Texte intégral
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président de la Commission nationale consultative des droits de lHomme, Cher Yves Repiquet,
Mesdames, Messieurs les Lauréats,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Bienvenue au Quai dOrsay pour célébrer les droits de lHomme.
Le 17 août 1789, Mirabeau, député à la Constituante, sadressait ainsi à ses pairs pour les exhorter à inscrire son projet de déclaration des droits de lHomme et du citoyen en préambule de la future Constitution : «Cest pour nous, cest pour nos neveux, cest pour le monde entier que vous travaillez». Le 10 décembre 1948, les Nations unies reprenaient son message, avec ladoption à Paris de la Déclaration universelle des droits de lHomme.
Aujourdhui, en attribuant le Prix des droits de lHomme aux lauréats choisis par la Commission nationale consultative des droits de lHomme, la France exprime son admiration et son soutien à ceux qui incarnent les valeurs dans lesquelles elle se reconnaît depuis des siècles : le respect des droits de lHomme et des libertés fondamentales. La République vient à la rencontre de ceux qui se mobilisent pour les défendre, partout où elles sont bafouées ou menacées.
Je voudrais remercier celles et ceux qui, au ministère des Affaires étrangères et européennes comme au sein de la Commission nationale consultative des droits de lHomme, ont contribué au succès de cette matinée. Jy vois une occasion privilégiée de dresser un bilan de notre action, et plus largement de lengagement de notre diplomatie au service des progrès de la dignité humaine.
Cet engagement repose sur trois grandes exigences.
La première, cest la légitimité. Au cours des derniers mois, on a parfois entendu dire que notre soutien au peuple libyen nétait pas justifié, que la défense des droits de lHomme nétait quun prétexte pour poursuivre je ne sais quel dessein colonial.
Le «printemps arabe» a une nouvelle fois jeté à bas ce discours relativiste. Après tant de combats, en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique et en Europe de lEst, il a une nouvelle fois montré au monde que les droits de lHomme nétaient pas un concept occidental imposé. Il a montré au monde que laspiration à la liberté et à la dignité était universelle, quelle était «une exigence fondamentale que lon ressent partout», pour reprendre la formule de la philosophe Jeanne Hersch. Il a montré au monde que face à loppression et à la répression sauvage, cette aspiration pouvait être plus forte que la peur et donner aux peuples le courage de se lever pour reconquérir des droits qui sont fondamentaux - et je voudrais rendre hommage à tous les martyrs qui, en Tunisie, en Syrie, en Libye, en Égypte et dans tant dautres pays, ont payé de leur vie le combat au service de la liberté.
Était-il juste dintervenir par la force en Libye pour aider ces combattants et protéger les populations dun bain de sang ? Je le crois sincèrement, car nous lavons fait dans le respect du droit international.
- Dabord, parce quen matière de droits de lHomme, nous agissons en référence à un corpus de règles issues de multiples enceintes - je pense aux grandes conventions des Nations unies et du conseil de lEurope ou à la Charte des droits fondamentaux de lUnion.
- Mais aussi parce quen Libye, nous sommes intervenus sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies - je pense bien sûr à la résolution 1973, qui applique pour la première fois le principe de responsabilité de protéger. Ce principe, la France a joué un rôle décisif pour linscrire dans le droit international - je pense à laction visionnaire de Mario Bettati et de Bernard Kouchner. Nous sommes en effet convaincus que le débat entre interventionnisme et souveraineté est un débat stérile et vain. Le principe de responsabilité de protéger ne remet pas en cause la souveraineté des États. Bien au contraire : la protection des populations est lune des raisons dêtre de la souveraineté.
Deuxième exigence : la cohérence.
La cohérence, cest dabord de savoir nous plier nous-mêmes aux règles que nous entendons faire respecter. Nous navons pas de leçons à donner au monde. Nous savons ce que la cause des droits de lHomme doit à dautres peuples. Nous savons aussi que notre démocratie ne sest pas construite en un jour et quelle est toujours perfectible. Ne donnons pas le sentiment dattendre des autres des efforts que nous nous dispenserions daccomplir chez nous. Noublions pas que notre crédibilité et notre influence reposent largement sur notre capacité à relever nos propres défis. Cest bien pourquoi nous acceptons comme un progrès de participer à lExamen périodique universel, qui nous conduit, comme tous les membres de lONU, à rendre compte du respect des droits fondamentaux sur notre propre sol.
