Interview de M. laurent Wauquiez, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à France-Inter le 30 novembre 2011, sur les étudiants étrangers et l'immigration, les diplômes et la proposition de l'UMP d'un code pénal pour les mineurs.

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Média : France Inter

Texte intégral


 
 
 
PATRICK COHEN Diriez-vous, comme votre collègue de l’Intérieur Claude GUEANT, que les diplômés étrangers qui ont achevé leurs études en France n’ont pas vocation à travailler ici et doivent rentrer dans leur pays ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Il faut bien donner toute la phrase. Toute la phrase ça veut dire que, a priori, quelqu’un qui a fait ses études en France n’a pas un droit automatique ensuite à travailler en France. Pourquoi ? Parce que tout dépend si on est sur des métiers où on a des besoins, on est sur un marché de l’emploi qui est en tension, ou si on est sur des métiers où on n’a pas de besoin et pas de marché en tension. Je vais prendre un exemple très précis, les ingénieurs. On ne forme pas en France assez d’ingénieurs. On a besoin à peu près de 40 000 ingénieurs, on en forme 30 000. C’est évident que quand vous avez un étudiant étranger sur lequel on a investi, auquel on a payé des études, qui a fait une formation d’ingénieur, moi je me bats pour qu’il reste ensuite et qu’il puisse travailler en France. Et je crois que dans l’attractivité des universités françaises, de l’Enseignement supérieur français, il y a aussi le fait d’attirer les talents du monde. Ça, en tout cas, c’est le message que je défends.
 
PATRICK COHEN Il y a encore des centaines de cas de dossiers présentés par les grandes écoles qui ne sont pas réglés. Le Premier ministre a promis un examen au cas par cas. Je rappelle qu’on parle d’une circulaire datée de fin mai, signée Claude GUEANT et Xavier BERTRAND, qui appelle les préfets à plus de rigueur dans l’examen des changements de statut, qui permettent de passer d’un Visa étudiant à un Visa de salariés. Cette circulaire, qui est toujours dénoncée par les grandes écoles, les grands patrons, Alain MINC, vous n’y reviendrez pas ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Cette circulaire n’est plus dénoncée, ni par les représentants des grandes écoles, ni par les grands patrons. Pourquoi ? D’abord parce que cette circulaire n’a pas changé l’état du droit. Elle a rappelé l’état du droit, mais oui, c’est vrai, vous avez raison…
 
PATRICK COHEN Elle a changé dans les faits…
 
LAURENT WAUQUIEZ Elle a abouti à des difficultés d’application dans les faits. Je m’en suis occupé tout de suite, on a travaillé dessus avec Claude GUEANT, on a eu 500 cas, 500 cas qui effectivement étaient des cas choquants, d’étudiants étrangers extrêmement talentueux, qui ont fait des très belles études en France, et pour lesquels on se dit on a intérêt aussi à leur permettre d’avoir une première expérience professionnelle.
 
PATRICK COHEN C’est un excès de zèle des préfets ? Ça vient d’où, Laurent WAUQUIEZ ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Non, c’est sans doute, et c’est d’ailleurs aussi notre faute à nous, c'est-à-dire on n’a pas été suffisamment vigilants tout de suite, donc on corrige. Je considère que, voilà, ça fait aussi partie de ce que doit pouvoir assumer un ministre, il y a des fois où il y a des difficultés d’application, on corrige. 500 cas, on a déjà corrigé plus de la moitié, et l’objectif est que d’ici à la fin de l’année, on se l’est fixé avec Claude GUEANT, tous les cas puissent être réglés.
 
PATRICK COHEN « On corrige, mais le mal est fait » disait hier Pierre TAPIE, le directeur de l’ESSEC et président de la Conférence des grandes écoles. « Un coup a été porté à la réputation de la France. »
 
LAURENT WAUQUIEZ Non. Enfin, après Pierre TAPIE peut dire ça. J’ai été attentif à ce sujet, parce qu’effectivement c’était mon inquiétude, c'est-à-dire que derrière, l’image de la France, en Inde, en Chine, au Brésil, au Canada, est-ce qu’elle est maintenue. J’ai vraiment demandé à tout notre réseau diplomatique, à notre coopération de l’Enseignement supérieur, de bien rappeler la volonté de la France d’attirer des étudiants étrangers, je rappelle, on parle de 500 cas, et un deuxième chiffre qui est quand même intéressant, cette année, on a donné plus d’autorisations à des étudiants étrangers pour travailler en France, que l’année dernière, 6200, donc on est en augmentation par rapport à l’année dernière.
 
PATRICK COHEN 500 cas et 240 de réglés pour l’instant.
 
LAURENT WAUQUIEZ 250.
 
PATRICK COHEN D’une façon générale…
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est juste d’ailleurs, enfin, ça montre qu’on parle de 500 cas.
 
PATRICK COHEN D’une façon générale, y a-t-il trop d’immigrés en France, ou du moins, comme l’a dit Claude GUEANT, encore lui, trop d’immigration légale ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est un sujet dont je considère qu’on doit pouvoir en parler sans que ça aboutisse immédiatement, et ce n’est pas du tout d’ailleurs votre question, à une « tabouïsation. » Pourquoi ? La France a deux caractéristiques aujourd’hui qui font que c’est un pays qui est très hors normes au niveau européen. Premier point, on a une démographie qui est la démographie européenne la plus dynamique, donc ça veut dire que, en soi, la France fait des enfants, et que donc on n’a pas les mêmes besoins en termes de besoins d’étrangers qui viendraient travailler chez nous, comparables à ceux de l’Allemagne. Deuxième caractéristique, on a quand même des difficultés sur le marché de l’emploi, qu’on a vues encore, avec la crise, et donc qu’on puisse dire, eh bien voilà, cette année, notre marché de l’emploi, notre situation démographique, ne justifie pas qu’on ait le même niveau d’immigration légale, ne me semble pas être choquant, et que le ministre de l’Intérieur veuille réguler l’immigration légale en fonction du marché du travail…
 
PATRICK COHEN Et fixer des objectifs chiffrés, en disant il faut 10% de moins ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui. Enfin, la plupart des démocraties du monde le pratique.
 
