Déclaration de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, sur les bases juridiques contenues dans le traité d'Amsterdam susceptibles de favoriser l'égalité entre hommes et femmes dans les processus de décision, Paris le 15 avril 1999.

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Circonstance : Ouverture de la conférence européenne de Paris intitulée "Femmes et hommes de pouvoir" à Paris le 15 avril 1999

Texte intégral

Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Permettez-moi dexprimer à mon tour le plaisir que jai de vous accueillir pour cette Conférence européenne, qui souvre, il est vrai, dans un contexte un peu particulier.
Nous avons tous à lesprit le conflit au Kosovo. Comment pourrait-il en être autrement, devant le drame humain que vivent les populations de cette région qui se trouve, faut-il le rappeler, au coeur de lEurope, et si proche de nous ? Cest une crise qui touche les femmes de manière tragique. Martine Aubry la rappelé.
Car ces circonstances très graves nenlèvent rien à lactualité du sujet qui va nous occuper pendant cette conférence, bien au contraire. Les femmes sont aussi les victimes des exactions et de lépuration ethnique. Il y a 25 siècles, Aristophane avait imaginé que, par la grève, les femmes pouvaient faire cesser la guerre et la folie des hommes. Mais Lysistrata nest quun personnage de comédie. Ce que nous vivons aujourdhui, au Kosovo, cest lhorreur au quotidien. Oui, ce qui est en jeu dans lex-Yougoslavie, ce sont bien les valeurs fondatrices de lEurope, leur inspiration démocratique, et nous savons quil ne saurait y avoir de véritable démocratie sans un égal accès des femmes et des hommes aux processus de décision. Cest ainsi que nous voulons poser aujourdhui les termes du débat, dans la suite logique des Conférences européennes dAthènes, en 1992, et de Rome, en 1996.
Plus que jamais, lEurope doit se concevoir et se construire comme un espace démocratique, comme un espace de solidarité et de cohésion sociale. Mais comment prétendre y parvenir, si nous ne commençons pas par mettre en oeuvre le principe essentiel de légalité entre les hommes et les femmes, dans les processus de décision, que ce soit dans le domaine politique, dans le domaine économique ou dans le domaine social ?
Sur ce terrain, lEurope ne part pas de rien. Il y a longtemps que le principe de légalité est reconnu par les traités. Il y a bien longtemps aussi - cest un des mérites de la construction européenne que de savoir parfois prendre le pas sur des évolutions nationales plus lentes à venir - que lattention portée à ce principe a débordé le champ du marché du travail.
Le traité dAmsterdam, qui va entrer en vigueur le 1er mai, consacre lévolution du principe dégalité entre hommes et femmes par des dispositions nouvelles.
Il sagit dabord du principe général de non-discrimination, que celle-ci soit fondée sur le sexe, la race ou lorigine ethnique, la religion ou les croyances, un handicap, lâge ou lorientation sexuelle.
Légalité entre hommes et femmes est ensuite mentionnée à plusieurs reprises dans le texte du traité :
- dabord, parmi les objectifs fondamentaux que se fixe lUnion ;
- dautre part, lélimination des inégalités entre hommes et femmes est érigée en principe commun à toutes les politiques européennes ;
- enfin, au titre de lemploi et de la politique sociale, légalité sapplique à la fois au traitement dans le travail et à laccès à lemploi. Le principe de légalité de rémunération est aussi précisé et lidée de discrimination positive est consacrée, cest-à-dire que les Etats membres sont fondés à mettre en place des actions spécifiques destinées à favoriser les femmes.
Nous avons donc là, désormais, des bases juridiques solides pour faire progresser légalité. A nous maintenant, responsables politiques, de prendre les initiatives qui simposent, puisquil est admis aujourdhui que la présence insuffisante de femmes aux postes de décision constitue un obstacle à lépanouissement de la démocratie et au renforcement de la cohésion.
Nous savons que lexemple du monde politique est déterminant pour les évolutions qui peuvent ensuite intervenir dans les autres domaines, en particulier sur le plan économique et social. Vous aurez loccasion den discuter de manière approfondie cet après midi et demain, au sein des ateliers.
Les Etats membres offrent en la matière un tableau encore très contrasté et nous sommes bien conscients que la France ne donne pas forcément le meilleur exemple, même si notre volonté est de faire progresser les choses. Il est important que nous en parlions ensemble, entre partenaires de lUnion européenne, actuels et futurs, non pour reproduire partout un modèle unique, mais au contraire pour échanger des expériences, partager de bonnes pratiques, progresser ensemble vers un meilleur équilibre, vers un partage des tâches et des responsabilités.
Il me paraît particulièrement important que cette conférence ait lieu maintenant et je tiens à remercier la Commission de nous avoir proposé de lorganiser avec son soutien, ainsi que la présidence allemande pour qui, je le sais, ce sujet est également prioritaire.
LUnion européenne se trouve à un moment charnière de son histoire. Le Traité dAmsterdam, je lai dit, va entrer en vigueur, une nouvelle réforme institutionnelle se prépare et, surtout, nous allons élire, au mois de juin, un nouveau Parlement européen et mettre en place une nouvelle Commission.
Une élection, cest toujours un temps politique fort. Celles qui se tiendront le 13 juin méritent une attention particulière, en liaison avec lobjet de notre Conférence, cest-à-dire avec la place des femmes dans les processus de décision.
Nous avons pu constater, en tout cas en France -mais je crois que le même constat a pu être fait ailleurs- que les femmes ont été longtemps plutôt méfiantes à légard de la construction européenne, parce quelles ne percevaient pas bien ce que lEurope pouvait leur apporter.
Mais on observe aussi, à mesure que les campagnes dinformation se développent, et cest très encourageant, que les femmes sont les plus réceptives aux avantages concrets que lEurope peut leur apporter, dans le domaine des droits, de lemploi, de la protection des consommateurs notamment. Cela plaide pour un encouragement adressé aux femmes à être actrices à part entière de la construction européenne, comme citoyennes, mais aussi comme parlementaires. Je constate, au moins pour ce qui est de la composition des listes en France, un réel progrès vers la parité, par rapport aux élections européennes antérieures. Jespère que le nouveau Parlement européen, dont les pouvoirs seront sensiblement accrus, saura ainsi mieux refléter la volonté commune de promouvoir légalité dans la prise de décisions.
Nous aurons loccasion de nous revoir tout au long de cette conférence pour en parler. Nos réflexions déboucheront, jen suis persuadé, sur des propositions concrètes, qui permettront de donner en Europe un contenu opérationnel au principe dégalité entre hommes et femmes. La déclaration finale en sera le reflet. Je souhaite que nos travaux soient fructueux./.
(Source http ://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 avril 1999)