Texte intégral
S. Paoli Où est la voie du dialogue social ? Le "ni-ni" des mesures gouvernementales destinées à encadrer les plans sociaux "ni laisser faire, ni faire peur aux industriels" ne convainc pas. Et le décret concernant les augmentations des fonctionnaires marque l'échec des négociations dans la fonction publique. Après LU-Danone, Marks Spencer, AOM, voilà Moulinex. On se rend compte que la mondialisation impose de plus en plus aux entreprises presque régulièrement maintenant de faire des plans sociaux. Ne faut-il pas trouver absolument une solution et un nouveau mode de dialogue social dans les entreprises ?
- "Nous qui sommes syndicalistes, qui avons un peu d'expérience en la matière sur l'emploi, je peux vous dire quand même que les plans de restructuration ce n'est pas depuis hier ou quelques semaines qu'on se les coltine. Nos délégués, nos élus de comité d'entreprise savaient ce que c'est, je dirais avant même que cette mondialisation prenne la tournure qu'elle a prise. Au demeurant, la mondialisation modifie incontestablement les règles de la concurrence, modifie les conditions de la rentabilité des entreprises ; elle a fait naître avec force une présence nouvelle, au moins en France, dans les entreprises qui ont leur siège en France. Les actionnaires, ont de l'appétit par rapport aux profits qu'ils attendent de leur investissement en capital. Donc, tout cela change les données aujourd'hui dans lesquelles nous avons à agir dans les entreprises et à exercer notre contre-pouvoir. Dans quel sens ?"
Juste pour bien comprendre, parce que l'opinion ne comprend pas et même d'ailleurs certains syndicalistes ou hommes politiques eux-mêmes disent ne pas comprendre : est-ce que le plan annoncé peut répondre à cet enjeu-là ? Est-ce que ce "ni-ni" peut répondre à quelque chose ?
- "Il faut bien restituer le plan d'hier pour ce qu'il est. Il est une réponse à chaud, dans l'urgence, à une émotion qui est née, légitime par rapport à des coups durs, à des mauvaises nouvelles qui sont annoncées pour les salariés qui ont à les vivre et à les subir. Mais les choses utiles qui peuvent être faites, c'est de donner encore plus de moyens d'expression, encore plus de moyens d'intervention d'une confrontation entre les représentants des salariés et les chefs d'entreprise pour qu'ils soient davantage à armes égales. Donc, tout ce qui va dans le sens de donner des moyens supplémentaires pour cela, en particulier d'agir dans un premier temps sur la légitimité des plans ? "Il n'y a vraiment pas d'alternative à cette affaire-là ? Le nombre de licenciements que vous annoncez, c'est vraiment autant de licenciements qu'il faut annoncer ?.""
Beaucoup d'observateurs considèrent que cela ne changera pas grand chose pour les grandes entreprises ...
- "Oui, c'est vrai."
... Et que cela va pénaliser les petites ?
- "Non, cela ne va pas pénaliser les petites. Cela risque tout simplement, au pire je dirais - ce qui n'est pas négligeable -, d'accentuer les différences de traitement entre les salariés des grandes entreprises qui ont des plans sociaux sur lesquels on va pouvoir agir avec plus de force pour obtenir la qualité et les autres. Tout ce qui peut être fait dans ce sens-là montre aussi la voie de ce qu'il faut obtenir pour les autres. Mais évidemment, 85 % aujourd'hui de salariés qui sont licenciés économiquement le sont dans les petites et moyennes entreprises, sans plan social et souvent livrés à eux-mêmes dans la manière dont ils ont à retrouver un travail. C'est la raison pour laquelle - je me permets de le faire remarquer - nous avons été aussi partisans de créer le Plan d'aide de retour à l'emploi. C'est fait pour tous les autres le Plan d'aide de retour à l'emploi, pour que dès que quelqu'un est amené à quitter son entreprise, dès qu'il est chômeur, on puisse lui apporter les moyens nécessaires, la formation nécessaire s'il le faut, en tous cas une aide au reclassement réel. On peut le faire dans l'entreprise, à la charge de l'entreprise dans les grandes entreprises qui en ont les moyens, et c'est normal que les grandes entreprises assument leurs responsabilités sociales avec force, quand elles ont des moyens qui sont à la hauteur de ce que l'on connaît. Il ne faut pas pour autant en oublier les petites et, là, c'est à la collectivité - à l'assurance-chômage mais aussi à la puissance publique - d'assurer les moyens pour les autres salariés."
