Conférence de presse et interview aux agences de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les relations entre l'Union européenne et l'OTAN, notamment dans la question des Balkans, sur le projet américain de défense antimissile, sur les relations avec la Turquie et sur les relations avec la Russie, Budapest (Hongrie) le 29 mai 2001.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des ministres des affaires étrangères de l'OTAN à Budapest (Hongrie), les 29 et 30 mai 2001.

Texte intégral

CONFERENCE DE PRESSE
DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE
(Budapest, 29 mai 2001)

La réunion n'est pas finie, mais je viens vous voir maintenant, parce que je n'aurai pas le temps de le faire après.
Nous avons, ce matin, parlé des Balkans, pour constater que la situation globalement s'améliore, même s'il reste des problèmes très sérieux.
Les éléments positifs, c'est la bonne coopération Union européenne - OTAN, le retour, dans de bonnes conditions, de l'armée yougoslave dans cette zone du Kosovo, par ailleurs, la situation de la date pour les élections au Kosovo a été réglée. Le problème très sérieux, vous le savez, naturellement, c'est la Macédoine.
Nous avons entendu Javier Solana et discuté entre nous. L'état d'esprit général est un esprit de gravité et d'exigence, par rapport aux deux parties.
Nous resterons très engagés, car nous ne voulons pas que quelques extrémistes remettent en cause tout le travail constructif qui a été effectué ces dernières années.
Sur la défense européenne, je suis intervenu pour souligner trois points. Elle devient une réalité, étape après étape, selon un calendrier que vous connaissez et que nous avions fixé. Cela se passe en bonne intelligence, entre l'Union européenne et l'OTAN. Il y a de très nombreux problèmes d'ajustement, tout le monde le sait, naturellement, mais nous trouverons des solutions.
Troisième point que j'ai souligné : nous ne laisserons pas bloqué ce projet, sous quelque prétexte que ce soit.
Troisième grand sujet : la défense antimissile, le projet de la nouvelle administration américaine. A cet égard, j'ai souligné quatre points. Premièrement, je me suis réjoui, comme tous mes collègues, qu'une concertation véritable ait commencé entre l'Administration américaine et ses alliés. J'ai noté que personne, dans les projets ou les interventions, ne remettait en cause le principe de la dissuasion.
J'ai rappelé l'importance des politiques et des accords multilatéraux, notamment en matière de désarmement et de contrôle des armements.
Ils sont fondamentaux pour notre sécurité, mais ils doivent être encore perfectionnés.
Mon dernier point était pour dire que puisque la concertation commence entre les Américains et leurs alliés, on ne peut pas conclure sur ces sujets, avant que la concertation ait eu lieu.
Compte tenu de tout ce que je viens de rappeler, nous jugeons très satisfaisant le communiqué sur lequel nous nous sommes mis d'accord.
Je ne sais pas s'il est connu d'ailleurs, encore, non. En tout cas, l'accord est fait sur ce communiqué. Voilà.
Q - Quand, pensez-vous pouvoir aboutir à un accord avec la Turquie sur les questions qui restent en suspens et quelles concessions pourraient être faites ?
R - Quand, et bien, le plus tôt, possible, je l'espère. Deuxièmement, je ne parlerai pas de concessions. Ce projet ne porte pas atteinte aux intérêts de la Turquie.
Il est dans l'intérêt des Européens, comme de l'Alliance toute entière, donc y compris de la Turquie.
Il y avait forcément des arrangements à négocier pour combiner les positions différentes, des pays de l'Union européenne qui sont membres de l'OTAN et ceux qui ne le sont pas, des membres de l'Alliance qui sont dans l'Union ou ceux qui ne le sont pas. Mais, cela a été fait tout cela. Cela a été fait et adopté à dix. Donc, je pense que les Turcs devraient le comprendre.
Q - Vous avez dit que vous ne permettriez pas que le projet soit bloqué, quelques soient les prétextes, alors, quels sont ces prétextes, et qui bloque ?
R - Cette phrase se suffit à elle-même.
Q - Alors, quelle est la position française, Monsieur le Ministre, sur la réduction des forces en Bosnie et quelle est votre appréciation des différences de points de vues ou de différences de points mis en avant par M. Rumsfeld ou M. Powell sur la question des réductions des forces plus généralement ?
R - Je ne vais pas faire de commentaires sur les différences de position, assez traditionnelles, d'ailleurs, entre le Département d'Etat et le Pentagone. Il y a longtemps que je connais ces deux administrations prestigieuses, et, donc, les réflexes ne sont pas forcément les mêmes, mais, je crois que c'est indépendant des chefs et des titulaires. Donc, je répondrais plutôt pour dire, quand nous nous sommes engagés dans les Balkans, américains et européens, nous nous sommes engagés, pas pour quelques semaines. C'est un engagement de longue durée, nécessairement. Je ne souhaite pas que ce soit long. Bien sûr. Mais, si cela doit être long, il faut être capable d'assumer nos responsabilités. Cela n'aurait pas eu de sens de mener ces politiques, qui, je crois sont les bonnes depuis quelques années, et de s'arrêter au milieu. Pour le moment, il est clair que la SFOR, comme la KFOR, sont des éléments fondamentaux encore de la stabilité de la région. Cela dit, cela ne devrait pas interdire des ajustements et c'est tout à fait légitime qu'un pays ou un autre veuille adapter sa participation à un moment donné à telle ou telle conjoncture. Mais, il ne faut pas remettre en cause, à ce stade, on ne peut pas se le permettre, le principe de notre engagement.
Q - Vous avez parlé tout à l'heure d'ajustements et de difficultés sur ces ajustements et pourriez-vous nous en dire plus, si ces difficultés d'ajustement viennent de la partie européenne ou de la partie américaine ?
R - Je ne parlais pas de difficultés actuelles, je parlais de celles que nous avons déjà dues résoudre avant. Donner à l'Union européenne des moyens en matière de défense, alors que la plupart des pays de l'Union européenne font partie de l'Alliance Atlantique, supposait évidemment, que l'on ajuste les deux choses. C'est cela que je voulais dire. A plusieurs niveaux. D'abord, qu'il y ait une bonne compréhension politique entre les dirigeants américains et européens sur l'objectif et je crois qu'à force de dialogue, nous y sommes parvenus, sous l'ancienne administration, et même, avec l'actuelle. Deuxièmement des arrangements OTAN-Union européenne, notamment avec les organes dont l'Union européenne se dote pour exercer cette nouvelle responsabilité. Ensuite, des arrangements concernant l'information, la consultation, etc., par rapport à des pays qui sont dans une situation particulière : les pays de l'Union européenne qui ne sont pas dans l'OTAN, les pays de l'OTAN qui ne sont pas dans l'Union européenne. Bon, comme je disais tout à l'heure, je crois que nous avons trouvé des solutions à tout cela et que si elles sont observées avec bonne foi et dans un esprit constructif, cela devrait marcher.
Q - Je suis désolé de devoir en revenir à la Turquie, mais pensez-vous que l'OTAN et l'Union européenne devrait trouver une solution, un accord, aujourd'hui ici à Budapest ?
R - On est dans la même situation qu'avant, dont je continue à souhaiter quelle soit provisoire. Il n'y a pas de raisons que ce soit un facteur de blocage persistant, en tout cas, il n'y a pas de raisons logiques.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 30 mai 2001)
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ENTRETIEN DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES,
M. HUBERT VEDRINE,
AVEC LES AGENCES DE PRESSE
(Budapest, 29 mai 2001)

