Point presse de M. François Fillon, Premier ministre, sur la dégradation de la note de la France par l'agence Standard and Poor's, l'objectif du retour à l'équilibre des finances publiques en 2016 et la tenue d'un sommet social le 18 janvier, à Paris le 14 janvier 2012.

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Texte intégral

Mesdames et Messieurs, hier l’agence de notation STANDARD AND POOR’S a pris des décisions qui concernent 16 pays de la zone euro. Avec le président de la République, je n’ai pas attendu le jugement d’une agence de notation pour savoir quels sont nos devoirs : réduire nos déficits, améliorer notre compétitivité, donner à la zone euro la gouvernance qui lui manque. Cette décision était une décision attendue, même si on peut la juger à contretemps au regard des efforts engagés par la zone euro, des efforts que d’ailleurs les investisseurs commencent à reconnaître. Les marchés financiers ont d’ailleurs assez peu réagi vendredi aux rumeurs qui ont précédé l’annonce officielle par STANDARD AND POOR’S.
Cette décision constitue une alerte qui ne doit pas être dramatisée, pas plus qu’elle ne doit être sous-estimée. Parce que la dérive de nos finances publiques depuis 30 est un handicap majeur pour la croissance, pour l’emploi comme pour notre souveraineté nationale. Mais aussi parce que les insuffisances de la gouvernance européenne doivent être corrigées. S’agissant de la France, notre note est dégradée d’un cran, elle passe de AAA à AA+. Je rappelle qu’il y a 21 crans de notation chez STANDARD AND POOR’S, la France était notée 21/21, elle est désormais notée 20/21. La note de la France reste donc parmi les meilleures du monde avec – je le rappelle – s’agissant de cette agence, celle des Etats-Unis.
Cette agence motive sa décision d’abord par la situation de la zone euro et par son impact sur nous. Pour autant, elle confirme que notre économie est solide, diversifiée et résistante. Elle souligne que le Gouvernement a mis en œuvre les réformes nécessaires, et qu’il applique une stratégie de réduction du déficit et de la dette qui est crédible.
François HOLLANDE a donc particulièrement tort de prétendre que c’est notre politique qui est sanctionnée. La France est un pays sûr, un pays dans lequel les investisseurs ont confiance et peuvent avoir confiance. Les agences de notation sont des baromètres utiles mais ce ne sont pas elles qui font la politique de la France. Les décisions prises lors du sommet européen du 9 décembre dernier, les mesures mises en œuvre par la Banque Centrale Européenne, les réformes engagées par le Gouvernement prouvent que la France n’a pas attendu la décision de STANDARD AND POOR’S pour agir avec détermination en faveur d’une solution durable à la crise de la zone euro. Chacun doit donc se garder de réactions excessives, cette décision est le fait d’une agence de notation, et il serait paradoxal de lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien en la transformant en un instrument politique.
Ceux qui dramatisent la situation devraient y réfléchir à deux fois. Ce sont en effet les mêmes qui ont refusé de voter les réformes destinées à renforcer notre compétitivité et à réduire les déficits, que ce soit la réduction des effectifs dans la Fonction Publique ou la réforme des retraites. Ce sont eux qui ont bloqué l’instauration de la règle d’or, qui aurait pourtant renforcé notre crédibilité au regard des investisseurs. Bref ! Chacun doit conserver son sang-froid et assumer ses responsabilités.
Je veux vous dire que le Gouvernement, lui, assumera les siennes. Il est déterminé à poursuivre la stratégie qu’il a définie sous l’autorité du président de la République, il garantira le respect de la trajectoire de nos finances publiques sur laquelle nous nous sommes engagés, avec un retour sous les 3 % dès 2013 et un retour à l’équilibre en 2016.
Cet objectif de déficit, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de le dire devant vous, est un objectif intangible, et d’ailleurs les résultats de 2011 montrent que la France respecte ses engagements. Comme vous le savez nous aurons – s’agissant de 2011 – un résultat en matière de déficit qui sera nettement inférieur aux prévisions qui étaient de 5,7 %. Les mesures budgétaires que nous avons prises sont donc suffisantes à ce stade. Lorsque nous aurons une meilleure visibilité sur notre croissance, nous pourrons procéder à des ajustements. J’ai déjà indiqué que nous avions des marges de précaution dans le budget 2012, nous procéderons si nécessaire à des ajustements mais au regard de la croissance constatée.
