Texte intégral
Monsieur le Président,
Nous sommes réunis aujourdhui pour que le Conseil de sécurité prenne ses responsabilités face à un peuple qui souffre, dans une région où la paix est menacée par la dérive sanglante dun régime à bout de souffle. Le silence de notre Conseil depuis des mois nest pas acceptable. Cest lhonneur de la Ligue arabe de venir ladjurer aujourdhui de se reprendre. La France appelle solennellement le Conseil à être à la hauteur de la mission que lui confie la Charte des Nations unies, en se portant au secours dun peuple et dune région qui ne veulent que la paix et le respect de leur dignité.
La Ligue arabe agit, elle est allée au bout de ce quelle peut faire pour répondre aux exigences de la situation : suspension de la Syrie de la Ligue, envoi dune mission dobservateurs, définition dun plan de transition politique. Je veux saluer lengagement courageux de la Ligue dans le conflit syrien. Je veux saluer la présence parmi nous de son Secrétaire général, Nabil Al Arabi, et du Premier ministre du Qatar, Hamad Ben Jassem et les remercier pour la présentation quils viennent de faire. Je veux saluer aussi la décision du Royaume du Maroc de porter devant nous le projet de résolution que la France soutient pleinement. Je veux enfin saluer leffort collectif de tous les États de la Ligue arabe : jai bien conscience que les décisions sur la situation en Syrie sont particulièrement difficiles à prendre et à mettre en uvre pour certains dentre eux, ne serait-ce que du fait de leur proximité géographique avec Damas.
Aujourdhui, je le répète, nous nous réunissons pour que cesse le silence scandaleux de ce Conseil. Je dis bien scandaleux et je vais essayer dexpliquer lusage de cet adjectif.
Quelle est la situation aujourdhui en Syrie ? Un peuple sest levé pour défendre sa liberté. Les mots ne suffisent plus pour décrire lhorreur dune répression sauvage. Dire quelle se dégrade, quelle est dramatique ne permet pas dapprocher la réalité. 5.400 morts selon les Nations unies ! 384 enfants assassinés selon lUNICEF ! 15.000 prisonniers ! 15.000 réfugiés ! La torture au quotidien !
Jai depuis longtemps qualifié certaines actions du régime de crimes contre lhumanité. La Commission denquête internationale du Conseil des droits de lHomme est venue confirmer cette qualification. Au-delà des chiffres, ce sont des visages denfants torturés, des corps de femmes violentées, des milliers dêtres humains victimes de la répression qui doivent guider notre action. La situation humanitaire se dégrade chaque jour un peu plus : jusquà quel degré dhorreur faudra-t-il arriver pour que ce Conseil exige une cessation des violations des droits de lHomme et le libre accès de lassistance humanitaire ?
Chaque État a la responsabilité de protéger sa population civile. Non content de ne pas protéger sa population, le régime syrien la massacre sans retenue, de manière honteuse. Ce comportement a des conséquences directes sur la paix et la sécurité internationales : des milliers de réfugiés fuient les combats, violations de la souveraineté des États voisins, tensions communautaires accrues, autant de répercussions directes sur la stabilité dune région déjà fragile. Sans même évoquer la responsabilité de protéger, ces conséquences régionales suffisent à établir la responsabilité de ce Conseil.
Comment celle-ci pourrait-elle prêter à discussion ? La France na eu de cesse dappeler à des décisions de ce Conseil, dy travailler, de les soumettre au vote. Sans succès, si lon met de côté la déclaration présidentielle du 3 août. Est-ce acceptable ? Je ne le pense pas. Est-ce scandaleux ? Jen suis convaincu.
Bien entendu, nous avons poursuivi notre action en dépit de ce silence. Par onze fois, lUnion européenne a alourdi les sanctions qui pèsent sur le régime et sur ses protagonistes. La France y a beaucoup uvré. Nous avons établi des liens avec lopposition pacifique : jai rencontré, à plusieurs reprises, les dirigeants du Conseil national syrien qui est pour nous un interlocuteur légitime et dont je salue les efforts dunification de lopposition.
Mais notre action, quelque déterminée quelle soit, celle de lUnion européenne, celle de la Ligue arabe ne peuvent pas remplacer celle de ce Conseil. Par la légitimité que lui donne la Charte des Nations unies, cest lui qui peut exprimer avec autorité la volonté de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité est la clé de voûte de la paix et de la sécurité internationales. Pour le rester, il est de son devoir de se prononcer sur des cas aussi graves que la Syrie.