Donc, vous trouvez que le plan va assez loin ou pas ?
- "Je trouve que par rapport à l'objectif qui est le sien, je ne vois pas ce qui pouvait être fait de très différent. Par contre..."
Mais est-ce qu'il rajoute beaucoup de choses à ce qui existait déjà ?
- "Il a ajouté dans la loi des éléments qui étaient avant ceux de la jurisprudence. En plus, c'est à nous de nous en servir. Ce plan sera efficace si dans les entreprises, l'action syndicale, l'action des salariés qu'ils vont déployer est utilisée à plein. Maintenant, on n'a pas réglé le sujet des conséquences de la mondialisation, de la régulation de cette mondialisation qui est un peu débridée aujourd'hui avec ce plan. C'est là qu'on a envie que tout le monde lève un peu le nez du guidon et regarde à moyen terme où est l'action que nous voulons déployer et dans quel sens. Cette mondialisation, il faut l'organiser, il faut la réguler. En fait, il faut poser des contrepoids sociaux, des contrepoids en qualité d'environnement, en responsabilités sociales par rapport à une logique économique et financière qui va dans tous les sens. Qu'est-ce qui peut agir pour cela ? En premier lieu, je le dis haut et fort, il n'y a dans le monde qu'un continent qui s'appelle l'Europe qui peut - si elle s'en donne les moyens, parce qu'elle a la puissance commerciale, il lui faut une puissance politique - intervenir dans les institutions européennes pour dire : "oui à la performance économique, oui aussi à la performance sociale." Tout cela s'équilibre et il faut prendre les moyens de le faire."
Mais à quand l'Europe sociale ? On ne cesse de poser la question sans arrêt.
- "Lorsque l'Europe, en tant que puissance politique, mettra de l'ordre dans les échanges du commerce et dira : "nous voulons le respect des droits sociaux fondamentaux dans les pays où aujourd'hui on fabrique à moindre coût", on fera monter le progrès social, on élèvera le niveau de vie et la protection sociale, on aura rendu un très grand service social au monde entier dans la réduction des inégalités, dans l'équilibre du développement de la planète. Et en plus bien sûr, nous avons à continuer pour l'Europe, à l'intérieur des frontières de l'Europe, à faire progresser cet équilibre pour nous-mêmes entre le social et l'économique. Il y a ensuite d'autres questions qui se posent avec la mondialisation. Aujourd'hui, les entreprises font des profits. A qui vont ces profits ? C'est la question qui doit être posée ? Dans quelles conditions allons-nous équilibrer cette répartition des profits ? Bien sûr cela ira aux actionnaires, ils ont apporté le capital, donc ils vont bien évidemment avoir envie d'être rétribués. Mais les salariés, de quelle manière vont-ils eux aussi parvenir à avoir un retour du travail qu'ils effectuent et sans lequel l'entreprise n'est pas grand chose ? Là, nous avons, quelques idées en la matière qui parfois d'ailleurs donnent déjà des résultats. Il y a les politiques salariales qui doivent être traitées à la hauteur de ce problème. Il y a aussi à réfléchir sur comment des éléments des profits et des bénéfices des entreprises sont restitués aux salariés, à travers l'intéressement, à travers des plans d'épargne salariale, à travers éventuellement des phénomènes d'actionnariat, mais à condition que l'intervention, l'expression des salariés existe aussi dans le camp des actionnaires. Les salariés ne sont pas des actionnaires comme les autres, mais quand ils le sont, il n'y a aucune raison qu'ils n'aient pas le droit à la parole, le droit à l'intervention pour avoir un type d'action du côté des orientations que les actionnaires donnent qui soient aussi profitables aux salariés."
