Interview de M. Laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à RMC le 16 novembre 2011, sur la crise économique et la lutte contre la fraude sociale.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Vous dirigez la droite sociale au sein de l’UMP, vous publiez « La  lutte des classes moyennes » chez Odile JACOB. Nous allons y revenir,  mais, Laurent WAUQUIEZ, regardons l’actualité ensemble, le fameux mot  « carence », qui est le mot à la mode maintenant – enfin à la mode, si l’on  peut dire – alors carence, c’est quoi ? Ce sont des jours qui ne sont pas  payés lorsqu’on tombe malade. 1 jour dans la fonction publique, c’est  acquis depuis cette nuit, ça a été voté au Parlement, et 4 jours,  maintenant, dans le privé. Est-ce que ça veut dire que tous ceux qui  tombent malades sont des fraudeurs ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Bien sûr que non, et le sujet… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Et des tricheurs ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Bien sûr que non, et le sujet ce n’est pas celui-là. Le sujet, sur  cette histoire du délai de carence, ce n’est pas la fraude, c’est juste la  responsabilisation. On comprend bien que si jamais, quand vous tombez  malade, ça n’a aucun impact, absolument aucun, sur votre indemnité et  votre salaire, le résultat, quand même, c’est que ce n’est pas très  responsabilisant, et que du coup on a un peu l’impression que la Sécurité  Sociale est quelque chose sur lequel on peut tirer sans que ça aille un  impact. Cette Sécurité Sociale elle est financée par nos taxes, elle est  financée par nos cotisations, qui sont payées notamment par les classes  moyennes, dont on parle dans le livre, et donc il faut qu’on y fasse  attention. Donc, dans le cadre de l’effort collectif qui doit être fait, c’est  important qu’il y ait aussi ce signal de responsabilisation. Attention, ce  n’est pas gratuit. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui, mais attendez, d’accord, mais vous savez que dans le privé il  y a des entreprises, ou des branches, qui paient ces journées de carence,  vous le savez ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui, bien sûr. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Quatrième journée, ce sont les entreprises qui vont payer la  quatrième journée ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Alors, ça dépend des conventions collectives. Il peut y avoir,  effectivement, sur des conventions collectives des accords qui existent et  qui font que ce sera entièrement couvert par l’entreprise. A l’entreprise de  prendre aussi sa responsabilité, et à elle de faire attention à ce qu’on ne  soit pas dans un univers où tout le monde se sent irresponsable. Nous, ce  qu’on considère, c’est qu’il faut qu’il y ait un petit signal, et que quelqu’un  qui est en arrêt maladie, il faut qu’il se rende compte aussi, attention, tout  ça, ça coûte à la Sécurité Sociale, notre Sécurité Sociale. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui, mais Laurent WAUQUIEZ, inégalité aussi, parce que vous  avez des entreprises qui paient effectivement ces journées de carence, et  d’autres entreprises qui ne paient pas. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Il y a deux sujets, monsieur BOURDIN, si vous me permettez. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui, allez-y. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Le premier c’est d’abord, quelle égalité entre le public et le privé ?  Parce que quand on met les chiffres comme ça, brut de décoffrage, sur la  table, on dit attendez, dans un cas c’est 4 jours, dans l’autre cas c’est 1  jour. Elle est où l’égalité entre les deux ? Moi je suis très attentif à ça,  parce que je considère que les Français, dans la crise, peuvent accepter  les efforts, mais ils ont une exigence, une seule, il faut que ce soit  équitablement réparti. C’est pour ça que c’est très important de donner  l’explication que vous donnez, en réalité, dans le privé, on n’est pas  d’ailleurs tout le temps sur les 4 jours ou les 3 jours qui sont couverts,  mais on est souvent sur une partie des jours qui sont pris en charge par  l’entreprise. Donc, en fait, ça fait un effort qui est à peu près équitable  entre le public et le privé. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui, mais inégalité à l’intérieur du privé, entre les salariés du privé.  Selon les branches, selon les entreprises. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  C’est sans doute d’ailleurs une réflexion, monsieur BOURDIN, qu’il  faudra ouvrir, pour voir comment est-ce qu’on peut améliorer par le biais  de la négociation collective le fait de faire en sorte qu’on ait un traitement  qui soit équitable pour tout le monde. Je suis assez d’accord avec ça. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Alors, vous dites il faut préserver la Sécurité Sociale, mais ça  représente quoi cette économie ? D’abord c’est l’Etat qui va faire des  économies là, 200 millions d’euros dit-on. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Non, mais, monsieur BOURDIN, l’Etat, ce n’est pas quelqu’un qui  est derrière… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui, c’est nous, on est d’accord. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  C’est nous, et c’est nous qui payons. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  On est d’accord, mais on le dit, il faut le dire. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Bien sûr, c’est faire des économies, globalement, sur nos déficits  collectifs. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  D’accord. Mais ça représente quoi les indemnités d’arrêts maladie,  versées en cas d’arrêt maladie, rien, presque rien. Dans le budget de la  Sécurité Sociale, ça représente quoi ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Honnêtement – enfin, d’ailleurs, je ne suis pas ministre de la  Santé, donc je n’ai aucune idée exacte du chiffrage. Je pense qu’on doit  être aux alentours… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Pratiquement rien, 1%, même pas. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Je ne suis pas si sûr, parce qu’en terme de montant, de mémoire,  on est quand même sur des échelles qui sont en centaines de millions.  Pourquoi est-ce que je dis ça monsieur BOURDIN, pourquoi je dis ça.  Bien sûr, si vous prenez ça par rapport à l’échelle totale, à chaque fois on  va dire, mais la fraude, c’est quoi ? Allez, c’est 1%, c’est 2%, c’est 3%. Ce  n’est pas ça la question. La question c’est une question de principe, qui a  double niveau. Celui qui joue le jeu, celui qui quand il est un petit peu  malade fait l’effort d’aller au travail, parce qu’elle est infirmière, parce  qu’elle travaille dans un hôpital, et qu’elle sait qu’elle doit y être parce que  sinon le travail retombe sur ses collègues, et qui de l’autre côté a le  sentiment qu’il y en a qui finalement se disent, « moi, de toute façon,  quand je suis en arrêt maladie ce n’est pas grave parce que je suis  indemnisé », ce n’est pas juste. Et la deuxième chose, c’est que celui qui  travaille et qui sur son salaire a les charges, les cotisations sociales pour  alimenter ça, et qui se dit « mais attends, c’est mes cotisations sociales,  sur mon travail, elles viennent pour compenser des gens qui en fait n’en  n’ont rien à faire, et ils se disent que parce que c’est gratuit ils tirent sur le  tiroir-caisse. » 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  C’est bien beau de lutter, mais on est d’accord… 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Donc c’est une question de principe, et pas seulement de savoir  est-ce que c’est 1%, 3%. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  On est d’accord, pour lutter contre la fraude, mais quel moyen  mettez-vous pour lutter contre cette fraude sociale ? Je n’ai rien entendu  dans le discours du président de la République. Rien. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  On va être très précis. D’abord, il y a un travail qui n’a pas  commencé hier, depuis 2007 le nombre de fraudes qui ont été détectées  sont en augmentation de 30%, ce n’est pas rien. Deuxièmement, Xavier  BERTRAND a fait un gros travail, et qui est d’ailleurs nous ce qu’on  encourage avec la droite sociale, parce qu’on considère que c’est  vraiment une question d’équité, qui est de croiser les fichiers. On avait des  fichiers qui étaient totalement séparés, par exemple la CAF avait son  fichier, le Conseil Général avait son fichier, l’URSSAF avait son fichier,  impossible de détecter ceux qui, par exemple, tiraient, ou abusaient, ou  tiraient sur la corde. Et puis la troisième chose c’est des principes simples,  c’est que si vous fraudez vous remboursez ce que vous avez fraudé. Si  jamais vous n’avez pas respecté les règles, qui sont les règles de notre  solidarité nationale, il y a une pénalité, ça n’existait même pas. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Mais, la fraude sociale ça représente 20 milliards d’euros, c’est le  chiffre. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Attention, il y a plusieurs éléments dedans. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Et je prends en compte le travail au noir. Laurent WAUQUIEZ. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Alors là, sur le travail au noir, là non plus je ne vois rien. Quelles  mesures contre le travail au noir Laurent WAUQUIEZ ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Pardonnez-moi, mais là encore il y a eu tout un lancement qui a  été fait, d’ailleurs que j’avais effectué quand j’étais secrétaire d’Etat à  l’Emploi, d’accentuer notre contrôle sur les entreprises irrespectueuses,  sur celles qui profitent notamment du travail des jeunes, sur celles qui ne  respectent pas les règles sociales, donc il y a tout un travail très fort, qui  est enclenché là-dessus. Et je voudrais même aller jusqu’au bout… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Parce que je n’ai pas entendu non plus le président de la  République nous parler de cela, très peu, hier. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Bien sûr que si, il a parlé de l’ensemble… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Très peu. Très peu. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Il a parlé de l’ensemble de la fraude. Juste un point là-dessus. La  fraude ce n’est pas seulement en bas, la fraude c’est aussi en haut, et  dans mon livre sur « La lutte des classes moyennes » je dis attention, il y  a aussi les profiteurs d’en haut. On va prendre un exemple précis, les  évadés fiscaux, y compris… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  La fraude fiscale, oui. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Y compris nos chers artistes, ceux qui donnent des leçons de  politiquement correct à la terre entière, qui paient leurs impôts à Genève  et en Belgique, et qui en réalité vivent la moitié de l’année en France. Ça  ce n’est pas normal non plus. Et ça, ça fait partie, dans une société qui  doit faire des efforts… 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Que faire ? Les priver de leur nationalité ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Non, moi j’ai un principe qui est simple, vous vivez 3 mois en  France, vous payez vos impôts en France. C’est appliqué aux Etats-Unis,  je ne vois pas pourquoi la France aurait cette hypocrisie de laisser des  gens qui gagnent des fortunes, continuer à vivre tranquillement sous le  ciel français et s’arranger pour payer leurs impôts ailleurs. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Laurent WAUQUIEZ, le RSA, ceux qui touchent le RSA vont devoir  travailler sept heures par semaine, expérimentation dans dix  départements. Alors pour quel contrat, sept heures ? Qui va payer ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  D’abord c’était les idées qu’on avait portées et d’ailleurs sur votre  antenne, monsieur BOURDIN. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Vous l’avez annoncé ici, oui. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Et je reviens dans le livre très en détails sur ce qui s’était passé à  ce moment-là. Quand on avait posé cette proposition, tout le monde nous  était tombé dessus. On avait eu tout le politiquement correct qui s’était  déchaîné. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  À gauche comme à droite. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  À gauche comme à droite. Et ce que je vois, c’est que  progressivement les idées de la Droite sociale avancent et qu’elles ont de  l’avenir. Alors forcément, c’est des idées neuves, c’est des idées où on  secoue ce politiquement correct social. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Alors réponse concrète à ma question concrète. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Réponse concrète, ça veut dire quoi ? Nous, dans la conception et  dans ce qu’on propose, un contrat qui soit dans le cadre d’un contrat aidé,  qui puisse être une contrepartie à la solidarité nationale qui est apportée  dans le cadre du RSA sur des activités qui peuvent être très diverses et  qui peuvent correspondre à des profils différents. Ça peut être aussi bien  faire du soutien scolaire pour apprendre à lire et à écrire à nos enfants, ça  peut être aussi bien s’occuper de faire traverser aux enfants l’école, ça  peut être faire de l’accueil en mairie, ça peut être guider les personnes  âgées ou essayer de leur apporter du réconfort chez elles, notamment  pour le portage de repas ou essayer de faire de la compagnie. Juste un  signal simple : tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail. Il y a  des droits, il y a des devoirs. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Mais qui va payer ? Qui va payer ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Alors après, on va le voir selon l’expérimentation. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  L’État ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Mais dans le cadre des contrats aidés, on est sur un mixte. On est  sur un mixte qui est d’une part collectivités locales, d’autre part État. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  C'est-à-dire nous. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Mais monsieur BOURDIN, pourquoi est-ce que c'est utile ? Moi je  préfère payer pour que quelqu'un travaille plutôt que payer pour qu’il reste  chez lui et j’ai tendance à penser – c’est ce que je défends dans le livre  sur la lutte des classes moyennes – que faire du social ce n’est pas verser  le chèque chaque mois où on achète le silence des gens. Faire le social,  c’est faire en sorte qu’on se retourne le plus rapidement possible sur le  travail. Et dans la campagne présidentielle qui va venir, ça ne se jouera  pas sur les petites phrases : ça se jouera sur les idées. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Alors sur le travail, qu’est-ce qui pèse le plus sur les comptes  sociaux aujourd'hui ? Qu’est-ce qui pèse le plus ? Le chômage, non ?  N’est-ce pas le chômage, non ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Sur les comptes sociaux, on a tout un ensemble qui pèse. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui mais le chômage…
 
 LAURENT WAUQUIEZ  On a le chômage, on a la santé, on a le fait qu’on n’aide pas  suffisamment les gens en direction du travail, on a le fait que quand vous  reprenez un travail, ce n'est pas suffisamment incitatif. C'est tout ça. En  réalité, c’est tout notre système social qu’on devrait revoir. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Alors est-ce qu’on met à plat les 35 heures ? Est-ce qu’il faut  supprimer cette durée légale du travail ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Sur les 35 heures, il faut bien dire les choses simplement. Si vous  voulez revenir totalement sur les 35 heures, ça revient à dire aux  Français : « Maintenant vous allez travailler 39 pour être payé 35 ». Je n’y  suis pas favorable, voilà, c'est simple. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Donc on supprime les heures supplémentaires défiscalisées ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Mais pourquoi ? Juste monsieur BOURDIN pourquoi je n’y suis  pas favorable : je n’y suis pas favorable parce que ce que je dénonce  dans le livre sur la lutte des classes moyennes, c’est que déjà celui qui  travaille il a une très faible différence par rapport aux revenus de  l’assistanat, donc on ne va pas en plus faire comme première réforme de  dire aux gens : « Vous allez encore travailler et la différence par rapport  aux revenus de l’assistanat ne va pas se creuser ». Non. Une des  réformes très importantes qui a été faite pendant le quinquennat, et les  ouvriers et les salariés qui en bénéficient le savent bien, c’est les heures  sup’ parce que ça, c’est une mesure classe moyenne.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  TVA sociale : c'est simple la TVA sociale, j’explique. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui, oui. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  On baisse les charges sociales des entreprises et des salariés et  en contrepartie, on augmente la CSG et la TVA. Vous êtes pour ou  contre ? C’est ce que demande le MEDEF. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Je suis contre et je vais expliquer pourquoi. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Vous êtes contre ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Je sais que vous lancez ce débat très fortement sur le micro de  RMC. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Oui. Oui, oui. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Je vais expliquer pourquoi je suis contre la TVA. Le principe de  dire : il ne faut pas que le financement de la protection sociale soit sur le  travail, je suis pour. Le principe de dire : on fait payer les produits  importés, je suis pour ; moi je suis même pour qu’on retrouve un peu la  notion de frontière dans ce pays, mais par contre le faire par le biais de la  TVA, il y a un gros risque : c'est que la TVA, elle pèse sur les classes  moyennes. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Donc vous dites non au MEDEF. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Je n’ai pas ce genre d’état d’âme, moi ! Je prends mes instructions  au MEDEF ? 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Non, non ! Mais je suis d’accord. Non, non. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Juste ce que je veux dire par là, c'est que je suis favorable au  principe. Je demande à ce qu’on trouve un autre moyen que la TVA ou en  tous cas, je veux être sûr que si on utilise la TVA, ce n'est pas les classes  moyennes qui paieront l’addition. Moi, vous savez, j’ai une conviction, elle  est simple, elle est claire ; c’est qu’on a besoin de remettre les classes  moyennes au coeur de la République française et pour moi, dans le débat  de la présidentielle, la seule question c’est est-ce qu’on arrive à faire un  quinquennat pour les classes moyennes ou non. C'est tout.
