Texte intégral
BERNARD THOMASSON Lutilisation de policiers pour assurer le contrôle des passagers dans les aéroports aux postes de sécurité, fait grincer des dents. Deux invités dans ce studio pour en parler, Jean-Claude MAILLY, secrétaire général de Force ouvrière bonjour.
JEAN-CLAUDE MAILLY Bonjour.
BERNARD THOMASSON Et Thierry MARIANI, ministre des Transports, bonjour.
THIERRY MARIANI Bonjour.
BERNARD THOMASSON Thierry MARIANI, fallait-il aller jusquà casser la grève, par des forces de lordre ?
THIERRY MARIANI Pouvons-nous continuer à avoir des départs en vacances, ou des départs en famille, qui ne pouvaient pas se faire. Non, je ne pense pas. Je rappelle quon a déjà eu ce problème à la Toussaint, avec pendant 5 jours des grèves, qui ont empêché les Français et les touristes de rejoindre leur destination. Voilà, on est dans une période de fêtes de famille, on ne pouvait pas se permettre davoir des milliers de gens qui sagglutinent dans les aéroports en attendant des informations. Donc oui, il fallait le faire. Et puis, oui, il fallait le faire, parce que cest aussi, la sûreté aéroportuaire, une mission spéciale qui est sous lautorité de la préfecture, où le personnel accomplit une mission importante, une mission de service public, pour assurer la sûreté des vols. Donc là aussi, cette intervention se justifie tout à fait, par cette mission.
BERNARD THOMASSON Au prix dun viol du droit de grève inscrit dans la Constitution ?
THIERRY MARIANI Il ny a aucun viol du droit de grève, inscrit dans la Constitution. Le droit de grève est respecté, je crois que tous ceux qui veulent faire grève, peuvent continuer à faire grève, mais au prix aussi, si je vous comprends bien, il fallait que des dizaines de milliers de personnes passent le réveillon dans laéroport !
BERNARD THOMASSON Jean-Claude MAILLY, est-ce quil y a eu viol de la Constitution du droit de grève ou non ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Pour nous, oui. Il y a un viol du droit de grève. Dailleurs les avocats ont été saisis, par au moins, notre fédération, on a saisi, une autre fédération également. Donc on va travailler là-dessus, bien entendu. Non, ce qui nest pas acceptable, et vous remarquerez dailleurs que les syndicats de policiers notamment unité GP Police Force ouvrière qui est le premier syndicat, a protesté, en disant, ce nest pas le rôle des policiers daller jouer les briseurs de grève.
BERNARD THOMASSON Mais en même temps, Thierry MARIANI a dit, on peut concilier droit de grève et droit de liberté de circulation également, cest important, cest aussi dans la Constitution ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Oui, mais enfin le droit de grève, cest le droit de grève. Si on peut faire aussi des grèves, en disant, vous restez dans un coin et vous ne gênez personne. Ils peuvent faire grève longtemps dans ces conditions. Il faut bien comprendre, à la fois, dabord cest une mission qui a été privatisée, même si cest une mission en 96, avant cétait la police qui assurait cette mission. Donc il y a eu 5 jours de préavis, ça a été respecté, il y avait possibilité de négocier, cest fait pour ça, le préavis. Ça na pas eu lieu. Donc non, cétait un recours intempestif et on brise, on brise la possibilité des salariés de faire grève. Maintenant, attendez
BERNARD THOMASSON Que répondez-vous au droit de circuler, libre circulation qui est aussi dans la Constitution ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Oui, mais enfin, vous savez, le droit de circuler et le droit cest dabord un concept libéral. Cest comme la liberté de circulation en Europe. Cest un concept libéral, et trop de libéralisme, ça se traduit toujours par de lautoritarisme social. Alors donc ça ne passe pas, ça je lai dit et ça continue à ne pas passer.
THIERRY MARIANI Jai beaucoup de respect pour Jean-Claude MAILLY, mais le droit de circuler, ce nest pas un concept libéral. Peut-être pour les marchandises. Mais pour les hommes, le droit daller passer
JEAN-CLAUDE MAILLY Oui, mais cest surtout les marchandises.
THIERRY MARIANI Le droit daller passer son Noël avec sa mère ou son père, ce nest pas un concept libéral. Voilà ! Donc je pense aussi, quen France, on est dans une situation où on ne peut plus continuer comme ça.
BERNARD THOMASSON Alors justement petite question, parce que Jean-Claude MAILLY disait, il y a eu un préavis de grève qui a été déposé, 5-10 jours avant, légalement. Est-ce quon ne peut pas envisager dimposer par la loi, dentamer des négociations entre patrons et salariés avant davoir le recours à la grève, qui servirait en cas déchec de discussion et non pas en préalable ?
THIERRY MARIANI Si, dailleurs, cest ce que la proposition de la loi dEric DIARD prévoit. C'est-à-dire préavis, discussions obligatoires, et éventuellement sil y a grève, préavis individuel.
JEAN-CLAUDE MAILLY Non, mais déjà, le système actuel, le préavis cest fait pour ça ! Cest fait pour prévenir et cest fait pour discuter. Moi, je me pose
BERNARD THOMASSON Sauf que ça na pas servi !