Comment ? En adoptant rapidement et avec un large soutien, le projet de résolution présenté par le Maroc. Ce texte apporte le soutien de notre Conseil à la Ligue arabe, qui, forte de limplication cruciale des acteurs régionaux, est aujourdhui la seule à offrir une perspective réaliste de sortie politique.
Deux éléments sont essentiels dans ce texte :
- Dabord, il condamne sans équivoque la répression à laquelle se livre le régime, sans tomber dans le piège dun pseudo-parallélisme entre celle-ci et les actions des opposants sur le terrain. Car si une minorité a recours à laction violente, cest à mains nues face à la violence aveugle du régime que lécrasante majorité des Syriens descend chaque jour courageusement dans la rue. Cest avec beaucoup de respect que nous devons nous incliner devant ces femmes et ces hommes, devant ces Syriens qui chaque jour marchent pour leur liberté en sachant quune balle de la répression peut les tuer à tout moment.
Je voudrais, puisque ceci a été évoqué, mincliner à la mémoire de Gilles Jaquier, le journaliste français mort dans lexercice de ses fonctions. Je ne permettrai pas quon instrumentalise ce décès. Il revenait aux autorités syriennes de lui accorder toute la protection nécessaire. Je comprends que cela na pas été le cas. Quant au rapport de la Commission de la Mission dobservation qui nous a été distribué, il ne tranche pas véritablement sur lorigine des échanges de tirs qui ont causé la mort de mon compatriote. Certes la mission indique que le journaliste a été tué par des tirs de mortiers de lopposition mais cette thèse nest pas endossée par la Ligue arabe et nous attendons toujours que les autorités syriennes fassent toute la lumière sur cet épisode.
- Deuxième élément essentiel : ce projet apporte le soutien du Conseil à linitiative de la Ligue arabe dans ses trois volets principaux : lexigence dun arrêt de la violence ; la demande du libre accès des observateurs ; et surtout, pour la première fois, la définition dun processus politique crédible de transition. Il appartiendra à la Ligue arabe de la mettre en uvre. Notre responsabilité est de ly aider, en adressant au régime syrien le message clair que la communauté internationale est unie derrière les efforts arabes.
Certes, nous aurions voulu pour notre part que le Conseil aille plus loin. Mais nous avons besoin dune réponse rapide qui ouvre enfin une perspective de sortie de cette crise épouvantable. Nous sommes donc prêts à voter dès maintenant le texte proposé par le Maroc.
Certains évoquent parfois la comparaison avec le conflit en Libye. Cest un pur prétexte. Il y a, à les en croire, un plan visant à aboutir à une intervention militaire en Syrie. Cest une chimère. Rien, absolument rien, dans le projet de résolution diffusé aux membres du Conseil par le représentant permanent du Maroc, ne peut être interprété comme une autorisation de recours ?? la force. Ce projet nest pas placé sous chapitre VII. Nous ne préparons pas dopération militaire.
La tragédie que vit le peuple syrien suffit amplement à expliquer notre action. Notre objectif est simple : trouver une sortie de crise pacifique qui permette à ce peuple dexprimer librement ses aspirations. Au peuple syrien, à ces différentes composantes, et à personne dautre : nous navons nulle intention dimposer de lextérieur un quelconque régime politique. Cest aux Syriens quil appartiendra de le faire librement.
La Ligue arabe offre la seule perspective viable pour parvenir à cet objectif. Saisissons-là. Dépassons nos différends et soutenons le plan qui nous est aujourdhui présenté. Soyons à la hauteur de nos responsabilités, du devoir politique et moral que nous impose le soulèvement pacifique du peuple syrien inspiré par lélan des printemps arabes.
