifier que les engagements des autorités syriennes sont tenus, à savoir que les troupes rentrent dans les casernes et que les manifestants puissent s'exprimer librement. Est-ce que cette proposition sera adoptée ? J'ai manifesté mon scepticisme tout à l'heure ; on le saura très rapidement.
Nous continuons donc à travailler avec la Ligue arabe, la Turquie et l'ensemble de nos partenaires. Je me réjouis de voir que nous sommes exactement sur la même ligne. Nous continuons à accentuer les sanctions. L'Union européenne a adopté lundi dernier une nouvelle vague de sanctions. Nous allons, je l'espère, faire voter à l'Assemblée générale des Nations unies une résolution qui condamne le comportement du régime syrien. Nous travaillons aussi avec l'opposition : j'ai pris des contacts à Paris et je suis prêt à les revoir. Je sais que la Turquie accueille une partie des responsables du Conseil national syrien ici à Istanbul. Voilà la stratégie que nous développons.
Je comprends parfaitement l'impatience de tous ceux qui nous disent que les morts continuent à s'accumuler : plus de 3.500 jusqu'à présent, 20.000 prisonniers contre qui la torture est couramment employée. Cette situation est absolument insupportable et il faut conjuguer tous nos efforts pour la faire cesser.
Q - Il faut éviter à tout prix un scénario à la libyenne, en résumé, c'est ça ?
R - Ce n'est pas comparable. Nous sommes dans des situations radicalement différentes, je le répète. Pour la Libye, il y avait eu un appel à l'intervention internationale avec des pays arabes puisque la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies avait été coparrainée par le Liban. Vous sentez bien qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation tout à fait différente, même si la Ligue arabe a évolué. De plus, la société syrienne est beaucoup plus complexe que la société libyenne avec, les différentes communautés que vous connaissez. Je ne crois donc pas que l'on puisse comparer la situation syrienne et la situation libyenne.
Q - Mais cela pourrait aussi être une guerre civile et cela pourrait aussi imposer une intervention internationale qui aurait là par contre d'autres conséquences ?
R - Je vous ai déjà répondu sur ce point. Il faut effectivement prendre en compte les problèmes de sécurité de l'ensemble de la région. La déstabilisation de la Syrie est un enjeu de sécurité régionale et même au-delà. C'est la raison pour laquelle je n'arrive pas à comprendre comment le Conseil de sécurité ne parvient pas à se mettre d'accord pour s'exprimer sur ce sujet, pour au moins enjoindre au régime de s'arrêter et de le menacer de sanctions fortes s'il ne le faisait pas. Mais vous savez pourquoi nous n'y arrivons pas.
Q - Demain, vous serez à Abou Dhabi. Qu'est ce qui vous fait penser que vous avez encore une chance de sauver la vente du Rafale ?
R - Beaucoup de choses, notamment tous les contacts que j'ai eus jusqu'à présent. Vous savez, je relativise les déclarations qui ont été faites dans un sens ou dans l'autre. On souffle le chaud et le froid ; c'est un peu l'art de la négociation. J'ai déjà fait des propositions, je vais les finaliser à l'occasion de mes déplacements et j'espère que nous trouverons une solution.
Q - Vous êtes confiant pour avoir une solution ?
R - Quand on aborde une négociation sans être confiant, ce n'est pas la peine d'y aller. Je suis confiant mais on en parlera dans les jours qui viennent.
Q - Concernant les sanctions contre la Syrie est-ce que vous pourriez nous dire concrètement quel genre de sanctions est discuté actuellement ? De quoi vous avez parlé avec les Turcs ?
R - Nous avons ciblé... Je parle des sanctions européennes puisque c'est de celles-là pour l'instant qu'il s'agit. On n'est pas encore au niveau des sanctions internationales, pour des raisons que j'ai rappelées tout à l'heure. Nous avons allongé la liste des personnalités syriennes qui sont frappées par le gel de leurs avoirs ou d'interdiction de déplacement par refus de visa. Nous avons aussi demandé à la Banque européenne d'investissement de suspendre toutes ses interventions en Syrie. Nous avons également prévu un embargo sur les importations pétrolières. Tous les moyens possibles sont donc utilisés.
