Texte intégral
Bonne année. Je ne sais pas si elle sera bonne pour tout le monde mais en tout cas, elle sera intéressante pour chacun dentre nous.
Lexercice qui nous réunit ce midi est particulier. Des échéances électorales importantes nous attendent, et je souhaite que la culture et la communication puissent avoir toute leur place dans les débats qui sannoncent.
Comme vous le savez sans doute, je viens de publier un livre, qui sintitule Le désir et la chance. Jai voulu y rendre hommage à tous ceux avec qui jai le plaisir de travailler, les équipes du ministère, les élus, les artistes, tous les acteurs de la culture qui font de ce pays une terre particulière en Europe et dans le monde, où les pouvoirs publics sont présents pour accompagner les artistes, les métiers du patrimoine, les industries culturelles, un pays où lon considère que la diversité culturelle ne va pas de soi, quelle a besoin dêtre préservée et stimulée. Jai voulu également partager avec les Français un regard sur une grande institution, unique en son genre, qui existe maintenant depuis un peu plus de cinquante ans, si familière finalement à nos concitoyens que parfois, finalement, on la connaît peu. Jai voulu y décrire les grands chantiers qui motivent mon action, les convictions qui maniment, et tordre le cou, au passage, à quelques idées reçues et néanmoins tenaces.
Les chiffres qui viennent récemment dêtre rendu publics, sur la fréquentation record des salles de cinéma, avec la hausse du nombre de spectateurs et des recettes, ainsi que la reconnaissance internationale apportée à des films comme The Artist, la fréquentation des salles de spectacle, celle des musées et des expositions viennent en effet contredire aisément ceux qui veulent croire à une « dépression culturelle », dont les corollaires seraient bien entendu un désintérêt du gouvernement et un désengagement de lEtat. Il y aussi des secteurs qui souffrent plus dans un contexte de crise comme les librairies ou la filière musicale et jy reviendrai.
Je ne souhaite pas aujourdhui procéder à un inventaire exhaustif de ce que nous avons accompli depuis 2009. Je voudrais revenir sur quelques points qui me paraissent essentiels concernant les acquis que nous avons consolidés, et les principaux chantiers que jentends porter dans les prochains mois.
Un mot, tout dabord, concernant le budget de la Culture et de la Communication. Jentends dire par les tenants de cette mythique « dépression culturelle » quil ny a plus dargent pour la culture. La vérité est tout autre : le budget de mon ministère a été préservé, alors même que nous traversons une crise économique et financière de première importance. Je me suis battu pour le défendre, et jai reçu en cela le plein soutien du Premier Ministre et du Président de la République. Mon ministère participe, comme tous les autres, à leffort budgétaire que nous impose une situation contrainte, mais sans remettre en question ses missions fondamentales. La culture, en France, na pas servi de variable dajustement, comme cela peut être le cas, et je le déplore parce que nous portons ensemble la responsabilité du paysage culturel européen, pour certains de nos partenaires de lUnion ; cest le signe dun engagement très fort dun gouvernement pour lequel la culture est une dimension essentielle de nos valeurs et de notre démocratie, de notre cohésion sociale, de notre développement économique et de lattractivité de nos territoires, de notre rayonnement international.
Tous les domaines daction du ministère se situent à des degrés divers au croisement de ces différentes dimensions, et jai tenu à faire en sorte, pour les actions que nous menons, que chaque perspective puisse être prise en compte de manière synthétique et non isolément. Le vaste domaine du patrimoine lillustre particulièrement bien.
Avec la mise en place des Aires de mise en valeur de larchitecture et du patrimoine (AVAP), nous disposons désormais des outils pour une politique du paysage à la fois protectrice et innovante, qui en favorise lintelligence, en prenant en compte, de manière intégrée, la protection du bâti, nos engagements en matière de protection de lenvironnement, de continuité historique et visuelle de ce que lhistoire nous a légué. À ma demande, les schémas régionaux éoliens seront ainsi désormais soumis aux commissions régionales du Patrimoine et des Sites, qui en mesureront limpact visuel. Je nignore pas quil reste une étape à franchir : que ce passage par nos commissions soit suivi davis obligatoire. Jy travaille ardemment. Nos politiques de classement sétendent désormais à de nouveaux champs de protection et de mise en valeur, qui compte désormais les phares, les avions, par exemple, lhabitat social, ou encore le patrimoine du XXème siècle. Jai tenu également à relancer la dynamique des Centres culturels de rencontre, qui permettent de croiser la mise en valeur dun patrimoine exceptionnel, à limage de lemblématique Abbaye de Royaumont, avec la création contemporaine.
