Interview de Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'Etat à la jeunesse et à la vie associative à RMC le 15 février 2012, sur la contraception des adolescents et le recours à l'IVG.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


 
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Jeannette BOUGRAB bonjour.
 
JEANNETTE BOUGRAB Bonjour.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Parlons des adolescentes. Pas des adolescentes, des jeunes filles qui ont moins de 18 ans et qui tombent enceintes. Le dernier chiffre 2010 : 18 000 jeunes filles mineurs qui sont tombées enceintes en France. Est-ce que ce chiffre progresse ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Alors le chiffre progresse, le nombre d’IVG de mineurs en fait a doublé depuis le depuis des années 90, et je disais on assiste à un phénomène très surprenant c’est à dire que les nouvelles héroïnes des adolescentes sont des jeunes filles mères. On se souvient du succès du téléfilm « Clem », on voit par exemple la chanson de Colonel REYEL qui cet été était sur les ondes, Aurélie, de cette gamine de 16 ans, qui tombe enceinte et qui garde un bébé, qui est mise à la porte et qui vit dans un HLM. Dans la série « Gli » pareil. Et donc on a une sorte de fascination alors qu’être enceinte à 14 ans c’est pas la normalité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Fascination, mais fascination pourquoi ? Est-ce qu’on a réfléchi à cette fascination ?
 
JEANNETTE BOUGRAB On n’a pas réfléchi…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Au-delà des exemples que vous donnez effectivement…
 
JEANNETTE BOUGRAB Moi je trouve ça irresponsable. Je trouve ça irresponsable parce que quand on est une enfant on n’a pas un enfant. Parce que la plupart du temps ces jeunes filles ont un bébé parce qu’elle manque d’information, parce qu’il n’y a pas d’éducation à la sexualité. Elles ont un enfant parce qu’elles sont victimes d’une certaine …
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Pas suffisamment d’éducation à la sexualité, au collège, au lycée par exemple ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Au collège, au lycée. Il y a un travail qui est formidable qui est fait par les infirmières scolaires, mais il fau aller plus loin parce que c’est la question du corps…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Qui sont débordés, qui ne sont pas assez nombreuses, mais ça c’est un autre débat.
 
JEANNETTE BOUGRAB C’est un autre débat, mais c’est plus large en réalité que ce débat, c’est le débat du corps parce qu’on a constaté par exemple une augmentation de certaines opérations comme la reconstitution de l’hymen. On voit assisté à une forme de régression de la question du corps de ces jeunes filles, le retour de la virginité…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN On voit aussi le recours à la chirurgie esthétique… de plus en plus fréquent.
 
JEANNETTE BOUGRAB Oui bien sur parce que des jeunes filles en fait elles savent très bien que si jamais leur famille apprenait qu’elle avait eu un rapport sexuel, elles seraient victimes de violence et de menace. Souvent ces jeunes filles ont un bébé parce qu’elles ont en détresse, en carence affective, et qu’elles pensent en réalité qu’avoir un enfant elles seront enfin aimées. Et enfin c’est le troisième point qu’on voulait signer, c’est que comme il n’y a pas de lieu ou éventuellement d‘adulte référent pour pouvoir parler de sujets qui interpellent ces adolescents… Quand on est adolescent on a du désir, on se pose des questions, il y a internet. Et il y a internet et il y a la pornographie. Et donc quand on sait que 30 % en réalité des films pornographiques sur internet sont vus par des gamins qui ont 13-14 ans, que presque 90 % des 15-17 ans ont vu un film porno dans l’année qui s’est écoulée, quand on sait que ces images dans ces films porno eh bien c’est pas … je dirais on est un peu loin par exemple des films de Brigitte LAHAIE qui est chroniqueuse sur RMC, ces films sont devenus extrêmement trash, des images d’une violences terribles, qui donnent en tout cas une représentation, une image de la sexualité qui n’est pas la réalité.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors vous souhaitez rendre gratuit et anonyme tous les moyens de contraception pour ces jeunes filles mineurs.
 
JEANNETTE BOUGRAB Je pense que c’est important, c’est important parce que beaucoup de jeunes filles n’ont pas accès…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Alors « je suis mineur, je vais dans une pharmacie, je peux acheter gratuitement – c’est ça – enfin je peux acheter gratuitement… je suis remboursé …, alors comment je peux faire ? ». Soyons concrets.
 
JEANNETTE BOUGRAB Alors aujourd’hui concrètement une jeune fille qui a 15 ou 16 ans qui a envie … Qui se pose des questions, elle a deux possibilités. Soit elle va dans un planning familial que tout le monde connait, soit elle va dans un centre de planification qui en fait est rattaché aux hôpitaux. Le problème c’est que des plannings il n’y en a pas sur tout le territoire. Donc il y a une vraie inégalité entre les zones rurales, y compris les zones urbaines sensibles, parce que certaines associations qui peuvent proposer des contraceptifs gratuits refusent d’aller dans certains quartiers parce qu’elles savent pertinemment que les jeunes filles qui sortiront de l’association se feront agresser parce qu’elles seront considérées comme des filles indignes. Voilà, en gros comme des filles faciles et elles se feront agresser par les jeunes hommes. Donc c’est la raison pour laquelle avec Israël NISAND, ce que l’on pense c’est qu’il faut travailler avec le réseau de professionnels, il faut travailler aujourd’hui… il y a le pass contraception, et c’est vrai que je rendrais hommage aux infirmières scolaires en Poitou-Charentes et en Ile de France, mais c’est pas suffisant. Ce n’est pas suffisant et c’est la raison pour laquelle on doit travailler avec les pharmaciens, avec les médecins généralistes, avec les gynécologues obstétriciens et donc il faut faire travailler ce réseau pour que n’importe quel point… Que vous soyez à Châteauroux, que vous soyez à Roubaix, que vous soyez à Béthune…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Concrètement « je suis une jeune fille, j’ai mon premier rapport sexuel… »…
 