Q - Vous avez dû soutenir les sanctions auxquelles réfléchit la Turquie, par exemple les sanctions énergétiques ?
R - Bien entendu. L'énergie est vraiment indispensable pour le fonctionnement de l'économie. Notre préoccupation est toujours la même quand on met en place des sanctions, c'est d'essayer de frapper le moins possible les populations, afin de ne pas trop détériorer leur vie quotidienne. Il s'agit d'un équilibre très difficile à trouver.
Q - Concernant cette zone tampon, on est parti de cette notion avec des buts humanitaires, pour protéger la population ; quelle forme prendrait-elle ?
R - Je vous ai dit que la France n'était pas favorable à des initiatives unilatérales et que ce genre d'opérations devait se concevoir dans le cadre des Nations unies. Des conditions peuvent être réunies ; ce n'est pas encore tout à fait le cas.
Q - Cela peut peut-être devenir une initiative internationale ?
R - La Ligue arabe, pour l'instant, n'a pas pris cette initiative. Je rappelle qu'elle a pris l'initiative de proposer l'envoi d'observateurs civils pour s'assurer que les engagements théoriquement pris par le régime syrien sont bien respectés. Nous connaîtrons demain les résultats du pari lancé, avant-hier à Rabat, avec un délai de trois jours ; ce pourrait être une première étape.
Q - Si la répression se poursuit et que la question est portée à l'ONU, est ce que vous seriez partisan d'une zone d'exclusion aérienne qui est demandée par la rue syrienne ?
R - Il faut y réfléchir. Pour l'instant, les conditions ne sont pas réunies. La France a pris ses responsabilités dès le départ, en condamnant explicitement le comportement du régime syrien. Nous avons été à la manuvre avec nos amis européens et nous sommes parmi ceux qui pour l'instant ont pris les sanctions les plus dures. Neuf vagues successives de sanctions ont été adoptées. Ce qui est très important, depuis quelques jours, c'est la prise de position de la Ligue arabe. Elle a tenté une médiation, une première médiation qui a échoué et, aujourd'hui, vous avez vu qu'elle avait durci le ton. Nous souhaitons donc travailler avec la Ligue arabe, la Turquie et avec nos autres partenaires qui ont bien pris conscience que ce régime devait arrêter cette répression sauvage qu'il continue à exercer contre sa propre population. J'ai bien conscience que c'est difficile, que le régime s'entête et que les sanctions ne donnent des résultats qu'avec le temps. Nous continuons aussi nos contacts avec l'opposition qui a un comportement extrêmement courageux, extrêmement responsable en refusant de recourir à la violence pour éviter le déclenchement d'une guerre civile.
Q - En ce moment en Turquie, il y a une vague de répression extrêmement inquiétante contre le mouvement politique kurde au nom de la lutte anti-terroriste. Est-ce que la France soutient cette politique de la Turquie ?
R - Nous soutenons la lutte contre les mouvements terroristes. Cela ne veut dire pas que nous ne sommes pas préoccupés par la liberté d'expression des mouvements politiques qui respectent la légalité. C'est ça la ligne de partage. Quand M. Guéant est venu ici, il a proposé un accord de coopération intérieure à la Turquie parce que la France est elle aussi touchée par les phénomènes terroristes. Nous sommes, depuis quelques années, le pays d'Europe qui a eu le plus de citoyens pris en otage. Donc, là-dessus, nous nous retrouvons.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2011
R - Je n'ai pas dit ça ; posez la question
Q - Alors qu'est-ce qui peut empêcher aujourd'hui une guerre civile dont les signes sont déjà bien présents en Syrie ?
R - On m'a interrogé sur l'éventualité de la création d'une zone d'exclusion aérienne. J'ai répondu que, premièrement, nous encouragions l'opposition syrienne à garder la ligne qui est la sienne, c'est-à-dire refuser de s'engager dans une spirale de violence et de guerre civile, et continuer à faire ce qu'elle fait si courageusement depuis des mois en manifestant pacifiquement. Deuxièmement, j'ai indiqué que s'il fallait envisager, à un moment ou un autre, une intervention cela ne pouvait se situer que dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité ; vous savez bien qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas réunies. Voilà ce que j'ai dit hier très précisément.
