Interview de M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme, aux services, aux professions libérales et à la consommation, à "France 2" le 29 décembre 2011, sur les difficultés des "Restos du coeur" et sur la création d'un label "origine France garantie".

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Média : France 2

Texte intégral

GILLES BORNSTEIN Alors on a vu cette semaine qu’il manquait 5 millions d’euros aux Restos du Coeur et donc des repas ne vont vraisemblablement pas être servis, par ailleurs vous êtes chargé de la distribution et tous les jours on sait que les distributeurs jettent des surplus, on ne peut pas faire quelque chose pour essayer d’arranger cette situation ?

FREDERIC LEFEBVRE Bien sûr, vous avez dit 5 millions d’euros, en réalité c’est l’équivalent de 5 millions de repas parce qu’ils chiffrent même leur prix du repas à environ 1 euro. J’ai pris l’initiative évidemment quand j’ai entendu Olivier BERTHE parler au nom des Restos du Coeur et expliquer cette difficulté face à laquelle il se trouvait et j’ai appelé les patrons d’un certain nombre d’entreprises comme CASINO, comme AUCHAN, comme CARREFOUR…

GILLES BORNSTEIN Les grands distributeurs.

FREDERIC LEFEBVRE Les grands distributeurs qui ont accepté le principe, en plus évidemment de ce qu’ils font déjà qui est important pour la banque alimentaire, qui concerne les Restos du Coeur mais qui concerne aussi LE SECOURS POPULAIRE, LA CROIX ROUGE, de participer. J’ai eu Olivier BERTHE, on est en train de faire le point précis pour voir ce dont ils ont besoin et d’ores et déjà j’ai l’accord de ces entreprises, je vais d’ailleurs moi depuis Bercy…

GILLES BORNSTEIN L’accord de ces entreprises pour faire quoi exactement ?

FREDERIC LEFEBVRE Eh bien pour fournir de quoi faire ces repas qui vont manquer sans doute à horizon février ou mars, c’est ce que disent les Restos du Coeur, c’est très important…

GILLES BORNSTEIN Vous avez un montant ?

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, il faut qu’on atteigne ce dont ils ont besoin, donc c’est l’objectif. J’en profite d’ailleurs pour lancer un appel à toutes les entreprises qui pourraient accepter de participer à cet élan de générosité. Ce qui est très important c'est que, moi je suis bien décidé à piloter moi-même cette affaire depuis Bercy pendant les jours qui viennent parce que, si on veut que ce soit à temps dans les entrepôts, vous savez c’est 112.000 palettes les Restos du Coeur, si on veut que ce soit à temps dans les entrepôts pour que les repas puissent être offerts, eh bien il faut s’y prendre maintenant.

GILLES BORNSTEIN Parfait, le label, enfin le produisons français, le achetons français sont les deux tubes de l’été, alors vous vous avez créé le label « origine France garantie », qu’est-ce que c’est ? C’est juste une information en espérant qu’elle soit incitative en fait ?

FREDERIC LEFEBVRE Vous savez d’abord le président de la République de la même façon qu’il était aux Restos du Coeur, il y a quelques jours, de la même façon sur la question du « fabriqué en France » il a décidé depuis un certain nombre de mois déjà, depuis 2009 de soutenir le « fabriqué en France ». Non pas d’ailleurs simplement le «acheté en France » mais le « fabriqué en France ». Ca veut dire quoi ? Ca veut dire la qualité française, les savoir-faire français et il y a ce label qui a été créé qui est « France origine garantie », qui aujourd'hui représente une quarantaine…

GILLES BORNSTEIN C'est une information, c’est purement incitatif, on ne peut pas obliger les gens à acheter français.

FREDERIC LEFEBVRE Non non on ne peut pas obliger… d’abord on ne peut pas obliger les gens à acheter français, on ne peut pas obliger non plus les entreprises à dire l’origine des produits, mais qu’est-ce qui se passe dans notre pays ? Et toutes les entreprises l’ont bien compris, les consommateurs veulent acheter des produits français parce que pour eux ça correspond à la qualité…

GILLES BORNSTEIN Même si c’est plus cher ?

FREDERIC LEFEBVRE 74 ou 75% d’entre eux, je lisais ça l’autre jour, sont prêts même à payer…

GILLES BORNSTEIN Oui mais ce qu’ils disent, les Français disent aussi qu’ils regardent ARTE hors on sait que ce n’est pas vrai.