JEAN-CLAUDE MAILLY Moi, je me pose la question parfois, si le gouvernement ne veut pas à la fois laisser pourrir la situation pour justifier la proposition de loi sur remise en cause du droit de grève dans le transport. Je me pose cette question, franchement ! Surtout que ça concernerait y compris dautres secteurs, puisque le médico-social pourrait être concerné également. Il y a dautres propositions, pas la même proposition, mais dautres propositions par ailleurs ! Donc là, ce serait inacceptable, dailleurs ça commence, lannonce de ce projet de loi, sil était voté, appelle déjà, il y a plusieurs appels à la grève, qui pourraient se faire au mois de février. Donc cest inacceptable. Ecoutez, dans un dossier comme celui-là, quand on a une entreprise sous-traitante ou mobile en difficulté, quest-ce quon fait avec le ministère de lIndustrie ? Quest-ce quon fait avec le ministère du Travail ? On fait une table ronde, on fait une séance de discussions et on dit, aussi, ladministration, le donneur dordre, les sous-traitants, parce quil y a une notion de filière, il faut la mettre en place. Pourquoi là, on ne fait pas ça ! ?
BERNARD THOMASSON Thierry MARIANI, parce que cest vrai que cest une fonction de service public quasiment ?
THIERRY MARIANI Absolument ! Ca a été effectivement public, jusquen 1996 et après, comme dans la plupart des pays, ça a été délégué à des entreprises privées.
BERNARD THOMASSON Sauf aux Etats-Unis, pays ultralibéral, sil en est. Où cest maintenant dans le giron public ?
THIERRY MARIANI Oui, aux Etats-Unis, cest un peu spécial. Cétait totalement privé, jusquen septembre. Et 11 septembre, suite à ce qui sest passé, ils ont recrée, une administration avec 30 000 personnes, cest même rattaché au Homeland Security c'est-à-dire en réalité, le super ministère qui soccupe de la sécurité des Etats-Unis.
BERNARD THOMASSON On ne peut pas le ramener dans le giron public en France ? Cest trop tard ?
THIERRY MARIANI Non, parce que dabord, ce nest sincèrement pas nécessaire. LEtat vérifie, jallais dire la qualité, lhonnêteté et la probité des personnes. Des personnes qui font ce métier, sont agrées par la préfecture. Et puis, ensuite, cest un métier où franchement on a besoin plus davoir plus des policiers aujourdhui, sur le terrain. Parce que les policiers, cest deux ans de formation
BERNARD THOMASSON Sauf quils ne sont pas formés pour les scanners et donc les scanners ne sont pas utilisés. Si je ne me trompe pas.
THIERRY MARIANI Absolument ! C'est-à-dire que
BERNARD THOMASSON Ce qui veut dire, quil ny a pas un manque à la sécurité, les usagers peuvent monter dans les avions en toute sécurité ?
THIERRY MARIANI Aujourdhui, dabord ce sont des policiers de lair et de la frontière et dautre part, des gendarmes du transport aérien. Donc deux corps qui sont habitués à travailler sur les aéroports, ce nest pas excusez-moi des CRS comme je lai entendu à plusieurs reprises. Deuxièmement, dans un poste dinspection fouille, il y a si je puis dire, celui avant qui dit « enlevez votre ceinture », il y a celui qui est derrière lécran et ensuite, il y a celui qui fait les palpations pour trouver un objet. Eh bien, en réalité, les policiers ou les gendarmes sont utilisés au premier et troisième poste et pas du tout derrière lécran, donc cest une vraie fonction technique, vous avez raison, ils ne sont pas formés
BERNARD THOMASSON Et donc on peut passer dans les sacs des objets à lheure actuelle ? THIERRY MARIANI Absolument pas ! Je veux dire, aujourdhui
BERNARD THOMASSON Donc les sacs sont fouillés ?
THIERRY MARIANI Tout marche absolument normalement. C'est-à-dire simplement que cest un policier qui vous demande, si vous avez des liquides ou denlever votre téléphone. Cest un employé dune société assermenté et formé pour ça, qui regardent lécran. Et jallais dire après, cest un policier qui éventuellement enlève un gros ciseau si vous lavez dans votre sac.
BERNARD THOMASSON Jean-Claude MAILLY, où en sont les négociations à lheure actuelle ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Jaimerai bien quelles avancent ces négociations. Pour moi, elles navancent pas. Ecoutez, vous avez les entreprises, vous avez les donneurs dordre dont AEROPORTS DE PARIS, il faut aussi, que les branches discutent. Il y a un problème de branches, cest un problème à la fois de salaire, à la fois également, vous savez, sur 10 000 salariés, il y en a à peu près 6500 qui ont moins de 1500 euros bruts, par mois. Et puis, il faut mettre les fédérations aussi autour de la table. Si on veut en sortir, rapidement, cest comme ça quil faut faire.