La situation reste extraordinairement préoccupante. Des bombardements de villages au nord de la Syrie ont encore eu lieu et il faut donc accroître la pression sur ce régime. Je vous rappelle que j'étais un des tout premiers à dire, il y a plusieurs mois déjà, que le régime syrien était en train de perdre sa légitimité et qu'il faudrait un jour ou l'autre qu'il quitte le pouvoir. Le tournant de la situation, c'est la prise de position de la Ligue arabe - il y a quelques jours -, confirmée à Rabat avant-hier. Un délai de trois jours a été donné au régime pour accepter la dernière proposition de la Ligue arabe, c'est-à-dire l'envoi non pas d'une force militaire mais d'observateurs qui pourraient vérifier que les engagements des autorités syriennes sont tenus, à savoir que les troupes rentrent dans les casernes et que les manifestants puissent s'exprimer librement. Est-ce que cette proposition sera adoptée ? J'ai manifesté mon scepticisme tout à l'heure ; on le saura très rapidement.
Nous continuons donc à travailler avec la Ligue arabe, la Turquie et l'ensemble de nos partenaires. Je me réjouis de voir que nous sommes exactement sur la même ligne. Nous continuons à accentuer les sanctions. L'Union européenne a adopté lundi dernier une nouvelle vague de sanctions. Nous allons, je l'espère, faire voter à l'Assemblée générale des Nations unies une résolution qui condamne le comportement du régime syrien. Nous travaillons aussi avec l'opposition : j'ai pris des contacts à Paris et je suis prêt à les revoir. Je sais que la Turquie accueille une partie des responsables du Conseil national syrien ici à Istanbul. Voilà la stratégie que nous développons.
Je comprends parfaitement l'impatience de tous ceux qui nous disent que les morts continuent à s'accumuler : plus de 3.500 jusqu'à présent, 20.000 prisonniers contre qui la torture est couramment employée. Cette situation est absolument insupportable et il faut conjuguer tous nos efforts pour la faire cesser.
Q - Il faut éviter à tout prix un scénario à la libyenne, en résumé, c'est ça ?
R - Ce n'est pas comparable. Nous sommes dans des situations radicalement différentes, je le répète. Pour la Libye, il y avait eu un appel à l'intervention internationale avec des pays arabes puisque la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies avait été coparrainée par le Liban. Vous sentez bien qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation tout à fait différente, même si la Ligue arabe a évolué. De plus, la société syrienne est beaucoup plus complexe que la société libyenne avec, les différentes communautés que vous connaissez. Je ne crois donc pas que l'on puisse comparer la situation syrienne et la situation libyenne.
Q - Mais cela pourrait aussi être une guerre civile et cela pourrait aussi imposer une intervention internationale qui aurait là par contre d'autres conséquences ?
R - Je vous ai déjà répondu sur ce point. Il faut effectivement prendre en compte les problèmes de sécurité de l'ensemble de la région. La déstabilisation de la Syrie est un enjeu de sécurité régionale et même au-delà. C'est la raison pour laquelle je n'arrive pas à comprendre comment le Conseil de sécurité ne parvient pas à se mettre d'accord pour s'exprimer sur ce sujet, pour au moins enjoindre au régime de s'arrêter et de le menacer de sanctions fortes s'il ne le faisait pas. Mais vous savez pourquoi nous n'y arrivons pas.
Q - Demain, vous serez à Abou Dhabi. Qu'est ce qui vous fait penser que vous avez encore une chance de sauver la vente du Rafale ?
R - Beaucoup de choses, notamment tous les contacts que j'ai eus jusqu'à présent. Vous savez, je relativise les déclarations qui ont été faites dans un sens ou dans l'autre. On souffle le chaud et le froid ; c'est un peu l'art de la négociation. J'ai déjà fait des propositions, je vais les finaliser à l'occasion de mes déplacements et j'espère que nous trouverons une solution.
Q - Vous êtes confiant pour avoir une solution ?
R - Quand on aborde une négociation sans être confiant, ce n'est pas la peine d'y aller. Je suis confiant mais on en parlera dans les jours qui viennent.