Quand je soutiens pleinement la restructuration du Musée National Picasso, dont le coût est pour une part très importante compensé par les recettes dune politique intelligente dexpositions internationales de loeuvre du maître, on aura tôt fait daccuser mon ministère de privilégier Paris
Alors même que pour nos musées, jai veillé à ce que nous développions une politique ambitieuse pour renforcer le maillage territorial de loffre culturelle. À peine inauguré en mai 2010 par le Président de la République, le Centre Pompidou-Metz rencontre une adhésion du public français et européen qui va bien au-delà des prévisions initiales. Le Centre Pompidou Mobile, qui propose une rencontre inédite avec une sélection de chefsdoeuvre dune des plus importantes collections dart moderne du monde dans un musée nomade, vient de clore avec succès son étape inaugurale à Chaumont, avec 35 000 visiteurs en trois mois, avant de prendre la route pour Cambrai. Le chantier de lambitieux Louvre-Lens est sur les rails pour la fin 2012, tout comme celui du MuCEM à Marseille. Le maillage territorial, cest aussi le Plan Musées en région, ou encore le label « Maisons des illustres » qui oeuvre à une mise en réseau et à une plus grande visibilité de plus dune centaine de demeures nous donnant un éclairage sur la mémoire artistique, politique, scientifique de notre héritage commun. Notre politique des musées, cest également une politique tarifaire généreuse depuis 2009, avec environ quatre visites sur dix qui sont gratuites.
Dans le domaine du patrimoine immatériel, nous avons réussi à intégrer le repas gastronomique au patrimoine mondial. Cest une chance formidable de mieux mettre en valeur lensemble des métiers qui concourent à une tradition dans laquelle chacun peut se retrouver, et je veillerai à ce que nous puissions identifier le lieu le plus adapté pour la Cité de la gastronomie. Le Cadre noir de Saumur, symbole de léquitation française, vient lui aussi dêtre inscrit au patrimoine mondial.
Quant aux archives, je nai pas peur de le dire : jamais un gouvernement naura fait autant pour les archives.
Parlons des prochains mois.
Pour les archives, la livraison du magnifique bâtiment de Pierrefitte-sur-Seine signé Massimiliano Fuksas permettra denclencher le déménagement des fonds qui viendront intégrer un Centre qui participe pleinement de léquipement culturel du Grand Paris, adapté aux chercheurs et au public. LEtat a fait preuve dun engagement sans précédent, y compris en termes de moyens financiers en engageant 125 millions deuros, pour défendre lidée dune mémoire ouverte.
En la matière, la Maison de lhistoire de France propose un nouveau modèle détablissement en réseau, fondé sur les partenariats. La très belle exposition des plans reliefs que nous allons inaugurer au Grand Palais est précisément la première illustration de ce quil sera possible de faire avec une telle structure. Souvenons-nous des débats dont fit lobjet, lors de sa conception, le Musée du Quai Branly, que bon nombre avait tôt fait de stigmatiser comme « inutile et incertain », comme Pascal disait de Descartes. Le Musée du Quai Branly est aujourdhui parfaitement intégré au paysage culturel français, et connaît des hausses de fréquentation spectaculaires. Je suis convaincu quil en sera de même pour la Maison de lhistoire de France : quand elle sera là, on oubliera bien vite les controverses liées à sa naissance.
À Marseille, je veillerai à ce que le Musée des Civilisations de lEurope et de la Méditerranée (MuCEM), signé par larchitecte Rudy Ricciotti, puisse finaliser son projet dans les meilleures conditions, afin que son inauguration dans le cadre de Marseille 2013 Capitale européenne de la Culture puisse répondre pleinement à son ambition. Egalement en matière de dialogue interculturel, jaccompagne également la finalisation du département des Arts de lIslam, du Louvre, qui est désormais prêt, et qui rentre dans la phase finale de sa réalisation. Quant au Louvre Abu Dhabi, je tiens à souligner mon attention constante sur lavancement du projet, et je me rendrai sur place à cet effet en février.
