Texte intégral
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les élus de Paris,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les présidents,
Monsieur le grand Rabbin,
Messieurs les représentants des cultes
Mesdames et Messieurs,
" J'espère que je te reverrai bientôt, essaie de me faire sortir ainsi je serai avec toi, ici je perds toutes mes forces. J'ai beaucoup maigri, je suis encore malade. J'ai attrapé une autre maladie, la varicelle. Il y a des gens qui disent qu'on va libérer les enfants qui ont moins de 16 ans. J'espère que j'aurai la réponse le plus tôt possible. Sois en bonne santé, surtout ne tombe pas malade comme moi je le fais. Ne t'ennuie pas comme moi car je pleure souvent en pensant à toi. Ta petite fille qui t'aime et qui t'embrasse bien fort ".
Marie n'avait pas encore onze ans lorsqu'elle écrivit à son père du camp de Pithiviers cette lettre de petite fille. Elle est morte gazée à Auschwitz, le 23 septembre 1942. Comme près de 12 000 enfants juifs de France, elle a été déportée durant la seconde guerre mondiale.
Ces paroles d'enfant, ces mots simples, plein d'humanité tranchent avec la barbarie Nazie, l'horreur du génocide, avec l'infamie de cette rafle du mois de juillet 1942, décidée, planifiée et réalisée par des français. Marie est perdue dans l'anonymat de cette abominable recensement établi avec une froide précision par la Préfecture de Police de Paris quelques jours après les arrestations du Vel d'Hiv : "les opérations de ramassage des juifs effectuées depuis le 16 juillet courant donnaient hier à 17h00 les résultats suivants : 3018 hommes, 5919 femmes, 4115 enfants, soit au total 13.052 arrestations".
Aujourd'hui, nous sommes réunis pour commémorer les victimes des persécutions racistes et antisémites commises sous "l'autorité de fait" dite " gouvernement de l'Etat français ". La date du 16 juillet a été retenue par le Président François Mitterrand comme l'illustration de la collaboration de l'Etat Français avec les nazis. Un jour de deuil et de honte.
Nos premières pensées vont bien sûr à toutes ces femmes, ces hommes et ces enfants qui parce qu'ils étaient juifs furent d'abord fichés, persécutés, arrêtés, déportés puis exterminés.
Elles vont à celles et ceux qui vécurent cette tragédie du Vel d'Hiv, mais au delà, à tous ceux qui furent déportés dans les camps de la mort, au nom de leur race, de leur religion, de leurs différences, victimes de ce génocide.
Rappelons-nous que quelques semaines plus tard, en Août et Septembre 1942, onze mille juifs furent arrêtés dans les départements de la zone libre rassemblés dans des camps et transportés sur ordre du gouvernement de vichy, au camp de Drancy, puis à Auschwitz.
Certains prétendaient faire d'eux de simples numéros voués à l'oubli et à la disparition ultime. Ainsi, plus qu'à tout autre, leur devons-nous la mémoire, la reconnaissance, la restitution en mesurant hélas la part d'irréparable.
Irréparables oui ces morts et ces souffrances, toutes uniques et personnelles, imprescriptible affront à la dignité humaine. Des français, une administration française ont ce jour là commis l'irréparable. Ils ont agit froidement, bafouant ce qui devait pourtant être l'essence même de la France, à savoir, les droits de l'homme et les valeurs héritées de 1789.
C'est d'ailleurs cette France là qu'étaient venus rejoindre des juifs du monde entier. Pourchassés, ils étaient venus trouver asile et refuge, pour en fin de compte être trahis et livrés à l'horreur, et à la mort.
Le Président de la République Jacques Chirac, le Premier Ministre, Lionel Jospin ont rappelé avec clarté les faits et les responsabilités françaises.
Elles devaient être connues, elles devaient être dites. Elles doivent chaque année en ce lieu être rappelées.