La cohérence, cest aussi dassumer la complexité de notre environnement. Je sais que pour certains, affirmer que les droits de lHomme sont au cur de notre diplomatie sans pour autant sinterdire dentretenir des relations politiques et commerciales avec des États peu respectueux de ces droits relèverait de la duplicité. Mais couper les ponts avec ces États servirait-il la cause des droits de lHomme ? Ma conviction, cest quil ny a pas dun côté, le camp de lidéal et de lautre, celui du cynisme. Cest que le dialogue est le meilleur moyen de faire évoluer les situations. Cest la raison pour laquelle nous ne cessons de dialoguer : avec les pays qui persécutent les opposants politiques et discriminent les minorités ; avec ceux qui jugent nos compatriotes de façon inéquitable ; et prochainement avec les dirigeants birmans. Il ny a pas de duplicité à évoquer avec un même partenaire la question des droits de lHomme et la coopération économique. Car pour être entendus, nous devons compter pour nos interlocuteurs. Cest la force de linterdépendance qui donne sa chance au message sur les droits de lHomme.
La cohérence, cest enfin de traiter de la même façon les situations comparables. Même si nous entretenons des liens privilégiés avec certains pays, même si les situations géopolitiques ne sont jamais identiques, même si laction doit viser lefficacité et le résultat autant, sinon plus, que laffirmation des principes, il ny a pas deux poids et deux mesures en matière de droits de lHomme. Notre message doit rester lisible et constant.
Aux États-Unis, nous nous mobilisons à lapproche de chaque exécution. En Chine, en Inde, en Afrique, notre dialogue bilatéral ou européen est loccasion dévoquer avec les autorités les atteintes aux droits de lHomme chaque fois que cest nécessaire. Au Conseil de sécurité des Nations unies, au sein de lUnion européenne et au Conseil des droits de lHomme, nous ne relâchons pas nos efforts pour que cesse le massacre de la population syrienne. Aujourdhui, lécrasante majorité dont la résolution sur la Syrie a bénéficié à Genève témoigne de lindignation profonde de la communauté internationale.
En Tunisie, en Libye, en Égypte, où la France a apporté un soutien sans faille au «printemps arabe», lheure est aujourdhui à la reconstruction et à la transition démocratique. Ce processus sera long et incertain, car le chemin vers la démocratie est exigeant et souvent tortueux. Il faut laisser du temps aux nouveaux régimes arabes. Il faut que les responsables issus des élections saffirment en gouvernant. Nous sommes tous conscients du risque de voir émerger ici ou là un pouvoir peu respectueux des droits fondamentaux. Mais je refuse tout proc??s dintention. Pouvons-nous oublier que ces élections tournent la page de plusieurs décennies doppression ? Pouvons-nous refuser à des peuples condamnés depuis si longtemps au silence le droit dexprimer enfin leurs opinions et leurs choix ? Lorsque la régularité du scrutin nest pas en cause, comme cest le cas en Égypte, réjouissons-nous que le vote ait pu se dérouler librement. Nous jugerons les pouvoirs nouveaux sur leurs actes. Ils ont combattu pour la liberté. Pourquoi la récuseraient-ils ? Ils ont pour mandat de donner corps aux aspirations des peuples. Ils peuvent compter sur nous et nous serons attentifs à ce quil en soit ainsi.
Enfin, troisième exigence : lengagement.
Pour faire progresser la cause des droits de lHomme, nous devons dabord mobiliser nos propres ressources. Lambassadeur Zimeray, dont je salue laction, aime à dire que chacune de nos ambassades doit être une maison des droits de lHomme. Je crois en effet que notre diplomatie dans son ensemble doit être engagée en faveur des droits de lHomme et au service des hommes. Cest pourquoi jai veillé à ce que les droits fondamentaux soient au programme de la formation de nos diplomates. Le «printemps arabe» nous la enseigné : nos diplomates doivent également mieux écouter les défenseurs des droits de lHomme et demeurer toujours attentifs aux fermentations des sociétés où la dignité étouffe. Cest une mission que je leur ai rappelée lors de la conférence annuelle des ambassadeurs. Jai aussi demandé à nos centres culturels de se mobiliser pour soutenir les grandes causes que nous défendons. En évoquant il y a quelques jours linspiration quelle tire de luvre de Victor Hugo, Aung Sang Suu Kyi sen est en quelque sorte fait lécho.
