Interview de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, à Europe 1 le 8 novembre 2011, sur le plan de rigueur présenté par le gouvernement.

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Média : Europe 1

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT Vous avez sûrement entendu François HOLLANDE, hier soir. Il a dit : ce plan de rigueur est injuste. Qu'est-ce que vous lui répondez ?
 
ROSELYNE BACHELOT Alors je veux répondre très calmement, que nous avons voulu 3 choses, dans ce plan. Nous avons d'abord voulu préserver, protéger les Français. Parce que ce qui les menace le plus, ce sont la dette, ce sont les déficits. Nous avons donc voulu deuxième point, un plan équilibré, bien entendu et nous avons voulu protéger les Français, les plus modestes. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu que l'ensemble des prestations sociales augmentent et soient préservées. C'est ainsi que la promesse du président de la République, que l'augmentation de l'allocation d'adulte handicapé serait de 25 % au cours de son quinquennat. Cette promesse a été tenue. Augmentation du RSA, maintien, augmentation du minimum vieillesse…
 
BRUCE TOUSSAINT Ca veut dire que les classes moyennes, en revanche vont payer ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non ! Alors vous savez de façon, ce plan est équilibré. Ce qui menace aussi les classes moyennes, c'est que la France soit dans un déséquilibre financier, ce retour à l'équilibre il est absolument indispensable. Si la France perd sa crédibilité sur les marchés, c'est l'ensemble de la chaîne économique qui est touchée. Si nous augmentons nos taux d'intérêt, les taux d'intérêt avec lequel nous payons nos emprunts à l'Etat, ça retentit sur l'ensemble de la chaîne. Les collectivités territoriales, les hôpitaux par exemple, au moment où ils vont avoir à financer leur rénovation, ils seront obligés d'emprunter plus cher…
 
BRUCE TOUSSAINT Donc ce que vous nous dites clairement, ce matin…
 
ROSELYNE BACHELOT Donc nous protégeons les Français.
 
BRUCE TOUSSAINT Vous nous dites clairement ce matin, que l'objectif c'est de conserver le triple A, qui permet d'avoir ces taux d'intérêt…
 
ROSELYNE BACHELOT Mais ce n'est pas le triple A qui a de l'importance. C'est de protéger les Français, parce que de conserver notre crédibilité, sur les marchés, ça protège les Français. Ca protège l'ensemble de la chaîne économique.
 
BRUCE TOUSSAINT Et pour les protéger, on leur fait un peu peur aux Français en leur disant, la France va être en faillite ? Ce mot a un sens quand même ?
 
ROSELYNE BACHELOT On les met en face des réalités. Bien entendu, ce qu'a dit François FILLON, c'est que la perspective d'un Etat en faillite, on le voit avec la Grèce, est une perspective qui apparaissait incroyable, il y a encore quelques mois et quelques…
 
BRUCE TOUSSAINT On ne peut pas comparer la France à la Grèce, Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT Mais bien entendu. Bien entendu. C'est pour ça que nous sommes, nous passons entre deux intégrismes. Il y a d'un côté l'intégrisme de ceux qui voudraient qu'on revienne à l'équilibre très vite, qu'on bloque en quelque sorte la machine économique. Et puis de l'autre côté, il y a le laxisme qui a été défendu par François HOLLANDE, le candidat du Parti socialiste, avec des embauches de nouveaux fonctionnaires et de faire cavaler la dépense publique. Et nous devons passer entre ces deux intégrismes, nous ne devons pas bloquer la machine économique et nous devons effectivement protéger la France, protéger sa crédibilité économique. C'est pour ça que ce plan de retour à l'équilibre est justement dosé. C'est ce qu'a voulu faire le président de la République.
 
BRUCE TOUSSAINT Et on a le sentiment, ce matin, que personne n'est content ! Il y a ceux qui disent : on va encore payer. Il y a les éditorialistes de la presse quotidienne régionale, je ne sais pas, vous n'avez sûrement pas encore eu le temps, de les lire, mais ils sont assez remontés dans OUEST FRANCE, on peut lire : « c'est mou du genou. » Et puis, il y a aussi, ceux qui disent : « ça renforce les inégalités. » Pas facile de faire des plans de rigueur Roselyne BACHELOT ?
 
ROSELYNE BACHELOT D'abord, ce que je vois, c'est que les éditorialistes sont partagés. Il y en a qui trouvent que le plan ne va pas assez loin…
 
BRUCE TOUSSAINT C'est ce que je voulais vous dire.
 
