Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Je voudrais dabord vous remercier, Monsieur le Ministre, de votre invitation et de la chaleur de votre accueil. Cest un grand honneur pour moi de pouvoir mexprimer devant vous aujourdhui, à loccasion de votre rencontre annuelle. Je sais la qualité des relations quentretiennent les diplomates français et portugais dans tous les pays où nous avons les uns et les autres des ambassades. Je connais et japprécie la tradition francophone de la diplomatie portugaise. Et je tiens à vous dire combien le dialogue avec mon homologue, M. Paulo Portas, est pour moi une source denrichissement et pour nos diplomaties loccasion de construire ensemble des positions utiles à nos intérêts, à ceux de lEurope, et pourquoi pas au monde.
À laube de cette année, je voudrais également vous présenter mes vux les plus sincères, pour vous-mêmes et pour vos familles. Quil sagisse de la crise de la dette européenne, du succès des transitions démocratiques dans le monde arabe ou encore de la construction dun monde plus équilibré et plus juste, 2012 sera une nouvelle année de bouleversements et de renouvellement.
Pour relever ces défis, la France et le Portugal doivent unir leurs forces.
Notre relation, fruit dune longue histoire commune, est une relation damitié et de confiance.
Cette amitié sappuie sur le partage dune « latinité « qui nous rapproche, mais aussi sur la vision du monde souvent similaire de deux pays habitués à entretenir des liens sur tous les continents.
Elle sappuie également sur une profonde estime. Je voudrais dire aujourdhui le soutien que la France apporte aux mesures courageuses et difficiles décidées par le Portugal pour tenir ses objectifs de redressement budgétaire et de désendettement. Nous avons confiance dans la capacité du Portugal à tenir sa trajectoire de réduction des déficits, qui accompagne leffort de solidarité de 78 milliards deuros accordé par lUnion européenne et le Fonds monétaire international en 2011. Ce message de confiance a été confirmé par la troïka Fonds monétaire international / Banque centrale européenne / Commission. Cest ce message qui compte, bien plus que celui des agences de notation.
Notre amitié sappuie enfin sur lengagement que nous partageons au service de la paix, de la liberté et de la démocratie. Jen veux pour preuve les efforts conjoints de nos deux pays pour favoriser lémergence dun vaste espace de stabilité et de sécurité dans le monde arabe.
Nul navait prévu le «printemps arabe», la France pas plus que dautres pays. Mais mon pays, comme le vôtre, a très vite considéré que cet élan des peuples vers la liberté était une formidable chance. Il sest très vite mobilisé pour laccompagner :
- Nous avons appelé la communauté internationale à intervenir en Libye, en application du principe de responsabilité de protéger.
- Nous avons proposé notre soutien aux gouvernements engagés dans un processus de transition - je pense à la Tunisie, à lÉgypte et au Maroc.
Dans le cadre de la Présidence française du G8, nous avons lancé le Partenariat de Deauville, pour aider les pays qui mettent en uvre des réformes politiques et économiques profondes.
Aujourdhui, ces efforts commencent à porter leurs fruits :
- La Libye sest libérée et la phase de reconstruction est désormais engagée.
- Sous notre impulsion commune avec nos partenaires allemands et britanniques, le Conseil de sécurité a pris des positions fermes sur la situation au Yémen, qui ont conduit les principaux acteurs à sengager dans le plan de transition.
- Pour la première fois, des élections libres et démocratiques ont eu lieu en Tunisie, au Maroc et en Égypte. Je sais que ces élections suscitent des interrogations. Certains se demandent si les valeurs au nom desquels les peuples se sont levés constitueront bien la base des futurs régimes. Dautres craignent un retour aux errements du passé. Mais nous ne pouvons refuser à des peuples dont la voix a si longtemps été étouffée le droit dexprimer leurs choix. Nous ne pouvons accréditer lidée selon laquelle islam et démocratie seraient incompatibles. Nous ne pouvons admettre que les peuples arabes naient dautre choix que la dictature ou lextrémisme. Nous devons au contraire nous garder des procès dintention et laisser aux nouveaux gouvernements, qui ont été élus pour donner corps aux aspirations des peuples à la liberté et à la démocratie, le temps de faire leurs preuves.
- Enfin, le Partenariat de Deauville est désormais pleinement opérationnel. Il constitue un atout majeur au service de léducation et de laccès à lemploi, qui sont les meilleures garanties du succès des transitions démocratiques.
Ces efforts, nous devons les poursuivre ensemble.
Lurgence, cest que le régime syrien mette fin aux exactions odieuses quil continue à perpétrer contre son peuple et qui constituent un véritable crime contre lhumanité. Nous devons tout mettre en uvre, avec nos partenaires européens et avec tous ceux qui le veulent, au premier rang desquels la Ligue arabe, pour aider lopposition et le peuple syrien à obtenir enfin le respect de leurs droits. Le silence du Conseil de sécurité est inacceptable et nous ne nous y résignons pas.
Nous devons aussi continuer à nous engager en faveur de la reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens. Nous lavons fait récemment, quand nous avons répété que la colonisation devait immédiatement cesser, y compris à Jérusalem-Est.
Nous devons également poursuivre nos efforts au sein de lUnion européenne, où nous nous sommes mobilisés pour que la priorité accordée à la rive sud de la Méditerranée soit maintenue dans le cadre de la rénovation de la politique de voisinage.