Q - Concernant les sanctions contre la Syrie est-ce que vous pourriez nous dire concrètement quel genre de sanctions est discuté actuellement ? De quoi vous avez parlé avec les Turcs ?
R - Nous avons ciblé... Je parle des sanctions européennes puisque c'est de celles-là pour l'instant qu'il s'agit. On n'est pas encore au niveau des sanctions internationales, pour des raisons que j'ai rappelées tout à l'heure. Nous avons allongé la liste des personnalités syriennes qui sont frappées par le gel de leurs avoirs ou d'interdiction de déplacement par refus de visa. Nous avons aussi demandé à la Banque européenne d'investissement de suspendre toutes ses interventions en Syrie. Nous avons également prévu un embargo sur les importations pétrolières. Tous les moyens possibles sont donc utilisés.
Q - Vous avez dû soutenir les sanctions auxquelles réfléchit la Turquie, par exemple les sanctions énergétiques ?
R - Bien entendu. L'énergie est vraiment indispensable pour le fonctionnement de l'économie. Notre préoccupation est toujours la même quand on met en place des sanctions, c'est d'essayer de frapper le moins possible les populations, afin de ne pas trop détériorer leur vie quotidienne. Il s'agit d'un équilibre très difficile à trouver.
Q - Concernant cette zone tampon, on est parti de cette notion avec des buts humanitaires, pour protéger la population ; quelle forme prendrait-elle ?
R - Je vous ai dit que la France n'était pas favorable à des initiatives unilatérales et que ce genre d'opérations devait se concevoir dans le cadre des Nations unies. Des conditions peuvent être réunies ; ce n'est pas encore tout à fait le cas.
Q - Cela peut peut-être devenir une initiative internationale ?
R - La Ligue arabe, pour l'instant, n'a pas pris cette initiative. Je rappelle qu'elle a pris l'initiative de proposer l'envoi d'observateurs civils pour s'assurer que les engagements théoriquement pris par le régime syrien sont bien respectés. Nous connaîtrons demain les résultats du pari lancé, avant-hier à Rabat, avec un délai de trois jours ; ce pourrait être une première étape.
Q - Si la répression se poursuit et que la question est portée à l'ONU, est ce que vous seriez partisan d'une zone d'exclusion aérienne qui est demandée par la rue syrienne ?
R - Il faut y réfléchir. Pour l'instant, les conditions ne sont pas réunies. La France a pris ses responsabilités dès le départ, en condamnant explicitement le comportement du régime syrien. Nous avons été à la manuvre avec nos amis européens et nous sommes parmi ceux qui pour l'instant ont pris les sanctions les plus dures. Neuf vagues successives de sanctions ont été adoptées. Ce qui est très important, depuis quelques jours, c'est la prise de position de la Ligue arabe. Elle a tenté une médiation, une première médiation qui a échoué et, aujourd'hui, vous avez vu qu'elle avait durci le ton. Nous souhaitons donc travailler avec la Ligue arabe, la Turquie et avec nos autres partenaires qui ont bien pris conscience que ce régime devait arrêter cette répression sauvage qu'il continue à exercer contre sa propre population. J'ai bien conscience que c'est difficile, que le régime s'entête et que les sanctions ne donnent des résultats qu'avec le temps. Nous continuons aussi nos contacts avec l'opposition qui a un comportement extrêmement courageux, extrêmement responsable en refusant de recourir à la violence pour éviter le déclenchement d'une guerre civile.
Q - En ce moment en Turquie, il y a une vague de répression extrêmement inquiétante contre le mouvement politique kurde au nom de la lutte anti-terroriste. Est-ce que la France soutient cette politique de la Turquie ?
R - Nous soutenons la lutte contre les mouvements terroristes. Cela ne veut dire pas que nous ne sommes pas préoccupés par la liberté d'expression des mouvements politiques qui respectent la légalité. C'est ça la ligne de partage. Quand M. Guéant est venu ici, il a proposé un accord de coopération intérieure à la Turquie parce que la France est elle aussi touchée par les phénomènes terroristes. Nous sommes, depuis quelques années, le pays d'Europe qui a eu le plus de citoyens pris en otage. Donc, là-dessus, nous nous retrouvons.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2011