Au-delà de notre ministère, nous sommes également déterminés à aider ceux qui agissent sur le terrain, à commencer par les défenseurs des droits de lHomme, les associations et les organisations non gouvernementales. Jai distingué tout à lheure cinq associations : lAcid Survivors Foundation, Tamkeen, lAssociation madrilène pour la prévention, la réinsertion et lattention aux femmes prostituées, Aireana et le réseau africain pour la protection des femmes et des enfants victimes de violences, implanté au Malawi. A travers ce prix, cest au dévouement, au courage et au professionnalisme de tous les hommes et femmes qui défendent les droits de lHomme au quotidien, parfois au péril de leur vie, que je voudrais rendre hommage. Nous devons travailler encore plus étroitement avec eux. Vous tous ici rassemblés savez ce que cela représente, pour un défenseur menacé, de disposer dun interlocuteur dans chaque ambassade de France, dy être reçu, écouté et encouragé.
Légitimité, cohérence, engagement : ces exigences guident notre action au service des droits de lHomme dans chacune de ses dimensions.
Notre première priorité, cest de porter la parole de la France. Cette fonction de plaidoyer et de dialogue est essentielle. La diplomatie française continuera de lassumer, que ce soit dans le cadre de forums internationaux, à New York, à Genève ou à Strasbourg ou à loccasion de contacts bilatéraux.
Notre deuxième priorité, cest de répondre avec fermeté aux comportements les plus odieux.
Face à des violations massives, notre réponse la plus immédiate est celle des sanctions. Et cest lhonneur de lUnion européenne que davoir su prendre des mesures énergiques à légard du régime syrien.
Dans le même temps, nous poursuivons notre combat pour que justice soit faite et pour que les coupables des crimes les plus graves soient jugés. La Cour pénale internationale, que la France a toujours soutenue, est aujourdhui sous le feu croisé des critiques, entre ceux qui trouvent quelle va trop loin et ceux qui considèrent quelle ne va pas assez vite. Pour ma part, je tiens sa création comme lun des progrès les plus substantiels depuis ladoption de la Déclaration universelle des droits de lHomme. Elle a dailleurs largement fait la preuve de son influence : lémission des mandats darrêt contre le colonel Kadhafi, lun de ses fils et le chef des services de renseignement a constitué un signal déterminant, et elle jugera bientôt Laurent Gbagbo. Comme elle la toujours fait, la France continuera à soutenir les juridictions pénales internationales.
Enfin, troisième priorité : protéger dans lurgence. Lactualité des derniers mois la montré : au-delà des mots, il y a des réalités humaines qui commandent. Il faut parfois donner à notre action le souffle de lurgence. Face aux séismes politiques comme aux catastrophes naturelles, les acteurs humanitaires ont joué un rôle déterminant. La diplomatie française y a également pris toute sa part.
Voilà pourquoi le Centre de crise est intervenu sur les lieux des crises, notamment en Libye, et a pu rapatrier des Libyens, des Égyptiens ou des journalistes blessés dans les combats. Son professionnalisme et le courage de ses équipes ont, une fois encore, sauvé des vies.
Voilà pourquoi il importe que la direction des Français de létranger apporte son aide à nos compatriotes confrontés à des situations difficiles. La protection quelle offre aux Français détenus à létranger, et notamment à ceux qui sont confrontés à des systèmes judiciaires parfois défaillants, est lun des volets très concret de notre action en faveur des droits de lHomme. Au-delà des affaires les plus connues, comme celles de Florence Cassez, de Pham Minh Hoang ou de Patrice Faye, ce sont des dizaines de dossiers que nos diplomates suivent avec détermination et humanité.
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde qui change de plus en plus vite, où il est parfois difficile de discerner progrès et menaces, les droits de lHomme sont sans cesse confrontés à de nouveaux enjeux. Nouvelles technologies de linformation et du vivant, urbanisation, démographie, environnement : autant de défis que la modernité lance à la dignité humaine, autant de nouvelles frontières pour les droits de lHomme, autant de réflexions à mener et de nouveaux combats à engager.
Convaincue de sa vocation, forte de lhéritage de la République française, fidèle aux valeurs de la Déclaration universelle des droits de lHomme, la diplomatie française y prendra toute sa part.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2011
Monsieur le Président de la Commission nationale consultative des droits de lHomme, Cher Yves Repiquet,
Mesdames, Messieurs les Lauréats,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Bienvenue au Quai dOrsay pour célébrer les droits de lHomme.