Enfin, nous devons continuer à nous engager dans le cadre de lUnion pour la Méditerranée, pour renforcer la solidarité entre les pays du pourtour méditerranéen autour de réalisations concrètes. La France apprécie le soutien que le Portugal a toujours apporté à cette initiative, qui renouvelle le projet méditerranéen de lUnion européenne. Un nouveau secrétaire général, le Marocain Youssef Amrani, a pris ses fonctions en juillet dernier à Barcelone. Nous devons appuyer les efforts quil a engagés sur des projets précis : lautoroute trans-maghrébine, le plan solaire méditerranéen, loffice méditerranéen pour la jeunesse, le soutien aux sociétés civiles et notamment aux femmes, lappui au PME, la protection civile, etc.
Notre coordination est dautant plus essentielle que nous devons aider lEurope à traverser la crise sans précédent à laquelle elle est confrontée.
Membre actif de lUnion européenne et de la zone euro, le Portugal sait bien ce que la construction européenne a apporté à nos peuples : la paix, alors que nous avions connu des siècles de guerre ; la démocratie, alors que nous peinions à la construire dans nos pays ; la liberté économique et le progrès social, dans une conception humaniste que nous voulons préserver ; la liberté de circulation des hommes et des femmes, dont le Portugal sait mieux que tout autre combien elle est essentielle.
Aujourdhui, lUnion européenne est à la croisée des chemins. La conviction du gouvernement français, cest que si nous voulons surmonter la crise et garantir la poursuite du projet européen, nous avons besoin de nouveaux sauts dintégration, dapprofondissement et de gouvernance. Nous avons besoin de plus dEurope.
Cela vaut naturellement pour la zone euro. Avec lAllemagne, nous avons proposé en décembre lidée dun nouveau traité sur lunion économique renforcée. Cette démarche était ouverte à tous. Face à la crise, nous avons en effet besoin de tous ceux qui, comme le Portugal, ont depuis leur adhésion pleinement joué le jeu dune intégration européenne accrue, avec la conviction que nous devons avancer sans niveler les ambitions sur celles du moins disant. Le Royaume-Uni a refusé cette approche, en demandant à amputer le marché intérieur de la régulation des services financiers. Ce nétait pas acceptable. Nous le regrettons, mais nous constatons que nous avons été 26 à demander - ou à ne pas nous opposer - à ce que nous allions de lavant.
Le projet de traité qui a été présenté par Herman van Rompuy est une proposition équilibrée, une bonne base de travail. Nous plaidons pour quil soit finalisé dès que possible en vue du Conseil européen du 30 janvier :
- Avec un gouvernement économique pour la zone euro ;
- Avec un volet de croissance et de convergence ;
- Et avec des règles de responsabilité budgétaire, ce quil est convenu dappeler la règle dor déquilibre budgétaire et les sanctions en cas de non respect de ces règles, sauf majorité qualifiée opposée au Conseil.
Ce traité viendra compléter les éléments de la réponse globale de lEurope à la crise de la dette, quil sagisse des plans daide à la Grèce, à lIrlande et au Portugal, de la création du mécanisme de solidarité, des nouvelles règles de gouvernance et déquilibre budgétaire, ou du «pacte pour leuro plus» pour la croissance, la convergence et la compétitivité.
Restent les questions de la Banque centrale européenne et des eurobonds.
- Sur la Banque centrale européenne, notre ligne est claire et partagée par Berlin. La Banque centrale est indépendante. Il ne nous revient pas de dire ce quelle doit faire ou ne pas faire. Nous savons pouvoir compter sur elle pour prendre ses responsabilités, comme elle la toujours fait.
- Sur les eurobonds, nous devons faire preuve de réalisme. Une mutualisation des dettes des pays de la zone euro ne sera réalisable quau terme dun processus dintégration économique et budgétaire, pas avant davoir établi des règles communes de désendettement et de retour à léquilibre budgétaire. Notre objectif commun, cest de tenir ces engagements de réduction des déficits pour retrouver ensemble la maîtrise de notre destin, de nos choix et de notre indépendance.
Plus dEurope, cest aussi ce dont nous avons besoin pour lespace Schengen. Il ne sagit pas de construire une Europe forteresse. Il sagit de construire une Europe qui contrôle effectivement ses frontières extérieures afin de préserver la libre circulation de ses citoyens.
Les crises migratoires de 2011 lont montré, notamment à la frontière gréco-turque et à Lampedusa : nous avons besoin dun pilotage plus politique, plus clair, plus réactif et plus efficace de lespace Schengen. Cest le sens des propositions que nous avons présentées en décembre dernier pour renforcer lagence FRONTEX, pour disposer de clauses de sauvegardes en matière de visas et de rétablissement, dans certains cas précis et encadrés, des contrôles aux frontières intérieures, et pour renforcer le système dévaluation Schengen.
Plus dEurope, cest enfin ce dont nous avons besoin pour nous affirmer davantage sur la scène internationale. Cest la raison pour laquelle nous devons dynamiser le Service européen daction extérieure (SEAE) et utiliser tous les outils du Traité de Lisbonne, notamment pour faire avancer la politique de sécurité et de défense commune.
Cette politique, 2011 en a montré les limites, notamment en Libye. Mais 2011 a aussi montré lefficacité des instruments dont elle dispose. Je pense notamment aux sanctions. Elles ont été décisives pour la chute de Laurent Gbagbo en Côte dIvoire. Elles ont permis à lUnion européenne de faire pression sur la Syrie quand le Conseil de sécurité restait paralysé. Elles sont plus que jamais nécessaires en Iran, notamment sur le secteur pétrolier et financier, face à la poursuite dun programme nucléaire dont il est clair quil na pas de finalité civile.