(Source http://www,cfdt,fr, le 14 janvier 2003)
- "Nous qui sommes syndicalistes, qui avons un peu d'expérience en la matière sur l'emploi, je peux vous dire quand même que les plans de restructuration ce n'est pas depuis hier ou quelques semaines qu'on se les coltine. Nos délégués, nos élus de comité d'entreprise savaient ce que c'est, je dirais avant même que cette mondialisation prenne la tournure qu'elle a prise. Au demeurant, la mondialisation modifie incontestablement les règles de la concurrence, modifie les conditions de la rentabilité des entreprises ; elle a fait naître avec force une présence nouvelle, au moins en France, dans les entreprises qui ont leur siège en France. Les actionnaires, ont de l'appétit par rapport aux profits qu'ils attendent de leur investissement en capital. Donc, tout cela change les données aujourd'hui dans lesquelles nous avons à agir dans les entreprises et à exercer notre contre-pouvoir. Dans quel sens ?"
Juste pour bien comprendre, parce que l'opinion ne comprend pas et même d'ailleurs certains syndicalistes ou hommes politiques eux-mêmes disent ne pas comprendre : est-ce que le plan annoncé peut répondre à cet enjeu-là ? Est-ce que ce "ni-ni" peut répondre à quelque chose ?
- "Il faut bien restituer le plan d'hier pour ce qu'il est. Il est une réponse à chaud, dans l'urgence, à une émotion qui est née, légitime par rapport à des coups durs, à des mauvaises nouvelles qui sont annoncées pour les salariés qui ont à les vivre et à les subir. Mais les choses utiles qui peuvent être faites, c'est de donner encore plus de moyens d'expression, encore plus de moyens d'intervention d'une confrontation entre les représentants des salariés et les chefs d'entreprise pour qu'ils soient davantage à armes égales. Donc, tout ce qui va dans le sens de donner des moyens supplémentaires pour cela, en particulier d'agir dans un premier temps sur la légitimité des plans ? "Il n'y a vraiment pas d'alternative à cette affaire-là ? Le nombre de licenciements que vous annoncez, c'est vraiment autant de licenciements qu'il faut annoncer ?.""
Beaucoup d'observateurs considèrent que cela ne changera pas grand chose pour les grandes entreprises ...
- "Oui, c'est vrai."
... Et que cela va pénaliser les petites ?
- "Non, cela ne va pas pénaliser les petites. Cela risque tout simplement, au pire je dirais - ce qui n'est pas négligeable -, d'accentuer les différences de traitement entre les salariés des grandes entreprises qui ont des plans sociaux sur lesquels on va pouvoir agir avec plus de force pour obtenir la qualité et les autres. Tout ce qui peut être fait dans ce sens-là montre aussi la voie de ce qu'il faut obtenir pour les autres. Mais évidemment, 85 % aujourd'hui de salariés qui sont licenciés économiquement le sont dans les petites et moyennes entreprises, sans plan social et souvent livrés à eux-mêmes dans la manière dont ils ont à retrouver un travail. C'est la raison pour laquelle - je me permets de le faire remarquer - nous avons été aussi partisans de créer le Plan d'aide de retour à l'emploi. C'est fait pour tous les autres le Plan d'aide de retour à l'emploi, pour que dès que quelqu'un est amené à quitter son entreprise, dès qu'il est chômeur, on puisse lui apporter les moyens nécessaires, la formation nécessaire s'il le faut, en tous cas une aide au reclassement réel. On peut le faire dans l'entreprise, à la charge de l'entreprise dans les grandes entreprises qui en ont les moyens, et c'est normal que les grandes entreprises assument leurs responsabilités sociales avec force, quand elles ont des moyens qui sont à la hauteur de ce que l'on connaît. Il ne faut pas pour autant en oublier les petites et, là, c'est à la collectivité - à l'assurance-chômage mais aussi à la puissance publique - d'assurer les moyens pour les autres salariés."