Le 17 août 1789, Mirabeau, député à la Constituante, sadressait ainsi à ses pairs pour les exhorter à inscrire son projet de déclaration des droits de lHomme et du citoyen en préambule de la future Constitution : «Cest pour nous, cest pour nos neveux, cest pour le monde entier que vous travaillez». Le 10 décembre 1948, les Nations unies reprenaient son message, avec ladoption à Paris de la Déclaration universelle des droits de lHomme.
Aujourdhui, en attribuant le Prix des droits de lHomme aux lauréats choisis par la Commission nationale consultative des droits de lHomme, la France exprime son admiration et son soutien à ceux qui incarnent les valeurs dans lesquelles elle se reconnaît depuis des siècles : le respect des droits de lHomme et des libertés fondamentales. La République vient à la rencontre de ceux qui se mobilisent pour les défendre, partout où elles sont bafouées ou menacées.
Je voudrais remercier celles et ceux qui, au ministère des Affaires étrangères et européennes comme au sein de la Commission nationale consultative des droits de lHomme, ont contribué au succès de cette matinée. Jy vois une occasion privilégiée de dresser un bilan de notre action, et plus largement de lengagement de notre diplomatie au service des progrès de la dignité humaine.
Cet engagement repose sur trois grandes exigences.
La première, cest la légitimité. Au cours des derniers mois, on a parfois entendu dire que notre soutien au peuple libyen nétait pas justifié, que la défense des droits de lHomme nétait quun prétexte pour poursuivre je ne sais quel dessein colonial.
Le «printemps arabe» a une nouvelle fois jeté à bas ce discours relativiste. Après tant de combats, en Asie, en Amérique du Sud, en Afrique et en Europe de lEst, il a une nouvelle fois montré au monde que les droits de lHomme nétaient pas un concept occidental imposé. Il a montré au monde que laspiration à la liberté et à la dignité était universelle, quelle était «une exigence fondamentale que lon ressent partout», pour reprendre la formule de la philosophe Jeanne Hersch. Il a montré au monde que face à loppression et à la répression sauvage, cette aspiration pouvait être plus forte que la peur et donner aux peuples le courage de se lever pour reconquérir des droits qui sont fondamentaux - et je voudrais rendre hommage à tous les martyrs qui, en Tunisie, en Syrie, en Libye, en Égypte et dans tant dautres pays, ont payé de leur vie le combat au service de la liberté.
Était-il juste dintervenir par la force en Libye pour aider ces combattants et protéger les populations dun bain de sang ? Je le crois sincèrement, car nous lavons fait dans le respect du droit international.
- Dabord, parce quen matière de droits de lHomme, nous agissons en référence à un corpus de règles issues de multiples enceintes - je pense aux grandes conventions des Nations unies et du conseil de lEurope ou à la Charte des droits fondamentaux de lUnion.
- Mais aussi parce quen Libye, nous sommes intervenus sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies - je pense bien sûr à la résolution 1973, qui applique pour la première fois le principe de responsabilité de protéger. Ce principe, la France a joué un rôle décisif pour linscrire dans le droit international - je pense à laction visionnaire de Mario Bettati et de Bernard Kouchner. Nous sommes en effet convaincus que le débat entre interventionnisme et souveraineté est un débat stérile et vain. Le principe de responsabilité de protéger ne remet pas en cause la souveraineté des États. Bien au contraire : la protection des populations est lune des raisons dêtre de la souveraineté.
Deuxième exigence : la cohérence.
La cohérence, cest dabord de savoir nous plier nous-mêmes aux règles que nous entendons faire respecter. Nous navons pas de leçons à donner au monde. Nous savons ce que la cause des droits de lHomme doit à dautres peuples. Nous savons aussi que notre démocratie ne sest pas construite en un jour et quelle est toujours perfectible. Ne donnons pas le sentiment dattendre des autres des efforts que nous nous dispenserions daccomplir chez nous. Noublions pas que notre crédibilité et notre influence reposent largement sur notre capacité à relever nos propres défis. Cest bien pourquoi nous acceptons comme un progrès de participer à lExamen périodique universel, qui nous conduit, comme tous les membres de lONU, à rendre compte du respect des droits fondamentaux sur notre propre sol.