Lors du Conseil du 1er décembre dernier, nous avons pu tracer une feuille de route sur la politique de sécurité et de défense commune. Cela nous a permis de maintenir sur la table lidée de capacité permanente européenne de planification et de conduite dopérations. Cela nous permet surtout davancer sur les opérations et sur les projets concrets de mutualisation et de partage des capacités identifiés par lAgence européenne de Défense. La France compte sur le Portugal pour soutenir les futures opérations de politique de sécurité et de défense commune : au Sahel, pour renforcer les capacités régionales de lutte contre Al Qaïda au Maghreb islamique, et dans la Corne de lAfrique, pour renforcer les capacités maritimes régionales de lutte contre la piraterie, en appui de lopération Atalante.
Outre ces trois dossiers, nous avons cette année un défi particulier à relever ensemble : la négociation des prochaines perspectives financières pour 2014/2020. Nous y parviendrons dautant mieux que le Portugal et la France partagent la même ambition : faire en sorte que lEurope ne dépense pas plus, mais mieux.
Le budget de lUnion européenne ne peut pas sexonérer des efforts de maîtrise budgétaire engagés par les États membres. Dans cet esprit, la Commission a proposé une stabilisation des dépenses de la Politique agricole commune au niveau de 2013. Cest pour nous un minimum. Lessentiel de leffort de stabilisation ne saurait porter sur la seule Politique agricole commune.
Sur les ressources, nous devrons travailler à un système moins complexe que les rabais empilés. La France souhaite notamment que nous avancions sur la directive présentée en septembre dernier pour créer une taxe sur les transactions financières, dont une partie pourrait être affectée au budget communautaire.
Cette Europe plus intégrée, plus unie et plus forte que nous appelons de nos vux est indispensable. Dans un monde désormais multipolaire, elle doit trouver toute sa place aux côtés des nouvelles puissances qui saffirment chaque jour davantage.
Le Portugal est bien placé pour le savoir, lui qui dispose avec la lusophonie dun espace de solidarité intercontinental très comparable à ce quest la francophonie pour la France et lhispanité pour lEspagne. Nous savons la richesse et la diversité du monde. Nous savons que notre avenir se jouera aussi sur les autres continents.
Je pense dabord à lAfrique, qui comptera demain un quart de lhumanité et qui est aujourdhui devenue un acteur global sur la scène internationale.
Nous le savons tous, le continent africain est confronté à des défis majeurs :
Défi de la démocratie - des progrès significatifs on été réalisés en 2011, en Côte dIvoire, au Sud-Soudan, au Niger, en Guinée ou à Madagascar, mais lannée 2012 sera également marquée par des échéances déterminantes, au premier rang desquelles les élections au Sénégal.
Défi de la progression de lÉtat de droit - je voudrais saluer le projet engagé par les pays européens pour accompagner les autorités de Guinée Bissau dans la réforme de leur système de sécurité. Les événements qui se sont produits à Bissau fin décembre montrent que ces efforts doivent être poursuivis.
Défi de la sécurité - je pense au terrorisme, à la piraterie et aux trafics en tout genre, notamment celui de la drogue en Afrique de louest, face auxquels lUnion européenne est pleinement mobilisée, en étroite coordination avec les pays des régions concernés.
Défi du développement - en 2010, sous Présidence française, les pays membres du G20 nont pas ménagé leurs efforts pour lutter contre la famine dans la corne de lAfrique et aider le continent africain à avancer vers les objectifs du millénaire pour le développement
Défi écologique, enfin, sur un continent particulièrement menacé par le réchauffement climatique et la désertification.
Pour aider lAfrique à relever ces défis, la France est déterminée à travailler avec lensemble des pays africains : les pays francophones, bien sûr, auxquels nous unit une relation ancienne et profonde, mais aussi les puissances émergentes du continent, comme le Nigéria, lAfrique du Sud, lÉthiopie - je me suis rendu dans ces 3 pays en 2010 - ou encore lAngola.
La France est également déterminée à soutenir les efforts dintégration du continent africain. Je pense avant tout à lUnion africaine, qui sest affirmée en moins de 10 ans comme un acteur incontournable et symbolise aujourdhui la diversité, la force et la richesse de lAfrique. Cest la raison pour laquelle, comme le Portugal, nous sommes attachés au respect du multilinguisme, dans cette enceinte comme au sein des autres organisations régionales. Nous avons exprimé notre tristesse lors de la récente disparition de Cesaria Evora, dont luvre contribue au rayonnement de la lusophonie partout dans le monde.
Pour relever les défis auxquels elle est confrontée, lAfrique doit aussi sexprimer pleinement au sein de la gouvernance mondiale.
Nous lavons vu au Sommet de Cannes : le continent africain occupe aujourdhui toute sa place au sein du G20. Nous avons en effet veillé à ce quil soit représenté dans toute sa diversité : à travers lAfrique du Sud, membre permanent, symbole de lémergence, à travers la présidence en exercice de lUnion africaine et à travers lÉthiopie, qui préside le comité dorganisation du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique et porte la voix des pays les plus pauvres.
LAfrique doit également trouver toute sa place au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Bien sûr, avec trois membres non permanents, le continent nen est pas absent. Mais le Conseil de sécurité, créé en 1945 et réformé pour la dernière fois en 1963, doit mieux refléter la réalité du monde daujourdhui. Cest la raison pour laquelle la France plaide pour son élargissement, et notamment pour lattribution de nouveaux sièges à lAfrique, dans les deux catégories de membres.