En matière déducation artistique et culturelle, jai multiplié les chantiers, en prenant le soin de mappuyer sur des missions brèves menées par des personnalités dont la compétence et la reconnaissance permettent de prendre en compte la variété des points de vue et de fédérer autour de priorités partagées. Je pense par exemple à la mission sur lenseignement de la musique menée par Didier Lockwood, qui vient de me rendre son rapport : jy vois une avancée très importante, pour les collectivités et lEtat, qui permettra aux conservatoires et aux écoles de mieux intégrer les pratiques collectives, lapprentissage intuitif et les outils pédagogiques numériques dans lenseignement de la musique.
À lheure où lhistoire des arts est désormais obligatoire dans lenseignement primaire et secondaire, jai voulu donner une nouvelle dynamique à une discipline parfois trop peu connue du grand public, et où pourtant la France excelle, depuis notamment que ses bases ont été consolidées par André Chastel, dont nous commémorons cette année le centenaire. Jai créé ainsi le Festival dHistoire de lArt, dont la deuxième édition se tiendra à Fontainebleau en juin prochain, et qui permettra à nouveau de faire se rencontrer les producteurs de savoir et le grand public.
Lenseignement supérieur Culture, avec son réseau remarquable détablissements, profite pleinement de limpulsion créée par la restructuration de lenseignement supérieur et de la recherche. Bon nombre détablissements, tout en gardant leurs spécificités sont désormais intégrés dans les pôles de recherche et les laboratoires dexcellence, et nous avons établi avec le ministère de lEnseignement supérieur et de la Recherche les bases dune collaboration étroite dont les gains en matière de visibilité, de possibilités de financement et de croisement des disciplines seront considérables.
Dans le domaine du spectacle vivant, je voudrais revenir sur un chantier emblématique. Jai relancé le projet de la Philharmonie, pour lequel il fallait montrer une volonté politique claire afin de le sortir des impasses administratives qui le menaçait. Le « trou deau » du Parc de La Villette est désormais redevenu un grand chantier qui avance désormais à un rythme soutenu et suivant un calendrier maîtrisé. Bientôt, la capitale pourra disposer dun équipement sans équivalent, afin que la France puisse rattraper son retard en la matière, accueillir comme il se doit les plus grandes formations au monde, dans un établissement qui jouera un rôle clef pour la musique en France, en matière de diffusion, déducation et de transmission, en associant notamment les conservatoires et les orchestres régionaux.
Le plan daction pour le spectacle vivant, avec 3,5 millions de mesures nouvelles pour 2012, va nous permettre de développer certains réseaux labellisés - je pense notamment aux centres nationaux des arts de la rue et aux pôles nationaux des arts du cirque-, de mieux soutenir les compagnies et les ensembles indépendants, et de renforcer le rayonnement international. À cela sajoute le fait que les interventions de lEtat ont été confortées, avec la mise en place dun plancher dintervention de mon ministère pour les scènes nationales et la clarification des taux dintervention de lEtat pour les centres dramatiques nationaux et les centres chorégraphiques nationaux, à la suite dune concertation approfondie avec les collectivités territoriales.
Dans les prochains mois, la mission sur les nouveaux financements pour le spectacle vivant me remettra son rapport. Nous disposerons dune série de propositions pour donner de nouveaux moyens au théâtre public et privé, pour conforter les budgets artistiques et favoriser la diffusion des spectacles créés. À terme, nous devons pouvoir aboutir vers une loi dorientation, et le chef de lEtat en a admis le principe.
Dans le domaine des arts plastiques et de la création contemporaine, deux événements majeurs nous attendent dans les mois qui viennent : la donation Lambert, et linauguration des nouveaux espaces du Palais de Tokyo.
En Avignon, la Fondation Lambert constitue lune des plus importantes collections dart contemporain en France. Le principe de sa donation est désormais acquis. Avec près de 700 pièces pour une valeur denviron 100 millions deuros, cest la plus grande donation à lEtat depuis celle de Picasso. Je souhaite que nous puissions très vite aboutir dans ce beau projet.
Le 12 avril, jinaugurerai les nouveaux espaces du Palais de Tokyo. Les travaux conduits par Lacaton & Vassal, lauréats de léquerre dargent, sont sur le point de sachever. Cest un ensemble de plus de 20 000 m², sous la direction de Jean de Loisy à qui lon doit notamment lexceptionnel Monumenta dAnish Kapoor lannée dernière au Grand Palais, qui sera consacré à la création contemporaine émergente et confirmée, dans une factory à la française qui sera également un lieu de vie, grâce aux partenariats public-privé qui sont sa marque de fabrique depuis la création de létablissement il y a dix ans.