JEANNETTE BOUGRAB Aujourd’hui, s’il n’y a pas de planning, et s’il n’y a pas de centre de planification ce n’est pas possible. Voilà, ce n’est pas possible. C’est la raison pour laquelle vous savez le cout d’une plaquette de pilules, vous savez aussi que ce mode de contraception n’est pas nécessairement adapté à des jeunes filles, que …
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc la pilule gratuite pour les jeunes filles de moins de 18 ans ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Ce qui est important, pas uniquement la pilule, il y a le patch, il y a l’implant, parce que souvent vous savez aujourd’hui un mariage sur deux se solde par un divorce, il y a une garde alternée, une semaine la jeune fille elle est chez sa mère, le père, donc elle peut oublier sa plaquette et on a l’accident. Autre chose, la plupart du temps les gamines ont peur que leur mère tombe sur la plaquette de pilules, donc souvent elle le cache et ça devient difficile. Aujourd’hui il y a eu des progrès, et la seule chance…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Donc tous les moyens de contraception, tous, gratuits, on est bien d’accord ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Ca devrait être gratuit pour toutes les jeunes filles.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et anonyme.
 
JEANNETTE BOUGRAB Sauf si les parents sont … parce qu’il y a des familles où tout se passe bien.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN C’est à dire que la jeune fille va chez un pharmacien, on lui donne gratuitement la pilule ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Non, il faut une consultation. Il faut une consultation.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et la consultation est gratuite ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Oui, il faut la prévoir. C’est ce que nous proposons, parce que aujourd’hui vous avez des jeunes filles qui ont peu de revenu, parce que comme on le disait ces grossesses précoces, ces gamines… Relisez le dossier de Marie-Claire ce mois ci, c’est des gamines qui sont souvent de milieux défavorisés. Quand elles doivent payer 30 ou 40 euros… En plus la consultation … c’est impossible. Et vous savez il y a eu un testing à Nice par exemple sur la pilule du lendemain qui est gratuite pour les mineurs, qui est gratuite, vous allez chez votre pharmacien, vous pouvez avoir une pilule gratuite. L’IGV est gratuite et anonyme pour les mineurs également. Mais par contre ce qui au quotidien éviterait l’avortement eh bien on ne le rend pas gratuit et anonyme. Et quand des gamines vont demander parfois la pilule du lendemain, alors que le pharmacien est en obligation de lui donner, certains refusent, refusent par idéologie…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Jeannette BOUGRAB, est-ce que vous pensez que l’UMP partage ce point de vue ? Le gouvernement et le président de la République et candidat, ce soir ?
 
JEANNETTE BOUGRAB Ecoutez, en tout cas …. Moi ce que je peux dire c’est qu’il y a convergence de vue, il y a l’IGAS, vous savez l’inspection générale des affaires sociales qui a rendu un rapport dans ce sens, en 2010, il y a eu une position de la direction générale de la Santé, il y a eu le conseil d’analyses stratégiques, il y a eu le rapport de Bérangère POLETTI qui est quand même députée UMP, donc qui est présidente du groupe…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Non mais d’accord, mais enfin j’ai pas entendu ni le Premier ministre, ni le président candidat nous parler de ça.
 
JEANNETTE BOUGRAB C’est la raison pour laquelle on s’est saisi de ce problème, ministre de la Jeunesse, et qu’on…
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Vous voulez pousser …Aller dans ce sens.
 
JEANNETTE BOUGRAB On l’a fait, et je voulais vous remercier d’avoir reçu Boris CYRULNIK on l’a fait sur le suicide des enfants et désormais la prévention du suicide des enfants est inscrit dans le plan de prévention du suicide, et on le fait aujourd’hui sur les grossesses précoces, ça sert à ça un ministre de la Jeunesse, c’est en tout cas être utile pour les jeunes.
 
EAN-JACQUES BOURDIN Merci Jeannette BOUGRAB d’être venue nous parler de ça. JEANNETTE BOUGRAB C’est moi qui vous remercie.
 
JEAN-JACQUES BOURDIN Et je poserai la question à un autre membre de du gouvernement Roselyne BACHELOT. On verra, ancienne ministre de la Santé et aussi proche de François FILLON.
 
JEANNETTE BOUGRAB Mais je pense qu’on sera à peu près, vous le savez elle est très progressiste, on partage des idées communes, alors j’espère en tout cas qu’elle me soutiendra.
 Source : Premier ministre, Service d’Information du Gouvernement, le 24 février 2012