Enfin, lAfrique doit pouvoir trouver toute sa place dans la nouvelle gouvernance mondiale de lenvironnement que la France appelle de ses vux. La Conférence de Rio + 20 nous permettra de franchir une étape majeure en ce sens, avec la création dune organisation mondiale de lenvironnement, située à Nairobi.
Dans le monde multipolaire qui se dessine sous nos yeux, les pays émergents doivent aussi pouvoir pleinement jouer leur rôle.
Lémergence est une réalité incontournable : aujourdhui, 2 des 3 plus grandes économies mondiales sont asiatiques, le Brésil se classe au 7e rang et lensemble de lAmérique latine connaît depuis 10 ans une croissance soutenue denviron 6 % par an.
Nous ne pouvons nier que ce phénomène bouscule nos acquis. Mais trop souvent, lémergence est perçue comme un danger pour lEurope. Trop souvent, lopinion publique se laisse séduire par les sirènes du déclinisme. Les récents débats sur la contribution de la Chine à la résolution de la crise de la zone euro en sont la meilleure illustration. Contrairement aux idées qui circulent parfois dans les médias, la participation chinoise à la stabilisation financière de la zone euro nest pas le fruit dune stratégie prédatrice. Elle est le reflet dinterdépendances croissantes. Si la Chine sengage, cest parce quil est dans son intérêt bien compris de contribuer à la prospérité de son premier partenaire commercial.
La réalité, en effet, cest que lémergence représente avant tout la sortie de la misère pour des centaines de millions dêtres humains. Elle constitue une opportunité sans précédent pour nos économies : lopportunité daccéder à des marchés potentiels de plusieurs centaines de millions de consommateurs, lopportunité de trouver de nouveaux terrains dinvestissements et de nouveaux viviers de coopération scientifique et intellectuelle, lopportunité de développer un dialogue dégal à égal entre les civilisations, meilleur rempart contre lextrémisme et le repli sur soi.
Ces opportunités, nous devons les saisir. Nous devons construire avec les pays émergents une relation équilibrée et responsable qui profite à tous.
Une relation équilibrée, cela suppose de repenser les rapports entre les émergents et lEurope. Face à la Chine, lInde ou le Brésil, lUnion européenne avance trop souvent en ordre divisé. Ne nous y trompons pas, si nous voulons être crédibles, cest bien à léchelle européenne que doit être conçu notre dialogue avec ces pays. Notre priorité, cest de nous entendre sur nos objectifs et nos stratégies
Au cur de ces stratégies, nous devons placer le principe de réciprocité. Je pense en particulier aux accords de libre-échange que nous négocions avec les pays émergents et dans lesquels le respect de règles partagées par tous est essentiel, notamment en matière daccès aux marchés publics et de respect de la propriété intellectuelle.
Nous devons aussi relever le défi que lémergence lance à nos propres modèles et conduire en interne les réformes nécessaires pour renforcer notre compétitivité. Plus que jamais, une politique industrielle déterminée et des investissements massifs en recherche et développement simposent.
Une relation responsable, cela suppose daccepter de donner aux émergents la place qui leur revient dans la gouvernance mondiale, tout en les encourageant à prendre leurs responsabilités.
La France sest fortement engagée pour faire évoluer le système international hérité de 1945 et permettre aux pays émergents de sy impliquer davantage. Je pense à la création du G20, à lappui sans ambigüité que nous apportons à lélargissement du Conseil de sécurité des Nations unies et à notre position ouverte sur la réforme des droits de vote au Fonds monétaire international.
Dans ces enceintes rénovées, nous ne cherchons pas à imposer nos valeurs et nos intérêts, au risque de passer pour des donneurs de leçons. Nous cherchons à convaincre que face à défis globaux comme le développement durable, la protection de lenvironnement et le réchauffement climatique, nous devons conjuguer nos efforts. Nous avons pour cela une réelle légitimité. En Europe, nous avons su construire un modèle coopératif qui a assuré à notre continent une paix et une prospérité sans précédent dans lhistoire du monde. À nous de faire rayonner ce modèle. Notre politique culturelle est à cet égard un atout majeur. Elle démontre que la mondialisation nest pas synonyme duniformisation. Elle contribue au débat didées qui agite les pays émergents. Elle doit également à attirer en Europe les étudiants et les chercheurs de ces pays et nous aider à resserrer les liens entre nos peuples.
Mesdames, Messieurs,
Patrie de navigateurs, dexplorateurs et de voyageurs, le Portugal a toujours été une terre daudace, de modernité et douverture au monde. Depuis son adhésion à Communauté économique européenne, il a toujours fait la preuve de son volontarisme et de son ambition pour lEurope. Fidèle à lesprit de la «révolution des illets», il a à cur de porter au monde le message humaniste de notre continent.
Aujourdhui plus que jamais, à laube dune année qui sannonce cruciale pour nos pays, pour lEurope et pour le monde, nous avons besoin de cette ouverture au monde, de cette ambition et de cette détermination.
