Déclaration de M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, sur le buget de la culture pour 2012 et les grands axes de la politique culturelle, Paris le 17 janvier 2012.

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Circonstance : Voeux à la presse à Paris le 17 janvier 2012

Texte intégral


Bonne année. Je ne sais pas si elle sera bonne pour tout le monde mais en tout cas, elle sera intéressante pour chacun d’entre nous.
L’exercice qui nous réunit ce midi est particulier. Des échéances électorales importantes nous attendent, et je souhaite que la culture et la communication puissent avoir toute leur place dans les débats qui s’annoncent.
Comme vous le savez sans doute, je viens de publier un livre, qui s’intitule Le désir et la chance. J’ai voulu y rendre hommage à tous ceux avec qui j’ai le plaisir de travailler, les équipes du ministère, les élus, les artistes, tous les acteurs de la culture qui font de ce pays une terre particulière en Europe et dans le monde, où les pouvoirs publics sont présents pour accompagner les artistes, les métiers du patrimoine, les industries culturelles, un pays où l’on considère que la diversité culturelle ne va pas de soi, qu’elle a besoin d’être préservée et stimulée. J’ai voulu également partager avec les Français un regard sur une grande institution, unique en son genre, qui existe maintenant depuis un peu plus de cinquante ans, si familière finalement à nos concitoyens que parfois, finalement, on la connaît peu. J’ai voulu y décrire les grands chantiers qui motivent mon action, les convictions qui m’animent, et tordre le cou, au passage, à quelques idées reçues et néanmoins tenaces.
Les chiffres qui viennent récemment d’être rendu publics, sur la fréquentation record des salles de cinéma, avec la hausse du nombre de spectateurs et des recettes, ainsi que la reconnaissance internationale apportée à des films comme The Artist, la fréquentation des salles de spectacle, celle des musées et des expositions viennent en effet contredire aisément ceux qui veulent croire à une « dépression culturelle », dont les corollaires seraient bien entendu un désintérêt du gouvernement et un désengagement de l’Etat. Il y aussi des secteurs qui souffrent plus dans un contexte de crise – comme les librairies ou la filière musicale – et j’y reviendrai.
Je ne souhaite pas aujourd’hui procéder à un inventaire exhaustif de ce que nous avons accompli depuis 2009. Je voudrais revenir sur quelques points qui me paraissent essentiels concernant les acquis que nous avons consolidés, et les principaux chantiers que j’entends porter dans les prochains mois.
Un mot, tout d’abord, concernant le budget de la Culture et de la Communication. J’entends dire par les tenants de cette mythique « dépression culturelle » qu’il n’y a plus d’argent pour la culture. La vérité est tout autre : le budget de mon ministère a été préservé, alors même que nous traversons une crise économique et financière de première importance. Je me suis battu pour le défendre, et j’ai reçu en cela le plein soutien du Premier Ministre et du Président de la République. Mon ministère participe, comme tous les autres, à l’effort budgétaire que nous impose une situation contrainte, mais sans remettre en question ses missions fondamentales. La culture, en France, n’a pas servi de variable d’ajustement, comme cela peut être le cas, et je le déplore parce que nous portons ensemble la responsabilité du paysage culturel européen, pour certains de nos partenaires de l’Union ; c’est le signe d’un engagement très fort d’un gouvernement pour lequel la culture est une dimension essentielle de nos valeurs et de notre démocratie, de notre cohésion sociale, de notre développement économique et de l’attractivité de nos territoires, de notre rayonnement international.
Tous les domaines d’action du ministère se situent à des degrés divers au croisement de ces différentes dimensions, et j’ai tenu à faire en sorte, pour les actions que nous menons, que chaque perspective puisse être prise en compte de manière synthétique et non isolément. Le vaste domaine du patrimoine l’illustre particulièrement bien.
Avec la mise en place des Aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP), nous disposons désormais des outils pour une politique du paysage à la fois protectrice et innovante, qui en favorise l’intelligence, en prenant en compte, de manière intégrée, la protection du bâti, nos engagements en matière de protection de l’environnement, de continuité historique et visuelle de ce que l’histoire nous a légué. À ma demande, les schémas régionaux éoliens seront ainsi désormais soumis aux commissions régionales du Patrimoine et des Sites, qui en mesureront l’impact visuel. Je n’ignore pas qu’il reste une étape à franchir : que ce passage par nos commissions soit suivi d’avis obligatoire. J’y travaille ardemment. Nos politiques de classement s’étendent désormais à de nouveaux champs de protection et de mise en valeur, qui compte désormais les phares, les avions, par exemple, l’habitat social, ou encore le patrimoine du XXème siècle. J’ai tenu également à relancer la dynamique des Centres culturels de rencontre, qui permettent de croiser la mise en valeur d’un patrimoine exceptionnel, à l’image de l’emblématique Abbaye de Royaumont, avec la création contemporaine.
