Extraits de l'entretien de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes, avec le quotidien "Ouest France" le 20 janvier 2012, sur les dossiers internationaux et européen, notamment la répression en Syrie et la crise en Grèce.

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Média : Ouest France

Texte intégral

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Q - Chaque jour, la répression continue en Syrie. Comment arrêter ce massacre ?
R - Ce qui se passe en Syrie est une tragédie épouvantable, avec plus de 5.000 morts, des milliers de prisonniers, la torture et un régime qui s’entête et qui provoque. Quand on entend Bachar el-Assad dire qu’il n’a jamais donné l’ordre de tirer sur des populations civiles, on ne peut qu’être indigné. C’est vrai, nous sommes aujourd’hui dans une impasse. Le Conseil de sécurité est paralysé du fait d’une position rigide de la Russie, de la Chine mais aussi de quelques pays émergents.
Q - L’envoi de troupes, comme le suggère le Qatar, est-elle une option envisageable ?
R - Dans le contexte régional actuel, nous ne travaillons pas à un tel scénario. En revanche, nous dialoguons avec l’opposition syrienne afin qu’elle se structure et s’ouvre à toutes les sensibilités.
Q - Depuis un an vous avez ouvert un dialogue avec les forces islamiques émergentes du monde arabe. Vous le prônez toujours ?
R - C’est la bonne direction. Continuer à refuser le dialogue avec le monde islamique aurait été une grave erreur. J’ai posé des critères : respect de la démocratie, des droits de l’Homme, de la femme et des minorités, refus de la violence. Certes, le bilan est contrasté. Il est positif au Maroc et en Tunisie, où un parti comme Ennahda affirme vouloir respecter les principes fondamentaux qui sont les nôtres. En Égypte, c’est plus compliqué. La poussée des salafistes a surpris, même les Frères musulmans ne l’avaient pas prévue. Je refuse en tout cas de considérer qu’islam et démocratie sont par nature incompatibles.
Q - Compliqué en Libye aussi, où a été reçu le président soudanais alors qu’il est recherché pour génocide au Darfour par la Cour pénale internationale. Paris n’a rien à dire ?
R - Du point de vue de la France, cette visite à Tripoli du président Béchir est très regrettable. Nous l’avons dit aux Libyens lorsque nous l’avons appris. Cela dit, la France soutient pleinement la Libye dans son travail de reconstruction.
Q - Venons-en à l’euro. La Grèce peut-elle éviter la faillite ?
R - Oui, si tout le monde fait ce qui a été décidé. Tout doit être fait pour éviter une telle sortie.
Q - L’excès d’austérité ne constitue-t-il pas une menace ?
R - Je tire mon chapeau aux responsables portugais, espagnols, italiens, qui mettent en place des politiques très rudes. Elles sont plus ou moins bien supportées par les opinions, mais elles sont incontournables. Quand on est surendetté, il faut réduire les déficits. Cela dit, l’Europe doit accompagner ces efforts de politiques de soutien à l’activité. La France et l’Allemagne feront des propositions en ce sens le 30 janvier, au prochain sommet. (…).source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2012