Je précise que notre financement moyen et long-terme se fait depuis le début de l’année à des taux qui sont nettement inférieurs à ceux prévus dans le budget 2012, et qui par ailleurs sont nettement inférieurs à ceux auxquels nous empruntions il y a quelques années. Par exemple hier soir, la dette française à 10 ans s’échangeait sur le marché au taux de 3,08 %, alors que nous avons inscrit un taux moyen de 3,7 % dans le budget 2012. Nous avons donc une marge de manœuvre en cas de hausse de notre taux d’endettement, pour l’année 2012 je ne vois pas de coût significatif qui mettrait en cause notre trajectoire budgétaire.
Le Gouvernement, sans attendre les observations de STANDARD AND POOR’S, a engagé une stratégie pour améliorer notre compétitivité au service de la croissance. Depuis le début du Quinquennat, la réforme du crédit impôt recherche, la réforme de la taxe professionnelle, le développement des investissements d’avenir vont dans ce sens.
Nous allons, avec le sommet sur la crise de mercredi, engager une nouvelle étape au service de la compétitivité de l’économie française et de la croissance. Une nouvelle étape avec la formation des demandeurs d’emploi, avec une discussion autour des accords de compétitivité dans les entreprises, autour de la réforme du financement de la protection sociale pour abaisser le coût du travail. Et enfin, comme vous le savez, le président de la République a invité les représentants des associations des collectivités locales à un débat dans les prochains jours, pour voir comment les collectivités locales elles-mêmes doivent pouvoir s’engager dans cet effort de réduction des déficits.
Qui pourrait encore prétendre que ces décisions peuvent attendre ? Et qui fait preuve de responsabilité ? Ceux qui veulent des décisions maintenant avec ce sommet de crise, ou ceux qui continuent de caricaturer tous les projets de réforme comme cela a encore été le cas de façon spectaculaire ces derniers jours avec les débats autour de la TVA anti-délocalisation.
Enfin STANDARD AND POOR’S souligne – à juste titre – l’urgence de mettre en place une gouvernance de la zone euro qui la prémunisse contre les crises comme celle que nous sommes en train de vivre. C’est précisément ce qui a été décidé par les chefs d’Etat et de gouvernement le 9 décembre, il nous revient d’appliquer ces décisions sans délai, cela passera par la signature d’un traité sur la zone euro en ce début d’année.
Voilà Mesdames et Messieurs, avec le président de la République nous n’avons jamais caché la gravité de la crise aux Français. Après le sommet social, nous prendrons des décisions fortes, des décisions fortes qui conduiront à des réformes structurelles, pour poursuivre dans la voie du renforcement de la croissance et de la compétitivité de la France.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, François BAROIN a exclu hier un troisième plan de rigueur. Vous, vous dites qu’il n’y aura pas de nouvelle mesure prise mais la France reste sous observation pendant les 3 mois qui viennent. Alors est-ce qu’il ne va pas falloir malgré tout prendre quelques mesures.
FRANÇOIS FILLON
Comme je l’ai indiqué, ce ne sont pas les agences de notation qui feront notre politique et qui feront notre agenda. Nous avons pris, à deux reprises, des décisions pour ajuster nos prévisions budgétaires, nous sommes en ligne avec ces prévisions s’agissant de l’exécution du budget 2011. Nous pensons pouvoir être en ligne s’agissant du budget 2012.
Deuxièmement, je voudrais indiquer que depuis le début de cette crise, avec le président de la République, nous avons cherché en permanence à trouver l’équilibre entre la nécessité de réduire les déficits, et l’impératif de ne pas casser la faible croissance qui caractérise déjà la situation dans la zone euro. Vouloir aujourd’hui ajouter des décisions massives de réduction de dépenses, dans le contexte économique que nous connaissons, ce serait prendre un risque majeur pour la croissance. Nous ne le prendrons pas. C’est la raison pour laquelle nous concentrons nos efforts sur des réformes structurelles pour améliorer la compétitivité de l’économie française. Baisser le coût du travail, c’est une réforme structurelle qui doit nous permettre de répondre de la même manière qu’avec des réductions de dépenses, mais de façon plus efficace pour la croissance, aux interrogations des investisseurs.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, comment expliquez-vous que l’agence FITCH – qui appartient je crois à un Français, qui est un de vos amis Marc de LACHARRIERE – pourquoi elle avait-elle affirmé qu’elle ne dégraderait pas la note de la France ? Etait-ce à votre demande ?