FREDERIC LEFEBVRE Non, non, non, vous savez les Français ils savent très bien, la grand-mère de mon épouse qui est originaire de Haute-Loire disait, je n’ai pas les moyens d’acheter de la mauvaise qualité et les Français savent très bien qu’acheter de la bonne qualité c’est en réalité un investissement sur l’avenir. Et acheter français c’est acheter de la bonne qualité, mais acheter français fabriqué en France et c’est ça que nous sommes en train de défendre. Alors il y a ce label auquel vous faisiez allusion qui concerne aujourd'hui 40 produits pour 15 marques qui va bientôt concerner 500 produits pour une centaine de marques, mais il y a dans le texte que je défends au Parlement sur la consommation un autre dispositif qui est très important, que les Français qui nous écoutent connaissent bien, qui est l’IGP, c’est ce qui a permis de défendre le Brie de Meaux, le pruneau d’Agen, donc les produits alimentaires. Et nous l’étendons aux produits artisanaux et aux produits industriels. Ca va permettre de défendre le couteau Laguioles, les faïences de Gien, les émaux de Briare, enfin on peut multiplier ces éléments d’identité de nos territoires qui sont des savoir-faire, qui font la richesse de la France, l’âme de la France. Or dans la mondialisation qui tend à l’uniformité, c'est une chance pour le pays de l’intelligence, de l’immatériel, du savoir-faire qu’est la France, de protéger ces savoir-faire, c’est ce que nous faisons sous l’impulsion du président de la République et ensuite il faut que le consommateur s’y retrouve, parce qu’aujourd'hui vous voyez fleurir des étiquettes « 100% français », « 100% fabriqué en France », tout ça n’est pas contrôlé et il faut que le consommateur s’y retrouve. C'est la raison pour laquelle j’ai demandé au Conseil national de la consommation que je préside, dans lequel sont à la fois représentées les entreprises, mais les associations de défense des consommateurs, eh bien je leur ai demandé de travailler sur une carte d’identité des produits que les consommateurs pourront, grâce au code barre, au flash code, déclencher avec leur mobile et qui leur permettra de connaitre l’origine des produits. Parce qu’ils sont très nombreux, je vous l’ai dit, à vouloir acheter la qualité française, mais pour autant, il faut qu’ils soient certains de l’origine des produits. C’est ça que nous sommes en train de construire, c’est évidemment très important pour la croissance et pour l’emploi en France.

GILLES BORNSTEIN Alors justement à propos d’emploi après plusieurs mois de chiffres très mauvais sur l’emploi se profile le sommet du 18 janvier, ça vous concerne puisque vous êtes en charge des PME, est-ce que vous souhaitez qu’on aille vers des solutions avec plus de flexibilité ou par exemple on pourrait proposer aux salariés des baisses de rémunération en échange du maintien dans l’emploi ?

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, moi je pense qu’il faut prendre le problème autrement, d’abord notre pays continue de créer des emplois, le solde net est positif sur l’année, c’est plus de 180.000 emplois et tous ces acteurs économiques, à l’occasion de toutes ces visites, j’en fais trois par semaine, partout en France, que je rencontre, continue aujourd'hui de créer des emplois, c’est très important de le dire. C’est la raison pour laquelle le premier moyen de soutenir le travail dans notre pays, c’est d’abord de soutenir ces entreprises sur le crédit. Sur la mobilisation des financements…

GILLES BORNSTEIN Il y a de moins en moins de crédits d’ailleurs en ce moment ? On dit que les banques commencent à réduire le crédit.

FREDERIC LEFEBVRE Ecoutez, les encours de crédits en France continuent d’augmenter pour les PME, on va voir les prochains chiffres, mais on est un des rares pays en Europe où ça continue d’être dynamique. En même temps, il peut y avoir, notamment sur certaines parties du territoire ou dans certains réseaux, des difficultés. C’est la raison pour laquelle j’ai annoncé qu’à chaque publication de statistiques, je vais convoquer le réseau qui joue le mieux le jeu, dont les encours augmentent et le réseau qui lui est le moins performant, le réseau bancaire parce que je veux qu’on fasse diffuser les bonnes pratiques et puis je veux comprendre pourquoi certains ont de moins bons résultats que d’autres. On doit être aux côtés des acteurs économiques, vous comprenez ? Moi j’y mets une énergie folle pour une raison simple, c’est que c'est dans cette période qu’on doit être à leurs côtés, parce que ce sont elles qui créent les emplois et ce sommet que veut le président de la République avec les partenaires sociaux, il a pour objectif de mobiliser tout le monde sur le travail parce que c’est ça aujourd'hui qu’attendent nos compatriotes. C’est absolument essentiel que chacun à sa place nous nous mobilisions. C’est ce que je fais chaque jour.

GILLES BORNSTEIN Merci Frédéric LEFEBVRE, merci Thierry, voilà c’est à vous, bonnes fêtes à tous.

FREDERIC LEFEBVRE Merci.

Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 6 janvier 2012