Mesdames, Messieurs,
Il ny a plus de temps à perdre. En moins dun an, la répression a fait plus de 5.000 morts. Chaque semaine perdue se traduit par des centaines de morts supplémentaires ; chaque jour perdu se traduit par des dizaines de nouveaux morts. À la mémoire de toutes les victimes, jexhorte les membres de ce Conseil à voter sans attendre ce texte pour que senclenche un processus politique qui permette de mettre un terme au cauchemar syrien.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2012
Nous sommes réunis aujourdhui pour que le Conseil de sécurité prenne ses responsabilités face à un peuple qui souffre, dans une région où la paix est menacée par la dérive sanglante dun régime à bout de souffle. Le silence de notre Conseil depuis des mois nest pas acceptable. Cest lhonneur de la Ligue arabe de venir ladjurer aujourdhui de se reprendre. La France appelle solennellement le Conseil à être à la hauteur de la mission que lui confie la Charte des Nations unies, en se portant au secours dun peuple et dune région qui ne veulent que la paix et le respect de leur dignité.
La Ligue arabe agit, elle est allée au bout de ce quelle peut faire pour répondre aux exigences de la situation : suspension de la Syrie de la Ligue, envoi dune mission dobservateurs, définition dun plan de transition politique. Je veux saluer lengagement courageux de la Ligue dans le conflit syrien. Je veux saluer la présence parmi nous de son Secrétaire général, Nabil Al Arabi, et du Premier ministre du Qatar, Hamad Ben Jassem et les remercier pour la présentation quils viennent de faire. Je veux saluer aussi la décision du Royaume du Maroc de porter devant nous le projet de résolution que la France soutient pleinement. Je veux enfin saluer leffort collectif de tous les États de la Ligue arabe : jai bien conscience que les décisions sur la situation en Syrie sont particulièrement difficiles à prendre et à mettre en uvre pour certains dentre eux, ne serait-ce que du fait de leur proximité géographique avec Damas.
Aujourdhui, je le répète, nous nous réunissons pour que cesse le silence scandaleux de ce Conseil. Je dis bien scandaleux et je vais essayer dexpliquer lusage de cet adjectif.
Quelle est la situation aujourdhui en Syrie ? Un peuple sest levé pour défendre sa liberté. Les mots ne suffisent plus pour décrire lhorreur dune répression sauvage. Dire quelle se dégrade, quelle est dramatique ne permet pas dapprocher la réalité. 5.400 morts selon les Nations unies ! 384 enfants assassinés selon lUNICEF ! 15.000 prisonniers ! 15.000 réfugiés ! La torture au quotidien !
Jai depuis longtemps qualifié certaines actions du régime de crimes contre lhumanité. La Commission denquête internationale du Conseil des droits de lHomme est venue confirmer cette qualification. Au-delà des chiffres, ce sont des visages denfants torturés, des corps de femmes violentées, des milliers dêtres humains victimes de la répression qui doivent guider notre action. La situation humanitaire se dégrade chaque jour un peu plus : jusquà quel degré dhorreur faudra-t-il arriver pour que ce Conseil exige une cessation des violations des droits de lHomme et le libre accès de lassistance humanitaire ?
Chaque État a la responsabilité de protéger sa population civile. Non content de ne pas protéger sa population, le régime syrien la massacre sans retenue, de manière honteuse. Ce comportement a des conséquences directes sur la paix et la sécurité internationales : des milliers de réfugiés fuient les combats, violations de la souveraineté des États voisins, tensions communautaires accrues, autant de répercussions directes sur la stabilité dune région déjà fragile. Sans même évoquer la responsabilité de protéger, ces conséquences régionales suffisent à établir la responsabilité de ce Conseil.
Comment celle-ci pourrait-elle prêter à discussion ? La France na eu de cesse dappeler à des décisions de ce Conseil, dy travailler, de les soumettre au vote. Sans succès, si lon met de côté la déclaration présidentielle du 3 août. Est-ce acceptable ? Je ne le pense pas. Est-ce scandaleux ? Jen suis convaincu.
Bien entendu, nous avons poursuivi notre action en dépit de ce silence. Par onze fois, lUnion européenne a alourdi les sanctions qui pèsent sur le régime et sur ses protagonistes. La France y a beaucoup uvré. Nous avons établi des liens avec lopposition pacifique : jai rencontré, à plusieurs reprises, les dirigeants du Conseil national syrien qui est pour nous un interlocuteur légitime et dont je salue les efforts dunification de lopposition.
Mais notre action, quelque déterminée quelle soit, celle de lUnion européenne, celle de la Ligue arabe ne peuvent pas remplacer celle de ce Conseil. Par la légitimité que lui donne la Charte des Nations unies, cest lui qui peut exprimer avec autorité la volonté de la communauté internationale. Le Conseil de sécurité est la clé de voûte de la paix et de la sécurité internationales. Pour le rester, il est de son devoir de se prononcer sur des cas aussi graves que la Syrie.
