Texte intégral
PATRICK COHEN Diriez-vous, comme votre collègue de lIntérieur Claude GUEANT, que les diplômés étrangers qui ont achevé leurs études en France nont pas vocation à travailler ici et doivent rentrer dans leur pays ?
LAURENT WAUQUIEZ Il faut bien donner toute la phrase. Toute la phrase ça veut dire que, a priori, quelquun qui a fait ses études en France na pas un droit automatique ensuite à travailler en France. Pourquoi ? Parce que tout dépend si on est sur des métiers où on a des besoins, on est sur un marché de lemploi qui est en tension, ou si on est sur des métiers où on na pas de besoin et pas de marché en tension. Je vais prendre un exemple très précis, les ingénieurs. On ne forme pas en France assez dingénieurs. On a besoin à peu près de 40 000 ingénieurs, on en forme 30 000. Cest évident que quand vous avez un étudiant étranger sur lequel on a investi, auquel on a payé des études, qui a fait une formation dingénieur, moi je me bats pour quil reste ensuite et quil puisse travailler en France. Et je crois que dans lattractivité des universités françaises, de lEnseignement supérieur français, il y a aussi le fait dattirer les talents du monde. Ça, en tout cas, cest le message que je défends.
PATRICK COHEN Il y a encore des centaines de cas de dossiers présentés par les grandes écoles qui ne sont pas réglés. Le Premier ministre a promis un examen au cas par cas. Je rappelle quon parle dune circulaire datée de fin mai, signée Claude GUEANT et Xavier BERTRAND, qui appelle les préfets à plus de rigueur dans lexamen des changements de statut, qui permettent de passer dun Visa étudiant à un Visa de salariés. Cette circulaire, qui est toujours dénoncée par les grandes écoles, les grands patrons, Alain MINC, vous ny reviendrez pas ?
LAURENT WAUQUIEZ Cette circulaire nest plus dénoncée, ni par les représentants des grandes écoles, ni par les grands patrons. Pourquoi ? Dabord parce que cette circulaire na pas changé létat du droit. Elle a rappelé létat du droit, mais oui, cest vrai, vous avez raison
PATRICK COHEN Elle a changé dans les faits
LAURENT WAUQUIEZ Elle a abouti à des difficultés dapplication dans les faits. Je men suis occupé tout de suite, on a travaillé dessus avec Claude GUEANT, on a eu 500 cas, 500 cas qui effectivement étaient des cas choquants, détudiants étrangers extrêmement talentueux, qui ont fait des très belles études en France, et pour lesquels on se dit on a intérêt aussi à leur permettre davoir une première expérience professionnelle.
PATRICK COHEN Cest un excès de zèle des préfets ? Ça vient doù, Laurent WAUQUIEZ ?
LAURENT WAUQUIEZ Non, cest sans doute, et cest dailleurs aussi notre faute à nous, c'est-à-dire on na pas été suffisamment vigilants tout de suite, donc on corrige. Je considère que, voilà, ça fait aussi partie de ce que doit pouvoir assumer un ministre, il y a des fois où il y a des difficultés dapplication, on corrige. 500 cas, on a déjà corrigé plus de la moitié, et lobjectif est que dici à la fin de lannée, on se lest fixé avec Claude GUEANT, tous les cas puissent être réglés.
PATRICK COHEN « On corrige, mais le mal est fait » disait hier Pierre TAPIE, le directeur de lESSEC et président de la Conférence des grandes écoles. « Un coup a été porté à la réputation de la France. »
LAURENT WAUQUIEZ Non. Enfin, après Pierre TAPIE peut dire ça. Jai été attentif à ce sujet, parce queffectivement cétait mon inquiétude, c'est-à-dire que derrière, limage de la France, en Inde, en Chine, au Brésil, au Canada, est-ce quelle est maintenue. Jai vraiment demandé à tout notre réseau diplomatique, à notre coopération de lEnseignement supérieur, de bien rappeler la volonté de la France dattirer des étudiants étrangers, je rappelle, on parle de 500 cas, et un deuxième chiffre qui est quand même intéressant, cette année, on a donné plus dautorisations à des étudiants étrangers pour travailler en France, que lannée dernière, 6200, donc on est en augmentation par rapport à lannée dernière.
PATRICK COHEN 500 cas et 240 de réglés pour linstant.
LAURENT WAUQUIEZ 250.
PATRICK COHEN Dune façon générale
LAURENT WAUQUIEZ Cest juste dailleurs, enfin, ça montre quon parle de 500 cas.
PATRICK COHEN Dune façon générale, y a-t-il trop dimmigrés en France, ou du moins, comme la dit Claude GUEANT, encore lui, trop dimmigration légale ?
LAURENT WAUQUIEZ Cest un sujet dont je considère quon doit pouvoir en parler sans que ça aboutisse immédiatement, et ce nest pas du tout dailleurs votre question, à une « tabouïsation. » Pourquoi ? La France a deux caractéristiques aujourdhui qui font que cest un pays qui est très hors normes au niveau européen. Premier point, on a une démographie qui est la démographie européenne la plus dynamique, donc ça veut dire que, en soi, la France fait des enfants, et que donc on na pas les mêmes besoins en termes de besoins détrangers qui viendraient travailler chez nous, comparables à ceux de lAllemagne. Deuxième caractéristique, on a quand même des difficultés sur le marché de lemploi, quon a vues encore, avec la crise, et donc quon puisse dire, eh bien voilà, cette année, notre marché de lemploi, notre situation démographique, ne justifie pas quon ait le même niveau dimmigration légale, ne me semble pas être choquant, et que le ministre de lIntérieur veuille réguler limmigration légale en fonction du marché du travail
PATRICK COHEN Et fixer des objectifs chiffrés, en disant il faut 10% de moins ?
