Déclaration de Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux solidarités et à la cohésion sociale, sur le vieillissement dans les zones urbaines et la prise en charge des personnes âgées, Paris le 23 novembre 2011.

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Circonstance : 94ème congrès des Maires à Paris le 23 novembre 2011

Texte intégral


C'est moi, tout d’abord, qui suis ravie d'être des vôtres ce matin pour cet atelier, tellement important parce que, au-delà de cette politique portée par la puissance publique, vous en êtes, si je puis dire, les façonneurs, les premiers acteurs, par votre capacité à comprendre les réalités de terrain.
Et Dieu sait, je l'évoquais avec mon voisin, qu’elles sont différentes selon qu'on est dans un territoire rural, dans un territoire urbain, selon qu’on vit à la montagne, au bord de la mer ou au fin fond de la Corrèze. Au bout du compte, vous êtes, à dire vrai, les premiers capteurs et les premiers orienteurs de cette politique.
J'ai vu que notamment mon ami Rémi DELATTE, maire de Saint-Apollinaire – son intervention a été évoquée il y a un instant par le président de la Fédération des Aînés ruraux – était intervenu devant vous.
J'ai écouté avec intérêt l'intervention de M. FEUILTAINE, l'adjoint au maire de Pulnoy. Et je dois vous dire que, dans ce que j'ai entendu de l'échange, vous avez parfaitement compris sur quoi devait porter ce qui est une véritable réforme, une véritable inflexion du système d’accompagnement des personnes âgées dans notre pays, sous l'effet de ce qui est un phénomène structurant, c'est-à-dire le vieillissement de la population française.
Vous avez le temps, avec la puissance publique et en étroite coordination, bien entendu, de préparer notre pays au choc qui interviendra pleinement en 2025-2030, date à laquelle effectivement nous aurons atteint ce pic du vieillissement de la population française, et les voies que vous avez esquissées dans cet atelier, ce sont en effet les bonnes.
Pourquoi ? Parce que je ne crois pas une seule seconde que ce soit par la médicalisation, et uniquement par la médicalisation, que l'on puisse traiter la question du vieillissement dans notre pays.
D'abord, parce que cela ne correspond pas du tout, Monsieur VILAIN, vous venez de le dire, à ce qu'est le vieillissement.
Le vieillissement, ce sont beaucoup de nos compatriotes en bonne santé, avec de temps en temps des petits soucis dans leur autonomie, mais des soucis limités, des soucis partiels. Et tout l'enjeu de la société française, et ce n'est pas mon ami Alain VASSELLE qui me démentira, lui qui connaît si bien les chiffres, tout notre enjeu collectif dans cette période de tension des financements publics, c'est évidemment de tout faire pour que le glissement qu'est le vieillissement ne se produise pas.
Nous devons opérer ensemble, Mesdames et Messieurs, un véritable effet de ralentissement de la perte d’autonomie dans notre pays. Et toute année d’autonomie gagnée pour nos compatriotes, c’est une année de dépendance évitée à la puissance publique, évitée aux responsables et élus locaux que vous êtes, ce sont des années de bonheur pour nos finances publiques. Pardon de dire les choses aussi crûment.
Je connais, somme toute, assez peu de politiques où l'intérêt des Français coïncide tellement bien avec l'intérêt des finances publiques.
C'est la raison pour laquelle même si l'effort du gouvernement, à travers le projet de loi de financement de la Sécurité sociale que nous sommes en train d’examiner, en fin de lecture, à ce stade, continue d’inscrire un effort important et un effort durable, avec un taux d’augmentation de la dépense conséquent dans une période difficile, puisqu'il est de 4,2 % en masse, ce qui est très important dans la période de tension que nous connaissons, il nous appartient d’inscrire dans la longue période ce système de prévention du glissement, de prévention de la perte d’autonomie.
Et vous avez bien raison quand vous pointez que cette prévention se fait par une politique du lien social. Je retiens là le témoignage du président de la Fédération des Aînés ruraux qui sait de quoi il parle, lui qui avec ce véritable mouvement qui structure effectivement dans le monde rural la participation des personnes qui prennent de l'âge, a réussi effectivement, dans des lieux où parfois la relation à l'autre est distendue du fait de la distance, du fait de la structure même du territoire, à maintenir cette capacité du lien social et cette capacité de participation.