Forts de notre engagement commun en faveur de la paix, de la démocratie et de la liberté, confiants dans la capacité de l???Europe à surmonter la crise, convaincus de la nécessité dagir pour un monde plus équilibré où chacun puisse trouver sa place, sachons unir nos efforts au service de la vision que nous avons en partage.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 janvier 2012
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,
Je voudrais dabord vous remercier, Monsieur le Ministre, de votre invitation et de la chaleur de votre accueil. Cest un grand honneur pour moi de pouvoir mexprimer devant vous aujourdhui, à loccasion de votre rencontre annuelle. Je sais la qualité des relations quentretiennent les diplomates français et portugais dans tous les pays où nous avons les uns et les autres des ambassades. Je connais et japprécie la tradition francophone de la diplomatie portugaise. Et je tiens à vous dire combien le dialogue avec mon homologue, M. Paulo Portas, est pour moi une source denrichissement et pour nos diplomaties loccasion de construire ensemble des positions utiles à nos intérêts, à ceux de lEurope, et pourquoi pas au monde.
À laube de cette année, je voudrais également vous présenter mes vux les plus sincères, pour vous-mêmes et pour vos familles. Quil sagisse de la crise de la dette européenne, du succès des transitions démocratiques dans le monde arabe ou encore de la construction dun monde plus équilibré et plus juste, 2012 sera une nouvelle année de bouleversements et de renouvellement.
Pour relever ces défis, la France et le Portugal doivent unir leurs forces.
Notre relation, fruit dune longue histoire commune, est une relation damitié et de confiance.
Cette amitié sappuie sur le partage dune « latinité « qui nous rapproche, mais aussi sur la vision du monde souvent similaire de deux pays habitués à entretenir des liens sur tous les continents.
Elle sappuie également sur une profonde estime. Je voudrais dire aujourdhui le soutien que la France apporte aux mesures courageuses et difficiles décidées par le Portugal pour tenir ses objectifs de redressement budgétaire et de désendettement. Nous avons confiance dans la capacité du Portugal à tenir sa trajectoire de réduction des déficits, qui accompagne leffort de solidarité de 78 milliards deuros accordé par lUnion européenne et le Fonds monétaire international en 2011. Ce message de confiance a été confirmé par la troïka Fonds monétaire international / Banque centrale européenne / Commission. Cest ce message qui compte, bien plus que celui des agences de notation.
Notre amitié sappuie enfin sur lengagement que nous partageons au service de la paix, de la liberté et de la démocratie. Jen veux pour preuve les efforts conjoints de nos deux pays pour favoriser lémergence dun vaste espace de stabilité et de sécurité dans le monde arabe.
Nul navait prévu le «printemps arabe», la France pas plus que dautres pays. Mais mon pays, comme le vôtre, a très vite considéré que cet élan des peuples vers la liberté était une formidable chance. Il sest très vite mobilisé pour laccompagner :
- Nous avons appelé la communauté internationale à intervenir en Libye, en application du principe de responsabilité de protéger.
- Nous avons proposé notre soutien aux gouvernements engagés dans un processus de transition - je pense à la Tunisie, à lÉgypte et au Maroc.
Dans le cadre de la Présidence française du G8, nous avons lancé le Partenariat de Deauville, pour aider les pays qui mettent en uvre des réformes politiques et économiques profondes.
Aujourdhui, ces efforts commencent à porter leurs fruits :
- La Libye sest libérée et la phase de reconstruction est désormais engagée.
- Sous notre impulsion commune avec nos partenaires allemands et britanniques, le Conseil de sécurité a pris des positions fermes sur la situation au Yémen, qui ont conduit les principaux acteurs à sengager dans le plan de transition.
- Pour la première fois, des élections libres et démocratiques ont eu lieu en Tunisie, au Maroc et en Égypte. Je sais que ces élections suscitent des interrogations. Certains se demandent si les valeurs au nom desquels les peuples se sont levés constitueront bien la base des futurs régimes. Dautres craignent un retour aux errements du passé. Mais nous ne pouvons refuser à des peuples dont la voix a si longtemps été étouffée le droit dexprimer leurs choix. Nous ne pouvons accréditer lidée selon laquelle islam et démocratie seraient incompatibles. Nous ne pouvons admettre que les peuples arabes naient dautre choix que la dictature ou lextrémisme. Nous devons au contraire nous garder des procès dintention et laisser aux nouveaux gouvernements, qui ont été élus pour donner corps aux aspirations des peuples à la liberté et à la démocratie, le temps de faire leurs preuves.
- Enfin, le Partenariat de Deauville est désormais pleinement opérationnel. Il constitue un atout majeur au service de léducation et de laccès à lemploi, qui sont les meilleures garanties du succès des transitions démocratiques.
Ces efforts, nous devons les poursuivre ensemble.
Lurgence, cest que le régime syrien mette fin aux exactions odieuses quil continue à perpétrer contre son peuple et qui constituent un véritable crime contre lhumanité. Nous devons tout mettre en uvre, avec nos partenaires européens et avec tous ceux qui le veulent, au premier rang desquels la Ligue arabe, pour aider lopposition et le peuple syrien à obtenir enfin le respect de leurs droits. Le silence du Conseil de sécurité est inacceptable et nous ne nous y résignons pas.
Nous devons aussi continuer à nous engager en faveur de la reprise des négociations entre Israéliens et Palestiniens. Nous lavons fait récemment, quand nous avons répété que la colonisation devait immédiatement cesser, y compris à Jérusalem-Est.
Nous devons également poursuivre nos efforts au sein de lUnion européenne, où nous nous sommes mobilisés pour que la priorité accordée à la rive sud de la Méditerranée soit maintenue dans le cadre de la rénovation de la politique de voisinage.