ROSELYNE BACHELOT D'autres, que le plan va…
 
BRUCE TOUSSAINT Que ça va trop loin.
 
ROSELYNE BACHELOT D'autres, que le plan va trop loin. Et c'est ce que j'ai dit, il faut passer entre deux intégrismes : protéger l'activité économique, protéger la croissance, et c'est ce qu'a voulu ce plan de retour à l'équilibre. Passer entre ces deux intégrismes.
 
BRUCE TOUSSAINT Pour ce qui concerne cette mesure symbolique, on en parlait au début du journal de 7 heures et demi, il n'y a pas une petite erreur d'aiguillage, une petite erreur de communication sur le gel des salaires, des ministres, franchement ! L'annoncer alors qu'on sait maintenant, que c'était déjà le cas depuis juillet 2010…
 
ROSELYNE BACHELOT Non, ce qui était gelé, c'est le gel du point d'indice, mais les salaires des ministres continuaient à augmenter comme d'ailleurs dans toute la Fonction publique. Puisque les salaires des ministres sont calés sur les salaires de la Fonction publique. Donc il y a eu…
 
BRUCE TOUSSAINT Et les salaires des fonctionnaires étaient gelés depuis juillet 2010 ?
 
ROSELYNE BACHELOT Non, non, les salaires ne sont pas gelés. Le gel du point d'indice est gelé, ça veut dire que les salaires continuent néanmoins, les salaires continuent néanmoins à augmenter, mais bon, c'est un point technique. Non, moi, ce que je veux dire, c'est que j'ai été consternée de voir que devant la gravité de la situation, la seule proposition de monsieur HOLLANDE, hier, dans son émission télévisée était de réduire les salaires, le salaire du président de la République. Enfin, on est dans un remboursement, dans un remboursement de la dette, une diminution drastique du déficit, on s'est fixé un objectif, qui est clair, le retour à l'équilibre en 2007 (sic) et on nous propose une économie de quelques dizaines de milliers d'euros. Je pense qu'il faut…
 
BRUCE TOUSSAINT Celles des ministres ne représentent pas beaucoup plus ! On a fait le calcul, c'est 100 000 euros par an.
 
ROSELYNE BACHELOT Oui, je crois qu'il faut être sérieux. Ce qu'a dit le Premier ministre, il a dit : je ne l'exclus pas. Si on était obligé, mais enfin ce n'est pas la perspective d'aujourd'hui, si les salaires, si des pensions étaient amenées à baisser. Bien entendu, nous accompagnerons ce mouvement, mais ce que je vous aie dit, c'est que les prestations sociales dont je suis la garante, vont continuer à augmenter.
 
BRUCE TOUSSAINT Alors un mot sur la TVA, ça aussi, ça fait polémique, évidemment. Le Premier ministre, lui-même, disait, il n'y a pas si longtemps, ce sera un contresens économique de la relever. Elle passe finalement à 7 %, comme en Allemagne d'ailleurs ?
 
ROSELYNE BACHELOT Oui, c'est ça. Nous avons voulu être dans une opération de convergence, de convergence avec l'Allemagne, j'ai d'ailleurs trouvé tout à fait curieux de voir qu'il y a eu toute une envolée médiatique autour de la baisse de la TVA de 19,6 à 5,5 %, certains disaient : vraiment, ça n'a eu aucun effet sur l'emploi. Et maintenant, on nous raconte, que de la passer de 5,5 à 7 % ça va avoir un effet catastrophique. Je suis un peu étonnée, par cette absence de cohérence, des critiques à ce niveau.
 
BRUCE TOUSSAINT On peut gagner une élection en annonçant, à deux mois d'écart, deux plans de rigueur ? Sérieusement ! Vous, qui avez gagné et perdu aussi, quelques batailles politiques ?
 
ROSELYNE BACHELOT Moi, je crois, de toute façon, que la situation est suffisamment grave, dans notre pays, en Europe et dans le monde, pour ne plus se poser ce genre de question. On n'a pas le choix ! Bruce TOUSSAINT. On n'a pas le choix ! Il nous faut protéger les Français, et c'est ce qu'a voulu faire le président de la République, c'est ce que veut faire le Premier ministre.
 Source : Premier ministre, Service d'Information du Gouvernement, le 15 novembre 2011