FRANÇOIS FILLON
Ecoutez, je ne ferai vraiment aucun commentaire sur les décisions des agences. Ce que je constate c’est qu’il y a trois agences, l’une qui a estimé que la France conserverait son triple A tout au long de l’année 2012, une qui a pris les décisions que vous savez, je le rappelle, pour 16 pays européens. Je note avec intérêt qu’il est difficile de voir, dans les commentaires par exemple, le fait que des pays, qui ont peu de dettes, voire pas de dettes du tout comme le Luxembourg ou comme les Pays-Bas, sont mis en surveillance négative par l’agence STANDARD AND POOR’S. Et puis une agence, MOODY’S, qui a indiqué qu’elle prendrait sa décision dans les prochaines semaines. Nous, nous observons ces décisions, j’ai dit tout à l’heure que c’était un thermomètre, mais je me garde de porter des jugements sur les agences de notation. Et en tout cas, je le répète une nouvelle fois, ce ne sont pas elles qui font la politique de notre pays.
JOURNALISTE
Est-ce que rétrospectivement, vous ne regrettez pas d’avoir un peu dramatisé le maintien du triple A, puisque dans votre camp on disait que c’était le trésor national, qu’il fallait absolument le conserver ? Aujourd’hui vous dites : finalement, ce n’est pas si grave que ça.
FRANÇOIS FILLON
Je ne dis pas que ça n’est pas si grave que ça, je ne regrette rien du tout. Je constate d’ailleurs que, s’agissant de dramatisation, vous n’êtes pas mal non plus ces dernières heures. Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle et ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’ensemble de la zone euro, mais en même temps c’est une décision qui est cohérente avec la perception qu’un certain nombre d’investisseurs ont de la situation dans la zone euro. Et je voudrais bien que chacun lise avec attention la décision de STANDARD AND POOR’S, parce qu’elle montre à quel point la question fondamentale c’est celle de la gouvernance de la zone euro, c’est celle de la crédibilité de la zone euro. Et chacun sait l’investissement qui a été celui de la France – et singulièrement celui du président de la République française – depuis des mois et des mois pour tirer la sonnette d’alarme sur la crédibilité de la gouvernance de la zone euro, pour mettre en place un gouvernement économique, pour mettre en place des barrières pour protéger les pays les plus faibles de la zone euro. De ce point de vue-là, dire que la situation est grave, que la crise européenne est une crise grave, c’est juste la vérité et je ne regrette pas et nous ne regrettons pas de dire cette vérité.
JOURNALISTE
Bonjour. DOW JONES - WALL STREET JOURNAL. Monsieur le Premier ministre, est-ce que vous pourriez exclure… ou tenter d’exclure une révision à la baisse de la croissance d’ici la fin du premier trimestre ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je n’ai pas dit cela, j’ai dit que nous regarderions les chiffres constatés de la croissance au dernier trimestre 2011, au premier trimestre 2012, comme nous l’avons fait en 2011, pour faire les ajustements nécessaires. Il n’y a pas aujourd’hui de raisons objectives qui nous permettent de procéder à une révision de croissance. Quand nous connaîtrons les chiffres du dernier trimestre 2011, alors nous ferons les ajustements nécessaires. Et comme je l’ai indiqué, il y a une réserve de précaution dans le budget 2012, il va falloir naturellement transformer cette réserve de précaution en annulation de dépenses, ce qui est un travail auquel les ministères sont en train de se livrer. Et c’est au regard des chiffres constatés de la croissance que nous procèderons tout au long de l’année 2012 à des ajustements si cela est nécessaire.
JOURNALISTE
Monsieur le Premier ministre, on prête à Nicolas SARKOZY le fait d’avoir dit : « si je perds le triple A, je suis mort. » Alors est-il mort ?
FRANÇOIS FILLON
Je n’ai jamais entendu le président de la République prononcer une phrase pareille. Ca n’est d’ailleurs pas dans sa nature d’être d’un pessimisme aussi noir. On m’accuse parfois, moi, d’être celui qui est le plus pessimiste, et tout cela n’a évidemment aucun sens. Au contraire, je pense que la gravité de la crise – sur laquelle je n’ai d’ailleurs cessé d’alerter depuis le début du Quinquennat – cette gravité de la crise nécessite la mise en œuvre de réformes structurelles qui vont dans le sens de la compétitivité.
Or je note qu’en face du Gouvernement, en face du président de la République, toutes les propositions qui sont sur la table sont des propositions qui visent à accroître la dépense publique, et qui refusent d’envisager des réformes structurelles sur les sujets de compétitivité, et notamment sur ces sujets qui font l’écart entre l’Allemagne et la France.