BERNARD THOMASSON Est-ce que dans les autres aéroports, parce que les policiers ne sont pas quà Paris et à Roissy pour linstant. Vous estimez que le droit de grève a été cassé également à Lyon, etc. ou ce sont des salariés dautres entreprises, dailleurs, qui viennent ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Non, mais cest surtout, ce qui a choqué et ce qui choque, cest de faire appel, y compris les forces de lordre en question dailleurs, sont choquées par le rôle quon leur fait jouer. Cest de faire appel à la police, pour la police de lair et des frontières notamment, pour faire le travail à la place des grévistes et ça, ce nest pas acceptable.
BERNARD THOMASSON Cest maintenu, ce dispositif aujourdhui encore ?
THIERRY MARIANI Ce sera même tenu tant que cela sera nécessaire. Les policiers sont à disposition si cela, si la grève continue.
BERNARD THOMASSON Alors la deuxième grande question, cest le service minimum. Est-ce quil faut linstaurer ou non, Jean-Claude MAILLY ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Bien sûr que non ! Ecoutez
BERNARD THOMASSON Dans laérien, il existe déjà dans le terrestre, pourquoi pas dans laérien ? Pourquoi pas dans laérien ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Enfin écoutez, moi, je me demande parfois, si on nest pas dans une logique, cest plus la campagne électorale quautre chose. Si on nest pas dans une logique, allez ! Je vais employer un mot « politic agree » (phon) dune certaine manière. Donc non, il y a les préavis qui sont normaux dans ce secteur-là. Vous savez, quand il y a une grève, les gens de bonne volonté, ils se mettent autour de la table, ils mettent toutes les conditions pour que ça marche et ça marche la négociation. Et là, on nen est pas là pour le moment.
BERNARD THOMASSON Pourquoi faut-il un service minimum Thierry MARIANI ?
THIERRY MARIANI Parce que les transports, cest justement une activité indispensable. Vous savez, ce nest pas un hasard si lItalie, la Grande- Bretagne, la Suède, lEspagne, et dans dautres domaines lAllemagne, lAutriche et le Danemark ont légiféré. Ce sont des pays démocratiques où la grève est respectée et la proposition de loi de monsieur de DIARD respecte le droit de grève. Ceux qui voudront faire grève, pourront le faire. Mais cest un secteur qui peut tout paralyser les transports et donc dans tous ces pays, eh bien, il y a une réglementation très stricte. LItalie par exemple, par moment on raille lItalie. Savez-vous quen Italie par exemple, les grèves sont interdites dans les transports ferroviaires, aériens et maritimes aux heures de pointes et pendant les périodes de vacances scolaires.
JEAN-CLAUDE MAILLY Ce nest pas une référence monsieur MARIANI.
THIERRY MARIANI Non, mais attendez, monsieur MAILLY, si une dizaine de pays démocratiques européens ont une législation bien spéciale en ce qui concerne les grèves dans les transports, cest justement parce que ce secteur peut paralyser tout le reste.
BERNARD THOMASSON Alors Jean-Claude MAILLY, comment on fait pour éviter la paralysie ? Puisque cest la question ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Comment faire ? On négocie. Enfin, cest quand même simple. On négocie. Et on donne les moyens, y compris à ceux qui sont chargés de négocier de pouvoir négocier. Comment voulez-vous que quand on nait pas les donneurs autour de la table, comment voulez-vous que le dossier se règle. A un moment donné, on peut régler ce dossier. Mais encore faut-il quil y ait une négociation, une vraie négociation.
BERNARD THOMASSON Les pilotes de ligne, les stewards, les hôtesses, veulent se mettre en grève, si on instaure ce service minimum ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Oui, bien sûr !
BERNARD THOMASSON Est-ce quil y a un pré carré aérien ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Non, ce nest pas un pré carré aérien, ils défendent, mais je vous disais, ce nest pas, notre proposition on envisage de faire la même chose dans le médico-social. Attendez, mais vous savez, le service minimum
THIERRY MARIANI Je ne lai pas vu excusez-moi, pour le moment, on ne parle que de transports.
JEAN-CLAUDE MAILLY Oui, mais cest bien quil y ait une volonté de remettre en cause le droit de grève. Quon le veuille ou non.
THIERRY MARIANI Il y a une volonté dassurer la continuité du service public.
JEAN-CLAUDE MAILLY Il fallait négocier monsieur MARIANI. Il faut négocier.
THIERRY MARIANI Il y a des fois où cest bloqué, vous savez comme moi, par exemple, en ce moment, le gouvernement a nommé deux médiateurs, depuis 3 jours, ça navance pas.
JEAN-CLAUDE MAILLY Je vous dis que je me pose la question de savoir, si vous ne voulez pas, je ne dis pas vous, spécifiquement, laisser pourrir le dossier, pour justifier la proposition de loi.
BERNARD THOMASSON Merci, messieurs. Le dialogue est également un peu bloqué, entre ceux qui veulent de la discussion, de la négociation et qui veulent le service public. Merci, Jean-Claude MAILLY, secrétaire général de Force ouvrière et Thierry MARIANI, ministre des Transports.
Source : Premier ministre, Service dInformation du Gouvernement, le 23 décembre 2011