Enfin, nous devons continuer à nous engager dans le cadre de lUnion pour la Méditerranée, pour renforcer la solidarité entre les pays du pourtour méditerranéen autour de réalisations concrètes. La France apprécie le soutien que le Portugal a toujours apporté à cette initiative, qui renouvelle le projet méditerranéen de lUnion européenne. Un nouveau secrétaire général, le Marocain Youssef Amrani, a pris ses fonctions en juillet dernier à Barcelone. Nous devons appuyer les efforts quil a engagés sur des projets précis : lautoroute trans-maghrébine, le plan solaire méditerranéen, loffice méditerranéen pour la jeunesse, le soutien aux sociétés civiles et notamment aux femmes, lappui au PME, la protection civile, etc.
Notre coordination est dautant plus essentielle que nous devons aider lEurope à traverser la crise sans précédent à laquelle elle est confrontée.
Membre actif de lUnion européenne et de la zone euro, le Portugal sait bien ce que la construction européenne a apporté à nos peuples : la paix, alors que nous avions connu des siècles de guerre ; la démocratie, alors que nous peinions à la construire dans nos pays ; la liberté économique et le progrès social, dans une conception humaniste que nous voulons préserver ; la liberté de circulation des hommes et des femmes, dont le Portugal sait mieux que tout autre combien elle est essentielle.
Aujourdhui, lUnion européenne est à la croisée des chemins. La conviction du gouvernement français, cest que si nous voulons surmonter la crise et garantir la poursuite du projet européen, nous avons besoin de nouveaux sauts dintégration, dapprofondissement et de gouvernance. Nous avons besoin de plus dEurope.
Cela vaut naturellement pour la zone euro. Avec lAllemagne, nous avons proposé en décembre lidée dun nouveau traité sur lunion économique renforcée. Cette démarche était ouverte à tous. Face à la crise, nous avons en effet besoin de tous ceux qui, comme le Portugal, ont depuis leur adhésion pleinement joué le jeu dune intégration européenne accrue, avec la conviction que nous devons avancer sans niveler les ambitions sur celles du moins disant. Le Royaume-Uni a refusé cette approche, en demandant à amputer le marché intérieur de la régulation des services financiers. Ce nétait pas acceptable. Nous le regrettons, mais nous constatons que nous avons été 26 à demander - ou à ne pas nous opposer - à ce que nous allions de lavant.
Le projet de traité qui a été présenté par Herman van Rompuy est une proposition équilibrée, une bonne base de travail. Nous plaidons pour quil soit finalisé dès que possible en vue du Conseil européen du 30 janvier :
- Avec un gouvernement économique pour la zone euro ;
- Avec un volet de croissance et de convergence ;
- Et avec des règles de responsabilité budgétaire, ce quil est convenu dappeler la règle dor déquilibre budgétaire et les sanctions en cas de non respect de ces règles, sauf majorité qualifiée opposée au Conseil.
Ce traité viendra compléter les éléments de la réponse globale de lEurope à la crise de la dette, quil sagisse des plans daide à la Grèce, à lIrlande et au Portugal, de la création du mécanisme de solidarité, des nouvelles règles de gouvernance et déquilibre budgétaire, ou du «pacte pour leuro plus» pour la croissance, la convergence et la compétitivité.
Restent les questions de la Banque centrale européenne et des eurobonds.
- Sur la Banque centrale européenne, notre ligne est claire et partagée par Berlin. La Banque centrale est indépendante. Il ne nous revient pas de dire ce quelle doit faire ou ne pas faire. Nous savons pouvoir compter sur elle pour prendre ses responsabilités, comme elle la toujours fait.
- Sur les eurobonds, nous devons faire preuve de réalisme. Une mutualisation des dettes des pays de la zone euro ne sera réalisable quau terme dun processus dintégration économique et budgétaire, pas avant davoir établi des règles communes de désendettement et de retour à léquilibre budgétaire. Notre objectif commun, cest de tenir ces engagements de réduction des déficits pour retrouver ensemble la maîtrise de notre destin, de nos choix et de notre indépendance.
Plus dEurope, cest aussi ce dont nous avons besoin pour lespace Schengen. Il ne sagit pas de construire une Europe forteresse. Il sagit de construire une Europe qui contrôle effectivement ses frontières extérieures afin de préserver la libre circulation de ses citoyens.
Les crises migratoires de 2011 lont montré, notamment à la frontière gréco-turque et à Lampedusa : nous avons besoin dun pilotage plus politique, plus clair, plus réactif et plus efficace de lespace Schengen. Cest le sens des propositions que nous avons présentées en décembre dernier pour renforcer lagence FRONTEX, pour disposer de clauses de sauvegardes en matière de visas et de rétablissement, dans certains cas précis et encadrés, des contrôles aux frontières intérieures, et pour renforcer le système dévaluation Schengen.
Plus dEurope, cest enfin ce dont nous avons besoin pour nous affirmer davantage sur la scène internationale. Cest la raison pour laquelle nous devons dynamiser le Service européen daction extérieure (SEAE) et utiliser tous les outils du Traité de Lisbonne, notamment pour faire avancer la politique de sécurité et de défense commune.
Cette politique, 2011 en a montré les limites, notamment en Libye. Mais 2011 a aussi montré lefficacité des instruments dont elle dispose. Je pense notamment aux sanctions. Elles ont été décisives pour la chute de Laurent Gbagbo en Côte dIvoire. Elles ont permis à lUnion européenne de faire pression sur la Syrie quand le Conseil de sécurité restait paralysé. Elles sont plus que jamais nécessaires en Iran, notamment sur le secteur pétrolier et financier, face à la poursuite dun programme nucléaire dont il est clair quil na pas de finalité civile.