J’ai choqué plusieurs fois en disant que nous devions nous inspirer de la politique économique qui avait été conduite en Allemagne, parce que l’Allemagne est notre partenaire et nous devons être le plus proche possible des performance de l’économie allemande. Je vois que les décisions qui viennent d’être prises me confortent encore dans cette idée que, pendant que l’Allemagne prenait des décisions importantes depuis plus de 10 ans, nous avons, nous, tardé à le faire. Nous avons engagé ces décisions depuis le début du Quinquennat de Nicolas SARKOZY, avec une opposition qui s’est manifestée en permanence contre ces choix. Il faut simplement maintenant aller plus vite. Et je veux insister sur un point, il n’y a pas de délai et la perspective de l’élection présidentielle ne peut en aucun cas être un alibi pour ne pas agir et pour ne pas réformer.
JOURNALISTE
FRANKFURTER ALLGEMEINE. Selon STANDARD AND POOR’S, l’Allemagne et la France ne sont plus au même niveau, est-ce que ça va changer la relation entre la France et l’Allemagne ? Et deuxième question, est-ce que vous allez pousser, par rapport à l’Allemagne, est-ce que vous allez pousser pour plus de mesures de croissance et un peu moins de mesures d’austérité ?
FRANÇOIS FILLON
D’abord je ne crois pas que cette décision changera quoi que ce soit à la relation entre la France et l’Allemagne. D’abord parce que cette relation est structurelle. Elle correspond à notre géographie, à nos économies, à notre histoire. Parce que le sort de la France et de l’Allemagne sont des sorts qui sont complètement liés, l’Allemagne sait très bien qu’il ne peut pas y avoir de prospérité durable sans une zone euro qui soit une zone euro en croissance, une zone euro forte, une zone euro stable. Et donc il n’y a aucune raison pour que nos relations changent.
Deuxièmement, nous défendons, nous soutenons - les efforts sont d’ailleurs des efforts que nous avons faits en commun pour qu’il y ait plus de discipline budgétaire à l’intérieur des pays de la zone euro. Nous avons d’ailleurs proposé – et cela a été adopté par le Conseil européen – que chaque pays mette en place une règle d’or qui rendrait constitutionnel l’objectif d’équilibre. Nous voulons aussi des mesures de croissance, mais ces mesures de croissance elles doivent être prises, et la France a fait beaucoup de propositions ces derniers mois dans ce sens – elles doivent prises par l’Union européenne, elles doivent être prises au sein de l’Union européenne. Il y a beaucoup de sujets qui sont sur la table sur les brevets, sur le soutien à l’innovation dans les petites entreprises, sur la question de l’affectation des fonds structurels européens, la France a fait des propositions et je crois que nous sommes très en ligne avec l’Allemagne sur ces propositions. Peut-être une dernière question ?
JOURNALISTE
Justement, STANDARD AND POOR’S a critiqué le pacte fiscal qui a été adopté par les Européens le 9 décembre dernier, en disant que c’était une réponse qui n’était pas complète. Est-ce que cela veut dire qu’il faut reprendre des nouvelles initiatives ? Et puis on voit que cette décision va impacter notamment l’un des pare-feux, le Fonds européen de soutien financier. Donc est-ce que ça veut dire qu’une nouvelle fois, il faut reprendre des nouvelles décisions, faire un nouveau sommet de la dernière chance ?
FRANÇOIS FILLON
Non, je crois qu’il faut maintenant mettre en œuvre les décisions. On a pris des décisions qui sont très fortes, avec un calendrier de mise en œuvre qui est très court. Il a notamment été décidé d’avancer au mois de juillet prochain la mise en place de ce qu’on appelle -pour faire les choses simplement - le Fonds monétaire européen. Ce Fonds monétaire européen sera doté de son propre capital, il aura donc une vraie crédibilité, une vraie solidité face aux marchés, il faut que ce Fonds soit opérationnel au mois de juillet. Je ne crois pas qu’il faille courir après de nouvelles décisions plus spectaculaires les unes que les autres, alors même que nous n’avons pas encore mis en œuvre les décisions qui ont été prises.
Quant à la crédibilité du Fonds européen, je voudrais faire remarquer qu’elle ne sera pas moins bonne que celle de notre pays. Et notre pays emprunte aujourd’hui autour de 3 %. Je voudrais faire remarquer que dans les années 2002 la France empruntait à 5 %. Donc il faut aussi relativiser cette menace d’augmentation du coût du crédit, qui reste pour le moment, à des niveaux historiquement bas dans la zone euro. Voilà, je vous remercie.
Source http://www.gouvernement.fr, le 16 janvier 2012