Affrontant avec lucidité l'une des pages les plus noires de son histoire, notre pays peut, avec volonté, trouver en lui-même la force de conjurer le retour au fanatisme, aux idéologies fascistes, xénophobes et racistes qui ont rendu possible le régime nazi et la collaboration, mais aussi ces trahisons et lâchetés individuelles, ces faiblesses coupables, ces complicités conscientes ou acceptées qui ont permis cette terrible rafle de juillet 1942.
Aussi faut-il dans le même mouvement souligner que le Régime de Vichy n'était pas la République et que le maréchal Pétain avait tenu a en abandonner non seulement les principes mais aussi le nom !
Aussi faut-il rappeler qu'une autre France dans l'ombre ou à Londres, refusait ces abandons, résistait, s'organisait avec le Général de Gaulle pour libérer le pays et restaurer la République.
Aussi faut-il rendre hommage à ces "justes" qui ont su cacher, recueillir, protéger des juifs ou des personnes menacées de génocide prenant souvent des risques considérables mais n'écoutant que leur conscience.
Pendant ce naufrage de l'humanité, des hommes, des femmes se sont levés pour sauver des vies et pour porter l'honneur de la France.
Cette commémoration doit être un moment d'alerte de nos consciences et d'appel à notre civisme.
La République, pour acquise qu'elle soit, demeure toujours à conquérir, à dépasser et à défendre.
Elle a besoin de l'engagement actif et éclairé des citoyens pour que la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" passe du fronton de nos édifices au cur de chacun d'entre nous et qu'elle guide aussi bien nos choix collectifs que nos actes personnels.
Si nous savons relever ces défis, nous pouvons alors raisonnablement espérer que la France du 21ème siècle pourra définitivement éviter les drames et les tragédies et la honte qui ont marqué le précédent.
Les leçons de l'histoire ne suffisent pas à éviter la résurgence des idéologies les plus destructrices, ni même des crimes abominables commis au nom de la pureté des races. Il suffit d'évoquer Vuckovar, Sebrenica les drames humanitaires de l'Afrique et du Kosovo pour prendre la mesure des risques et des horreurs qui demeurent.
Rien n'est bien sûr comparable à la shoah ! Mais comme le disait
Berthold Brecht : le ventre de la bête immonde est encore fécond !
Dans notre Europe, aujourd'hui encore, on voit ressurgir et même parfois se développer des partis qui exaltent les grandeurs du 3ème Reich, certaines coalitions gouvernementales leur permettent même parfois d'accéder au pouvoir. Sommes-nous suffisamment vigilants ?
59 ans après la rafle du Vel d'Hiv, on a vu, il y a quelques mois, en plein cur de Paris, des synagogues menacées et des juifs molestés. Une vague d'antisémitisme s'est manifestée dans plusieurs villes de France en prenant le prétexte du conflit au Proche-Orient.
Il faut le répéter haut et fort, la République Française permet à chacun de défendre pacifiquement son point de vue, ses idées, de pratiquer sa religion, ou de n'en pratiquer aucune, elle s'engage à garantir à tous les mêmes droits, et à protéger chacun, mais elle doit être sans faiblesse quand certains en sapent les fondements.
La République doit aussi être concrète et émancipatrice pour être convaincante. Oui convaincre ! Convaincre les jeunes, tous les jeunes qui vivent dans notre beau pays, qu'en toute circonstance il faut bannir le racisme, l'antisémitisme, la violence, l'intolérance mais aussi l'indifférence au sort de l'autre, le manque de respect à quiconque. Les convaincre qu'ils doivent à leur façon être des "justes".
Il n'y a pas d'avenir sans mémoire. Veillons à ce que nos enfants gardent la mémoire de cette journée du 16 juillet 1942 et le souvenir des millions de petites Marie écrivant à leur père.
Faisons vivre la République pour que se transmette de générations en générations, le serment des déportés.