LAURENT WAUQUIEZ Oui. Enfin, la plupart des démocraties du monde le pratique.
PATRICK COHEN Des objectifs chiffrés, 1 an à lavance ?
LAURENT WAUQUIEZ Oui, bien sûr. On se chiffre des objectifs chiffrés dans tous les domaines de laction publique.
PATRICK COHEN Oui, sauf que là on parle de flux humains, par définition assez difficiles à quantifier ou à réguler. Quand vous dites il faut 10% dimmigration en moins, ou il faut expulser 20 000 étrangers chaque année en France.
LAURENT WAUQUIEZ Ce nest pas ce quil a dit. Ce quil a dit là, très précisément, cest que la France décide le nombre dautorisations légales pour venir en France qui sont délivrées, cest assez logique quon se dise, « voilà, notre marché du travail, est-ce quil justifie cette année 220 000, 250 000, 180 000 étrangers, quon est capable daccueillir correctement ? », ça ne me semble pas être quelque chose qui doit être choquant. Et je pense que sur ces sujets on doit être capable davoir un débat qui soit un débat rationnel, posé, et sans que tout dun coup on tombe dans les invectives. Encore une fois, toutes les démocraties du monde pratiquent une régulation de leur immigration.
PATRICK COHEN Alors, je vous propose un petit quizz Laurent WAUQUIEZ.
LAURENT WAUQUIEZ Oui.
PATRICK COHEN Qui a dit il y a 6 mois, « lUMP ne doit pas restreindre son discours aux thèmes chers à Marine LE PEN. Se concentrer sur limmigration est une erreur, cest prendre le risque de nous caricaturer nous-mêmes » ?
LAURENT WAUQUIEZ Cest tout à fait quelque chose que jaurais pu dire.
PATRICK COHEN Laurent WAUQUIEZ, ministre des Affaires européennes, cétait votre titre à lépoque, dans LIBERATION du 11 mars 2011.
LAURENT WAUQUIEZ Oui, mais justement, si vous me permettez, parlez-moi dautre chose, parlez-moi des classes moyennes, parlez-moi des bourses.
PATRICK COHEN Attendez, on finit sur limmigration
LAURENT WAUQUIEZ Ce nest pas moi qui pose les questions, vous me faites rire vous me posez des questions sur limmigration, je vous réponds, mais moi je considère, et je suis tout à fait daccord avec vous, que le vrai sujet cest celui de la place des classes moyennes dans le contrat social français aujourdhui.
PATRICK COHEN Donc vous rediriez quon parle trop dimmigration à la tête de lEtat en ce moment.
LAURENT WAUQUIEZ Je dirai que le ministre de lIntérieur parle dimmigration est normal, quau micro de FRANCE INTER je ne parle que dimmigration serait anormal. Cest pour ça que je vais répondre avec plaisir aux autres questions.
PATRICK COHEN Le thème de limmigration agité encore hier à la convention de lUMP, cétait lun des sujets dominants. Cest trop ? Vous en faites trop ou pas assez, Laurent WAUQUIEZ ? La question est simple !
LAURENT WAUQUIEZ Moi
PATRICK COHEN Vous non, daccord, mais le gouvernement ?
LAURENT WAUQUIEZ Moi je suis ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, interrogez-moi sur les bourses, interrogez-moi sur les universités, interrogez-moi sur la recherche, je vous répondrai avec plaisir.
PATRICK COHEN Jai encore une question, comme vous êtes lun des dirigeants de lUMP, sur la convention tenue hier. Faut-il, selon vous, sanctionner les enfants dès lâge de 12 ans et instaurer un code pénal pour mineurs ? Cest une proposition qui est arrivée en débat à lUMP hier.
LAURENT WAUQUIEZ Quand on le présente comme ça, évidemment non, mais la présentation ce nest pas celle-ci, la présentation cest de dire sur des délits qui ont pu être commis par des jeunes, est-ce quon a la possibilité de demander quils puissent faire une réparation en pratique. C'est-à-dire, ça veut dire quoi ? Par exemple dans une mairie, il y a eu une dégradation, il y a eu un acte qui a abouti à saccager un établissement public, est-ce quon peut demander simplement que le matin entre 6H00 et 8H00 le jeune qui a fait ça puisse venir mettre un coup de peinture ou réparer ? Voilà. Donc cest ce type de question-là qui sont posées, ça ne me semble pas être quelque chose de choquant. Et là encore je le regarde, pour le coup, avec mon regard de maire, sur ma ville, cest des choses que jessaye de faire, c'est-à-dire jai tendance à penser que la meilleure réponse, quand il y a eu ce type de dégradations, cest effectivement de faire des réparations en pratique
PATRICK COHEN Mais ce serait une sanction judiciaire ou éducative, cest toute la différence de la proposition UMP.
LAURENT WAUQUIEZ Moi personnellement je suis plutôt attaché au principe de la sanction éducative, parce que je pense que cest celle qui a le plus de portée, mais surtout, sagissant de jeunes, ça passe toujours, évidemment, dans le cadre dun jugement. Vous ne pouvez pas demander à un jeune, vous en tant que maire, de venir passer un coup de peinture comme ça selon votre libre arbitre, cest le juge qui doit en donner lautorisation.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 8 décembre 2011