Lors du Conseil du 1er décembre dernier, nous avons pu tracer une feuille de route sur la politique de sécurité et de défense commune. Cela nous a permis de maintenir sur la table lidée de capacité permanente européenne de planification et de conduite dopérations. Cela nous permet surtout davancer sur les opérations et sur les projets concrets de mutualisation et de partage des capacités identifiés par lAgence européenne de Défense. La France compte sur le Portugal pour soutenir les futures opérations de politique de sécurité et de défense commune : au Sahel, pour renforcer les capacités régionales de lutte contre Al Qaïda au Maghreb islamique, et dans la Corne de lAfrique, pour renforcer les capacités maritimes régionales de lutte contre la piraterie, en appui de lopération Atalante.
Outre ces trois dossiers, nous avons cette année un défi particulier à relever ensemble : la négociation des prochaines perspectives financières pour 2014/2020. Nous y parviendrons dautant mieux que le Portugal et la France partagent la même ambition : faire en sorte que lEurope ne dépense pas plus, mais mieux.
Le budget de lUnion européenne ne peut pas sexonérer des efforts de maîtrise budgétaire engagés par les États membres. Dans cet esprit, la Commission a proposé une stabilisation des dépenses de la Politique agricole commune au niveau de 2013. Cest pour nous un minimum. Lessentiel de leffort de stabilisation ne saurait porter sur la seule Politique agricole commune.
Sur les ressources, nous devrons travailler à un système moins complexe que les rabais empilés. La France souhaite notamment que nous avancions sur la directive présentée en septembre dernier pour créer une taxe sur les transactions financières, dont une partie pourrait être affectée au budget communautaire.
Cette Europe plus intégrée, plus unie et plus forte que nous appelons de nos vux est indispensable. Dans un monde désormais multipolaire, elle doit trouver toute sa place aux côtés des nouvelles puissances qui saffirment chaque jour davantage.
Le Portugal est bien placé pour le savoir, lui qui dispose avec la lusophonie dun espace de solidarité intercontinental très comparable à ce quest la francophonie pour la France et lhispanité pour lEspagne. Nous savons la richesse et la diversité du monde. Nous savons que notre avenir se jouera aussi sur les autres continents.
Je pense dabord à lAfrique, qui comptera demain un quart de lhumanité et qui est aujourdhui devenue un acteur global sur la scène internationale.
Nous le savons tous, le continent africain est confronté à des défis majeurs :
Défi de la démocratie - des progrès significatifs on été réalisés en 2011, en Côte dIvoire, au Sud-Soudan, au Niger, en Guinée ou à Madagascar, mais lannée 2012 sera également marquée par des échéances déterminantes, au premier rang desquelles les élections au Sénégal.
Défi de la progression de lÉtat de droit - je voudrais saluer le projet engagé par les pays européens pour accompagner les autorités de Guinée Bissau dans la réforme de leur système de sécurité. Les événements qui se sont produits à Bissau fin décembre montrent que ces efforts doivent être poursuivis.
Défi de la sécurité - je pense au terrorisme, à la piraterie et aux trafics en tout genre, notamment celui de la drogue en Afrique de louest, face auxquels lUnion européenne est pleinement mobilisée, en étroite coordination avec les pays des régions concernés.
Défi du développement - en 2010, sous Présidence française, les pays membres du G20 nont pas ménagé leurs efforts pour lutter contre la famine dans la corne de lAfrique et aider le continent africain à avancer vers les objectifs du millénaire pour le développement
Défi écologique, enfin, sur un continent particulièrement menacé par le réchauffement climatique et la désertification.
Pour aider lAfrique à relever ces défis, la France est déterminée à travailler avec lensemble des pays africains : les pays francophones, bien sûr, auxquels nous unit une relation ancienne et profonde, mais aussi les puissances émergentes du continent, comme le Nigéria, lAfrique du Sud, lÉthiopie - je me suis rendu dans ces 3 pays en 2010 - ou encore lAngola.
La France est également déterminée à soutenir les efforts dintégration du continent africain. Je pense avant tout à lUnion africaine, qui sest affirmée en moins de 10 ans comme un acteur incontournable et symbolise aujourdhui la diversité, la force et la richesse de lAfrique. Cest la raison pour laquelle, comme le Portugal, nous sommes attachés au respect du multilinguisme, dans cette enceinte comme au sein des autres organisations régionales. Nous avons exprimé notre tristesse lors de la récente disparition de Cesaria Evora, dont luvre contribue au rayonnement de la lusophonie partout dans le monde.
Pour relever les défis auxquels elle est confrontée, lAfrique doit aussi sexprimer pleinement au sein de la gouvernance mondiale.
Nous lavons vu au Sommet de Cannes : le continent africain occupe aujourdhui toute sa place au sein du G20. Nous avons en effet veillé à ce quil soit représenté dans toute sa diversité : à travers lAfrique du Sud, membre permanent, symbole de lémergence, à travers la présidence en exercice de lUnion africaine et à travers lÉthiopie, qui préside le comité dorganisation du Nouveau partenariat pour le développement de lAfrique et porte la voix des pays les plus pauvres.
LAfrique doit également trouver toute sa place au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Bien sûr, avec trois membres non permanents, le continent nen est pas absent. Mais le Conseil de sécurité, créé en 1945 et réformé pour la dernière fois en 1963, doit mieux refléter la réalité du monde daujourdhui. Cest la raison pour laquelle la France plaide pour son élargissement, et notamment pour lattribution de nouveaux sièges à lAfrique, dans les deux catégories de membres.
