Texte intégral
Depuis la fin du XIXème siècle, davantage encore depuis 1919 et la création de la CFTC, le syndicalisme chrétien est un partenaire privilégié des pouvoirs publics. Grâce à ses valeurs, à ses racines profondément sociales, à son indépendance et à l’acuité de ses dirigeants, la CFTC a marqué par ses contributions au progrès social le siècle du Grand Espoir, selon le titre de l’ouvrage de Jean Fourastié.
Souvent, j’ai rejoint les positions défendues par la CFTC. A l’occasion de la loi du 11 février 2005, lors de la réforme des retraites, la CFTC au travers de ses propositions justes et toujours constructives a démontré une vitalité et un pragmatisme dont la France a besoin. Cette singularité qui marque la CFTC est une chance pour la France, car c’est grâce à elle que les conditions de vie des Français s’améliorent !
Pour ces raisons, je tenais à vous remercier, Madame la Secrétaire Générale, de m’avoir invitée. Je suis en effet très heureuse de pouvoir venir à la rencontre des responsables de la CFTC, les véritables forces vives de la Nation.
L’occasion est rare et donc précieuse. Aussi, je vais bien-sûr répondre aux interrogations que vous venez de soulever mais je profiterai de cette tribune, si vous me le permettez, pour parler avec vous de l’avenir de notre modèle social, qui passe naturellement par les enjeux que vous avez évoqués.
L’insertion professionnelle d’une part, les conditions de travail et d’emploi des aides à domicile d’autre part, sont en effet au coeur des politiques publiques que nous conduisons avec Roselyne Bachelot au Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale. Pour ces deux chantiers, la formule est consacrée : « beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire ».
Je vous le dis aujourd’hui, nous devons aller au-delà. Nous devons aller au-delà des réformes qui consistent à traiter chaque sujet de manière séparée. Si nous voulons regarder l’avenir sereinement, nous devons ensemble, à partir de ces questions cruciales et structurantes, réfléchir de manière globale à l’avenir de notre modèle social, à ce que nous voulons léguer à nos enfants.
Vous avez évoqué l’insertion professionnelle des personnes handicapées.
Comme vous le savez, cette semaine est la semaine pour l’emploi des personnes handicapées et la question ne m’est guère étrangère. Tout au long de la semaine, lundi à Pessac en Gironde, dans un IME, mardi à la rencontre d’une association de personnes handicapées issues des grandes écoles, hier en banlieue parisienne, chez Thalès avec ma collègue Nadine Morano, j’ai rencontré des travailleurs handicapés, leurs collègues, leur employeur, leurs professeurs aussi.
Avec toutes personnes, directement concernées par la question de l’insertion professionnelle nous avons parlé de leurs difficultés. Nous avons parlé du chômage encore bien trop élevé par rapport aux travailleurs ordinaires, nous avons parlé de ces entreprises dont le taux d’emploi des personnes handicapées reste inférieur à 6%.
Mais, vous l’avez souligné, Madame la Secrétaire Générale, des progrès considérables ont été réalisés. Grâce à la vigilance des pouvoirs publics quant au respect de la loi du 11 février 2005, le nombre d’entreprises n’embauchant aucun travailleur handicapé a diminué de 93% en 2008 et 2010. L’emploi dans les secteurs protégés et adaptés progresse également grâce au financement de 6 400 places en ESAT depuis 2008 et à la création prochaine de 3 000 postes en entreprises adaptées, conformément à l’annonce du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap le 8 juin dernier.
Mais au-delà des chiffres, nous devons, je le crois, tirer les enseignements de ce que nous avons réalisés en matière d’insertion professionnelle pour engager une véritable réflexion sur notre conception du travail.
Nous le savons, le travail est un facteur essentiel de l’inclusion sociale. C’est un vecteur de solidarité, d’égalité des chances et d’insertion dans la vie de la cité.
Nous devons mettre un terme à la vie exclusive du travail, datée de la Révolution Industrielle, qui persiste dans certains milieux et selon laquelle est exclu systématiquement celui qui n’est pas dans la norme. Nous ne pouvons continuer d’admettre que soit mis au bord de la route celui qui souffre des stéréotypes, et de l’inadaptation de certaines machines ou tâches.
Il ne s’agit pas de créer des postes ex nihilo, sans besoin économique. Cela n’a pas de sens !