Quand je soutiens pleinement la restructuration du Musée National Picasso, dont le coût est pour une part très importante compensé par les recettes d’une politique intelligente d’expositions internationales de l’oeuvre du maître, on aura tôt fait d’accuser mon ministère de privilégier Paris…
Alors même que pour nos musées, j’ai veillé à ce que nous développions une politique ambitieuse pour renforcer le maillage territorial de l’offre culturelle. À peine inauguré en mai 2010 par le Président de la République, le Centre Pompidou-Metz rencontre une adhésion du public français et européen qui va bien au-delà des prévisions initiales. Le Centre Pompidou Mobile, qui propose une rencontre inédite avec une sélection de chefsd’oeuvre d’une des plus importantes collections d’art moderne du monde dans un musée nomade, vient de clore avec succès son étape inaugurale à Chaumont, avec 35 000 visiteurs en trois mois, avant de prendre la route pour Cambrai. Le chantier de l’ambitieux Louvre-Lens est sur les rails pour la fin 2012, tout comme celui du MuCEM à Marseille. Le maillage territorial, c’est aussi le Plan Musées en région, ou encore le label « Maisons des illustres » qui oeuvre à une mise en réseau et à une plus grande visibilité de plus d’une centaine de demeures nous donnant un éclairage sur la mémoire artistique, politique, scientifique de notre héritage commun. Notre politique des musées, c’est également une politique tarifaire généreuse depuis 2009, avec environ quatre visites sur dix qui sont gratuites.
Dans le domaine du patrimoine immatériel, nous avons réussi à intégrer le repas gastronomique au patrimoine mondial. C’est une chance formidable de mieux mettre en valeur l’ensemble des métiers qui concourent à une tradition dans laquelle chacun peut se retrouver, et je veillerai à ce que nous puissions identifier le lieu le plus adapté pour la Cité de la gastronomie. Le Cadre noir de Saumur, symbole de l’équitation française, vient lui aussi d’être inscrit au patrimoine mondial.
Quant aux archives, je n’ai pas peur de le dire : jamais un gouvernement n’aura fait autant pour les archives.
Parlons des prochains mois.
Pour les archives, la livraison du magnifique bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine signé Massimiliano Fuksas permettra d’enclencher le déménagement des fonds qui viendront intégrer un Centre qui participe pleinement de l’équipement culturel du Grand Paris, adapté aux chercheurs et au public. L’Etat a fait preuve d’un engagement sans précédent, y compris en termes de moyens financiers en engageant 125 millions d’euros, pour défendre l’idée d’une mémoire ouverte.
En la matière, la Maison de l’histoire de France propose un nouveau modèle d’établissement en réseau, fondé sur les partenariats. La très belle exposition des plans reliefs que nous allons inaugurer au Grand Palais est précisément la première illustration de ce qu’il sera possible de faire avec une telle structure. Souvenons-nous des débats dont fit l’objet, lors de sa conception, le Musée du Quai Branly, que bon nombre avait tôt fait de stigmatiser comme « inutile et incertain », comme Pascal disait de Descartes. Le Musée du Quai Branly est aujourd’hui parfaitement intégré au paysage culturel français, et connaît des hausses de fréquentation spectaculaires. Je suis convaincu qu’il en sera de même pour la Maison de l’histoire de France : quand elle sera là, on oubliera bien vite les controverses liées à sa naissance.
À Marseille, je veillerai à ce que le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), signé par l’architecte Rudy Ricciotti, puisse finaliser son projet dans les meilleures conditions, afin que son inauguration dans le cadre de Marseille 2013 – Capitale européenne de la Culture puisse répondre pleinement à son ambition. Egalement en matière de dialogue interculturel, j’accompagne également la finalisation du département des Arts de l’Islam, du Louvre, qui est désormais prêt, et qui rentre dans la phase finale de sa réalisation. Quant au Louvre Abu Dhabi, je tiens à souligner mon attention constante sur l’avancement du projet, et je me rendrai sur place à cet effet en février.