La cohérence, cest aussi dassumer la complexité de notre environnement. Je sais que pour certains, affirmer que les droits de lHomme sont au cur de notre diplomatie sans pour autant sinterdire dentretenir des relations politiques et commerciales avec des États peu respectueux de ces droits relèverait de la duplicité. Mais couper les ponts avec ces États servirait-il la cause des droits de lHomme ? Ma conviction, cest quil ny a pas dun côté, le camp de lidéal et de lautre, celui du cynisme. Cest que le dialogue est le meilleur moyen de faire évoluer les situations. Cest la raison pour laquelle nous ne cessons de dialoguer : avec les pays qui persécutent les opposants politiques et discriminent les minorités ; avec ceux qui jugent nos compatriotes de façon inéquitable ; et prochainement avec les dirigeants birmans. Il ny a pas de duplicité à évoquer avec un même partenaire la question des droits de lHomme et la coopération économique. Car pour être entendus, nous devons compter pour nos interlocuteurs. Cest la force de linterdépendance qui donne sa chance au message sur les droits de lHomme.
La cohérence, cest enfin de traiter de la même façon les situations comparables. Même si nous entretenons des liens privilégiés avec certains pays, même si les situations géopolitiques ne sont jamais identiques, même si laction doit viser lefficacité et le résultat autant, sinon plus, que laffirmation des principes, il ny a pas deux poids et deux mesures en matière de droits de lHomme. Notre message doit rester lisible et constant.
Aux États-Unis, nous nous mobilisons à lapproche de chaque exécution. En Chine, en Inde, en Afrique, notre dialogue bilatéral ou européen est loccasion dévoquer avec les autorités les atteintes aux droits de lHomme chaque fois que cest nécessaire. Au Conseil de sécurité des Nations unies, au sein de lUnion européenne et au Conseil des droits de lHomme, nous ne relâchons pas nos efforts pour que cesse le massacre de la population syrienne. Aujourdhui, lécrasante majorité dont la résolution sur la Syrie a bénéficié à Genève témoigne de lindignation profonde de la communauté internationale.
En Tunisie, en Libye, en Égypte, où la France a apporté un soutien sans faille au «printemps arabe», lheure est aujourdhui à la reconstruction et à la transition démocratique. Ce processus sera long et incertain, car le chemin vers la démocratie est exigeant et souvent tortueux. Il faut laisser du temps aux nouveaux régimes arabes. Il faut que les responsables issus des élections saffirment en gouvernant. Nous sommes tous conscients du risque de voir émerger ici ou là un pouvoir peu respectueux des droits fondamentaux. Mais je refuse tout proc??s dintention. Pouvons-nous oublier que ces élections tournent la page de plusieurs décennies doppression ? Pouvons-nous refuser à des peuples condamnés depuis si longtemps au silence le droit dexprimer enfin leurs opinions et leurs choix ? Lorsque la régularité du scrutin nest pas en cause, comme cest le cas en Égypte, réjouissons-nous que le vote ait pu se dérouler librement. Nous jugerons les pouvoirs nouveaux sur leurs actes. Ils ont combattu pour la liberté. Pourquoi la récuseraient-ils ? Ils ont pour mandat de donner corps aux aspirations des peuples. Ils peuvent compter sur nous et nous serons attentifs à ce quil en soit ainsi.
Enfin, troisième exigence : lengagement.
Pour faire progresser la cause des droits de lHomme, nous devons dabord mobiliser nos propres ressources. Lambassadeur Zimeray, dont je salue laction, aime à dire que chacune de nos ambassades doit être une maison des droits de lHomme. Je crois en effet que notre diplomatie dans son ensemble doit être engagée en faveur des droits de lHomme et au service des hommes. Cest pourquoi jai veillé à ce que les droits fondamentaux soient au programme de la formation de nos diplomates. Le «printemps arabe» nous la enseigné : nos diplomates doivent également mieux écouter les défenseurs des droits de lHomme et demeurer toujours attentifs aux fermentations des sociétés où la dignité étouffe. Cest une mission que je leur ai rappelée lors de la conférence annuelle des ambassadeurs. Jai aussi demandé à nos centres culturels de se mobiliser pour soutenir les grandes causes que nous défendons. En évoquant il y a quelques jours linspiration quelle tire de luvre de Victor Hugo, Aung Sang Suu Kyi sen est en quelque sorte fait lécho.