Comment ? En adoptant rapidement et avec un large soutien, le projet de résolution présenté par le Maroc. Ce texte apporte le soutien de notre Conseil à la Ligue arabe, qui, forte de limplication cruciale des acteurs régionaux, est aujourdhui la seule à offrir une perspective réaliste de sortie politique.
Deux éléments sont essentiels dans ce texte :
- Dabord, il condamne sans équivoque la répression à laquelle se livre le régime, sans tomber dans le piège dun pseudo-parallélisme entre celle-ci et les actions des opposants sur le terrain. Car si une minorité a recours à laction violente, cest à mains nues face à la violence aveugle du régime que lécrasante majorité des Syriens descend chaque jour courageusement dans la rue. Cest avec beaucoup de respect que nous devons nous incliner devant ces femmes et ces hommes, devant ces Syriens qui chaque jour marchent pour leur liberté en sachant quune balle de la répression peut les tuer à tout moment.
Je voudrais, puisque ceci a été évoqué, mincliner à la mémoire de Gilles Jaquier, le journaliste français mort dans lexercice de ses fonctions. Je ne permettrai pas quon instrumentalise ce décès. Il revenait aux autorités syriennes de lui accorder toute la protection nécessaire. Je comprends que cela na pas été le cas. Quant au rapport de la Commission de la Mission dobservation qui nous a été distribué, il ne tranche pas véritablement sur lorigine des échanges de tirs qui ont causé la mort de mon compatriote. Certes la mission indique que le journaliste a été tué par des tirs de mortiers de lopposition mais cette thèse nest pas endossée par la Ligue arabe et nous attendons toujours que les autorités syriennes fassent toute la lumière sur cet épisode.
- Deuxième élément essentiel : ce projet apporte le soutien du Conseil à linitiative de la Ligue arabe dans ses trois volets principaux : lexigence dun arrêt de la violence ; la demande du libre accès des observateurs ; et surtout, pour la première fois, la définition dun processus politique crédible de transition. Il appartiendra à la Ligue arabe de la mettre en uvre. Notre responsabilité est de ly aider, en adressant au régime syrien le message clair que la communauté internationale est unie derrière les efforts arabes.
Certes, nous aurions voulu pour notre part que le Conseil aille plus loin. Mais nous avons besoin dune réponse rapide qui ouvre enfin une perspective de sortie de cette crise épouvantable. Nous sommes donc prêts à voter dès maintenant le texte proposé par le Maroc.
Certains évoquent parfois la comparaison avec le conflit en Libye. Cest un pur prétexte. Il y a, à les en croire, un plan visant à aboutir à une intervention militaire en Syrie. Cest une chimère. Rien, absolument rien, dans le projet de résolution diffusé aux membres du Conseil par le représentant permanent du Maroc, ne peut être interprété comme une autorisation de recours ?? la force. Ce projet nest pas placé sous chapitre VII. Nous ne préparons pas dopération militaire.
La tragédie que vit le peuple syrien suffit amplement à expliquer notre action. Notre objectif est simple : trouver une sortie de crise pacifique qui permette à ce peuple dexprimer librement ses aspirations. Au peuple syrien, à ces différentes composantes, et à personne dautre : nous navons nulle intention dimposer de lextérieur un quelconque régime politique. Cest aux Syriens quil appartiendra de le faire librement.
La Ligue arabe offre la seule perspective viable pour parvenir à cet objectif. Saisissons-là. Dépassons nos différends et soutenons le plan qui nous est aujourdhui présenté. Soyons à la hauteur de nos responsabilités, du devoir politique et moral que nous impose le soulèvement pacifique du peuple syrien inspiré par lélan des printemps arabes.
Mesdames, Messieurs,
Il ny a plus de temps à perdre. En moins dun an, la répression a fait plus de 5.000 morts. Chaque semaine perdue se traduit par des centaines de morts supplémentaires ; chaque jour perdu se traduit par des dizaines de nouveaux morts. À la mémoire de toutes les victimes, jexhorte les membres de ce Conseil à voter sans attendre ce texte pour que senclenche un processus politique qui permette de mettre un terme au cauchemar syrien.
Je vous remercie.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 février 2012