Dans un domaine qui mest cher et qui concerne plusieurs domaines de compétence de mon ministère, jai redonné également toute sa place à la photographie, en créant au ministère une mission chargée de la conservation du patrimoine photographique, du renforcement de laide au photojournalisme et de la formation professionnelle. Avec le portail Arago, avec une attention renouvelée aux donateurs, aux collections en déshérence, en sappuyant sur la dynamique du pôle dArles, avec bientôt un nouveau centre dexposition à Paris, à lhôtel de Nevers, jai lancé des projets majeurs dont laboutissement sera essentiel au cours des prochaines semaines.
Pour ce qui est dun domaine qui vous concerne directement, celui de la presse, je voudrais rappeler que lEtat a donné au secteur un soutien exceptionnel depuis 2009, dans la continuité des Etats généraux de la presse. Cet effort sur trois ans a permis daccompagner la filière, qui connaît une phase de transition économique et technologique déterminante pour son devenir, en encourageant le développement de nouveaux canaux de distribution comme laide au portage, en installant une régulation plus efficace de la filière avec la réforme, lannée dernière, du Conseil supérieur des messageries de presse, et la création de lAutorité de régulation de distribution de la presse, qui veille à la préservation des équilibres des messageries de presse.
Je voudrais également évoquer le succès de lopération « Mon journal offert ». Plus de 600 000 inscrits ont bénéficié de cette opération de reconquête du lectorat jeune.
Jai également développé avec cinq directions régionales des affaires culturelles une aide spécifique aux médias de quartier, avec des moyens pour favoriser la professionnalisation des acteurs par des actions de formation et lutilisation des médias émergents. Lexpérimentation commence à porter ces fruits.
Dans les prochains mois, je continuerai à être très vigilant sur les transformations que traverse la filière de la distribution. Jen appelle à la responsabilité des acteurs de la filière et des éditeurs, afin de maintenir les principes de solidarité qui ont prévalu au cours des dernières décennies.
Je continuerai à accompagner les situations les plus fragiles, qui concernent actuellement certains titres de la presse quotidienne nationale.
Jai eu il y a peu un entretien avec la directrice générale de La Tribune, et je peux affirmer quil y a toujours un avenir pour ce titre. Il y va du soutien de lEtat au pluralisme de linformation. Ce soutien de lEtat passe également par lattention que lEtat doit porter aux dispositifs de retour à lemploi et aux actions en matière de formation.
De manière générale, je tiens à réaffirmer devant vous tout mon soutien pour lavenir de vos professions. Elles sont au coeur de lexercice de la démocratie, et elles traduisent un courage et un engagement souvent exemplaires pour la liberté de linformation. Il y a un an, Lucas Dolega était tué à Tunis. Jai été frappé récemment par lagression intolérable de Carole Sinsz, journaliste de France 3, au Caire ; par la mort également de Gilles Jacquier à Homs, et je renouvelle tout mon soutien à sa famille, à ses proches et à ses collègues.
Laudiovisuel français vient de tourner une page importante de son histoire, avec lachèvement du passage à la télévision tout numérique, qui sest traduit par un effort financier majeur de la part de lEtat. Loffre nationale gratuite est ainsi passée de 6 à 19 chaînes, avec une qualité dimage et de son considérablement améliorée, une offre diversifiée en matière de programmes à la demande et en rattrapage, le lancement dune quarantaine de chaînes locales. Je suis fier davoir pu accompagner cette transition majeure du paysage audiovisuel français.
Nous avons par ailleurs renouvelé les Contrats dobjectifs et de moyens des sociétés du service public de laudiovisuel, en donnant à ARTE les moyens dune reconquête de son public, et en renforçant les obligations de France Télévisions en matière dinvestissement dans la création originale.
ARTE comme France Télévisions vont également accroître leur développement sur internet, afin de se donner les moyens de confirmer leur rôle de prescripteur de référence. Je pense par exemple à la plateforme internet de France Télévisions, consacrée à la diffusion du spectacle vivant, qui sera lancée à la fin de lannée.