En matière d’éducation artistique et culturelle, j’ai multiplié les chantiers, en prenant le soin de m’appuyer sur des missions brèves menées par des personnalités dont la compétence et la reconnaissance permettent de prendre en compte la variété des points de vue et de fédérer autour de priorités partagées. Je pense par exemple à la mission sur l’enseignement de la musique menée par Didier Lockwood, qui vient de me rendre son rapport : j’y vois une avancée très importante, pour les collectivités et l’Etat, qui permettra aux conservatoires et aux écoles de mieux intégrer les pratiques collectives, l’apprentissage intuitif et les outils pédagogiques numériques dans l’enseignement de la musique.
À l’heure où l’histoire des arts est désormais obligatoire dans l’enseignement primaire et secondaire, j’ai voulu donner une nouvelle dynamique à une discipline parfois trop peu connue du grand public, et où pourtant la France excelle, depuis notamment que ses bases ont été consolidées par André Chastel, dont nous commémorons cette année le centenaire. J’ai créé ainsi le Festival d’Histoire de l’Art, dont la deuxième édition se tiendra à Fontainebleau en juin prochain, et qui permettra à nouveau de faire se rencontrer les producteurs de savoir et le grand public.
L’enseignement supérieur Culture, avec son réseau remarquable d’établissements, profite pleinement de l’impulsion créée par la restructuration de l’enseignement supérieur et de la recherche. Bon nombre d’établissements, tout en gardant leurs spécificités sont désormais intégrés dans les pôles de recherche et les laboratoires d’excellence, et nous avons établi avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche les bases d’une collaboration étroite dont les gains en matière de visibilité, de possibilités de financement et de croisement des disciplines seront considérables.
Dans le domaine du spectacle vivant, je voudrais revenir sur un chantier emblématique. J’ai relancé le projet de la Philharmonie, pour lequel il fallait montrer une volonté politique claire afin de le sortir des impasses administratives qui le menaçait. Le « trou d’eau » du Parc de La Villette est désormais redevenu un grand chantier qui avance désormais à un rythme soutenu et suivant un calendrier maîtrisé. Bientôt, la capitale pourra disposer d’un équipement sans équivalent, afin que la France puisse rattraper son retard en la matière, accueillir comme il se doit les plus grandes formations au monde, dans un établissement qui jouera un rôle clef pour la musique en France, en matière de diffusion, d’éducation et de transmission, en associant notamment les conservatoires et les orchestres régionaux.
Le plan d’action pour le spectacle vivant, avec 3,5 millions de mesures nouvelles pour 2012, va nous permettre de développer certains réseaux labellisés - je pense notamment aux centres nationaux des arts de la rue et aux pôles nationaux des arts du cirque-, de mieux soutenir les compagnies et les ensembles indépendants, et de renforcer le rayonnement international. À cela s’ajoute le fait que les interventions de l’Etat ont été confortées, avec la mise en place d’un plancher d’intervention de mon ministère pour les scènes nationales et la clarification des taux d’intervention de l’Etat pour les centres dramatiques nationaux et les centres chorégraphiques nationaux, à la suite d’une concertation approfondie avec les collectivités territoriales.
Dans les prochains mois, la mission sur les nouveaux financements pour le spectacle vivant me remettra son rapport. Nous disposerons d’une série de propositions pour donner de nouveaux moyens au théâtre public et privé, pour conforter les budgets artistiques et favoriser la diffusion des spectacles créés. À terme, nous devons pouvoir aboutir vers une loi d’orientation, et le chef de l’Etat en a admis le principe.
Dans le domaine des arts plastiques et de la création contemporaine, deux événements majeurs nous attendent dans les mois qui viennent : la donation Lambert, et l’inauguration des nouveaux espaces du Palais de Tokyo.
En Avignon, la Fondation Lambert constitue l’une des plus importantes collections d’art contemporain en France. Le principe de sa donation est désormais acquis. Avec près de 700 pièces pour une valeur d’environ 100 millions d’euros, c’est la plus grande donation à l’Etat depuis celle de Picasso. Je souhaite que nous puissions très vite aboutir dans ce beau projet.