PATRICK COHEN Des objectifs chiffrés, 1 an à l’avance ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, bien sûr. On se chiffre des objectifs chiffrés dans tous les domaines de l’action publique.
 
PATRICK COHEN Oui, sauf que là on parle de flux humains, par définition assez difficiles à quantifier ou à réguler. Quand vous dites il faut 10% d’immigration en moins, ou il faut expulser 20 000 étrangers chaque année en France.
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce n’est pas ce qu’il a dit. Ce qu’il a dit là, très précisément, c’est que la France décide le nombre d’autorisations légales pour venir en France qui sont délivrées, c’est assez logique qu’on se dise, « voilà, notre marché du travail, est-ce qu’il justifie cette année 220 000, 250 000, 180 000 étrangers, qu’on est capable d’accueillir correctement ? », ça ne me semble pas être quelque chose qui doit être choquant. Et je pense que sur ces sujets on doit être capable d’avoir un débat qui soit un débat rationnel, posé, et sans que tout d’un coup on tombe dans les invectives. Encore une fois, toutes les démocraties du monde pratiquent une régulation de leur immigration.
 
PATRICK COHEN Alors, je vous propose un petit quizz Laurent WAUQUIEZ.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui.
 
PATRICK COHEN Qui a dit il y a 6 mois, « l’UMP ne doit pas restreindre son discours aux thèmes chers à Marine LE PEN. Se concentrer sur l’immigration est une erreur, c’est prendre le risque de nous caricaturer nous-mêmes » ?
 
LAURENT WAUQUIEZ C’est tout à fait quelque chose que j’aurais pu dire.
 
PATRICK COHEN Laurent WAUQUIEZ, ministre des Affaires européennes, c’était votre titre à l’époque, dans LIBERATION du 11 mars 2011.
 
LAURENT WAUQUIEZ Oui, mais justement, si vous me permettez, parlez-moi d’autre chose, parlez-moi des classes moyennes, parlez-moi des bourses.
 
PATRICK COHEN Attendez, on finit sur l’immigration…
 
LAURENT WAUQUIEZ Ce n’est pas moi qui pose les questions, vous me faites rire… vous me posez des questions sur l’immigration, je vous réponds, mais moi je considère, et je suis tout à fait d’accord avec vous, que le vrai sujet c’est celui de la place des classes moyennes dans le contrat social français aujourd’hui.
 
PATRICK COHEN Donc vous rediriez qu’on parle trop d’immigration à la tête de l’Etat en ce moment.
 
LAURENT WAUQUIEZ Je dirai que le ministre de l’Intérieur parle d’immigration est normal, qu’au micro de FRANCE INTER je ne parle que d’immigration serait anormal. C’est pour ça que je vais répondre avec plaisir aux autres questions.
 
PATRICK COHEN Le thème de l’immigration agité encore hier à la convention de l’UMP, c’était l’un des sujets dominants. C’est trop ? Vous en faites trop ou pas assez, Laurent WAUQUIEZ ? La question est simple !
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi…
 
PATRICK COHEN Vous non, d’accord, mais le gouvernement ?
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi je suis ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, interrogez-moi sur les bourses, interrogez-moi sur les universités, interrogez-moi sur la recherche, je vous répondrai avec plaisir.
 
PATRICK COHEN J’ai encore une question, comme vous êtes l’un des dirigeants de l’UMP, sur la convention tenue hier. Faut-il, selon vous, sanctionner les enfants dès l’âge de 12 ans et instaurer un code pénal pour mineurs ? C’est une proposition qui est arrivée en débat à l’UMP hier.
 
LAURENT WAUQUIEZ Quand on le présente comme ça, évidemment non, mais la présentation ce n’est pas celle-ci, la présentation c’est de dire sur des délits qui ont pu être commis par des jeunes, est-ce qu’on a la possibilité de demander qu’ils puissent faire une réparation en pratique. C'est-à-dire, ça veut dire quoi ? Par exemple dans une mairie, il y a eu une dégradation, il y a eu un acte qui a abouti à saccager un établissement public, est-ce qu’on peut demander simplement que le matin entre 6H00 et 8H00 le jeune qui a fait ça puisse venir mettre un coup de peinture ou réparer ? Voilà. Donc c’est ce type de question-là qui sont posées, ça ne me semble pas être quelque chose de choquant. Et là encore je le regarde, pour le coup, avec mon regard de maire, sur ma ville, c’est des choses que j’essaye de faire, c'est-à-dire j’ai tendance à penser que la meilleure réponse, quand il y a eu ce type de dégradations, c’est effectivement de faire des réparations en pratique…
 
PATRICK COHEN Mais ce serait une sanction judiciaire ou éducative, c’est toute la différence de la proposition UMP.
 
LAURENT WAUQUIEZ Moi personnellement je suis plutôt attaché au principe de la sanction éducative, parce que je pense que c’est celle qui a le plus de portée, mais surtout, s’agissant de jeunes, ça passe toujours, évidemment, dans le cadre d’un jugement. Vous ne pouvez pas demander à un jeune, vous en tant que maire, de venir passer un coup de peinture comme ça selon votre libre arbitre, c’est le juge qui doit en donner l’autorisation.
 
Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 8 décembre 2011