L'une des premières causes de la perte d’autonomie, je crois qu'il ne faut pas se le cacher, au-delà de la pathologie, au-delà de l'accident, c'est l'isolement, et c'est l'exclusion.
Et cette exclusion, elle se construit très tôt dans le parcours de la personne. C'est la raison pour laquelle, en effet, c'est dès la cessation de l'activité que nous devons orienter nos compatriotes qui prennent de l’âge vers le maintien de leur capacité de participation pleine et entière à la vie en commun.
Un effet de prévention collectif qu'il faut en effet inscrire dans nos politiques, bien sûr, mais aussi dans nos visions, dans nos comportements.
L'enjeu, c'est de gagner des années d’autonomie.
Et cela, c'est bien pour les Français, c'est bien pour nos finances publiques.
J’ajoute que, pour avoir dans le cadre du débat sur la dépendance que j'ai conduit avec Roselyne BACHELOT, porté mon bâton de pèlerin un peu partout dans notre pays, je n'ai jamais rencontré de personnes âgées s'interrogeant sur son autonomie me dire « je veux un plateau technique », « je veux une place en EHPAD ». J'ai entendu des élus me dire « aidez-nous pour l'EHPAD ». J'ai entendu des familles dire « j'aimerais trouver une place – vous savez, la place… – pour mon proche, mon parent », ce que je comprends, bien sûr. Mais je n'ai jamais entendu une personne former le projet pour l'avenir de terminer son parcours dans l’EHPAD.
C'est la raison naturellement qui m’amène à dire que la piste que vous avez évoquée, que j'ai entendue, elle est vivante dans le projet de PULNOY, très clairement, elle est vivante dans le projet… qui n'est pas qu'un projet, qui est une véritable réalisation, aujourd'hui, de Saint-Apollinaire, c'est la question de l'habitat. Mais pas l'habitat au sens industriel, pas au sens où il s'agirait de couvrir notre pays là encore d'une solution qui serait une solution unique, développée de manière industrielle, tellement cela n'a aucun sens si on est, par exemple, habitant d'une zone de montagne où, là, on pourrait effectivement avoir un logement totalement accessible, mais rester dans un isolement certain.
L'idée, c'est de proposer à nos compatriotes, à un moment où cela leur est possible encore, de faire un choix éclairé sur le lieu où ils vont vivre pendant parfois 20 ans, 15 ans, alors même qu'ils prennent de l'âge.
Et il faut que ce choix éclairé, ils puissent le faire à un moment où le projet de vie est possible et où ils ont encore la pleine possibilité d’orienter leur choix.
C'est pour cela que la résidence service pour les seniors peut être dans certains cas quelque chose de particulièrement performant.
Dans d'autres cas, c'est en effet un nouveau chez-soi que l'on fait le choix, dans de bonnes conditions, d’envisager ; et parfois c'est aussi, bien sûr, le maintien à domicile avec l'aménagement du logement.
Bien sûr que c'est aussi la proximité de l’EHPAD, ce lieu technique, ce lieu de ressources, où on connaît très bien le problème de la dépendance, de la perte d’autonomie, à la condition, mesdames et messieurs, que la puissance publique s’organise pour lever tous ces verrous.
Parce que, vous le savez comme moi, même s'il y avait entre notre résidence service et l’EHPAD une porte de communication au deuxième étage, les modes de tarification et les modes d’organisation qui sont les nôtres aujourd'hui, dans leur grande verticalité, interdisent la mutualisation des moyens : tout simplement, nous sommes aujourd'hui un peu obsédés par une vision sanitariste, pour ne pas dire hospitalo-centrée, des solutions que nous apportons à nos compatriotes et, du coup, nous fabriquons des solutions médicalisées parce que nous savons tarifer du médicalisé, parce que nous savons financer du médicalisé, et c'est pour cela qu'on finit par faire des solutions chères, qui ne sont pas les solutions les plus confortables pour les Français.
J'ajoute que quand je lis le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui dit tout simplement, en français dans le texte, qu'aujourd'hui, en France, il y a 3 millions de journées d'hospitalisation indues des personnes âgées qui restent à l'hôpital pour la bonne et simple raison qu'on ne sait pas où les mettre dès lors que leur état ne nécessite plus qu'elles soient prises en charge à l'hôpital, si vous faites le rapide calcul de ce que veut dire 3 millions de journées d'hospitalisation, multipliées par 700 euros/jour, vous avez, si j'ose dire, quasiment la réponse à la question d'une partie du besoin de financement pour l'accompagnement de nos compatriotes qui prennent de l'âge.