Le 12 avril, j’inaugurerai les nouveaux espaces du Palais de Tokyo. Les travaux conduits par Lacaton & Vassal, lauréats de l’équerre d’argent, sont sur le point de s’achever. C’est un ensemble de plus de 20 000 m², sous la direction de Jean de Loisy à qui l’on doit notamment l’exceptionnel Monumenta d’Anish Kapoor l’année dernière au Grand Palais, qui sera consacré à la création contemporaine émergente et confirmée, dans une factory à la française qui sera également un lieu de vie, grâce aux partenariats public-privé qui sont sa marque de fabrique depuis la création de l’établissement il y a dix ans.
Dans un domaine qui m’est cher et qui concerne plusieurs domaines de compétence de mon ministère, j’ai redonné également toute sa place à la photographie, en créant au ministère une mission chargée de la conservation du patrimoine photographique, du renforcement de l’aide au photojournalisme et de la formation professionnelle. Avec le portail Arago, avec une attention renouvelée aux donateurs, aux collections en déshérence, en s’appuyant sur la dynamique du pôle d’Arles, avec bientôt un nouveau centre d’exposition à Paris, à l’hôtel de Nevers, j’ai lancé des projets majeurs dont l’aboutissement sera essentiel au cours des prochaines semaines.
Pour ce qui est d’un domaine qui vous concerne directement, celui de la presse, je voudrais rappeler que l’Etat a donné au secteur un soutien exceptionnel depuis 2009, dans la continuité des Etats généraux de la presse. Cet effort sur trois ans a permis d’accompagner la filière, qui connaît une phase de transition économique et technologique déterminante pour son devenir, en encourageant le développement de nouveaux canaux de distribution comme l’aide au portage, en installant une régulation plus efficace de la filière avec la réforme, l’année dernière, du Conseil supérieur des messageries de presse, et la création de l’Autorité de régulation de distribution de la presse, qui veille à la préservation des équilibres des messageries de presse.
Je voudrais également évoquer le succès de l’opération « Mon journal offert ». Plus de 600 000 inscrits ont bénéficié de cette opération de reconquête du lectorat jeune.
J’ai également développé avec cinq directions régionales des affaires culturelles une aide spécifique aux médias de quartier, avec des moyens pour favoriser la professionnalisation des acteurs par des actions de formation et l’utilisation des médias émergents. L’expérimentation commence à porter ces fruits.
Dans les prochains mois, je continuerai à être très vigilant sur les transformations que traverse la filière de la distribution. J’en appelle à la responsabilité des acteurs de la filière et des éditeurs, afin de maintenir les principes de solidarité qui ont prévalu au cours des dernières décennies.
Je continuerai à accompagner les situations les plus fragiles, qui concernent actuellement certains titres de la presse quotidienne nationale.
J’ai eu il y a peu un entretien avec la directrice générale de La Tribune, et je peux affirmer qu’il y a toujours un avenir pour ce titre. Il y va du soutien de l’Etat au pluralisme de l’information. Ce soutien de l’Etat passe également par l’attention que l’Etat doit porter aux dispositifs de retour à l’emploi et aux actions en matière de formation.
De manière générale, je tiens à réaffirmer devant vous tout mon soutien pour l’avenir de vos professions. Elles sont au coeur de l’exercice de la démocratie, et elles traduisent un courage et un engagement souvent exemplaires pour la liberté de l’information. Il y a un an, Lucas Dolega était tué à Tunis. J’ai été frappé récemment par l’agression intolérable de Carole Sinsz, journaliste de France 3, au Caire ; par la mort également de Gilles Jacquier à Homs, et je renouvelle tout mon soutien à sa famille, à ses proches et à ses collègues.
L’audiovisuel français vient de tourner une page importante de son histoire, avec l’achèvement du passage à la télévision tout numérique, qui s’est traduit par un effort financier majeur de la part de l’Etat. L’offre nationale gratuite est ainsi passée de 6 à 19 chaînes, avec une qualité d’image et de son considérablement améliorée, une offre diversifiée en matière de programmes à la demande et en rattrapage, le lancement d’une quarantaine de chaînes locales. Je suis fier d’avoir pu accompagner cette transition majeure du paysage audiovisuel français.
Nous avons par ailleurs renouvelé les Contrats d’objectifs et de moyens des sociétés du service public de l’audiovisuel, en donnant à ARTE les moyens d’une reconquête de son public, et en renforçant les obligations de France Télévisions en matière d’investissement dans la création originale.
ARTE comme France Télévisions vont également accroître leur développement sur internet, afin de se donner les moyens de confirmer leur rôle de prescripteur de référence. Je pense par exemple à la plateforme internet de France Télévisions, consacrée à la diffusion du spectacle vivant, qui sera lancée à la fin de l’année.