Ce que je veux vous dire, c’est que dans la France du XXIème siècle, chacun doit être en mesure de faire valoir ses compétences, de les mettre au service d’une entreprise, de l’économie, de notre pays. De les mettre au service de ses concitoyens ! Séniors, jeunes diplômés, femmes, personnes handicapées : les catégories de populations victimes d’exclusion et d’inégalités professionnelles, à des degrés et sous des formes multiples sont nombreuses. Mais les ressources et les capacités sont si nombreuses !
Aussi le vu que je forme de renverser les stéréotypes, d’adapter le travail est en réalité un impératif. C’est impératif pour notre cohésion sociale, pour la justice sociale dans notre pays, c’est un impératif pour l’économie de la France et pour la sauvegarde de notre modèle de protection sociale. A l’heure où le nombre d’actifs diminue, à l’heure des crises à répétition, à l’heure des tensions sans précédent sur nos finances sociales, nous ne pouvons nous priver de la contribution de chacun !
Parler de handicap, d’insertion, c’est comme vous l’avez très justement souligné, c’est parler d’autonomie, de la dépendance.
C’est donc aussi parler des aidants, de toutes ces personnes d’un courage sans nom, qui accompagnent nos compatriotes que le handicap, l’âge, ou la maladie chronique prive d’une part de leur autonomie. Ces personnes font un travail exceptionnel, que l’activité soit bénévole ou rémunérée ! Et il convient à chaque occasion donnée de leur rendre hommage.
Epuisement physique, saturation psychologique, impossibilité de concilier vie personnelle et accompagnement d’un proche, les difficultés sont nombreuses et nous les connaissons. Nous le savons, la reconnaissance ne peut être que pécuniaire. Aussi, nous travaillons à l’amélioration des conditions d’accompagnement, et notamment par la formation. C’est parce qu’il est conscient du rôle absolument nécessaire des aidants dans la société que le gouvernement a ainsi prévu un fond d’urgence de 50 millions d’euros pour les services d’aides à domicile dans le Projet de Loi de Finance pour 2012.
De la même manière que l’insertion professionnelle interroge notre conception de l’emploi, la dépendance et l’accompagnement de la perte d’autonomie nous invite à repenser notre modèle social pour répondre aux défis du XXIème siècle.
Face au vieillissement de la population qui entrainera des coûts supplémentaires colossaux, nous devons ouvrir de nouvelles pistes pour conserver notre système de santé, une fierté pour la France, enviée par nombre de nos voisins.
Face au développement des maladies chroniques (cancer, VIH, diabète
) nous nous devons de trouver des réponses adaptées au besoin. Le besoin est sanitaire bien sûr, mais il est surtout social. Car, pour tous nos compatriotes malades, il s’agit certes de se soigner et dans certains cas de guérir, mais surtout de vivre avec la maladie.
L’apparition de ces nouveaux défis pour notre système de santé nous invite donc à revisiter des réponses parfois automatisées et souvent inadaptées, comme lorsqu’elle est sanitaire, avec le coût que l’on connait, alors que le patient a besoin d’être aider pour retrouver une vie sociale autonome, inclus dans la société.
Entendons-nous bien ! Il ne s’agit pas de réduire les dépenses utiles, au contraire. Entre 2007 et 2012, ce sont 4,7 milliards d’euros supplémentaires qui ont été apportés aux personnes âgées et handicapées sur l’ONDAM médico-social, dont 3,3 milliards d’euros pour les personnes âgées (+70% des moyens). Il s’agit de repenser notre modèle pour l’adapter et assurer sa pérennité, en renforçant la logique de prévention !
Vous le voyez, les chantiers à ouvrir pour sauver notre modèle social et garantir la solidarité nationale sont nombreux.
Lundi, à Bordeaux, le Président de la République, l’a affirmé : « Notre modèle social n’est pas intangible. Notre modèle social doit rester vivant. Le réformer, l’adapter, c’est le sauver et le pérenniser ! »
Avec l’installation du Haut Conseil du Financement de la Sécurité Sociale, Nicolas Sarkozy a souhaité associé les partenaires sociaux aux réflexions sur l’avenir du financement.
Cette concertation, que vous appelez de vos vux, Madame la Secrétaire Générale, est en effet indispensable sur la question du financement. Elle l’est tout autant sur la question de la dépense.
Je veux vous dire aujourd’hui que les contributions des partenaires sociaux et en particulier de la CFTC sont attendues de tous.
Nous comptons sur vous. Je compte sur vous.
Je vous remercie.
Source http://www.solidarite.gouv.fr, le 29 novembre 2011