Et moi, je milite, à la place qui est la mienne aujourd'hui, pour que nous soyons capables de proposer une véritable réallocation stratégique des moyens.
Il faut aller à l'hôpital, bien sûr, mais quand c'est nécessaire. Dès qu'on n’en a plus besoin, il faut pouvoir retrouver en aval la solution par laquelle on va se rétablir.
Se rétablir physiquement, bien sûr, mais surtout se rétablir socialement, car dès lors que l'hospitalisation ou les modalités d'accompagnement consacrent la perte du lien social que j’évoquais tout à l'heure et qui a été si bien décrite par le président de la Fédération des Aînés ruraux, alors, je confirme que nous sommes proactifs dans la perte d'autonomie et que nous consacrons le glissement qui est celui du vieillissement.
Et puis au-delà de tout cela, bien entendu, il faut penser la ville, penser le village, penser l'environnement en prenant en compte cette dimension de la participation sociale.
Vous avez bien eu raison d'évoquer la loi du 11 février 2005, je la connais un peu, moi qui l’ai fait adopter en 2005 à l'Assemblée nationale et au Sénat, j'étais alors au gouvernement.
Mais ce sont les politiques d'accessibilité. Je sais qu'elles sont coûteuses. Je sais qu'elles interrogent les élus que vous êtes.
Si on ne regarde pas le coût de non-qualité qui est associé à une cité inaccessible et à un environnement inaccessible, évidemment on trouve le coût de l'accessibilité exorbitant.
Mais quand on mutualise les approches et quand on compare effectivement l'intérêt d'une mise en accessibilité raisonnée, cohérente, dans l'esprit de la loi, et les enjeux de la participation sociale de nos compatriotes, alors on se rend compte que les coûts deviennent, de ce fait, raisonnables.
C'est la chaîne d'accessibilité que, bien entendu, il faut imaginer dans sa cohérence. Il ne sert à rien de rendre accessibles des lieux qui ne mènent nulle part. Il ne sert à rien de rendre accessible la voirie qui conduit à une médiathèque qui serait elle-même inaccessible, et réciproquement.
La cohérence de la mise en accessibilité, c'est cela le concept d'accessibilité.
J'ajoute qu'il ne s'agit pas, dans ce dont nous sommes en train de parler, uniquement d'accessibilité physique. Il s'agit aussi d'accessibilité à ceux qui, du fait de l'âge ou de la maladie, perdent leurs repères, perdent leur capacité à se situer dans leur environnement. Cela aussi, c'est le confort d'usage, et vous en êtes les artisans, si vous me passez cette expression, dans mon esprit elle est laudative.
En tout état de cause, c'est dans ce dialogue permanent entre la puissance publique qui définit les priorités, définit des orientations, et ce que vous êtes capables d'en interpréter par votre connaissance précise de ces questions que nous pouvons définir des politiques durables, soutenables et performantes.
Je conclurai, Mesdames et Messieurs, parce que je ne veux pas être ennuyeuse, mais sur ce sujet nous sommes dans un domaine réformateur.
Le vieillissement de la population française n'est pas uniquement un problème sanitaire, vous le savez mieux que quiconque. C'est un problème social et sociétal. Nous devons être capables dans la société contemporaine d'aborder la question de la chronicité des pathologies.
Le vieillissement signifie que, de temps en temps, on a des petits soucis de santé, qu'on peut vivre avec, et tout l'enjeu, c'est de vivre effectivement avec.
Si nous sommes capables de définir, ce que vous faites, un modèle vertueux dans ce domaine, alors nous serons capables de dire que l'on peut vivre avec un cancer, que l'on peut vivre avec une maladie cardio-vasculaire et que l'on peut vivre avec une pathologie psychique, de la même manière qu'on peut vivre pleinement, en pleine participation, quand on a un âge avancé.
C'est ce modèle que nous construisons pas à pas ensemble.
Je terminerai en disant que dans la France de 2011 et au-delà, compte tenu de nos perspectives générales, nous ne pouvons pas faire le choix de laisser sur le bord de la route, à grands frais, tous ceux de nos compatriotes qui sont touchés par le vieillissement. Le coût de non-qualité est alors exorbitant quand on fait ce choix.
Merci de votre attention.
Source http://www.amf.asso.fr, le 25 novembre 2011