J’ai également tenu à ce que nous adaptions le compte de soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée, afin que les nouveaux opérateurs, notamment les opérateurs de télécommunications, contribuent à la création. Il faudra à terme y associer également les acteurs internationaux du net. Dans la même logique, nous avons également réformé la taxe sur les services de télévision (TST), en élargissant l’assiette de la taxe sur les distributeurs, afin notamment de mettre fin aux contournements fiscaux. Ces réformes sont la marque de mon engagement et de la politique volontariste du gouvernement pour défendre les ressources du CNC et un modèle français pour le cinéma conforté par les succès nationaux et internationaux de l’année précédente, ainsi que par les fréquentations record des salles de cinéma.
J’ai tenu à renforcer par ailleurs l’accompagnement par l’Etat du secteur du jeu vidéo, notamment en ce qui concerne la structuration de la rémunération des différents métiers qui travaillent dans ce secteur d’excellence pour la France. Je crois par ailleurs que nous avons montré, avec la très belle exposition Game Stories au Grand Palais, qui a rencontré un grand succès, et bientôt la Cité du Jeu Vidéo portée par Universcience à la Cité des Sciences, que le jeu vidéo a désormais toute sa place dans le périmètre d’action du ministère et de ses établissements.
Dans les prochains mois, les chantiers ne manquent pas. Concernant le cinéma, je pense notamment à l’accompagnement des industries techniques du cinéma, qui connaissent les difficultés que l’on sait dans cette phase de transition technologique, et auxquelles j’accorderai la plus grande attention. Pour l’audiovisuel, des rendez-vous importants nous attendent : la finalisation du contrat d’objectifs et de moyens de l’Audiovisuel extérieur de la France, et l’attribution prochaine de six nouvelles chaînes qui seront sélectionnées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en mars prochain, sur la base des 34 dossiers présentés.
Nos industries culturelles, de manière générale, connaissent des mutations majeures sur lesquelles il était indispensable de se mobiliser. Je veux parler de la mise en place de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) et de l’approche en termes de réponse graduée pour lutter contre le piratage. Les effets commencent à se faire sentir : le piratage baisse plus en France qu’ailleurs. C’est là le fruit d’une mobilisation qui va de pair avec le soutien que nous apportons à la structuration et à la diversité des offres légales.
Ce modèle a par ailleurs suscité un intérêt croissant au plan international : ayants droit et fournisseurs d’accès internet se sont mis d’accord aux Etats-Unis pour développer un dispositif similaire, à l’instar également de la Corée du Sud, ou des dispositifs législatifs mis en place en Espagne, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. La diabolisation de l’Hadopi en dispositif répressif est parfaitement injuste.
Dans le domaine du livre, la loi sur le prix unique du livre numérique a constitué une avancée majeure, avec sa portée extra-territoriale, qu’il nous faudra défendre au niveau européen – de même que la TVA à taux réduit sur le livre numérique. Par ces dispositions, nous avons établi les bases pour accompagner un développement du livre numérique favorable qui place en son coeur la diversité de l’offre et la rémunération des créateurs.
Face à ceux qui pensent que l’approche française n’est pas adaptée à la nouvelle donne du numérique, je crois au contraire que nous avons écrit une nouvelle page de l’histoire d’un modèle français qui paraît de moins en moins exotique à nos partenaires communautaires.
L’Hadopi développe actuellement une expertise de l’impact du streaming illégal et des mesures de protections utilisables. Les résultats seront prêts d’ici février. Nous engageons dès à présent une action visant à responsabiliser les intermédiaires qui commercent avec les sites de streaming illégal, qui sont souvent des entreprises commerciales prospères, ce qui n’est pas acceptable, comme l’a rappelé le président de la République en Avignon, en novembre dernier.
Parmi les grands chantiers qui vont nous occuper dans les mois qui viennent, je mentionnerai également la réflexion sur la filière musicale, et la mise en place des bases du futur Centre national de la musique. La mission de préfiguration conduite par Didier Selles travaille actuellement en lien avec l’ensemble des professionnels. Je prends rendez-vous avec vous au MIDEM pour que nous fassions un point sur son avancement, pour lequel je souhaite que nous puissions aller le plus loin possible. Il s’agit d’un moment historique pour le soutien à la filière dans son ensemble.