Au-delà de notre ministère, nous sommes également déterminés à aider ceux qui agissent sur le terrain, à commencer par les défenseurs des droits de lHomme, les associations et les organisations non gouvernementales. Jai distingué tout à lheure cinq associations : lAcid Survivors Foundation, Tamkeen, lAssociation madrilène pour la prévention, la réinsertion et lattention aux femmes prostituées, Aireana et le réseau africain pour la protection des femmes et des enfants victimes de violences, implanté au Malawi. A travers ce prix, cest au dévouement, au courage et au professionnalisme de tous les hommes et femmes qui défendent les droits de lHomme au quotidien, parfois au péril de leur vie, que je voudrais rendre hommage. Nous devons travailler encore plus étroitement avec eux. Vous tous ici rassemblés savez ce que cela représente, pour un défenseur menacé, de disposer dun interlocuteur dans chaque ambassade de France, dy être reçu, écouté et encouragé.
Légitimité, cohérence, engagement : ces exigences guident notre action au service des droits de lHomme dans chacune de ses dimensions.
Notre première priorité, cest de porter la parole de la France. Cette fonction de plaidoyer et de dialogue est essentielle. La diplomatie française continuera de lassumer, que ce soit dans le cadre de forums internationaux, à New York, à Genève ou à Strasbourg ou à loccasion de contacts bilatéraux.
Notre deuxième priorité, cest de répondre avec fermeté aux comportements les plus odieux.
Face à des violations massives, notre réponse la plus immédiate est celle des sanctions. Et cest lhonneur de lUnion européenne que davoir su prendre des mesures énergiques à légard du régime syrien.
Dans le même temps, nous poursuivons notre combat pour que justice soit faite et pour que les coupables des crimes les plus graves soient jugés. La Cour pénale internationale, que la France a toujours soutenue, est aujourdhui sous le feu croisé des critiques, entre ceux qui trouvent quelle va trop loin et ceux qui considèrent quelle ne va pas assez vite. Pour ma part, je tiens sa création comme lun des progrès les plus substantiels depuis ladoption de la Déclaration universelle des droits de lHomme. Elle a dailleurs largement fait la preuve de son influence : lémission des mandats darrêt contre le colonel Kadhafi, lun de ses fils et le chef des services de renseignement a constitué un signal déterminant, et elle jugera bientôt Laurent Gbagbo. Comme elle la toujours fait, la France continuera à soutenir les juridictions pénales internationales.
Enfin, troisième priorité : protéger dans lurgence. Lactualité des derniers mois la montré : au-delà des mots, il y a des réalités humaines qui commandent. Il faut parfois donner à notre action le souffle de lurgence. Face aux séismes politiques comme aux catastrophes naturelles, les acteurs humanitaires ont joué un rôle déterminant. La diplomatie française y a également pris toute sa part.
Voilà pourquoi le Centre de crise est intervenu sur les lieux des crises, notamment en Libye, et a pu rapatrier des Libyens, des Égyptiens ou des journalistes blessés dans les combats. Son professionnalisme et le courage de ses équipes ont, une fois encore, sauvé des vies.
Voilà pourquoi il importe que la direction des Français de létranger apporte son aide à nos compatriotes confrontés à des situations difficiles. La protection quelle offre aux Français détenus à létranger, et notamment à ceux qui sont confrontés à des systèmes judiciaires parfois défaillants, est lun des volets très concret de notre action en faveur des droits de lHomme. Au-delà des affaires les plus connues, comme celles de Florence Cassez, de Pham Minh Hoang ou de Patrice Faye, ce sont des dizaines de dossiers que nos diplomates suivent avec détermination et humanité.
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde qui change de plus en plus vite, où il est parfois difficile de discerner progrès et menaces, les droits de lHomme sont sans cesse confrontés à de nouveaux enjeux. Nouvelles technologies de linformation et du vivant, urbanisation, démographie, environnement : autant de défis que la modernité lance à la dignité humaine, autant de nouvelles frontières pour les droits de lHomme, autant de réflexions à mener et de nouveaux combats à engager.
Convaincue de sa vocation, forte de lhéritage de la République française, fidèle aux valeurs de la Déclaration universelle des droits de lHomme, la diplomatie française y prendra toute sa part.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 décembre 2011