" Plus jamais ça ! "
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 27 juillet 2001)
Mesdames, Messieurs les élus de Paris,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs les présidents,
Monsieur le grand Rabbin,
Messieurs les représentants des cultes
Mesdames et Messieurs,
" J'espère que je te reverrai bientôt, essaie de me faire sortir ainsi je serai avec toi, ici je perds toutes mes forces. J'ai beaucoup maigri, je suis encore malade. J'ai attrapé une autre maladie, la varicelle. Il y a des gens qui disent qu'on va libérer les enfants qui ont moins de 16 ans. J'espère que j'aurai la réponse le plus tôt possible. Sois en bonne santé, surtout ne tombe pas malade comme moi je le fais. Ne t'ennuie pas comme moi car je pleure souvent en pensant à toi. Ta petite fille qui t'aime et qui t'embrasse bien fort ".
Marie n'avait pas encore onze ans lorsqu'elle écrivit à son père du camp de Pithiviers cette lettre de petite fille. Elle est morte gazée à Auschwitz, le 23 septembre 1942. Comme près de 12 000 enfants juifs de France, elle a été déportée durant la seconde guerre mondiale.
Ces paroles d'enfant, ces mots simples, plein d'humanité tranchent avec la barbarie Nazie, l'horreur du génocide, avec l'infamie de cette rafle du mois de juillet 1942, décidée, planifiée et réalisée par des français. Marie est perdue dans l'anonymat de cette abominable recensement établi avec une froide précision par la Préfecture de Police de Paris quelques jours après les arrestations du Vel d'Hiv : "les opérations de ramassage des juifs effectuées depuis le 16 juillet courant donnaient hier à 17h00 les résultats suivants : 3018 hommes, 5919 femmes, 4115 enfants, soit au total 13.052 arrestations".
Aujourd'hui, nous sommes réunis pour commémorer les victimes des persécutions racistes et antisémites commises sous "l'autorité de fait" dite " gouvernement de l'Etat français ". La date du 16 juillet a été retenue par le Président François Mitterrand comme l'illustration de la collaboration de l'Etat Français avec les nazis. Un jour de deuil et de honte.
Nos premières pensées vont bien sûr à toutes ces femmes, ces hommes et ces enfants qui parce qu'ils étaient juifs furent d'abord fichés, persécutés, arrêtés, déportés puis exterminés.
Elles vont à celles et ceux qui vécurent cette tragédie du Vel d'Hiv, mais au delà, à tous ceux qui furent déportés dans les camps de la mort, au nom de leur race, de leur religion, de leurs différences, victimes de ce génocide.
Rappelons-nous que quelques semaines plus tard, en Août et Septembre 1942, onze mille juifs furent arrêtés dans les départements de la zone libre rassemblés dans des camps et transportés sur ordre du gouvernement de vichy, au camp de Drancy, puis à Auschwitz.
Certains prétendaient faire d'eux de simples numéros voués à l'oubli et à la disparition ultime. Ainsi, plus qu'à tout autre, leur devons-nous la mémoire, la reconnaissance, la restitution en mesurant hélas la part d'irréparable.
Irréparables oui ces morts et ces souffrances, toutes uniques et personnelles, imprescriptible affront à la dignité humaine. Des français, une administration française ont ce jour là commis l'irréparable. Ils ont agit froidement, bafouant ce qui devait pourtant être l'essence même de la France, à savoir, les droits de l'homme et les valeurs héritées de 1789.
C'est d'ailleurs cette France là qu'étaient venus rejoindre des juifs du monde entier. Pourchassés, ils étaient venus trouver asile et refuge, pour en fin de compte être trahis et livrés à l'horreur, et à la mort.
Le Président de la République Jacques Chirac, le Premier Ministre, Lionel Jospin ont rappelé avec clarté les faits et les responsabilités françaises.
Elles devaient être connues, elles devaient être dites. Elles doivent chaque année en ce lieu être rappelées.
