Point de presse de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec divers médias le 23 janvier 2012 à Bruxelles, sur le renforcement des sanctions de l'UE contre l'Iran et la Syrie, et leur levée progressive avec la Birmanie.

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Circonstance : Réunion Conseil Affaires étrangères à Bruxelles le 23 janvier 2012

Texte intégral

Nous avons bien travaillé aujourd’hui, ce Conseil a été très consensuel. D’abord sur l’Iran, vous connaissez notre position, notre objectif est de faire en sorte que l’Iran renonce à son programme nucléaire militaire et se conforme aux résolutions du Conseil de sécurité et du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique. La voie du dialogue est toujours ouverte, mais l’Iran refuse de s’y engager avec transparence et honnêteté intellectuelle, si je puis dire.
Donc, pour éviter toute solution militaire qui pourrait avoir des conséquences irréparables, nous sommes décidés à aller plus loin dans la voie des sanctions. Nous avons donc adopté, par consensus, des sanctions très fortes concernant les avoirs de la banque centrale et les exportations pétrolières de l’Iran, avec une période transitoire pour ceux des États membres qui sont les plus dépendants de leur approvisionnement en provenance d’Iran. Je pense donc que c’est une bonne décision, qui envoie un signal fort et qui, je l’espère, convaincra l’Iran qu’il doit changer de position, qu’il doit changer de ligne et accepter le dialogue que nous lui proposons.
Nous avons ensuite parlé de la Syrie. Là encore, nous avons renforcé les sanctions. Il y a une large unanimité sur l’analyse de la situation. Nous avons regardé attentivement les dernières propositions de la Ligue arabe, nous soutenons cette initiative. J’ai observé, pour ma part, que ce rapport dénonçait tout particulièrement la responsabilité du régime syrien dans la violence, y compris la nécessité pour le régime de se conformer aux engagements qu’il a pris sur les quatre points fondamentaux que vous connaissez : l’arrêt de la répression, le retour de l’armée dans les casernes, la libération des prisonniers et le libre accès des médias internationaux en Syrie. Nous avons donc à continuer à appuyer ce processus, le renforcement de l’équipe des observateurs, la proposition aussi de recherche d’une solution de transition et de réconciliation nationales. Et ce que nous souhaitons aussi, c’est que la Ligue arabe puisse se rapprocher du Secrétaire général des Nations unies de façon à pouvoir s’appuyer sur les Nations unies.
Enfin, un petit coin de ciel bleu dans un horizon un peu bouché, la Birmanie. J’ai moi-même rendu compte de mon récent déplacement au Myanmar, pour constater qu’il se passe vraiment quelque chose, quelque chose d’important, une vraie volonté de la part des autorités birmanes de libéraliser, de démocratiser le régime, avec des décisions concrètes. Le jour où je suis arrivé sur place, 651 prisonniers ont été relâchés, dont la plupart des prisonniers politiques. Il y a eu aussi la mise en place de nouvelles législations sur le droit de grève, le droit d’association et le droit de manifestation. Et des élections partielles vont se dérouler le 1er avril. Bref tout ceci constitue un processus encourageant. Mes entretiens avec Ang San Suu Kyi m’ont convaincu qu’elle-même était dans un processus de dialogue avec les autorités. J’ai rencontré aussi les représentants d’autres formations de l’opposition qui sont dans les mêmes dispositions d’esprit.
Et il nous est donc apparu qu’il était nécessaire d’envoyer un signal de soutien à ce mouvement de démocratisation, en commençant à lever des sanctions. En commençant, parce que nous allons garder en réserve un certain nombre de moyens d’actions. Nous allons observer ce qui va se passer d’abord sur la libéralisation complète des prisonniers - il y a encore des cas à élucider - ; deuxièmement sur le déroulement des élections que nous voulons bien sûr libres et transparentes ; et puis enfin, sur le cessez-le-feu et le dialogue politique avec les minorités ethniques, qui constitue un des défis les plus importants pour le régime.
Et si ce processus de démocratisation se poursuit, nous irons plus loin dans la levée des sanctions. Nous avons commencé par lever les interdictions de visas pour un certain nombre de personnalités et puis nous progresserons au fur et à mesure que le régime progressera aussi.
Q - Sur l’embargo quels sont les risques de voir les prix du pétrole augmenter à la suite de la décision de l’Union européenne ?
R - À mon avis quasi nuls puisque d’autres pays producteurs se sont déclarés prêts à faire la différence.
Q - Quelles conséquences concrètes ces sanctions vont avoir sur l’économie iranienne ?
R - Cela veut dire des choses très précises, cela veut dire qu’on va paralyser progressivement l’activité économique de l’Iran et priver peu à peu le régime de ses ressources. Je sais bien qu’on peut être très sceptique sur les sanctions, dire que cela ne sert à rien, mais c’est mieux que de faire la guerre. Et je voudrais simplement rappeler à propos de la Birmanie, évidemment c’est une question de temps ; une des raisons qui m’a été donnée pour ce changement subit d’orientation du régime c’est que précisément celui-ci a pris conscience de son isolement du fait des sanctions, et de la nécessité d’en sortir. Vous voyez que les sanctions peuvent conduire à des évolutions positives.
Q - Les sanctions sur l’Iran seront elles appliquées par d’autres pays, comme la Chine ?
R - Bien sûr, nous souhaitons qu’elles soient appliquées par le plus grand nombre de pays possibles. J’étais au Japon il y a dix jours, il y a des questions qui se posent au Japon. À l’époque où j’y étais, le gouvernement japonais n’était pas exactement unanime, et j’espère que la réflexion a pu progresser en ce sens. Je vous rappelle que le Congrès américain a déjà pris les mêmes sanctions, ensuite signées et transposées dans la législation américaine par le président Obama.
Q - Y a-t-il des sanctions supplémentaires envisageables si cette pression ne suffit pas ?
R - Je crois que l’on a été au bout des sanctions, on peut toujours réfléchir à d’autres étapes mais, là, ce sont des étapes très significatives, ce sont vraiment des sanctions sans précédent.
Q - Quelle solution pour des pays comme la Grèce qui ont des accords privilégiés avec l’Iran ?
R - Eh bien, je vous ai dit que nous allons laisser à la Grèce un peu de temps pour s’adapter, nous allons l’aider à trouver des ressources de substitution. Ces ressources existent puisque, comme je l’ai rappelé, un certain nombre de pays pétroliers producteurs ont dit qu’ils étaient disposés à augmenter leur production, la quantité de barils à trouver n’est pas gigantesque, c’est de l’ordre de 1,5 million à 2 millions de barils par jour.
Q - Et sur la Turquie ?
R - On n’en a pas parlé ce matin, on va en parler suffisamment à Paris. Vous connaissez mon point de vue.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2012