Jai également tenu à ce que nous adaptions le compte de soutien du Centre national du cinéma et de limage animée, afin que les nouveaux opérateurs, notamment les opérateurs de télécommunications, contribuent à la création. Il faudra à terme y associer également les acteurs internationaux du net. Dans la même logique, nous avons également réformé la taxe sur les services de télévision (TST), en élargissant lassiette de la taxe sur les distributeurs, afin notamment de mettre fin aux contournements fiscaux. Ces réformes sont la marque de mon engagement et de la politique volontariste du gouvernement pour défendre les ressources du CNC et un modèle français pour le cinéma conforté par les succès nationaux et internationaux de lannée précédente, ainsi que par les fréquentations record des salles de cinéma.
Jai tenu à renforcer par ailleurs laccompagnement par lEtat du secteur du jeu vidéo, notamment en ce qui concerne la structuration de la rémunération des différents métiers qui travaillent dans ce secteur dexcellence pour la France. Je crois par ailleurs que nous avons montré, avec la très belle exposition Game Stories au Grand Palais, qui a rencontré un grand succès, et bientôt la Cité du Jeu Vidéo portée par Universcience à la Cité des Sciences, que le jeu vidéo a désormais toute sa place dans le périmètre daction du ministère et de ses établissements.
Dans les prochains mois, les chantiers ne manquent pas. Concernant le cinéma, je pense notamment à laccompagnement des industries techniques du cinéma, qui connaissent les difficultés que lon sait dans cette phase de transition technologique, et auxquelles jaccorderai la plus grande attention. Pour laudiovisuel, des rendez-vous importants nous attendent : la finalisation du contrat dobjectifs et de moyens de lAudiovisuel extérieur de la France, et lattribution prochaine de six nouvelles chaînes qui seront sélectionnées par le Conseil supérieur de laudiovisuel en mars prochain, sur la base des 34 dossiers présentés.
Nos industries culturelles, de manière générale, connaissent des mutations majeures sur lesquelles il était indispensable de se mobiliser. Je veux parler de la mise en place de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) et de lapproche en termes de réponse graduée pour lutter contre le piratage. Les effets commencent à se faire sentir : le piratage baisse plus en France quailleurs. Cest là le fruit dune mobilisation qui va de pair avec le soutien que nous apportons à la structuration et à la diversité des offres légales.
Ce modèle a par ailleurs suscité un intérêt croissant au plan international : ayants droit et fournisseurs daccès internet se sont mis daccord aux Etats-Unis pour développer un dispositif similaire, à linstar également de la Corée du Sud, ou des dispositifs législatifs mis en place en Espagne, au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande. La diabolisation de lHadopi en dispositif répressif est parfaitement injuste.
Dans le domaine du livre, la loi sur le prix unique du livre numérique a constitué une avancée majeure, avec sa portée extra-territoriale, quil nous faudra défendre au niveau européen de même que la TVA à taux réduit sur le livre numérique. Par ces dispositions, nous avons établi les bases pour accompagner un développement du livre numérique favorable qui place en son coeur la diversité de loffre et la rémunération des créateurs.
Face à ceux qui pensent que lapproche française nest pas adaptée à la nouvelle donne du numérique, je crois au contraire que nous avons écrit une nouvelle page de lhistoire dun modèle français qui paraît de moins en moins exotique à nos partenaires communautaires.
LHadopi développe actuellement une expertise de limpact du streaming illégal et des mesures de protections utilisables. Les résultats seront prêts dici février. Nous engageons dès à présent une action visant à responsabiliser les intermédiaires qui commercent avec les sites de streaming illégal, qui sont souvent des entreprises commerciales prospères, ce qui nest pas acceptable, comme la rappelé le président de la République en Avignon, en novembre dernier.
Parmi les grands chantiers qui vont nous occuper dans les mois qui viennent, je mentionnerai également la réflexion sur la filière musicale, et la mise en place des bases du futur Centre national de la musique. La mission de préfiguration conduite par Didier Selles travaille actuellement en lien avec lensemble des professionnels. Je prends rendez-vous avec vous au MIDEM pour que nous fassions un point sur son avancement, pour lequel je souhaite que nous puissions aller le plus loin possible. Il sagit dun moment historique pour le soutien à la filière dans son ensemble.