 
 JEAN-JACQUES BOURDIN  Est-il logique que PSA fasse peser sa restructuration sur les  travailleurs français ? Est-ce que ça vous choque ou pas ? Je vous pose  franchement la question. Je mettais ce matin en parallèle PSA et  VOLKSWAGEN, VOLKSWAGEN qui va annoncer 50 000 créations  d’emplois en 2012 et PSA qui annonce 5 000 suppressions de postes  mais qui parallèlement embauche ailleurs dans le monde (en Chine, en  Inde, au Brésil ou ailleurs). 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Alors 1/ dans le cas de PSA, ça n’est pas des délocalisations c'està-  dire on n’enlève pas des postes chez nous pour les créer ailleurs. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Non, d’accord. Enfin on supprime des postes. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Mais le vrai sujet, ce n'est pas celui-là. Le sujet c’est celui que  vous posez, c'est que si on se compare avec l’Allemagne, qu’est-ce qui  s’est passé ? L’Allemagne, elle a fait les réformes qu’on préconise avec la  Droite sociale : elle a changé son système social. Elle a fait en sorte d’être  plus incitative pour les gens qui sont au chômage pour qu’ils reprennent  un travail. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Mais elle a baissé les charges et augmenté la TVA, pardon  Laurent WAUQUIEZ
 
LAURENT WAUQUIEZ  Elle a aussi baissé les charges et augmenté la TVA mais une TVA  qui était plus faible que la nôtre.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  C’est vrai. Elle est passée de 16 à 19. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Voilà. Et donc, mais il y a eu toutes ces réformes qui ont été faites.  Il y a le fait de faire en sorte que sur le logement social, ça puisse mieux  bénéficier à ceux qui travaillent, ce qui est aussi des réformes en  Allemagne. Donc je le dis, si on veut avancer, il faut qu’on avance sur ces  pistes sur lesquelles on travaille avec la Droite sociale : revaloriser celui  qui travaille, remettre les classes moyennes au coeur. C'est ça qui a  marché en Allemagne. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Alors Laurent WAUQUIEZ, la lutte des classes moyennes, vous  faites beaucoup de propositions. Suppression des CDD et CDI par  exemple. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Quelques mots là-dessus : pourquoi ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  C'est simple. On le voit bien, quand on a un jeune aujourd'hui, il va  galérer pendant six, sept ans parce qu’il va systématiquement se traîner  de CDD en CDD. Il y a une espèce de barrière psychologique. Moi je  préfère un contrat, un seul, et puis les droits s’accumulent au fur et à  mesure du temps. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Et vous faites un constat. 1980… 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Et il y a une autre proposition qui me tient très à coeur. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Allez-y, allez-y. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Les impôts locaux. Aujourd'hui les classes moyennes sont  matraquées par les impôts locaux, c'est quelque chose qu’on sous-estime  totalement dans notre réalité quotidienne. On propose un principe simple : sur la durée d’un mandat, un élu local ne peut pas augmenter de plus de  10 % les impôts locaux. Et un autre point : il faut qu’on mette à plat les  impôts locaux. Aujourd'hui quelqu'un en Haute-Loire, chez moi, peut se  retrouver à payer autant d’impôts locaux que quelqu'un dans le XVIème  arrondissement à Paris. Ce n’est pas normal. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Est-ce que les députés, les membres du gouvernement, le  président de la République, doivent faire un effort aussi et baisser leur  traitement ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Bien sûr. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Par exemple de 10 % ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Il y a une décision très simple qui a été prise par le président : gel  de nos salaires. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Non mais gel, oui, mais est-ce qu’on peut aller plus loin ? Le gel  c'est une chose, ça fait deux ans que c’était prévu, le gel, mais  franchement ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Moi je vais vous dire, s’il y a des efforts à faire, je n’ai pas d’état  d’âme et donc je suis parfaitement prêt à les faire. C'est normal, il faut  qu’on soit exemplaire, voilà. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Dernière chose et vous le dites dans le livre : « Les 0,1 % les  mieux payés gagnaient 19 fois le salaire moyen en 1980 ; en France  aujourd'hui, en 2008 (enfin c’était en 2008), 65 fois. » 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Ça fait partie des choses que je dénonce dans le livre. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Je sais. Vous faites quoi contre cela ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  C’est les profiteurs d’en haut et les dérives de l’assistanat.  JEAN-JACQUES BOURDIN  Vous faites quoi ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Là encore, une proposition très simple qui détonne un peu dans  notre famille politique. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Allez-y. 
 
LAURENT WAUQUIEZ  L’interdiction des stock-options. 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN  Vous voulez interdire les stock-options ? 
 
LAURENT WAUQUIEZ  Oui. Ces plus hauts revenus qui se sont goinfrés avec des stock-options,  qui ont abouti à une logique dans nos entreprises qui est  totalement à rebours de nos petites PME de terrain, où ils font du court  terme, où ils ne cherchent plus à investir sur la durée, ça c’est un univers  vicié. Moi je suis contre ces excès du capitalisme financier, il faut qu’on  rectifie ça aussi. 
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 17 novembre 2011