Enfin, lAfrique doit pouvoir trouver toute sa place dans la nouvelle gouvernance mondiale de lenvironnement que la France appelle de ses vux. La Conférence de Rio + 20 nous permettra de franchir une étape majeure en ce sens, avec la création dune organisation mondiale de lenvironnement, située à Nairobi.
Dans le monde multipolaire qui se dessine sous nos yeux, les pays émergents doivent aussi pouvoir pleinement jouer leur rôle.
Lémergence est une réalité incontournable : aujourdhui, 2 des 3 plus grandes économies mondiales sont asiatiques, le Brésil se classe au 7e rang et lensemble de lAmérique latine connaît depuis 10 ans une croissance soutenue denviron 6 % par an.
Nous ne pouvons nier que ce phénomène bouscule nos acquis. Mais trop souvent, lémergence est perçue comme un danger pour lEurope. Trop souvent, lopinion publique se laisse séduire par les sirènes du déclinisme. Les récents débats sur la contribution de la Chine à la résolution de la crise de la zone euro en sont la meilleure illustration. Contrairement aux idées qui circulent parfois dans les médias, la participation chinoise à la stabilisation financière de la zone euro nest pas le fruit dune stratégie prédatrice. Elle est le reflet dinterdépendances croissantes. Si la Chine sengage, cest parce quil est dans son intérêt bien compris de contribuer à la prospérité de son premier partenaire commercial.
La réalité, en effet, cest que lémergence représente avant tout la sortie de la misère pour des centaines de millions dêtres humains. Elle constitue une opportunité sans précédent pour nos économies : lopportunité daccéder à des marchés potentiels de plusieurs centaines de millions de consommateurs, lopportunité de trouver de nouveaux terrains dinvestissements et de nouveaux viviers de coopération scientifique et intellectuelle, lopportunité de développer un dialogue dégal à égal entre les civilisations, meilleur rempart contre lextrémisme et le repli sur soi.
Ces opportunités, nous devons les saisir. Nous devons construire avec les pays émergents une relation équilibrée et responsable qui profite à tous.
Une relation équilibrée, cela suppose de repenser les rapports entre les émergents et lEurope. Face à la Chine, lInde ou le Brésil, lUnion européenne avance trop souvent en ordre divisé. Ne nous y trompons pas, si nous voulons être crédibles, cest bien à léchelle européenne que doit être conçu notre dialogue avec ces pays. Notre priorité, cest de nous entendre sur nos objectifs et nos stratégies
Au cur de ces stratégies, nous devons placer le principe de réciprocité. Je pense en particulier aux accords de libre-échange que nous négocions avec les pays émergents et dans lesquels le respect de règles partagées par tous est essentiel, notamment en matière daccès aux marchés publics et de respect de la propriété intellectuelle.
Nous devons aussi relever le défi que lémergence lance à nos propres modèles et conduire en interne les réformes nécessaires pour renforcer notre compétitivité. Plus que jamais, une politique industrielle déterminée et des investissements massifs en recherche et développement simposent.
Une relation responsable, cela suppose daccepter de donner aux émergents la place qui leur revient dans la gouvernance mondiale, tout en les encourageant à prendre leurs responsabilités.
La France sest fortement engagée pour faire évoluer le système international hérité de 1945 et permettre aux pays émergents de sy impliquer davantage. Je pense à la création du G20, à lappui sans ambigüité que nous apportons à lélargissement du Conseil de sécurité des Nations unies et à notre position ouverte sur la réforme des droits de vote au Fonds monétaire international.
Dans ces enceintes rénovées, nous ne cherchons pas à imposer nos valeurs et nos intérêts, au risque de passer pour des donneurs de leçons. Nous cherchons à convaincre que face à défis globaux comme le développement durable, la protection de lenvironnement et le réchauffement climatique, nous devons conjuguer nos efforts. Nous avons pour cela une réelle légitimité. En Europe, nous avons su construire un modèle coopératif qui a assuré à notre continent une paix et une prospérité sans précédent dans lhistoire du monde. À nous de faire rayonner ce modèle. Notre politique culturelle est à cet égard un atout majeur. Elle démontre que la mondialisation nest pas synonyme duniformisation. Elle contribue au débat didées qui agite les pays émergents. Elle doit également à attirer en Europe les étudiants et les chercheurs de ces pays et nous aider à resserrer les liens entre nos peuples.
Mesdames, Messieurs,
Patrie de navigateurs, dexplorateurs et de voyageurs, le Portugal a toujours été une terre daudace, de modernité et douverture au monde. Depuis son adhésion à Communauté économique européenne, il a toujours fait la preuve de son volontarisme et de son ambition pour lEurope. Fidèle à lesprit de la «révolution des illets», il a à cur de porter au monde le message humaniste de notre continent.
Aujourdhui plus que jamais, à laube dune année qui sannonce cruciale pour nos pays, pour lEurope et pour le monde, nous avons besoin de cette ouverture au monde, de cette ambition et de cette détermination.
Forts de notre engagement commun en faveur de la paix, de la démocratie et de la liberté, confiants dans la capacité de l???Europe à surmonter la crise, convaincus de la nécessité dagir pour un monde plus équilibré où chacun puisse trouver sa place, sachons unir nos efforts au service de la vision que nous avons en partage.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 janvier 2012