Je voudrais également revenir sur la situation des librairies. Sur ce point, le parallèle avec les exploitants de cinéma fait sens : il sagit de faire en sorte que les évolutions techniques ne nuisent pas aux principes qui régissent laménagement culturel de nos territoires, en définissant par ailleurs, dans le cas des librairies, une réponse française afin de ne pas être totalement dépendants des acteurs globaux de linternet. Cest le sens du réseau des librairies de référence et des librairies indépendantes de référence, institué en 2009, et que je continue à renforcer ; cest le sens surtout de la mission sur lavenir de la librairie, que jai confiée à six personnalités dont la notoriété permettra davancer suffisamment vite pour remettre leurs propositions à la fin du premier trimestre de 2012, afin didentifier des pistes innovantes pour laccès au financement, la préservation des marges des libraires dans le contexte de laugmentation du taux réduit de TVA, et une allocation plus efficace des aides publiques.
Sur tous ces points, force est de constater que la situation a passablement évolué. La défense des droits des créateurs, qui pouvaient dans bien des cas paraître menacée il y a trois ans, a fait lobjet de notre mobilisation constante. Nous navons pas cédé, et force est de constater que notre relation avec des acteurs globaux comme Google nest plus la même aujourdhui. Les projets de numérisation massive sans rétribution et les partenariats ne prenant pas en compte les acquis juridiques que nous défendons ne sont désormais plus de mise, et je me réjouis du dialogue désormais constructif que nous avons mis en place avec Google.
Ces mobilisations prennent du temps, elles nécessitent un engagement et une volonté de dialogue quil nous faut renforcer au niveau européen. Je me réjouis de la convergence de vue avec la commission européenne sur la TVA à taux réduit sur le livre numérique ; cest le fruit du travail de conviction mené par Jacques Toubon. Reste encore à poursuivre ce travail de persuasion auprès des Etats Membres.
Afin daccompagner et dencadrer cette démarche, jai souhaité proposer à mes homologues européens un « décalogue » pour lEurope de la Culture, qui a reçu ladhésion de vingt-deux Etats membres, avec le soutien également de la Commissaire Vassiliou. Il constitue une feuille de route pour nos engagements communs. À lheure où le projet européen est amené à connaître un renouveau, il était indispensable que nous inscrivions les politiques culturelles sur son nouvel agenda. Ce texte sera rendu public dans les prochains jours.
Lors de mes nombreux déplacements à létranger, jai tenu à renouveler ou à créer, en collaboration avec le ministère des Affaires étrangères et lInstitut Français, des accords de coopération culturelle qui contribuent au rayonnement de nos politiques culturelles et de nos établissements. Je pense au Louvre Abu Dhabi ; je pense également aux accords de coproduction cinématographique que nous avons mis en place avec lUkraine, lAfrique du Sud, au projet dacadémie franco-russe du cinéma qui est à létude, à laccord franco-allemand pour le cinéma, ou encore à laccord franco-iltaien sur la musique que jai signé récemment à Rome.
Jai également eu à coeur de contribuer à accroître lattractivité de la France pour la visibilité des cultures du monde, en mimpliquant dans la réussite des saisons culturelles, avec la Russie, lEstonie, la Croatie ; de développer des actions de solidarité, avec Haïti, avec le Japon, avec le Cambodge, et daccompagner les politiques culturelles des pays en transition.
Parmi les actions qui vont nous mobiliser dans les mois à venir, je voudrais évoquer lexposition Plaisirs de France, qui proposera une sélection de chefs-doeuvre de nos collections nationales, issues de nos grands établissements et de nos musées en région, à Bakou en mars prochain, puis à Almaty. LAzerbaïdjan et le Kazakhstan font désormais partie des partenaires qui comptent de plus en plus pour notre pays : donner une dimension culturelle à nos coopérations, au-delà des relations économiques et commerciales, cest apporter, jen suis persuadé, une contribution importante au dialogue interculturel.
Autre projet qui mest cher, la transformation du Fonds Sud en fonds de soutien aux cinémas du monde. Jai organisé il y a quelques mois une rencontre importante à la Maison de la culture dAmiens entre cinéastes, producteurs, distributeurs et bailleurs de fonds, afin que nous puissions lancer les bases dune mise en cohérence des différents dispositifs daide au cinéma du sud existants en Europe. Je serai particulièrement attentif à ce que nous puissions consolider les acquis de cette concertation inédite.