Je voudrais également revenir sur la situation des librairies. Sur ce point, le parallèle avec les exploitants de cinéma fait sens : il s’agit de faire en sorte que les évolutions techniques ne nuisent pas aux principes qui régissent l’aménagement culturel de nos territoires, en définissant par ailleurs, dans le cas des librairies, une réponse française afin de ne pas être totalement dépendants des acteurs globaux de l’internet. C’est le sens du réseau des librairies de référence et des librairies indépendantes de référence, institué en 2009, et que je continue à renforcer ; c’est le sens surtout de la mission sur l’avenir de la librairie, que j’ai confiée à six personnalités dont la notoriété permettra d’avancer suffisamment vite pour remettre leurs propositions à la fin du premier trimestre de 2012, afin d’identifier des pistes innovantes pour l’accès au financement, la préservation des marges des libraires dans le contexte de l’augmentation du taux réduit de TVA, et une allocation plus efficace des aides publiques.
Sur tous ces points, force est de constater que la situation a passablement évolué. La défense des droits des créateurs, qui pouvaient dans bien des cas paraître menacée il y a trois ans, a fait l’objet de notre mobilisation constante. Nous n’avons pas cédé, et force est de constater que notre relation avec des acteurs globaux comme Google n’est plus la même aujourd’hui. Les projets de numérisation massive sans rétribution et les partenariats ne prenant pas en compte les acquis juridiques que nous défendons ne sont désormais plus de mise, et je me réjouis du dialogue désormais constructif que nous avons mis en place avec Google.
Ces mobilisations prennent du temps, elles nécessitent un engagement et une volonté de dialogue qu’il nous faut renforcer au niveau européen. Je me réjouis de la convergence de vue avec la commission européenne sur la TVA à taux réduit sur le livre numérique ; c’est le fruit du travail de conviction mené par Jacques Toubon. Reste encore à poursuivre ce travail de persuasion auprès des Etats Membres.
Afin d’accompagner et d’encadrer cette démarche, j’ai souhaité proposer à mes homologues européens un « décalogue » pour l’Europe de la Culture, qui a reçu l’adhésion de vingt-deux Etats membres, avec le soutien également de la Commissaire Vassiliou. Il constitue une feuille de route pour nos engagements communs. À l’heure où le projet européen est amené à connaître un renouveau, il était indispensable que nous inscrivions les politiques culturelles sur son nouvel agenda. Ce texte sera rendu public dans les prochains jours.
Lors de mes nombreux déplacements à l’étranger, j’ai tenu à renouveler ou à créer, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères et l’Institut Français, des accords de coopération culturelle qui contribuent au rayonnement de nos politiques culturelles et de nos établissements. Je pense au Louvre Abu Dhabi ; je pense également aux accords de coproduction cinématographique que nous avons mis en place avec l’Ukraine, l’Afrique du Sud, au projet d’académie franco-russe du cinéma qui est à l’étude, à l’accord franco-allemand pour le cinéma, ou encore à l’accord franco-iltaien sur la musique que j’ai signé récemment à Rome.
J’ai également eu à coeur de contribuer à accroître l’attractivité de la France pour la visibilité des cultures du monde, en m’impliquant dans la réussite des saisons culturelles, avec la Russie, l’Estonie, la Croatie ; de développer des actions de solidarité, avec Haïti, avec le Japon, avec le Cambodge, et d’accompagner les politiques culturelles des pays en transition.
Parmi les actions qui vont nous mobiliser dans les mois à venir, je voudrais évoquer l’exposition Plaisirs de France, qui proposera une sélection de chefs-d’oeuvre de nos collections nationales, issues de nos grands établissements et de nos musées en région, à Bakou en mars prochain, puis à Almaty. L’Azerbaïdjan et le Kazakhstan font désormais partie des partenaires qui comptent de plus en plus pour notre pays : donner une dimension culturelle à nos coopérations, au-delà des relations économiques et commerciales, c’est apporter, j’en suis persuadé, une contribution importante au dialogue interculturel.
Autre projet qui m’est cher, la transformation du Fonds Sud en fonds de soutien aux cinémas du monde. J’ai organisé il y a quelques mois une rencontre importante à la Maison de la culture d’Amiens entre cinéastes, producteurs, distributeurs et bailleurs de fonds, afin que nous puissions lancer les bases d’une mise en cohérence des différents dispositifs d’aide au cinéma du sud existants en Europe. Je serai particulièrement attentif à ce que nous puissions consolider les acquis de cette concertation inédite.