Affrontant avec lucidité l'une des pages les plus noires de son histoire, notre pays peut, avec volonté, trouver en lui-même la force de conjurer le retour au fanatisme, aux idéologies fascistes, xénophobes et racistes qui ont rendu possible le régime nazi et la collaboration, mais aussi ces trahisons et lâchetés individuelles, ces faiblesses coupables, ces complicités conscientes ou acceptées qui ont permis cette terrible rafle de juillet 1942.
Aussi faut-il dans le même mouvement souligner que le Régime de Vichy n'était pas la République et que le maréchal Pétain avait tenu a en abandonner non seulement les principes mais aussi le nom !
Aussi faut-il rappeler qu'une autre France dans l'ombre ou à Londres, refusait ces abandons, résistait, s'organisait avec le Général de Gaulle pour libérer le pays et restaurer la République.
Aussi faut-il rendre hommage à ces "justes" qui ont su cacher, recueillir, protéger des juifs ou des personnes menacées de génocide prenant souvent des risques considérables mais n'écoutant que leur conscience.
Pendant ce naufrage de l'humanité, des hommes, des femmes se sont levés pour sauver des vies et pour porter l'honneur de la France.
Cette commémoration doit être un moment d'alerte de nos consciences et d'appel à notre civisme.
La République, pour acquise qu'elle soit, demeure toujours à conquérir, à dépasser et à défendre.
Elle a besoin de l'engagement actif et éclairé des citoyens pour que la devise "Liberté, Egalité, Fraternité" passe du fronton de nos édifices au cur de chacun d'entre nous et qu'elle guide aussi bien nos choix collectifs que nos actes personnels.
Si nous savons relever ces défis, nous pouvons alors raisonnablement espérer que la France du 21ème siècle pourra définitivement éviter les drames et les tragédies et la honte qui ont marqué le précédent.
Les leçons de l'histoire ne suffisent pas à éviter la résurgence des idéologies les plus destructrices, ni même des crimes abominables commis au nom de la pureté des races. Il suffit d'évoquer Vuckovar, Sebrenica les drames humanitaires de l'Afrique et du Kosovo pour prendre la mesure des risques et des horreurs qui demeurent.
Rien n'est bien sûr comparable à la shoah ! Mais comme le disait
Berthold Brecht : le ventre de la bête immonde est encore fécond !
Dans notre Europe, aujourd'hui encore, on voit ressurgir et même parfois se développer des partis qui exaltent les grandeurs du 3ème Reich, certaines coalitions gouvernementales leur permettent même parfois d'accéder au pouvoir. Sommes-nous suffisamment vigilants ?
59 ans après la rafle du Vel d'Hiv, on a vu, il y a quelques mois, en plein cur de Paris, des synagogues menacées et des juifs molestés. Une vague d'antisémitisme s'est manifestée dans plusieurs villes de France en prenant le prétexte du conflit au Proche-Orient.
Il faut le répéter haut et fort, la République Française permet à chacun de défendre pacifiquement son point de vue, ses idées, de pratiquer sa religion, ou de n'en pratiquer aucune, elle s'engage à garantir à tous les mêmes droits, et à protéger chacun, mais elle doit être sans faiblesse quand certains en sapent les fondements.
La République doit aussi être concrète et émancipatrice pour être convaincante. Oui convaincre ! Convaincre les jeunes, tous les jeunes qui vivent dans notre beau pays, qu'en toute circonstance il faut bannir le racisme, l'antisémitisme, la violence, l'intolérance mais aussi l'indifférence au sort de l'autre, le manque de respect à quiconque. Les convaincre qu'ils doivent à leur façon être des "justes".
Il n'y a pas d'avenir sans mémoire. Veillons à ce que nos enfants gardent la mémoire de cette journée du 16 juillet 1942 et le souvenir des millions de petites Marie écrivant à leur père.
Faisons vivre la République pour que se transmette de générations en générations, le serment des déportés.
" Plus jamais ça ! "
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 27 juillet 2001)