Pour conclure, je voudrais revenir sur quelques chantiers qui me sont chers, qui concernent la diversité et la démocratisation culturelles. Il sagit, vous le savez, dune ambition à la fois sociale et territoriale propre à ce ministère quasiment depuis sa création. Jévoquerai trois points qui constituent à mes yeux une relance essentielle de cette dimension de laction de mon ministère :
Jai relancé les conventions avec les collectivités locales. Ce sont plus dune soixantaine de conventions qui ont ainsi été signées avec les collectivités les plus diverses, des grandes villes aux territoires ruraux, afin de nous doter, Etats et collectivités, dun cadre commun daction. Laction culturelle en France dépend plus que jamais dune collaboration la plus étroite possible entre lEtat et les collectivités, et cest tout le sens de lattention particulière que japporte au dialogue qui se noue au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, afin de renforcer lirrigation de loffre culturelle dans lensemble de nos territoires, y compris ruraux dans le cadre dun partenariat renouvelé avec le ministère de lagriculture, afin didentifier, avec les collectivités, avec la mobilisation de nos directions régionales des affaires culturelles, les meilleures initiatives associatives en matière de « culture partagée ». Sur ce dernier point, lapport du mécénat me paraît également essentiel : nous sommes en train de finaliser un fonds de dotation pour la démocratisation culturelle qui permettra de renforcer, pour ces actions, les moyens mis en oeuvre et leur continuité dans la durée.
Cette ambition sociale et territoriale renouvelée pour mon ministère, cest également celle du Grand Paris un projet essentiel, au long cours, dont la dimension culturelle est désormais pleinement prise en compte, non seulement par le travail des architectes au sein de lAtelier du Grand Paris, mais aussi en termes de démocratisation culturelle et de maillage territorial. Je souhaite que dans les semaines qui viennent, nous puissions consolider le projet de la Tour Médicis afin de renforcer sa capacité à héberger les projets les plus forts, en sappuyant sur le tissu local des établissements voisins et des associations, en visant la mise en valeur des pratiques amateurs. Je veux que ce projet soit le signe dun infléchissement majeur de notre politique culturelle, afin de prendre pleinement la mesure du potentiel inexploité de ces territoires.
Autre « angle mort », jusque-là, de nos politiques culturelles : les Outremer. Jai profité de loccasion qui nous était offerte avec lAnnée des Outremer pour relancer notre action culturelle dans les territoires ultramarins.
Par leur apport culturel inestimable, par la diversité de leur patrimoine, les Outre-mer représentent une chance pour la culture française. Jai conforté pour cela les moyens des directions des affaires culturelles des Outre-mer, et jai lancé des projets emblématiques, comme la maison des mémoires et des cultures guyanaises, ou le musée de Mayotte. Jai veillé à relancer dans les Outre-mer le plan daction en faveur du livre et de la lecture, la rénovation des bibliothèque, les contrats territoire-lecture ou encore la traduction en créole de classiques français ; jai relancé les chantiers de rénovation de plusieurs musées ultramarins, avec une campagne de classement et de valorisation du patrimoine bâti et du patrimoine immatériel. À ce titre, je me rendrai le mois prochain en Martinique et en Guadeloupe pour suivre lavancement de ces projets. Dans le domaine des langues, les Etats généraux du multilinguisme dans les Outre-mer, que jai eu le plaisir de clore à Cayenne en décembre dernier, ont constitué, je crois, un tournant majeur pour la reconnaissance des quelques 50 langues de France qui sont les langues maternelles de près de trois millions de Français : nous allons dans les semaines qui viennent, avec les directions des affaires culturelles dOutre-mer, établir un plan daction qui prendra en compte les propositions issues de ces rencontres. Dans les prochaines semaines également, nous allons lancer avec le ministère de lOutre-Mer une agence qui sera dédiée aux cultures ultramarines, qui jouera un rôle clef notamment pour leur promotion en métropole.
Sur tous ces chantiers, jentends minvestir pleinement jusquau bout, afin que notre ministère puisse continuer à être force de proposition.
Lapproche des présidentielles me donne également loccasion de rendre visible notre action, de susciter les débats, de ne pas avoir peur des controverses. Ils ne peuvent que renforcer une cause que je suis fier de servir.
Je vous remercie.
Source http://www.culturecommunication.gouv.fr, le 18 janvier 2012