Donc, vous trouvez que le plan va assez loin ou pas ?
- "Je trouve que par rapport à l'objectif qui est le sien, je ne vois pas ce qui pouvait être fait de très différent. Par contre..."
Mais est-ce qu'il rajoute beaucoup de choses à ce qui existait déjà ?
- "Il a ajouté dans la loi des éléments qui étaient avant ceux de la jurisprudence. En plus, c'est à nous de nous en servir. Ce plan sera efficace si dans les entreprises, l'action syndicale, l'action des salariés qu'ils vont déployer est utilisée à plein. Maintenant, on n'a pas réglé le sujet des conséquences de la mondialisation, de la régulation de cette mondialisation qui est un peu débridée aujourd'hui avec ce plan. C'est là qu'on a envie que tout le monde lève un peu le nez du guidon et regarde à moyen terme où est l'action que nous voulons déployer et dans quel sens. Cette mondialisation, il faut l'organiser, il faut la réguler. En fait, il faut poser des contrepoids sociaux, des contrepoids en qualité d'environnement, en responsabilités sociales par rapport à une logique économique et financière qui va dans tous les sens. Qu'est-ce qui peut agir pour cela ? En premier lieu, je le dis haut et fort, il n'y a dans le monde qu'un continent qui s'appelle l'Europe qui peut - si elle s'en donne les moyens, parce qu'elle a la puissance commerciale, il lui faut une puissance politique - intervenir dans les institutions européennes pour dire : "oui à la performance économique, oui aussi à la performance sociale." Tout cela s'équilibre et il faut prendre les moyens de le faire."
Mais à quand l'Europe sociale ? On ne cesse de poser la question sans arrêt.
- "Lorsque l'Europe, en tant que puissance politique, mettra de l'ordre dans les échanges du commerce et dira : "nous voulons le respect des droits sociaux fondamentaux dans les pays où aujourd'hui on fabrique à moindre coût", on fera monter le progrès social, on élèvera le niveau de vie et la protection sociale, on aura rendu un très grand service social au monde entier dans la réduction des inégalités, dans l'équilibre du développement de la planète. Et en plus bien sûr, nous avons à continuer pour l'Europe, à l'intérieur des frontières de l'Europe, à faire progresser cet équilibre pour nous-mêmes entre le social et l'économique. Il y a ensuite d'autres questions qui se posent avec la mondialisation. Aujourd'hui, les entreprises font des profits. A qui vont ces profits ? C'est la question qui doit être posée ? Dans quelles conditions allons-nous équilibrer cette répartition des profits ? Bien sûr cela ira aux actionnaires, ils ont apporté le capital, donc ils vont bien évidemment avoir envie d'être rétribués. Mais les salariés, de quelle manière vont-ils eux aussi parvenir à avoir un retour du travail qu'ils effectuent et sans lequel l'entreprise n'est pas grand chose ? Là, nous avons, quelques idées en la matière qui parfois d'ailleurs donnent déjà des résultats. Il y a les politiques salariales qui doivent être traitées à la hauteur de ce problème. Il y a aussi à réfléchir sur comment des éléments des profits et des bénéfices des entreprises sont restitués aux salariés, à travers l'intéressement, à travers des plans d'épargne salariale, à travers éventuellement des phénomènes d'actionnariat, mais à condition que l'intervention, l'expression des salariés existe aussi dans le camp des actionnaires. Les salariés ne sont pas des actionnaires comme les autres, mais quand ils le sont, il n'y a aucune raison qu'ils n'aient pas le droit à la parole, le droit à l'intervention pour avoir un type d'action du côté des orientations que les actionnaires donnent qui soient aussi profitables aux salariés."
(Source http://www,cfdt,fr, le 14 janvier 2003)