Q - Quelle est votre position sur la décision du ministre du Logement israélien de construire 700 nouveaux logements dans deux colonies de la Cisjordanie ?
R - La décision de M. Chtaransky est regrettable, parce que c'est un acte unilatéral de plus et nous les déplorons, qu'ils viennent d'un côté ou de l'autre. Ce n'est pas cela qui va favoriser la désescalade et arrêter l'engrenage. D'autre part, c'est tout à fait contradictoire avec les conclusions de la Commission Mitchell qui ont été unanimement saluées en Europe et aux Etats-Unis et dans beaucoup d'autres pays et même acceptées sous certaines conditions en Israël ; donc ce n'est pas comme cela que l'on va améliorer les choses.
Q - Tout à fait autre chose : on se trouve ici à Budapest, les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN reçoivent le ministre russe des Affaires étrangères, c'était inimaginable il y a cinq ans cela ?
R - Oui, aujourd'hui cela paraît tout à fait naturel. Ce qui est frappant, c'est cette absence de spectaculaire lors de cette rencontre. Aujourd'hui, c'est tout à fait naturel que l'OTAN se réunisse à Budapest et que le ministre russe soit là, comme c'est d'ailleurs le cas depuis un certain nombre de réunions, de sommets, puisqu'il y a une dimension partenariat OTAN/Russie que la France avait contribué il y a quelques années à mettre en place.
Donc aujourd'hui, cela fait partie de la façon dont on travaille tous ensemble pour assurer la sécurité et la stabilité en Europe.
Q - Peut-on supposer que cela signifie que les Russes ne s'opposeront pas davantage à un nouvel élargissement vers l'est de l'Union ?
R - Non, c'est tout à fait différent. Les Russes se disent en tous cas radicalement hostiles à tout nouvel élargissement de l'OTAN ; donc ils disent qu'ils n'en voient pas la raison, ni les objectifs. Le fait qu'ils participent à plein aux procédures de concertation OTAN/Russie y compris ici à Budapest, ne change rien au reste de leurs positions.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mai 2001)