Pour conclure, je voudrais revenir sur quelques chantiers qui me sont chers, qui concernent la diversité et la démocratisation culturelles. Il s’agit, vous le savez, d’une ambition à la fois sociale et territoriale propre à ce ministère quasiment depuis sa création. J’évoquerai trois points qui constituent à mes yeux une relance essentielle de cette dimension de l’action de mon ministère :
J’ai relancé les conventions avec les collectivités locales. Ce sont plus d’une soixantaine de conventions qui ont ainsi été signées avec les collectivités les plus diverses, des grandes villes aux territoires ruraux, afin de nous doter, Etats et collectivités, d’un cadre commun d’action. L’action culturelle en France dépend plus que jamais d’une collaboration la plus étroite possible entre l’Etat et les collectivités, et c’est tout le sens de l’attention particulière que j’apporte au dialogue qui se noue au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, afin de renforcer l’irrigation de l’offre culturelle dans l’ensemble de nos territoires, y compris ruraux dans le cadre d’un partenariat renouvelé avec le ministère de l’agriculture, afin d’identifier, avec les collectivités, avec la mobilisation de nos directions régionales des affaires culturelles, les meilleures initiatives associatives en matière de « culture partagée ». Sur ce dernier point, l’apport du mécénat me paraît également essentiel : nous sommes en train de finaliser un fonds de dotation pour la démocratisation culturelle qui permettra de renforcer, pour ces actions, les moyens mis en oeuvre et leur continuité dans la durée.
Cette ambition sociale et territoriale renouvelée pour mon ministère, c’est également celle du Grand Paris – un projet essentiel, au long cours, dont la dimension culturelle est désormais pleinement prise en compte, non seulement par le travail des architectes au sein de l’Atelier du Grand Paris, mais aussi en termes de démocratisation culturelle et de maillage territorial. Je souhaite que dans les semaines qui viennent, nous puissions consolider le projet de la Tour Médicis afin de renforcer sa capacité à héberger les projets les plus forts, en s’appuyant sur le tissu local des établissements voisins et des associations, en visant la mise en valeur des pratiques amateurs. Je veux que ce projet soit le signe d’un infléchissement majeur de notre politique culturelle, afin de prendre pleinement la mesure du potentiel inexploité de ces territoires.
Autre « angle mort », jusque-là, de nos politiques culturelles : les Outremer. J’ai profité de l’occasion qui nous était offerte avec l’Année des Outremer pour relancer notre action culturelle dans les territoires ultramarins.
Par leur apport culturel inestimable, par la diversité de leur patrimoine, les Outre-mer représentent une chance pour la culture française. J’ai conforté pour cela les moyens des directions des affaires culturelles des Outre-mer, et j’ai lancé des projets emblématiques, comme la maison des mémoires et des cultures guyanaises, ou le musée de Mayotte. J’ai veillé à relancer dans les Outre-mer le plan d’action en faveur du livre et de la lecture, la rénovation des bibliothèque, les contrats territoire-lecture ou encore la traduction en créole de classiques français ; j’ai relancé les chantiers de rénovation de plusieurs musées ultramarins, avec une campagne de classement et de valorisation du patrimoine bâti et du patrimoine immatériel. À ce titre, je me rendrai le mois prochain en Martinique et en Guadeloupe pour suivre l’avancement de ces projets. Dans le domaine des langues, les Etats généraux du multilinguisme dans les Outre-mer, que j’ai eu le plaisir de clore à Cayenne en décembre dernier, ont constitué, je crois, un tournant majeur pour la reconnaissance des quelques 50 langues de France qui sont les langues maternelles de près de trois millions de Français : nous allons dans les semaines qui viennent, avec les directions des affaires culturelles d’Outre-mer, établir un plan d’action qui prendra en compte les propositions issues de ces rencontres. Dans les prochaines semaines également, nous allons lancer avec le ministère de l’Outre-Mer une agence qui sera dédiée aux cultures ultramarines, qui jouera un rôle clef notamment pour leur promotion en métropole.
Sur tous ces chantiers, j’entends m’investir pleinement jusqu’au bout, afin que notre ministère puisse continuer à être force de proposition.
L’approche des présidentielles me donne également l’occasion de rendre visible notre action, de susciter les débats, de ne pas avoir peur des controverses. Ils ne peuvent que renforcer une cause que je suis fier de servir.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 18 janvier 2012